Re: 1914 on a pas fini d'en parler...
Posté : 24 mars14, 09:48
L’économie mondiale en 1914 (5/5) : l’économie a-t-elle conduit l’Europe à la guerre ?
SÉRIELa une du Petit Parisien annonçant l'assassinat du prétendant au trône des Habsbourg, François Ferdinand le 28 juin 1914./ DR
La une du Petit Parisien annonçant l'assassinat du prétendant au trône des Habsbourg, François Ferdinand le 28 juin 1914./ DR
Romaric Godin | 28/12/2013, 11:48 - 2049 mots
A l’occasion du centenaire de 1914, La Tribune vous propose un tableau de l’économie du monde huit mois avant le début de la Grande Guerre. Cinquième et dernière partie : quel rôle a joué l'économie dans la course du Vieux continent à la première guerre mondiale ?
SUR LE MÊME SUJET
L’économie mondiale en 1914 (4/5) : La crise de l’ordre ancien
L’économie mondiale en 1914 (3/5): Rule Britannia… mais pour combien de temps?
L’économie mondiale en 1914 (2/5) : l’âge d’or de la mondialisation
L’économie mondiale en 1914 (1/5) : un monde de croissance et de progrès
Progrès et tensions. C'est ainsi que l'on pourrait résumer le monde économique au début de l'année 1914. Sous la pression d'une croissance inédite, le vieux monde se craquelle, tente de se défendre et de s'adapter. Mais rien ne laisse présager pour autant qu'il s'effondrera huit mois plus tard dans un cataclysme destructeur qui épuisera les économies européennes et ce que Stefan Zweig appellera « le monde d'hier. »
La guerre : une rupture violente dans l'histoire économique européenne
A l'exception d'un court épisode dans la deuxième partie des années 1920, les taux de croissance d'avant 1914 ne reviendront en Europe que dans les années 1950. Et il faudra encore attendre vingt ou trente ans pour retrouver les niveaux Si l'on exclut la deuxième partie des années 1920, la croissance ne reviendra en Europe avec la même vigueur qu'avant la guerre qu'au début des années 1950. Et, on l'a vu, il faudra attendre la fin des années 1980 pour retrouver les mêmes niveaux de commerce international.
La surprise de l'entrée en guerre
Cette guerre destructive a surpris tout le monde après 44 ans de paix entre les grandes puissances. L'assassinat du prétendant au trône des Habsbourg, François Ferdinand le 28 juin 1914 par l'étudiant serbe Danilo Princip ne semblait, jusqu'au milieu du mois de juillet n'ouvrir qu'une nouvelle crise dans les Balkans. Mais cette région a été secouée par trois crises depuis 1908 sans qu'aucune ne dégénère en conflit généralisé. Ce sera pourtant le cas cette fois-ci.
François Ferdinand
La question de la responsabilité
Alors, dès les premiers jours du conflit, la question de ses causes et celle de la responsabilité d'un ou de plusieurs Etats dans son déclenchement a été posée. Les belligérants se sont naturellement renvoyés la balle afin de pouvoir « faire payer » l'autre à la fin de la guerre. En septembre 1915, le vice-chancelier allemand Karl Helfferich affirme sous les applaudissements des députés du Reichstag que « c'est aux instigateurs de la guerre de porter le fardeau des milliards » qu'elle aura coûté. Ce que Karl Helfferich préparait pour les alliés, ce sont ces derniers qui l'imposeront à l'Allemagne. Pour justifier le paiement de réparations, le traité de Versailles, dans son article 231 a proclamé la responsabilité unique et complète de l'Allemagne et de ses alliés dans le déclenchement de la guerre (article 231).
Lénine pointe les causes économiques
La question de la responsabilité a été l'objet ensuite d'un débat politique et historique qui n'est pas encore terminé. Un des éléments clés de ce problème de la responsabilité est celui du rôle des intérêts économiques dans la course à la guerre. La question a été posée dès 1916 par Lénine dans son ouvrage L'Impérialisme, Stade suprême du Capitalisme. Le leader russe, alors en exil expliquait, après la guerre, dans la préface aux éditions française et allemande que sur la base du « capitalisme moderne, monopoliste à l'échelle mondiale (…), les guerres impérialistes sont absolument inévitables. »
La lecture marxiste de Lénine se concentre sur la concurrence entre les intérêts des grandes puissances. « Le capitalisme a assuré une situation privilégiée à une poignée d'Etats particulièrement riches et puissants, qui pillent le monde entier par une simple « tonte des coupons. » » Soucieuses d'apporter des débouchés à leurs entreprises soumises à la loi d'airain de la baisse tendancielle du taux de profit, ces Etats sont en permanence en conflit dans ce « pillage. » Et pour sauver les profits de leurs capitalistes, les puissances impérialistes sont prêtes à en découdre militairement.
