@ Cova Florian :
Tout d'abord, je tenais à vous remercier sincèrement de me répondre avec une telle attention. Je peux parfois donner l'impression de provoquer -ou je ne sais quoi d'autre- mais je pars de l'idée que je suis avant tout sur ce forum pour apprendre. Or parmi les nombreux sites que j'ai fréquenté, il m'est rarement arrivé de mener une discussion (ou du moins un début de discussion) de cette qualité. (Qualité se situant de votre côté principalement, cela s'entend).
Ceci étant dit, je suis parfaitement d'accord avec votre vision des existentialistes. J'ai évoqué Camus parce que dans le débat qui consistait à savoir si les agnostiques étaient plus raisonnables que les athées, je trouvais sa position -se passer complètement de Dieu, parce qu'il est de facto inutile- intéressante.
Cova Florian a écrit :
En effet : imaginons que nous découvrons que Dieu existe, qu'il nous a créé, et tout le tintouin. La belle affaire ! (s'exclame l'existentialiste). Que Dieu nous ait créé ne nous donne en rien une réponse à la question : qu'est-ce que le sens de la vie ? Dieu m'a créé mais j'ai toujours MOI le choix d'agir comme bon me semble. Ce n'est pas parce Dieu est là que tout s'arrange : si je choisis de suivre sa parole, c'est toujours ma décision. Je suis définitivement responsable de mes actes, même si Dieu existe (cf. là-dessus "l'Existentialisme est un Humanisme").
Nous somme parfaitement d'accord là dessus. C'est à mon sens la raison même pour laquelle les Existentialistes sont avant tout athées. Une croyance déiste semble en effet difficilement conciliable avec l'existentialisme de Sartre & Camus, à moins justement de postuler un Dieu qui n'est pas tout puissant (ce qui n'aurait plus aucun intérêt).
Je pense être d'accord là-dessus avec Sartre et Camus (comme une bonne partie de la tradition analytique, qui dit cela de façon tellement plus sobre et moins "héroïque"). La question est l'êtes-vous vraiment, vous qui écrivez :
Imaginons maintenant que l'on prouve l'existence de ce fichu Dieu. Le coût de cette hypothèse est certes élevée, mais son bénéfice serait quasiment infini : la quête de sens serait achevé, le questionnement de l'origine (Dieu se suffisant à lui-même) n'aurait plus lieu d'être, la physique serait réunifiée, le but de l'existence élucidé, les gens seraient plus attentifs à Ses commandements, etc,...
J'apprécie Sartre (enfin à l'époque j'avais trouvé laborieux la lecture de
l'être et le néant), j'admire Camus, autant pour sa poésie que pour ses idées, mais je ne me sens pas pour autant appartenir au mouvement existentialiste athée. J'essayais par mes exemple de retranscrire l'idée de Dieu véhiculée par les théistes. En ce sens, je ne suis pas les existentialistes ; le bénéfice de Dieu me semble autrement plus important qu'il peut l'être à leur yeux.
Un philosophe analytique dira la même chose en se contentant de vous faire remarquer que Hume a bien montré que de la connaissance de ce qui est ou ne peut jamais déduire ce qui doit être (un "is" n'est pas un "ought").
Je ne connais que superficiellement l'œuvre de Hume, mais si on ne peut déduire ce qui doit être (Dieu) de ce qui est (le monde, la science), alors nous ne pouvont pas non plus déduire ce qui ne doit pas être (l'athéisme revient à déduire une non existence d'un être). La position la plus cohérente serait donc de ne rien déduire, me trompe-je ?
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La seule façon de sortir l'Hypothèse Dieu de ce mauvais pas, c'est de montrer qu'elle a des avantages que son adversaire n'a pas, qu'elle explique des choses qu'elle est seul à pouvoir expliquer. C'est d'ailleurs le but de nombreux arguments déistes / théistes.
J'adhère parfaitement à votre raisonnement jusque là.
Mais voilà, il n'y a rien que cette hypothèse explique mieux que celle de la non-existence de Dieu : ni la création du monde, l'organisation de la vie. On se débrouille pas mieux avec Dieu dans les deux cas. (Le fait que je mentionne ces problèmes était donc cohérent et nécessaire et n'était pas une dispersion comme vous semblez le croire)
Je suis à ce sujet parfaitement d'accord avec Florent52, le principe anthropique fort est un bon exemple de l'avantage de l'hypothèse Dieu.
