Posté : 18 mai09, 22:14
merci de ta réponse c'est ce que je voulais savoir.
Forum Inter-Religieux de sociologie religieuse francophones
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Salut! Je serais d'accord pour dire que le politique a été décisif dans l'officialisation du schisme au sein de l'Église chalcédonienne. On peut quand même affirmer qu'il était plus ou moins latent au niveau théologique, mais pas déterminant. En effet, le filioque était perçu par certains comme un theologoumenon occidental (je veux dire par là une proposition théologique, comme les Limbes l'ont longtemps été dans le catholicisme). Pour beaucoup d'autres, comme la conséquence d'une méprise sur les écrits des Pères relatifs à la Trinité. C'est le politique qui a transformé un quasi désaccord dogmatique en suspens, en dogme non négociable et indestructible. Et là, la responsabilité occidentale est immense, car le rôle de Charlemagne est primordial à ce niveau. D'ailleurs tu l'as toi-même reconnu plus loin...Olivier C a écrit :Je dirais que les différents qui ont conduits au schisme entre catholiques et orthodoxes sont d'ordre politique, même si des arguments théologiques (comme le filioque) ou liturgique (comme le pain azyme ou non pour l'eucharistie) ont été utilisées pour alimenter la querelle.
Ce qui est écrit là est vraiment plus que caricatural: c'est quasiment noyer le poisson en relativisant tout au maximum, en s'appuyant sur une théorisation d'évènements, qui est à vrai dire plus que fumeuse. Si c'est Jean-Michel Garrigues à l'origine de tels propos, son livre est vraiment à prendre avec des pincettes, sinon à éviter... On croit rêver!Olivier C a écrit :A propos du filioque :
Sachez au préalable que le problème principal se situe au niveau du terme "procedit" (procession) et de son interprétation.
Pour simplifier à l'extrême :
- les orthodoxes ont élaborés leur doctrine trinitaire dans un contexte d'hérésie arienne (hiérarchie des trois hypostases divines), en réaction à cette hérésie ils ont eu donc tendance à "unifier" les trois personnes de la Trinité.
- les catholiques ont élaborés leur doctrine trinitaire dans un contexte d'hérésie modaliste (une même hypostase avec trois visages différents), en réaction à cette hérésie ils ont eu donc tendance à distinguer les trois personnes de la Trinité.
- Ensuite incompréhension de part et d'autre... Le problème est que les théologiens orthodoxes et catholiques ont eu la tentation de "dogmatiser" leur théologies respectives, sans prendre en compte le mode d'élaboration de la théologie de l'autre tradition...
Il n'est pas question de règlement de compte, il s'agit simplement de respect de la Vraie Tradition. Ceux qui ne la respectent pas doivent être dénoncés: ainsi en est-il des catholiques avec le filioque. Car la Tradition basée sur les conciles est claire depuis toujours: l'insertion du filioque au Credo s'oppose à la décision du 3e concile œcuménique d'Ephèse de 431, où les Pères avaient décidé de sceller le Credo et de n'y rien ajouter ni retrancher. Les explications théologiques qu'on en ferait ultérieurement ne pourraient plus y être incorporées. Ce concile d'Ephèse confirme le concile œcuménique de Nicée-Constantinople, où le Credo était rédigé suivant les termes du texte évangélique de Jean 15v26. Le 4e concile œcuménique de Chalcédoine va dans le même sens que celui d'Ephèse et jette l'anathème sur ceux qui oseraient y contrevenir, en composant une autre fois. C'est-à-dire un autre texte du Credo tel que reçu par celui de Nicée-Constantinople. Saint Cyrille d'Alexandrie, participant au 3e concile oecuménique, a donné toutes les explications sur cette interdiction dans sa lettre à Jean d'Antioche: "... Nous n'acceptons en aucune manière de voir ébranlée la foi, c'est-à-dire le symbole de la foi que nos Pères ont exposés, et nous n'autorisons ni nous-même ni personne d'autre à changer un mot qui s'y trouve, voire même à en laisser tomber la moindre syllabe, nous souvenant de Celui qui a dit: 'Tu ne déplaceras pas les bornes éternelles que tes Pères ont fixées' (Deut. 19v14) Car ce n'était pas eux qui parlaient, mais l'Esprit de Dieu le Père, qui procède de Lui et qui n'est pas étranger au Fils selon l'essence ..."Olivier C a écrit :Les catholiques ont effectivement rajouté "et du fils" au credo (Charlemagne aidera à répandre le credo ainsi retouché dans tout son empire par soucis d'unifier les territoires sous son contrôle dans une même fois). Les orthodoxes ne pardonneront pas aux catholiques d'avoir retouché ainsi le credo de Nicé-Constantinople.
Pour ma part, en ce qui concerne sa "résolution", c'est loin d'être sûr! Jean Paul II a bien reflété cette ignorance du passé orthodoxe de son église, comme beaucoup de catholiques à ce qu'il me semble, lorsqu'en allant visiter le patriarche de Constantinople, il trouva normal de réciter le Credo en grec sans filioque et le Credo en latin avec filioque! C'est pour un orthodoxe une véritable schizophrénie spirituelle, vu que le Credo validé par les conciles ne répond qu'à une vérité historique, celle que défend les orthodoxes et qui a été conservée par la Tradition de leur Église. Prononcer le Credo avec le filioque, sachant ce que j'ai rappelé, est un véritable blasphème contre l'Esprit Saint. On peut excuser l'ignorance, mais dire qu'à partir de là, tout va pour le meilleur des mondes, c'est prendre ses désirs pour des réalités!...Olivier C a écrit :Au final, le problème du filioque entre catholique et orthodoxe est simplement un problème d'approche théologique et est donc en passe d'être "résolu" entre ces deux églises (un peu comme l'accord récent entre l'Église catholiques et certaines église protestantes sur la foi et les œuvres).
