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7 preuves de l’évolution
Cyrille Barrette est professeur de biologie à l’Université Laval (Québec) depuis 1975. Spécialiste reconnu du comportement et de l’écologie des mammifères, il a publié de nombreux articles dans plusieurs revues scientifiques de calibre international. Soucieux de partager ses réflexions et de faire prévaloir la pensée scientifique, il a collaboré activement à de nombreuses initiatives de vulgarisation scientifique auprès des jeunes et du public en général, parallèlement à ses activités de recherche et d’enseignement.
Extrait du livre « Le miroir du monde » de Cyrille Barrette
Avec l’aimable autorisation de l’auteur.
LES PREUVES DE L’ÉVOLUTION
Depuis Jean-Baptiste de Lamarck (1809), de plus en plus de scientifiques sont convaincus que l’évolution du monde vivant est un fait, c’est-à-dire que la vie a une histoire. Il n’y a aujourd’hui aucun biologiste raisonnable qui croit que la vie n’a pas d’histoire, c’est-à-dire que les espèces auraient été créées instantanément par une intervention surnaturelle. Essence du fait de l’évolution est que la vie a émergé imperceptiblement à partir de la matière non vivante et que, par la suite, les espèces se sont transformées et ont émergé les unes à partir des autres par un processus naturel. Même le pape a récemment reconnu ce fait (Jean-Paul II, 1997). Je veux souligner le fait de l’évolution, parce que le fait est souvent confondu avec la théorie. Malheureusement, le mot évolution veut dire au moins quatre choses différentes, trois qu’on considère comme valides et une qui ne l’est probablement pas. Évolution désigne un fait, mais aussi une théorie, puis un parcours, un cheminement particulier. Mais évolution signifie aussi amélioration. Ce dernier sens est sans doute utile dans le langage courant, mais à bannir du discours scientifique de la biologie de l’évolution. Nous en reparlerons plus loin.
Un mot d’abord sur notre relation avec la réalité. La condition humaine est telle que l’on ne peut être sûr de rien hors de tout doute. Il semble qu’on ne puisse échapper à ce doute métaphysique qui découle des limites inhérentes de notre cerveau et de notre raison. Mais si, à cause de ce doute, l’on refuse de considérer que l’évolution est un fait, il faudra également refuser de " croire " le fait que la terre est ronde, qu’elle tourne autour du soleil, que les continents dérivent, que l’eau est faite de deux gaz, que Napoléon a existé, etc. Nous sommes certains de la véracité de ces affirmations hors de tout doute raisonnable, et c’est amplement suffisant pour les considérer comme des faits. L’évolution de la vie est du même ordre.
Voici brièvement ce que les biologistes considèrent comme des preuves que l’évolution est un fait, hors de tout doute raisonnable. Les sept preuves que je vais présenter sont d’autant plus convaincantes qu’elles sont indépendantes les unes des autres ; elles ne sont pas sept façons de dire la même chose et, bien qu’elles soient indépendantes, elles pointent toutes dans la même direction, toutes affirment que l’évolution est un fait. En dehors du doute métaphysique, on ne peut pas espérer mieux que de posséder plusieurs preuves, indépendantes, arrivant à la même conclusion.
Pour résumer ce qui précède, voici ce que je réponds à qui affirme que l’évolution est seulement une théorie et qu’elle n’est même pas prouvée. D’abord, l’évolution n’est pas seulement une théorie, c’est aussi un fait. Ensuite, elle n’est pas prouvée hors de tout doute, mais aucune théorie ne peut l’être, même en physique. Par contre, elle est prouvée hors de tout doute raisonnable, et en ce sens elle est parmi les meilleures théories scientifiques, perfectible, mais très solide.
Une autre façon de considérer les faits présentés est de constater qu’ils sont inexplicables si on ne fait pas appel à l’évolution (Dobzhansky, 1973). En effet, l’évolution explique de nombreuses observations facilement, simplement et de manière très convaincante. De plus, la même idée d’évolution explique tous ces faits, bien qu’ils soient très disparates, concernant les molécules, l’anatomie ou la distribution géographique des espèces. C’est ce qui fait que l’évolution s’impose comme un fait indéniable. Je vais présenter comme des preuves des faits que nous pouvons voir avec nos yeux. Quand nous les interprétons, avec notre cerveau, ces faits nous parlent : ils nous disent que l’évolution est un fait.
