Florent52 a écrit :... mais d'un hadith mentionnée par El Khatib el Baghdadi dans son livre, "l'Histoire de Bagdad", transmit par Yahya ibn el 'Ala, qui a dit :
"Leyth nous a rapporté, d'après 'Ata, d'après Abu Rabah, d'après Jabir, que le Prophète (saws) en revenant d'une de ses batailles leur a dit : "Nous revenons saints et saufs, nous rentrons du Jihad Asghar (petit jihad) vers le Jihad Akbar (grand Jihad). Les compagnons demandèrent : Ô Prophète, quel Jihad peut il être plus grand que celui que l'ont vient d'accomplir ? Il répondit : Le Jihad (la lutte, l'effort) d'un serviteur (d'Allah) contre ses propre désirs". [Tarikh el Baghadadi 13/49]
Or, il y a plusieurs critiques très nets que l'on peut adresser à cette distinction :
Voyons voir
Florent52 a écrit :1) Le hadith lui-même est considéré comme faible. Par exemple, Abu Ya'la el Khalili a dit à propos de ce narrateur : "Il se trompait souvent, était peu fiable et relatait des ahadith inconnus." [Mashariul ' eshwaq ila Masuril ' Ushshaq 1/31]
Ibn Hajar el 'Asqalani a dit de lui dans Et-taqrib : "Il a été accusé de forger des Ahadith."
En fait ton argumentation visant à réduire les notions de grand et de petit Djihad, tu t'attaques à sa personne, pour invalider son propos et amener le lecteur à conclure à tes vues.
Florent52 a écrit :2) Ce hadith contredit clairement des passages du coran mettant en tête le combat contre l'ennemi. Par exemple :
"Ne sont pas égaux ceux des croyants qui restent chez eux - sauf ceux qui ont quelques infirmités - et ceux qui luttent corps et biens dans le sentier d'Allah. Allah donne à ceux qui luttent corps et biens un grade d'excellence sur ceux qui restent chez eux. Et à chacun Allah a promis la meilleure récompense; et Allah a mis les combattants au-dessus des non combattants en leur accordant une rétribution immense; des grades de supériorité de Sa part ainsi qu'un pardon et une miséricorde. Allah est Pardonneur et Miséricordieux"[Sourate En-Nisa' 4:95-96]
Voici l'exemple même de ce que je dénonce dans les traductions du Coran : un sens apporté (le combat considéré contre l'ennemi dans une vision qui ne concerne que celui-ci)) qui n'existe pas dans l'original. Quelle version du Coran utilise-tu ? Voyons la traduction d'André Chouraqui de ces versets :
André Chouraqui a écrit :4.95. Parmi les adhérents, les oisifs, sauf les infirmes, n’égalent pas les zélés sur le sentier d’Allah en leurs biens et leurs êtres. Allah favorise les zélés en leurs biens et leurs êtres, à un plus haut degré que les oisifs. Allah les voue tous à l’excellence. Allah favorise les zélés, davantage que les oisifs, leur donnant un salaire grandiose,
4.96. en ses degrés, absolution et matrices: Allah est clément, matriciel.
Et on ne peut pas taxer André Chouraqui d'être musulman, et donc de vouloir favoriser l'Islam.
Et si nous prenons le verset qui précède (le 4.94), on se rend compte que Mahomet nous parle bien de cette notion de grand djihad adressé à l'individu et à la valeur qu'elle doit prendre par rapport au petit djihad qui est le combat contre l'ennemi.
André Chouraqui a écrit :4.94. Ohé, ceux qui adhèrent, quand vous vous battez sur le sentier d’Allah, discernez. Ne dites pas, à qui vous offre la paix: «Tu n’es pas un adhérent!» Vous atteindriez l’éphémère de la vie de ce monde. Or chez Allah le butin est multiple. Ainsi étiez-vous auparavant, mais Allah vous a comblés: discernez! Voici, Allah est informé de ce que vous faites.
On voit dans ce verset que l'ennemi est respecté, et que même sa non-adhérence ne justifie pas le combat jusqu'à la mort de l'ennemi. Le combat doit avoir un sens, et c'est un appel au
discernement sur ce point que fait Mahomet. Alors le sens du verset 4.95 devient tout autre que celui que tu proposes, et c'est la recherche d'un mieux-être moral chez le combattant qui doit être pris en compte plutôt que celui du courage au combat. Le oisif, ici, n'est pas un frileux au combat, mais bien un frileux à la réflexion qui agit sans discernement. La guerre, c'est à dire, l'affrontement entre les créatures de Dieu, qu'elles adhèrent ou pas dans l'Islam, ne peut avoir de sens que dans une proposition de valeurs meilleures que celui du simple rapport de force. C'est ce que moi j'y vois, mais il est vrai que je vois dans l'Islam un humanisme pragmatique, et non un affrontement des contraires.
Florent52 a écrit : 3) Ce hadith contredit des hadiths jugés autentiques comme par exemple : "Un matin ou un soir passez [dans le combat] fi sabilillah est meilleurs que le monde et tout ce qu'il contient. " [Boukhari wa Mouslim]
De quel combat s'agit-il ? Celui du rapport de force ou celui de la mise en contradiction des valeurs ? Comme en bon nietzschéen, s'opposant, sans cesse, à ce qui n'est pas lui, tu ne vois dans la définition du combat qu'une opposition à l'individualité que tu veux triomphante, tu ne crois pas dans la valeur d'un surhomme social qui met sa force au service du plus faible pour le hisser au dessus de sa condition et non pour l'enfoncer.
