Re: Le nouvel athéisme
Posté : 11 avr.16, 20:14
Depuis les évènements violents que nous avons connu en 2015, évènements dus à des terroristes représentant une branche minoritaire et non représentative de l'Islam, j'ai constaté un durcissement du discours athée, allant dans le sens d'une lecture athée de la laïcité française. J'ai créé un groupe sur Facebook pour encourager le discours entre croyants de tous horizons et non-croyants. Et je ne peux que constater que les athées radicaux véhiculent des idées fausses sur le phénomène religieux, et qu'il n'est pas inutile de rappeler des points importants.
1) La religion est très ancienne, elle n'a pas seulement accompagné notre espèce, elle l'a précédé! Homo heidelbergensis ensevelissait ses morts voici plus de 300 000 ans dans une pratique aujourd'hui acceptée comme un rite funéraire. La religion et la science sont au départ des soeurs siamoises: toutes deux répondent à la curiosité naturelle de l'être humain, à son désir de comprendre le monde et de la maîtriser pour s'y sentir en sécurité et en tirer le meilleur parti. Toutes deux procèdent de l'observation, et l'ont peut affirmer que la religion naissante est une protoscience. D'ailleurs, les calendriers astronomiques très précis, réalisés par des prètres ou des mages grâce à des calculs qui sont à la base de nos mathématiques (Soleil et Lune, Vénus en Amérique du Sud, Jupiter à Babylone http://www.slate.fr/story/113347/babylo ... -europeens...) témoignent de cette sororité.
2) Il existe une idée fausse et cependant récurrente qui voudrait que les religions soient à la base des idées conservatrices. En fait, la Torah, quand elle légifère de manière assez précise, ne fait que graver dans le marbre les valeurs et les lois en vigueur au moment de sa composition. Il en est ainsi de tous les livres des Ecritures abrahamiques. Aucune religion n'a inventé le patriarcat, il s'est installé naturellement car il répondait à une nécessité. Que nombre de courants religieux aient "fossilisé" ces valeurs dont certaines sont dépassées, c'est une évidence. Il faudrait faire la part des choses, séparer le spirituel du temporel, et sans cesse ré-inscrire la foi dans son temps et dans son espace. Et même en restant dans le domaine spirituel, qui ne peut qu'être qu'universel par essence, se rappeler que notre vision change... Lorsque j'utilise le mot "Dieu", il est évident qu'il ne recouvre pas le même concept que mes ancêtres qui l'imaginaient anthropomorphe, soit en super-héros doté de pouvoirs extra-ordinaires, soit en sage barbu assis sur son nuage. Personnellement, si j'utilise encore le mot "Dieu", je sais que ce nom recouvre une réalité qui m'est inaccessible par mon intelligence.
3) De la même manière, et sans contester l'effet négatif qu'ont pu avoir des Eglises ou des Religions organisées (qui ne sont finalement que d'humaines institutions, bien moins infaillibles que ce qu'ont si souvent répétés les souverains de Saint Pierre), faire porter à ces religions la responsabilité des guerres et des violences qu'ont connues les hommes, c'est faire la confusion entre la raison première et le prétexte. Si l'on prend l'exemple des affrontements religieux qu'a connus la France, guerre contre les Cathares et plus tard contre les Protestants, il faut se rappeler que le roi de France était de légitimité divine, garantie par l'Eglise catholique. Quand des princes et des seigneurs, principalement au sud du royaume, embrassaient la nouvelle religion, c'était une manière indirecte de contester le pouvoir royal. Le peuple n'était pas très intéressé par les luttes de territoire qui ne changeaient rien à son existence, aussi la religion était le moyen idéal de le mobiliser, dans un camp comme dans l'autre. De la même manière, tous les historiens savent que la principale raison des croisades n'était pas que spirituelle: l'accès des pélerins aux lieux saints du christianisme était important, mais la première croisade a permis de libérer l'Anatolie pour le compte de Byzance, ce qui était de bonne politique, et un autre objectif, commercial celui-ci, étant d'ouvrir une route vers l'Orient sans avoir à payer l'impôt aux Turcs Séleucides.
L'histoire de l'humanité montre que les guerres sont le plus souvent des luttes de territoire et de pouvoir, des histoires internes entre les riches possédant, et que très souvent la motivation religieuse était plus un levier pour lever des troupes que la raison profonde.
Enfin, il ne faudrait pas oublier le XXième siècle et son cortège d'horreurs, dont le plus grand nombre a été commis par des états et au nom d'idéologies athées: nazisme, stalinisme, maoïsme, dictature de Pol Pot et de Corée du Nord.