Macgregor a écrit :Si les constantes avaient été différentes, l'univers aurait aussi existé mais ne serait pas le même, une forme de vie aurait aussi très bien pu exister mais de manière différente.
C'est un peu comme quand l'on résout des équations différentielles et que l'on définit les constantes d'intégration, selon celles-ci on peut avoir toute une gamme de solutions différentes...
Il semblerait que si une seule de ces constantes avait eu une différence, aussi infime fût-elle, l'existence n'aurait pu être viable. La raison ? Les métaphysiciens pensent que ces constantes fondamentales sont dépendantes d'une seul et même équation (la fameuse Grande Equation des physicalistes). Ceci expliquerait pourquoi elles ne peuvent pas être différentes.
Il y a bien d'autres exemple de l'avantage aujourd'hui de l'hypothèse Dieu. Pensez notamment à l'impasse dans laquelle se trouve la physique aujourd'hui. Deux théories en complète opposition (la physique quantique et la relativité générale) qui remplissent pourtant chacune parfaitement leur rôle prédictif à des niveaux d'échelle différent !
La seule piste viable est la théorie des cordes qui postule 11 dimensions et qui doit être comprise, et j'exagère à peine, par 4 personnes à travers le monde. (La science a-t-elle déjà atteint les limites de la compréhension humaine ? Si c'est le cas, l'hypothèse Dieu n'en devient que plus utile.)
Plus naïvement : comment l'univers a-t-il jailli du néant ? Comment d'un ensemble chaotique peut émerger une conscience (nous) capable de saisir la perfection et l'absolu ?
Je lisais un interview d'un physicien quantique qui disait : Depuis les lumières, jamais la science ne s'est retrouvée aussi proche du questionnement spirituel.
La physique quantique, purement prédictive ; on a renoncé à la comprendre, offre aujourd'hui des
espaces libres dans lesquels il est redevenu raisonnable de placer Dieu.
Cova Florian a écrit :
J'ai dit ailleurs sur ce forum qu'il était à une époque raisonnable de croire en Dieu, parce que nous ne disposions pas de la théorie de l'évolution. Elle est là aujourd'hui. Et je soutiens qu'il est aujourd'hui beaucoup plus raisonnable d'adopter l'hypothèse selon laquelle Dieu n'existe pas. Et qu'il n'est pas plus raisonnable de croire en Dieu, de toute façon, qu'au Grand Spaghetti Volant.
Je m'étonne souvent de la popularité de la théorie de l'évolution chez certains athées. Alors que, vous excuserez cet affront, elle reste cloisonnée dans le monde de la biologie. C'est certes une des théories scientifiques les plus puissantes de notre temps (ça doit faire bientôt 200 ans que tient ce modèle) mais il n'est pas non plus le Graal de la science. L'évolution darwinienne (je disais ailleurs sur ce forum qu'il est plus juste de parler DES théories de l'évolution, mais vous semblez faire référence à celle-ci en particulier) n'explique pas l'apparition de la vie, ni comment celle-ci évoluevers la conscience transcendante que l'on connaît chez l'homme. (La première faille se trouve en dehors de la portée de ces théories et la deuxième serait peut être bientôt élucidée par les neurobiologistes).
Se passer de l'hypothèse de Dieu uniquement parce que l'évolution de la vie est élucidé est à mon sens précipité.
À noté encore que la force du théisme est justement de se situer au-delà de ce questionnement (et revoilà le NOMA). Même si la science parvenait à tout expliquer, les théistes/déistes s'en sortiraient encore en plaçant Dieu au delà de la science, comme je l'expliquais avec mon analogie des ensembles mathématiques.
J'en reste convaincu : croire en Dieu -de manière non-fondamentaliste- est un choix qui n'est ni contestable ni moins raisonnable que la voie de l'athéisme. Voilà pourquoi je me fais aujourd'hui l'avocat du diable et tente tant bien que mal de défendre la vision théiste du monde.