Florent52 a écrit :Ou encore :
"D'après Abu Hureyrah, on a demandé au Prophète (saws) : 'Ô Messager d'Allah ! Quel acte pourrait être équivalent au Jihad fi sabilillah ? ' Il (saws) répondit : "Vous n'auriez pas la force de faire cet acte"
Ils répétèrent la questions deux ou trois fois et à chaque fois le Prophète répondait : "Vous n'auriez pas la force de faire cet acte". Lorsque la question fut prononcé pour la troisième fois, le Prophète répondit : "Celui qui sort pour le Jihad est semblable à une personne qui continu de jeûner et qui se tient debout dans la prière constamment, obéissant aux versets d'Allah et ne montrant aucune lassitude pour son jeûne et sa prière jusqu'à ce que le Moujahid reviennent du champs de bataille" (Rapporté par Mouslim 4636)
S'agit-il d'un fanatique se sacrifiant ou d'un être conservant à sa pensée la cohérence islamique, c'est à dire une perception du combat passant par le filtre du musulman pacifié en lui-même et agissant en cohérence avec ce filtre qui s'impose à lui comme une priorité au dessus de toute autre?
Florent52 a écrit :4) Enfin ce hadith du grand et du petit djihad contredit la logique car il n'y a pas vraiment de sens à qualifier de "petit" djihad celui qui consiste à lutter violemment les armes à la main contre les ennemis d'Allah, puisque celui qui fait cela doit aussi faire le djihad consistant à lutter contre ses passions et démons intérieurs. Celui qui fait le "petit" djihad fait les deux alors que celui qui fait celui qui serait soi-disant qualifié de "grand" n'en fait qu'un seul, et comparativement un qui est moins pénible que d'aller au combat physique.
Point de vue individualiste. Le but du combat n'est pas de tuer l'ennemi, mais de le convaincre que la paix d'Allah est meilleur que son combat. En quoi "lutter violemment" représente-t-il une meilleur dépense d'énergie que celle consacré à lutter contre ses propres contradictions? Le point de vue de l'Islam est d'amener l'individu à la récompense promise par le travail sur lui-même, mais pas au prix de la violence faite à l'autre (ce n'est pas la lutte du panier de crabe). Le rapport de force n'existe que parce c'est une option qui se présente, mais dans un monde pacifié par l'Islam, où la force des valeurs des adhérents s'impose de facto à celle des individualistes. La réalité n'est pas que celle de l'individualiste, c'est surtout la mise en relation de l'individu avec tout ce qui n'est pas lui. Et là est clairement la vision de Mahomet. Un individualiste n'y trouvera pas son bonheur, mais comment un individualiste pourrait-il trouver son bonheur puisqu'il est sans cesse à devoir lutter contre tout l'univers qui s'oppose à sa liberté.
Florent52 a écrit :Tout cela montre donc clairement que ton affirmation concernant le petit et le grand djihad est non seulement mal défendue mais visiblement mal renseignée et mal réfléchie.
Question de point de vue, et le mien vaut bien le tien. Ton point de vue est individualiste, et le mien humaniste. Nous fêtons, en ces temps-ci, l'anniversaire des 60 ans de
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Lisons son premier article qui conditionne tout les autres :
DUDH a écrit :Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Qu'est-ce que l'esprit de fraternité, si ce n'est celui d'une liberté qui n'exclut pas celle de l'autre ? En lisant le Coran, j'y ai trouvé le même type de proposition, à ceci près, que le Coran précise que cet esprit de fraternité ne peut s'obtenir sur la seule déclaration de son adhérence, mais par un travail effectif au sein de la communauté et d'un travail sur soi-même. Il affirme également que tous les êtres humains sont égaux en droit, mais que si il n'existe aucune hiérarchie dans l'Islam, il en existe bien une qui est celle de la guidance de celui qui sait par rapport à l'ignorant. La reconnaissance de ce savoir étant donnée par la communauté et non par une prise du pouvoir. Sans cesse, le Coran rappelle la nécessité de la raison et de la conscience.
Maintenant, cela n'exclut pas que la raison et la conscience soit corruptible. 60 ans après la DUDH, on se rend compte qu'elle ne reste qu'une déclaration de bonnes intentions. Il en est de même de l'Islam. La faute aux individualistes. Il n'empêche que la majorité de l'humanité aspire à l'inscription dans sa vie réelle de cette promesse que représente "l'esprit de fraternité". Il en est de même des musulmans. Je déplore que ceux qui croient à l'esprit de la DUDH et aux vraies valeurs de l'Islam, se taisent, et par ce silence, collaborent aux indignités que vivent les êtres humains. Si les êtres humains ne se taisaient pas, les individualistes, opportunistes par définition, ne glaneraient pas autant de victoires.
"Liberté, Égalité, Fraternité"!! Cette devise est inscrite sur les frontons de la République française, mais qu'en est-il vraiment lorsque chacun y lit : "Ma liberté d'abord, je suis plus égal que les autres, la fraternité, quelle rigolade".
Le petit et le grand djihad se déduit avant tout de l'adhésion d'un individu instruit qui s'inscrit dans un idéal commun à tous les êtres humains.
Ce post n'est pas une conclusion définitive sur le sujet, bien entendu, puisqu'il appelle un droit de réponse, mais vous pouvez déjà en déduire que toutes mes réponses iront dans ce sens. Je ne suis pas musulman au sens religieux, mais bien au sens philosophique puisqu'après avoir fait l'effort d'avoir lu le Coran, j'y ai trouvé également tout ce qui fait la valeur de l'humanisme, l'esprit de solidarité. Celui de la libre pensée également, puisque le Coran appelle à une réflexion dynamique et non figée, et à l'effort sur soi-même.