Évidemment, la lecture marxiste de Lénine a été dénoncée depuis par les historiens. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière cette tension pour l'hégémonie économique qui domine les années qui précèdent les années 1914. Mais, au-delà du débat idéologique, ce qui manque à l'analyse du leader bolchévique, c'est sans doute que ce qu'il appelle « l'impérialisme » économique n'est pas un simple pillage colonial. C'est aussi un système de dépendance et de profit mutuels entre les pays développés. C'est, rappelons-le, l'argument de Norman Angell cité précédemment, décrivant l'ineptie d'une prise de Londres par les troupes du Kaiser…
http://www.latribune.fr/actualites/econ ... erre-.html
SÉRIELa une du Petit Parisien annonçant l'assassinat du prétendant au trône des Habsbourg, François Ferdinand le 28 juin 1914./ DR
La une du Petit Parisien annonçant l'assassinat du prétendant au trône des Habsbourg, François Ferdinand le 28 juin 1914./ DR
Romaric Godin | 28/12/2013, 11:48 - 2049 mots
A l’occasion du centenaire de 1914, La Tribune vous propose un tableau de l’économie du monde huit mois avant le début de la Grande Guerre. Cinquième et dernière partie : quel rôle a joué l'économie dans la course du Vieux continent à la première guerre mondiale ?
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L’économie mondiale en 1914 (1/5) : un monde de croissance et de progrès
Progrès et tensions. C'est ainsi que l'on pourrait résumer le monde économique au début de l'année 1914. Sous la pression d'une croissance inédite, le vieux monde se craquelle, tente de se défendre et de s'adapter. Mais rien ne laisse présager pour autant qu'il s'effondrera huit mois plus tard dans un cataclysme destructeur qui épuisera les économies européennes et ce que Stefan Zweig appellera « le monde d'hier. »
La guerre : une rupture violente dans l'histoire économique européenne
A l'exception d'un court épisode dans la deuxième partie des années 1920, les taux de croissance d'avant 1914 ne reviendront en Europe que dans les années 1950. Et il faudra encore attendre vingt ou trente ans pour retrouver les niveaux Si l'on exclut la deuxième partie des années 1920, la croissance ne reviendra en Europe avec la même vigueur qu'avant la guerre qu'au début des années 1950. Et, on l'a vu, il faudra attendre la fin des années 1980 pour retrouver les mêmes niveaux de commerce international.
La surprise de l'entrée en guerre
Cette guerre destructive a surpris tout le monde après 44 ans de paix entre les grandes puissances. L'assassinat du prétendant au trône des Habsbourg, François Ferdinand le 28 juin 1914 par l'étudiant serbe Danilo Princip ne semblait, jusqu'au milieu du mois de juillet n'ouvrir qu'une nouvelle crise dans les Balkans. Mais cette région a été secouée par trois crises depuis 1908 sans qu'aucune ne dégénère en conflit généralisé. Ce sera pourtant le cas cette fois-ci.
François Ferdinand
La question de la responsabilité
Alors, dès les premiers jours du conflit, la question de ses causes et celle de la responsabilité d'un ou de plusieurs Etats dans son déclenchement a été posée. Les belligérants se sont naturellement renvoyés la balle afin de pouvoir « faire payer » l'autre à la fin de la guerre. En septembre 1915, le vice-chancelier allemand Karl Helfferich affirme sous les applaudissements des députés du Reichstag que « c'est aux instigateurs de la guerre de porter le fardeau des milliards » qu'elle aura coûté. Ce que Karl Helfferich préparait pour les alliés, ce sont ces derniers qui l'imposeront à l'Allemagne. Pour justifier le paiement de réparations, le traité de Versailles, dans son article 231 a proclamé la responsabilité unique et complète de l'Allemagne et de ses alliés dans le déclenchement de la guerre (article 231).
Lénine pointe les causes économiques
La question de la responsabilité a été l'objet ensuite d'un débat politique et historique qui n'est pas encore terminé. Un des éléments clés de ce problème de la responsabilité est celui du rôle des intérêts économiques dans la course à la guerre. La question a été posée dès 1916 par Lénine dans son ouvrage L'Impérialisme, Stade suprême du Capitalisme. Le leader russe, alors en exil expliquait, après la guerre, dans la préface aux éditions française et allemande que sur la base du « capitalisme moderne, monopoliste à l'échelle mondiale (…), les guerres impérialistes sont absolument inévitables. »
La lecture marxiste de Lénine se concentre sur la concurrence entre les intérêts des grandes puissances. « Le capitalisme a assuré une situation privilégiée à une poignée d'Etats particulièrement riches et puissants, qui pillent le monde entier par une simple « tonte des coupons. » » Soucieuses d'apporter des débouchés à leurs entreprises soumises à la loi d'airain de la baisse tendancielle du taux de profit, ces Etats sont en permanence en conflit dans ce « pillage. » Et pour sauver les profits de leurs capitalistes, les puissances impérialistes sont prêtes à en découdre militairement.
Évidemment, la lecture marxiste de Lénine a été dénoncée depuis par les historiens. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière cette tension pour l'hégémonie économique qui domine les années qui précèdent les années 1914. Mais, au-delà du débat idéologique, ce qui manque à l'analyse du leader bolchévique, c'est sans doute que ce qu'il appelle « l'impérialisme » économique n'est pas un simple pillage colonial. C'est aussi un système de dépendance et de profit mutuels entre les pays développés. C'est, rappelons-le, l'argument de Norman Angell cité précédemment, décrivant l'ineptie d'une prise de Londres par les troupes du Kaiser…
http://www.latribune.fr/actualites/econ ... erre-.html