4) Je finirai en rappelant que, paradoxalement, les relations entre science et religions ne sont pas aussi noires qu'on aime à l'imaginer. J'ai cité plus haut les progrès dus aux mages astronomes, il serait injuste de passer sous silence le rôle joué par l'Islam dans l'évolution de la médecine et des mathématiques. il faut rappeler aussi que la génétique, l'étude des dinosaures et la théorie du big Bang doivent beaucoup à des membres du clergé; respectivement le moine Mendel, l'abbé Baccheley et le chanoine Lemaître, le quel d'ailleurs va convaincre Pie XII de proclamer que l'Eglise reconnait la science dans sa vérité et refuse désormais la confusion des champs de la science et de la religion. Bien sûr, ce tableau ne peut taire les exactions commises au nom de la foi, les "hérétiques" pourchassés et condamnés, l'obscurantisme dans lequel les religions, dès lors qu'elles ont le pouvoir, maintiennent une civilisation. Il importe seulement d'analyser ces rapports dans leur ensemble, et, surtout, de ne pas juger une religion aujourd'hui sur ce qu'elle a fait hier.
Ces points portent sur la naissance du fait religieux et l'évolution des religions organisées. Il ne serait pas complet si l'on ne précisait pas que tout être humain, dans sa plus secrète intimité, ne peut avoir qu'un rapport individuel à la spiritualité, et que les mots, les enseignements et les dogmes, s'ils modèlent la conscience, ne l'enchainent pas. La foi (et non l'appartenance à une religion) est une option facultative dont on peut, ou pas, faire l'expérience. Mais pour celui qui sent brûler en son coeur le désir de sens et d'absolu, la liberté de conscience est totale. Les religions ont un rôle primordial en ce qu'elles transmettent la tradition. Parfois, elles peuvent donner l'impression d'être ce que, en médecine, on nomme des porteurs sains: elles transmettent la foi sans en développer les symptômes! Mais peu importe! Au bout du chemin, le croyant est seul, et il le resterait s'il ne portait au plus profond la certitude, pour reprendre les mots du théologien allemand Hans Küng, qu'il existe en l'homme quelque-chose de plus grand que l'homme.
Le dialogue entre croyants et/ou non-croyants doit s'enrichir, de part et d'autre, de vérité. Les religions peuvent être critiquées, c'est même salutaire, mais que cette critique soit fraternelle, qu'elle vienne de croyants ou de non croyants, qu'elle ne soit pas une nippe usée laissant apparaître l'intolérance. L'un des grands maux de notre monde est l'esprit de division. C'est bien là tout le contraire de ce à quoi aspire l'honnête homme qui sait, lui, que l'unité est la chance de l'humanité.
1) La religion est très ancienne, elle n'a pas seulement accompagné notre espèce, elle l'a précédé! Homo heidelbergensis ensevelissait ses morts voici plus de 300 000 ans dans une pratique aujourd'hui acceptée comme un rite funéraire. La religion et la science sont au départ des soeurs siamoises: toutes deux répondent à la curiosité naturelle de l'être humain, à son désir de comprendre le monde et de la maîtriser pour s'y sentir en sécurité et en tirer le meilleur parti. Toutes deux procèdent de l'observation, et l'ont peut affirmer que la religion naissante est une protoscience. D'ailleurs, les calendriers astronomiques très précis, réalisés par des prètres ou des mages grâce à des calculs qui sont à la base de nos mathématiques (Soleil et Lune, Vénus en Amérique du Sud, Jupiter à Babylone http://www.slate.fr/story/113347/babylo ... -europeens...) témoignent de cette sororité.
2) Il existe une idée fausse et cependant récurrente qui voudrait que les religions soient à la base des idées conservatrices. En fait, la Torah, quand elle légifère de manière assez précise, ne fait que graver dans le marbre les valeurs et les lois en vigueur au moment de sa composition. Il en est ainsi de tous les livres des Ecritures abrahamiques. Aucune religion n'a inventé le patriarcat, il s'est installé naturellement car il répondait à une nécessité. Que nombre de courants religieux aient "fossilisé" ces valeurs dont certaines sont dépassées, c'est une évidence. Il faudrait faire la part des choses, séparer le spirituel du temporel, et sans cesse ré-inscrire la foi dans son temps et dans son espace. Et même en restant dans le domaine spirituel, qui ne peut qu'être qu'universel par essence, se rappeler que notre vision change... Lorsque j'utilise le mot "Dieu", il est évident qu'il ne recouvre pas le même concept que mes ancêtres qui l'imaginaient anthropomorphe, soit en super-héros doté de pouvoirs extra-ordinaires, soit en sage barbu assis sur son nuage. Personnellement, si j'utilise encore le mot "Dieu", je sais que ce nom recouvre une réalité qui m'est inaccessible par mon intelligence.
