Tout le monde est cense connaitre la loi
Oui, la société Watchtower connaît la "loi". Dans les brochures qu'elle reçut annuellement de la part du Département de l'Information après 1996, la mention suivante était clairement indiquée:
" L'association des ONG avec le Département de l'information ne constitue pas une incorporation au sein du système des Nations Unies et ne confère pas de privilège, immunité ou statut spécial aux ONG associées ou à leur personnel"
Quelles responsabilités incombaient alors aux ONG?
"
Les ONG associées sont sensées consacrer une partie de leurs programmes d'information à la promotion de la connaissances des principes et des activités de l'ONU. De plus les ONG sont sensées tenir la Section des ONG du Département au courant de leurs activités en lui faisant parvenir regulièrement des échantillons de leurs matériaux d'information relatifs aux travaux de l'ONU. Ces informations sont mises à la disposition des lecteurs au Centre de Ressources du Département de l'information".
'Promouvoir la connaissance des principes et des activités de l'ONU' contredit-il les principes de neutralité politique auxquels adhèrent les Témoins de Jéhovah? Non, pas plus que partager les idéaux de la Charte de l'Organisation des Nations Unies . Les Témoins de Jéhovah sont connus dans le monde entier pour le caractère philanthropique de leur oeuvre d'enseignement. Des millions de personnes ont appris, grâce à cette oeuvre, à vivre en paix avec leurs semblables. Des millions de personnes ont bénéficié des opérations de secours organisées en maints endroits du globe dans un but humanitaire. Les Témoins de Jéhovah coopérent bien souvent avec certaines autorités. Cela ne va pas à l'encontre de leurs principes. Au contraire, ils obéissent au commandement apostolique suivant:
"
Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n'y a pas d'autorité si ce n'est de par Dieu ; les autorités qui existent se trouvent placées de par Dieu dans leurs positions relatives. C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité s'est opposé à la disposition de Dieu ; ceux qui s'y sont opposés recevront un jugement pour eux-mêmes" - Romains 13:1,2
Même si les chrétiens se "soumettent " aux autorités gouvernementales, même s'ils doivent les "honorer " (Tite 3:1; 1 Pierre 2:17), cela ne signifie pas qu'ils doivent leur obéir et les soutenir en toutes circonstances. Commentant Romains 13:1, le bibliste A. Barnes fait remarquer, à propos des gouvernements: "
S'ils abusent de leur pouvoir, cependant, ils le font à leur péril (...) l'obligation de leur obéir cesse ".
Notes sur le Nouveau Testament. Cette soumission relative ne s'applique pas lorsque les buts et les principes des autorités gouvernementales vont à l'encontre des principes chrétiens (Actes 4:19,20; 5:29). Les Témoins de Jéhovah savent que s'ils doivent respecter, honorer, les gouvernements de ce monde, ils savent aussi que la Bible présente ces derniers sous les traits d'une bête sauvage féroce (Révélation 13:1,2), qui sera détruite au jour de l'éxécution des jugements divins (Daniel 2:44; Révélation 19:19-21).
Être associé au Département de l'Information des Nations Unies n'allait pas à l'encontre des principes auxquels les Témoins de Jéhovah adhèrent. Le Département de l'Information, dès le départ, avait pour but d'informer le public des activités des Nations Unies. Comme l'a stipulé l'Assemblée Générale, en 1946, dans sa
résolution 13(I): "
Le Département de l'Information ne devrait pas s'engager dans la "propagande" ". Il en serait de même des ONG qui s'associeraient avec lui. C'est pourquoi la société Watchtower n'a pas soutenu les Nations Unies lorsqu'en 1992 elle est devenue une organisation non gouvernementale associée au Département de l'information. Comme les critères d'adhésion le stipulaient, les Témoins de Jéhovah ont publié des "informations" sur les activités des Nations Unies, ce qui ne veut pas dire qu'ils les soutenaient activement en faisant de la "
propagande" en leur faveur.
Le changement qui est intervenu en juillet 1996, concernaient les organisations non gouvernementales ayant le statut consultatif, ce qui n'était pas le cas de la société Watchtower. Ce changement dans les relations entre les ONG au statut consultatif et les Nations Unies allaient toutefois avoir des conséquences sur les autres ONG, comme celles qui sont associées au Département de l'Information. En Janvier 1997, le Secrétaire général, Mr. Kofi Annan déclarait: "
il nous faut forger un partenariat fondamentalement nouveau avec la société civile [incluant les ONG].
Nous devons rechercher une nouvelle synthèse entre l'initiative privée et le bien public, qui encourage à la fois l'esprit d'entreprise, les approches du marché et la responsabilité de la société et de l'environnement."
Conférence Sud-Sud, San José, Costa Rica.
