POURQUOI les créationnistes ou partisans du "dessein intelligent » le sont-ils ? Ont-ils vraiment choisi de l’être ?
Pourquoi sont-ils manifestement imperméables à toute argumentation rationnelle et scientifique et ne changent-ils jamais d’avis ?
Pourquoi des scientifiques croyants, ne pouvant plus contester le fait de l’Evolution, tentent-ils de faire du « dessein intelligent » une « théorie scientifique" digne d'être enseignée au même titre que la théorie de l’évolutionnisme, alors qu’il s’agit d’une croyance ?
Pourquoi veulent-ils à tout prix tenter de concilier la foi et la raison, la religion et la science ?
Je propose quelques hypothèses explicatives. Notamment :
- parce que la plupart des humains supportent mal les incertitudes métaphysiques imaginaires et qu’ils ont besoin d’explications immédiates et sécurisantes.
-parce que la notion de commencement, et donc de création, est anthropomorphique et sécurisante.
- parce qu’il est difficile, à notre échelle moins que centenaire, de se représenter l'influence que des centaines de millions d'années a eue sur l' Evolution, ce qui explique pourtant la complexification du vivant et la variétés des espèces.
- parce que, comme l’a dit le Pasteur évangélique Philippe HUBINON à la RTBF :
« S’il n’y a pas eu création, tout le reste s’écroule ! » … (donc aussi Dieu, etc … !).
- mais sans doute aussi, voire surtout, à cause des influences éducatives inconscientes, même chez des scientifiques par ailleurs éminents.
En effet, par orgueil et méconnaissance des « mécanismes » cérébraux, ils ne semblent pas avoir envisagé un seul instant que leur éducation religieuse et leur milieu croyant unilatéral aient pu laisser des traces indélébiles dans leur cerveau émotionnel, au point d’influencer leur cerveau rationnel et d’anesthésier leur esprit critique, indépendamment de leur intelligence et de leur intellect, dès qu’il est question de religion.
Comme l’a écrit le neurobiologiste Henri LABORIT : " (...) Je suis effrayé par les automatismes qu'il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d'un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d'adulte, une chance exceptionnelle pour s'en détacher, s'il y parvient jamais.(...) Vous n'êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu'on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c'est une illusion, la liberté ! ».
Or, c'est, me semble-t-il, un fait d’observation sociologique : statistiquement, la liberté de croire ou de ne pas croire est souvent compromise, à des degrés divers, par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents, confortée par l’influence d’un milieu culturel unilatéral puisqu’il exclut toute alternative laïque non aliénante et qu’il incite, à des degrés divers, à la soumission à une « Vérité » exclusive et dès lors intolérante.
L’éducation coranique en témoigne hélas à 99,99 % …
La soumission religieuse s’explique : après Desmond MORRIS qui l’avait pressenti en 1968, dans « Le Singe Nu » (dominant/dominé), Richard DAWKINS estime, dans « Pour en finir avec dieu », que du temps des premiers hominidés, le petit de l’homme n’aurait jamais pu survivre si l’Evolution n'avait pas pourvu son cerveau tout à fait immature de gènes le rendant dépendant et totalement soumis à ses parents (et donc plus tard à un dieu … !).
Dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, a montré, sans doute à son grand dam, qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas spontanément, et que la religiosité à l’âge adulte en dépend. Son successeur actuel, le professeur Vassilis SAROGLOU, le confirme. Ce nouveau mécanisme de défense, animiste du temps des premiers hominidés, puis polythéiste, n’est apparu que grâce à la capacité évolutive du seul cortex préfrontal humain, hypertrophié, à imaginer, grâce au langage et par anthropomorphisme, un « Père protecteur, substitutif et agrandi », fût-il de nos jours qualifié, par rationalisation a posteriori, de « Présence Opérante du Tout-Autre »(A. Vergote).
Des neurophysiologistes ont par ailleurs constaté que chez le petit enfant, alors que les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures, les amygdales (celles du cerveau émotionnel) sont déjà capables, dès l’âge de 2 ou 3 ans, de stocker des souvenirs inconscients (donc notamment ceux des prières, des cérémonies, des comportements religieux des parents, …, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. Ces « traces » neuronales, renforcées par la « plasticité synaptique », sont indélébiles …
L’ IRM fonctionnelle confirme que le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent anesthésiés à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins dès qu’il est question de religion.
On comprend que, dans ces conditions, certains athées comme Richard DAWKINS, ou certains agnostiques, comme Henri LABORIT, au risque de paraître intolérants, aient perçu l’éducation religieuse précoce, bien qu’a priori sincère et de « bonne foi », comme une malhonnêteté intellectuelle et morale.
Pourtant, bien que les religions, et a fortiori leurs dérives (guerres religieuses, inégalité des femmes, excisions, …) soient plus nocives que bénéfiques à tous points de vue, il va de soi que la croyance en l’existence subjective de « Dieu », restera toujours un droit légitime et d’autant plus respectable qu’elle aura été choisie en connaissance de cause, plutôt qu’imposée précocement.
Puisse l’avenir favoriser l’avènement d’un système éducatif fondé sur un humanisme, non pas athée mais laïque car non prosélyte, qui permettrait à chacun de choisir aussi librement que possible de croire ou de ne pas croire.
Michel THYS à Waterloo.
michelthys@base.be http://michel.thys.over-blog.org
Références bibliographiques.
Mes hypothèses explicatives quant à l’origine psychologique et éducative de la foi, ainsi qu’à sa fréquente persistance neuronale, sont le résultat de nombreuses lectures. Notamment :
- Antoine VERGOTE, chanoine, « Psychologie religieuse », du, Ed. Dessart 1966,
ancien professeur à l’Université catholique de Louvain.1966.
- Vassilis SAROGLOU (son successeur) & HUTSEBAUT, D
« Religion et développement humain »,. 2001.
- - Patrick JEAN-BAPTISTE « La biologie de dieu » 2003 Agnès Viénot 2003.
- Jean-Didier VINCENT « Voyage extraordinaire au centre du cerveau » O. Jacob 2007.
- V.S. RAMACHANDRAN « Le fantôme intérieur ». Odile Jacob 2002.
- Jean-Pierre CHANGEUX « L’homme neuronal »1993, « L’homme de vérité » 1994
- Pascal BOYER « Et l’homme créa les dieux ».
- Antonio DAMASIO « L’erreur de Descartes »2001 et « Spinoza avait raison’.
- Henri LABORIT « Une vie » 1996 « Derniers entretiens »
- Mario BEAUREGARD « Du cerveau à Dieu » « The spiritual brain »
- Michaël PERSINGER « On the possibility of directly accessing every human brain by
electromagnetic induction of fundamental algorythms ».1995.
- Paul D. Mac LEAN « Les trois cerveaux de l’homme » 1990.
- Joseph LEDOUX « Emotion, mémoire et cerveau » 1994.
- John SAVER & John RABIN « The neural substrates of religion experience » 1997.
- Francis CRICK « Une vie à découvrir »
- Via Internet : « Le cerveau à tous les niveaux ».
Etc.