LES PREUVES FOSSILES
Les fossiles sont très précieux parce qu’ils sont les seuls objets témoignant de l’existence de la vie passée. Cependant, ce n’est pas seulement l’existence des fossiles dans les roches qui constitue une preuve de l’évolution. En effet, on pourrait toujours dire que ces espèces fossiles ont été créées comme celles qui vivent actuellement, mais qu’elles sont simplement disparues aujourd’hui. Certains prétendent même que ces fossiles ont été créés directement dans les roches et n’ont jamais été vivants. Les fossiles démontrent l’évolution parce qu’en suivant une espèce animale quelconque, comme le cheval ou un escargot, on y voit à travers les couches géologiques successives, des plus profondes aux plus récentes, que la forme animale a changé un peu. On voit bien qu’il s’agit toujours d’un cheval, c’est la même forme générale, mais un peu modifiée ; par exemple, la troisième molaire supérieure est un peu plus grosse ou, dans le cas d’un mollusque, l’enroulement de la coquille est un peu plus serré. Donc, à mesure que le temps passe, le cheval est toujours un cheval, mais sa forme et sa taille ont changé, il a évolué. Et cela est vrai pour chacune des centaines de séquences de fossiles que l’on peut suivre sur une longue période.
Dans ces suites de fossiles, les formes intermédiaires, les " chaînons manquants " sont très importants. En effet, s’il est vrai que la vie a une histoire et que les fossiles en sont la trace, on peut alors faire des prédictions sur les caractères de ces formes intermédiaires qu’on ne connaît pas encore. Or en science, rien n’est plus convaincant que voir une prédiction confirmée. Une science qui énonce et confirme des prédictions est très robuste. En paléontologie, chaque fois qu’une telle prédiction est confirmée par l’observation, c’est-à-dire par la découverte d’un nouveau fossile jusque-là " manquant ", elle constitue une preuve de plus que l’évolution est un fait.
Voici un exemple récent concernant l’évolution des baleines. Depuis très longtemps, les biologistes affirment que les baleines actuelles sont issues de mammifères terrestres. Or, ces derniers ont quatre pattes, alors que les baleines n’ont pas de pattes arrière. Entre les deux on n’avait jamais observé de formes intermédiaires, il y avait là un trou, un " chaînon manquant ". S’il est vrai que les baleines sont le produit d’une évolution à partir de mammifères terrestres, on prédisait depuis longtemps qu’un jour, avec un peu de chance, on allait trouver des fossiles de baleines avec quatre pattes dans les couches géologiques d’environ 45 millions d’années. C’était une prédiction risquée, parce que la ressemblance entre une baleine et un ours, par exemple, sur le plan de la locomotion, est pour le moins très faible. Comme c’est une prédiction risquée, si elle est confirmée, elle constituera une preuve d’autant plus forte.
Or, au cours des dix dernières années, on a trouvé, en Égypte et au Pakistan, plusieurs espèces de baleines (Basilosaurus, Dorudon) pourvues de petites pattes arrière. Si Basilosaurus et Dorudon avaient été créées au lieu d’être le fruit de l’évolution, elles n’auraient eu aucune raison d’avoir de petites pattes ridicules et inutiles pour la marche et même pour la nage.
Cette notion de " chaînon manquant " n’a de sens que s’il est question d’une chaîne, ou d’une suite de fossiles, d’une suite d’événements constituant une histoire. La prédiction de l’existence d’une espèce Y entre les espèces X et Z ne peut être énoncée que si la vie est une chaîne continue. Sinon, il n’y aurait aucune raison qu’ait existé, entre X et Z, une espèce dont les caractères seraient intermédiaires entre ceux de X et ceux de Z, comme une baleine avec des petites pattes ou un lézard avec des plumes à mi-chemin entre les reptiles et les oiseaux. On peut faire deux autres prédictions concernant les séries temporelles de fossiles. Dans une même série, deux fossiles se ressembleront d’autant plus qu’ils sont proches l’un de l’autre dans le temps, et une espèce actuelle ressemblera davantage à un fossile récent qu’à un fossile ancien dans la même série. Ces prédictions, confirmées à des milliers d’exemplaires dans les séries de fossiles connues, peuvent sembler banales et évidentes, mais si l’évolution n’était pas un fait, les fossiles n’auraient aucune raison de se conformer à ces prédictions, ils pourraient se retrouver dans n’importe quel ordre.
Donc, si on regarde une suite de fossiles avec une attitude raisonnable et rationnelle (c’est-à-dire avec sa raison), on doit conclure qu’elle représente l’évolution d’une forme animale. Comme on connaît des centaines de ces suites de fossiles, y compris dans notre propre lignée, il n’est pas extraordinaire de conclure qu’elles constituent une preuve convaincante que les espèces ont évolué ; c’est au contraire une conclusion très raisonnable.