Ce "partenariat fondamentalement nouveau" fût précisé dans les années qui suivirent. Le 1° août 2001, fût publié
un rapport de la 55° Assemblée Généralequi s'était réunie en 2000, établissant un historique des relations entre les ONG et les Nations Unies. Ce rapport déclarait:
"
Les Nations Unies ont eu une relation avec la société civile depuis leur création. La première ONG fut reconnue dans son statut consultatif par le Conseil Economique et Social (ECOSOC) dès 1948. Les premières règles dans cette relation furent adoptées en 1950 par l'ECOSOC dans la résolution 288 B(X). Ces règles furent revues par l'Assemblée générale en 1968 dans la résolution 1296 qui devint la base pour établir les critères pour la participation des organisations non gouvernementales (ONG) aux Nations Unies, résolution qui est restée en vigueur pendant presque trois décennies.
(...)
En 1993, les Etats Membres décidèrent que la résolution 1296 avait besoin d'être révisée dans le but de mettre à jour et de recevoir les changements opérés depuis 1968. Le rapport entre les ONG et les Nations Unies s'était développé, du fait de la présence accrue des ONG, actives et influentes au niveau international, plus directement engagées dans les opérations inter-gouvernementales. La décision de l'ECOSOC 1993/294 de février 1993 établit les paramêtres et le mandat pour une révision. Cette révision eut lieu de février 1993 à juillet 1996 sous les auspices d'un groupe de travail composé d'Etats Membres.
En 1996, ECOSOC conclut cette révision majeure. Les dispositions concernant les ONG aux Nations Unies furent globalement mises à jour et adoptées par la résolution ECOSOC 1996/31 . Cette résolution est la base actuelle du partenariat entre les ONG et les Nations Unies.
En 1998, le Secrétaire Général élabora pour les ONG des dispositions et des pratiques dans son rapport A/53/170. En outre, le Secrétaire Général refléta l'avis des Etats Membres, des membres d'agences spécialisées, d'observateurs, d'organisations inter-gouvernementales et d'ONG de toutes les régions, dans un autre rapport A/54/329, en 1999. Comme cela a été dit plus haut, la déclaration du Millénium donna un nouveau mandat pour accroître ce partenariat.
(...)
Dans la résolution qui fit suite au sommet du Millénaire (A/RES/55/162), les engagements suivants furent pris:
Appelle à un engagement accru du partenariat et de la coopération avec les parlements nationaux aussi bien qu'avec la société civile, incluant les organisations non gouvernementales ainsi que le secteur privé, comme cela est établi dans la Déclaration du Millénium, pour s'assurer de leur contribution dans la mise en oeuvre de la Déclaration (paragraphe 14).
Ces procédures et ces dispositions constituent le fondement législatif des relations entre les ONG et les Nations Unies (...) Le département de l'information (DPI) reconnût l'importance de travailler avec et à travers les ONG en tant que partie intégrale des activités d'information des Nations Unies, quand le DPI fût établi en 1946. La relation entre le DPI et les ONG fût basée sur la résolution 13(I) [en 1946] de l'Assemblée Générale, et plus tard sur la résolution 1296 [en 1968] et 1996/31 [en 1996].".
En septembre 2001, dans le
Plan de campagne pour la mise en oeuvre de la Déclaration du Millénaire, il était proposé de "
resserrer les liens avec l’Union interparlementaire et mobiliser le secteur privé, les organisations non gouvernementales et l’ensemble de la société civile dans le cadre de la Fondation pour les Nations Unies et du Pacte mondial". Afin d'atteindre les objectifs fixés lors du sommet du Millénaire, l'Assemblée Générale a exprimé la nécessité suivante:
"
Tous les protagonistes de la scène nationale, y compris les organisations non gouvernementales (ONG) et le secteur privé, doivent conjuguer leurs efforts pour asseoir une démocratie véritablement représentative."
Dans le but de "
Travailler ensemble à l’adoption, dans tous les pays, de processus politiques plus égalitaires, qui permettent la participation effective de tous les citoyens à la vie politique", ce rapport proposait des stratégies pour les Nations Unies, comme le fait de "
seconder les efforts que déploient les gouvernements pour associer la société civile [incluant les ONG] à l’élaboration des politiques".
Ainsi donc, eu égard à tout ce qui précède, si des changement eurent lieu en 1996, concernant les relations entre les ONG au statut consultatif et les Nations Unies, ce n'est que plus tard que les ONG, dans leur ensemble, furent concernées par ces changements qui allaient impliquer une coopération plus étroite avec les Nations Unies, coopération à caractère politique. La société Watchtower ayant été informée, en octobre 2001, de l'évolution des relations entre les ONG associées au Département de l'Information et les Nations Unies, a décidé de se départir "immédiatement" de son statut, lequel d'ailleurs n'était nullement gardé "
secret" puisqu'il était rendu public depuis 1992 dans les brochures annuellement envoyées aux ONG du monde entier, ou plus tard publié sur l'Internet à l'adresse
http://www.un.org/dpi/ngosection/asp/form.asp.
Ceci est mon analyse personnelle de la question.
Bien cordialement,
Didier