Salut Boemboy,
Et merci pour cet apport constructif qui donne envie de partager.
On ne peut pas raconter la résurrection de Jésus puisqu'il n'y avait aucun témoin et qu'il était de surcroit dans un tombeau fermé. Ce que l'on peut raconter, c'est le récit de ceux qui ont découvert le tombeau vide, et ceux à qui Jésus est apparu, plusieurs fois. Je ne vois donc pas à quoi tu t'attendais de plus.
Oui.
Je m'attendais à ce que certains s'interrogent et cherchent à analyser davantage que ce qu'on dit du phénomènede résurrection et des cristophanies : j'ai parlé d'un ajout tardif datant du IIème siècle qui a été ajoutée au texte primitif.
Ce texte baptisé "finale de Marc" fait maintenant partie intégrante du récit canonique. Or si on l'étudie attentivement, on se rend compte que les textes composant le NT concernant la Passion n'étaient pas aussi sacralisés comme on le croit aujourd'hui.
Il révèle également une certaine disparité des récits d'apparition dans les évangiles. Et bien que le récit de la Passion restitue un schéma à peu près commun, les christophanies semblent obéir à une production libre qui ne correspond à aucun canevas.
Il meurt sur la croix, complètement exténué après sa longue marche, chargé de sa poutre, le flanc percé de coups de lance, pieds et main percés de clous. Il reste trois jours dans un tombeau sans aucun soin. Après ça, des femmes le retrouvent cheminant dans la campagne. Il faut être Dieu pour faire ça !
Ase, as-tu remarqué que Jésus n'a jamais rien rapporté sur sa vie: ce sont toujours les autres qui racontent. Il n'a donc pas raconté sa résurrection, la scène où il se relève, déplace la grosse pierre et s'en va d'un pas léger et dont il était le seul témoin. Rien de surprenant !
Ce que nous offre le Nouveau Testament est bien plus riche.
Parmi ceux qui racontent sa résurrection, "Mathieu", "Luc" et "Jean" semblent œuvrer chacun à leur propre compte, en totale indépendance :
- chez Mathieu les apparitions ont lieu à Jérusalem, elles concernent trois femmes Marie Madeleine, l'autre Marie de Mathieu 27, 61 et la mère de Jacques de Mathieu 27, 10. Il y a très peu de précisions. Une autre survient en Galilée à l'intention des disciples privés de Judas, mais le récit de Mathieu reste très laconique à ce sujet.
- chez Luc l'une des visions se produit sur la route d'Emmaüs et concernent deux pèlerins Cléophas et un marcheur anonyme. Le même jour, plus tard dans la journée, une autre apparition a lieu à Jérusalem, le récit de Luc 24, 33 relate que les Onze et leurs compagnons la voient. Ici ces deux pèlerins sont privilégiés par rapport aux disciples (toujours privés de Judas) et on constate qu'aucune femme ne reçoit de vision, de même aucune vision en Galilée.
- chez Jean, c'est Marie-Madeleine qui a une vision à Jérusalem. Et à l'exception de Thomas, le reste des disciples en ont une également. Huit jours plus tard, tous les disciples sont présents et une scène d'apparition se reproduit à Jérusalem. Quelque jours plus tard, sur le bord du lac de Tibériade, en Galilée, sept disciples ont une apparition parmi lesquels Simon-Pierre, Nathanaël de Cana, Thomas, les deux fis de Zébédée, le "disciple bien-aimé" et encore un autre.
Puis avec le récit des Actes des Apôtres, Jésus n’apparaît plus qu'aux disciples seulement à proprement parler mais aux "apôtres". Ces apparitions s'étalent sur 40 jours.
On a essayer de faire concorder ces apparitions, mais malheureusement :
- celles-ci ne témoignent d'aucune unité de lieu : elles se produisent autant à l'intérieur qu'à l'extérieur d'une maison fermée, elles ont lieu soit en Judée, soit à Jérusalem et aux alentours, soit en Galilée, sans que les différents récits puissent se concilier.
- elles ne concernent pas un ensemble précis et défini de témoins, c'est-à-dire des témoins clairement identifiables, elles apparaissent soit à une personne, soit à deux personnes soit à un groupe.
Face aux divergences des Evangiles, il y a une autre difficulté à saisir : dans la première épître aux Corinthiens, Paul se fait le mémorialiste 'une tradition qu'il dit avoir reçue et qu'il se permet de transmettre. Des études plus approfondies ont pu montrer que cette tradition pourrait remonter à la fin des années 30 ou 40, ce qui serait antérieur d'une quarantaine voire d'une cinquantaine d'années par rapport aux évangiles de Mathieu, Luc et Jean. Or en reprenant cette tradition, Paul énumère les bénéficiaires de ces apparitions, malheureusement de manière très limitative. 1 Corinthiens 15, 5-9 nous raconte donc que le Christ apparaît d'abord à Céphas, puis aux Douze, puis il apparaîtra à plus de 500 frères à la fois, puis seulement à Jacques et à tous les apôtres, et en dernier lieu à Paul lui-même "l'avorton". Cette liste ne coïncide pas du tout avec celles des évangiles.
Les évangiles ne sont pas d'accord entre eux, ni avec Paul.
Comment expliquer ces quelques divergences ? Que plusieurs rumeurs aient circulé chez les premiers chrétiens, on peut asément le concevoir, mais comment se fait-il que la croyance fondatrice du Christianisme, dans les textes eux-mêmes, soient à ce point dépourvus d'unité ?
Pourquoi les destinataires de ces christophanies n'ont-ils pas étés dûment répertoriés ?
Les femmes, dans les évangiles, entrent et sortent des listes, les disciples résistent autant qu'ils le peuvent et Pierre n'est pas systématiquement donné comme ayant été le premier à croire.
C'est tout ceci, à moi, qui me semble surprenant.
Je m'arrête pour le moment,
Bien à toi et bonne soirée,
Ase