3) De la même manière, et sans contester l'effet négatif qu'ont pu avoir des Eglises ou des Religions organisées (qui ne sont finalement que d'humaines institutions, bien moins infaillibles que ce qu'ont si souvent répétés les souverains de Saint Pierre), faire porter à ces religions la responsabilité des guerres et des violences qu'ont connues les hommes, c'est faire la confusion entre la raison première et le prétexte. Si l'on prend l'exemple des affrontements religieux qu'a connus la France, guerre contre les Cathares et plus tard contre les Protestants, il faut se rappeler que le roi de France était de légitimité divine, garantie par l'Eglise catholique. Quand des princes et des seigneurs, principalement au sud du royaume, embrassaient la nouvelle religion, c'était une manière indirecte de contester le pouvoir royal. Le peuple n'était pas très intéressé par les luttes de territoire qui ne changeaient rien à son existence, aussi la religion était le moyen idéal de le mobiliser, dans un camp comme dans l'autre. De la même manière, tous les historiens savent que la principale raison des croisades n'était pas que spirituelle: l'accès des pélerins aux lieux saints du christianisme était important, mais la première croisade a permis de libérer l'Anatolie pour le compte de Byzance, ce qui était de bonne politique, et un autre objectif, commercial celui-ci, étant d'ouvrir une route vers l'Orient sans avoir à payer l'impôt aux Turcs Séleucides.
L'histoire de l'humanité montre que les guerres sont le plus souvent des luttes de territoire et de pouvoir, des histoires internes entre les riches possédant, et que très souvent la motivation religieuse était plus un levier pour lever des troupes que la raison profonde.
Enfin, il ne faudrait pas oublier le XXième siècle et son cortège d'horreurs, dont le plus grand nombre a été commis par des états et au nom d'idéologies athées: nazisme, stalinisme, maoïsme, dictature de Pol Pot et de Corée du Nord.
4) Je finirai en rappelant que, paradoxalement, les relations entre science et religions ne sont pas aussi noires qu'on aime à l'imaginer. J'ai cité plus haut les progrès dus aux mages astronomes, il serait injuste de passer sous silence le rôle joué par l'Islam dans l'évolution de la médecine et des mathématiques. il faut rappeler aussi que la génétique, l'étude des dinosaures et la théorie du big Bang doivent beaucoup à des membres du clergé; respectivement le moine Mendel, l'abbé Baccheley et le chanoine Lemaître, le quel d'ailleurs va convaincre Pie XII de proclamer que l'Eglise reconnait la science dans sa vérité et refuse désormais la confusion des champs de la science et de la religion. Bien sûr, ce tableau ne peut taire les exactions commises au nom de la foi, les "hérétiques" pourchassés et condamnés, l'obscurantisme dans lequel les religions, dès lors qu'elles ont le pouvoir, maintiennent une civilisation. Il importe seulement d'analyser ces rapports dans leur ensemble, et, surtout, de ne pas juger une religion aujourd'hui sur ce qu'elle a fait hier.
Ces points portent sur la naissance du fait religieux et l'évolution des religions organisées. Il ne serait pas complet si l'on ne précisait pas que tout être humain, dans sa plus secrète intimité, ne peut avoir qu'un rapport individuel à la spiritualité, et que les mots, les enseignements et les dogmes, s'ils modèlent la conscience, ne l'enchainent pas. La foi (et non l'appartenance à une religion) est une option facultative dont on peut, ou pas, faire l'expérience. Mais pour celui qui sent brûler en son coeur le désir de sens et d'absolu, la liberté de conscience est totale. Les religions ont un rôle primordial en ce qu'elles transmettent la tradition. Parfois, elles peuvent donner l'impression d'être ce que, en médecine, on nomme des porteurs sains: elles transmettent la foi sans en développer les symptômes! Mais peu importe! Au bout du chemin, le croyant est seul, et il le resterait s'il ne portait au plus profond la certitude, pour reprendre les mots du théologien allemand Hans Küng, qu'il existe en l'homme quelque-chose de plus grand que l'homme.
Le dialogue entre croyants et/ou non-croyants doit s'enrichir, de part et d'autre, de vérité. Les religions peuvent être critiquées, c'est même salutaire, mais que cette critique soit fraternelle, qu'elle vienne de croyants ou de non croyants, qu'elle ne soit pas une nippe usée laissant apparaître l'intolérance. L'un des grands maux de notre monde est l'esprit de division. C'est bien là tout le contraire de ce à quoi aspire l'honnête homme qui sait, lui, que l'unité est la chance de l'humanité.