LES PREUVES DE L’EMBRYOLOGIE
Repartons à zéro, faisons comme si nous ne connaissions rien des fossiles ou que nous n’étions pas du tout convaincus par l’histoire des fossiles, pour bien souligner que la preuve tirée de l’embryologie est bien indépendante de celle des fossiles. Même si chaque espèce avait été créée indépendamment et à partir de rien, il n’en demeure pas moins que chaque individu adulte n’apparaît pas comme par magie instantanément et complètement formé. La vie de chaque individu commence par une seule cellule, un ovule fécondé par un spermatozoïde, un zygote. Cette cellule se divise en deux, puis chacune de ces deux cellules se divise en deux, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’un adulte complet soit formé avec tous ses organes constitués de milliards de cellules de toutes sortes. Nous pouvons tous observer cela avec nos propres yeux. Ça ne s’est pas passé il y a des millions d’années comme pour les fossiles, ça se déroule sous nos yeux tous les jours.
Ce développement individuel (l’ontogenèse, par opposition à l’évolution ou phylogenèse) est d’ailleurs un des grands " mystères " de la vie : comment cette cellule unique avec son information encodée par la molécule d’ADN dans ses chromosomes devient-elle, sans aide extérieure, un individu entier fait de milliards de cellules de dizaines de formes et de fonctions différentes, organisées en un ensemble équilibré et intégré qui fonctionne si bien ? Ce mystère livre petit à petit ses secrets à mesure qu’avance la biologie du développement.
À mesure que l’embryon se développe, il change de forme, il ne peut pas faire autrement ; pour passer d’une seule cellule à un cheval adulte, par exemple, il faut que cette chose change de forme. Si chaque espèce avait été créée indépendamment et à partir de rien, on devrait s’attendre à ce que ce changement de forme d’un zygote à un cheval adulte suive un parcours tout à fait différent de celui d’un zygote d’une autre espèce, comme celui d’une morue adulte, dont la forme est très différente de celle du cheval ; il ne devrait y avoir aucune ressemblance entre les deux (figure 1). Autrement dit, à partir du début et à chacun des moments du développement de l’embryon de cheval, on devrait observer quelque chose comme un petit cheval qui se développe, et, dans le cas de la morue, on devrait voir une petite morue qui se développe. À part le fait que les deux embryons commencent leur existence individuelle par une seule cellule, leur développement ne devrait avoir presque rien en commun puisque les deux formes adultes sont très différentes.
FIGURE 1
Deux modèles du développement des embryons de deux espèces de vertébrés
Au stade zygote, les deux espèces se ressemblent beaucoup dans leur forme dans les deux cas, l’individu n’est qu’une cellule. En A, le modèle représente l’" hypothèse " de la création : même très tôt dans leur développement (au stade 1), les deux embryons sont presque aussi différents l’un de l’autre que le seront les adultes qu’ils sont destinés à devenir. En B, le modèle représente l’évolution : même si les adultes sont très différents, les embryons qu’ils étaient se ressemblent énormément (aux stades 1 et 2). Ces ressemblances ne sont pas explicables en termes fonctionnels puisque les deux embryons se développent dans des conditions très différentes et deviennent des adultes très différents.
Or, le développement des deux embryons a beaucoup de points en commun (figure 2). Le plus frappant est probablement le fait que, à un certain stade de son développement, l’embryon de cheval présente des ébauches de fentes branchiales, comme chez la morue. Plus tard, ces structures disparaissent ou se transforment pour donner autre chose.
Aux fins d’illustration seulement, faisons comme s’il y avait deux explications possibles : la création et l’évolution (en fait, comme nous le verrons plus loin, ce ne sont pas deux hypothèses du même ordre, elles appartiennent aux discours de deux univers qui ne peuvent ni se compléter ni se faire compétition). Dans la première hypothèse, le Créateur a été capable de créer des formes adultes très différentes : morues, poules, tortues, chevaux et humains, mais en ce qui concerne leur développement, il a toujours utilisé le même chemin. Cette uniformité n’était certainement pas nécessaire : s’il était capable de créer des formes adultes aussi différentes que des morues et des chevaux, le Créateur aurait très bien pu créer des parcours de développement tout aussi différents. De plus, ce chemin n’est sûrement pas le plus efficace ; en effet, pourquoi faire passer le développement d’un cheval ou d’un humain par le stade des fentes branchiales, puisque celles-ci ne leur servent jamais à rien, ni aux embryons, ni aux adultes. C’est un détour inutile, nuisible, ni efficace ni élégant, et compliqué sans raison.