Oui mais il y a d'autres théologiens qui constituent des freins. On en entend moins parler mais ils existent. Il n'y a quà ouvrir le catéchisme de l'Église Catholique pour s'en rendre compte. Dans ce dernier y est encore attesté une ecclésiologie étrangère à la Véritable Tradition. Rien n'est donc gagné pour un accord à ce sujet, même si de vraies avancées existent...Olivier C a écrit :Un autre domaine important de désaccord concerne l'écclesiologie. Mais là aussi je suis assez optimiste : L'Eglise catholique a connue de grande avancée dans sa compréhension de ce qu'est l'Eglise ces 50 dernières années, notamment grâce à la contribution de théologiens comme De Lubac ou Congar (mais vu l'heure qu'il est je vais en rester là !).
Merci pour ton fair play et ton honnêteté. Effectivement, je me suis replongé dans mes bouquins (on va dire que j'ai une petite "bibliothèque" chez moi), et ce avec plaisir, car c'était pour moi l'occasion de mettre à plat ce que je sais et ce que j'ai archivé ici ou là à propos de tel ou tel sujet qui m'intéresse, et l'occasion m'était donné de pouvoir dire les choses clairement à propos du filioque sur un forum inter religieux. Ça m'agace parfois cet optimisme béat et ce relativisme tout imprégné d'ignorance sur ce sujet, ainsi que pour ce qui est du rapprochement catholico-orthodoxe. On réduit les différences entre ces deux dénominations à la seule place du Pape dans l'Église, et le filioque c'est de la rigolade en fin de compte... Je ne dis pas que toi tu reflètes cela, mais mettre les choses par écrit sur un forum me permet de dire les choses telles qu'elles sont, et non pas telles que l'on veut qu'elles soient... Pour que les aveugles puissent voir? Espérons...Olivier C a écrit :Eh ben ! Ça m'apprendra à vouloir parler d'un sujet que je ne maîtrise que très imparfaitement...
Je suis impressionné devant l'avalanche de tes précisions totcapt. Moi pour écrire un post d'une telle précision il me faut me remémorer un maximum de notes et me replonger dans mes bouquins. Mais sans vérifier je reconnais bien dans le tableau que tu viens de dresser les origines dogmatiques telles que je les aies "survolées" (Du coup j'ose pas dire plus ! Je crois que je vais rester sur ce site, c'est stimulant de parler avec des gens comme ça...).
Je reconnais d'autre part mon excès d'optimisme dans le dialogue catholique-orthodoxe...
C'est que j'ai tellement de choses à lire de mon côté... Et les ouvrages fait par des catholiques, surtout pour ce qui est de la théologie, tu comprends bien que ce n'est pas ma priorité. Mais à l'occasion, je n'ai rien contre le fait d'y jeter un œil. Mais déjà je dois me replonger bientôt de nouveau dans les "Ambigua" de Saint Maxime le Confesseur (entre autres), et crois-moi, si il y a un Proust chez les mystiques chrétiens qui soit si peu facile à lire, c'est bien lui avec cet ouvrage...Olivier C a écrit :Je n'ai pas encore pris le temps de "digérer" ton message (si jamais j'en suis capable un jour !). Cependant vu ton niveau d'érudition je me permet de te proposer de lire le livre du Père Garrigues que j'ai proposé plus haut. Si tu penses qu'il est mauvais c'est certainement parce que je l'ai mal présenté, en tout cas il fait référence pour les théologiens catholiques. J'aimerai savoir ce que tu en penses (problème : il est introuvable sauf en bibliothèque spécialisée).
Oh il y en a beaucoup pour un orthodoxe: le pape qui est conçu comme "... fondement de l'unité des évêques, soit la multitude des fidèles ... Le Pontife romain a sur l'Église [...] un pouvoir plénier, suprême ..." (§ 882); il n'y a d'église universelle que si elle est en communion exclusive avec le successeur de Pierre (§ 833; § 816); le pape est supérieur aux conciles œcuméniques (§ 884). Or ces principes contredisent aussi bien les Écritures, les commentaires des Pères, les canons des conciles œcuméniques que le mode d'organisation de l'Église ancienne, attestée par l'Histoire...Olivier C a écrit :PS : A propos de l'ecclésiologie, pense à me donner tes références du Catéchisme de l'Église Catholique où tu dis qu'il est "attesté une ecclésiologie étrangère à la Véritable Tradition", j'y jetterai un coup d'œil.
Peut-être une autre fois alors, qui sait... Mes salutations pareillement! Signé: le sympathisant orthodoxe du forum!Olivier C a écrit :Voilà, c'est tout pour l'instant, je m'incline. Je n'ai pas suffisamment étudié la question pour pouvoir dialoguer avec toi sur ce point. Une autre fois peut-être ? Salutation. Olivier.