Autrement dit, proposer une comparaison de différents passages violents de la Bible avec d'autres passages belliqueux du Coran est d'une insidieuse malhonnêteté intellectuelle, car le christianisme n'a radicalement pas le même rapport avec l'écriture que l'islam.
D'abord, parce que la Bible n'est pas vue comme étant la parole de Dieu révélée et dictée mot à mot contrairement au Coran, mais comme une écriture inspirée : ce qui permet déjà un certain relativisme herméneutique de la Bible que le Coran ne possède pas. Dans la Sainte Écriture, déclare la constitution conciliaire Dei Verbum, Dieu a parlé par des hommes à la manière des hommes : il faut, en conséquence, que l’interprète cherche le sens que l’hagiographe, en des circonstances déterminées, dans les conditions de son temps et de sa culture, employant les genres littéraires alors en usage, entendait exprimer et a, de fait, exprimé. Autant te dire que considérer des récits mythiques, des documents d'archives, des contes, des épopées, des textes législatifs, des poèmes, des cantiques, ou des prescriptions rituelles strictement de la même manière, et plus généralement, considérer la Bible de la façon dont les musulmans se plaisent à considérer le Coran (texte révélé et dicté par Dieu, incréé, etc) n'est pas intelligent, et ne peut mener à rien d'autre que des insanités exégétiques. Par ailleurs, nous savons bien que la Bible est une collection de livres, dont la rédaction diffère par le temps, les auteurs, les langues, les genres littéraires, les objectifs théologiques, historiques, étiologiques, politiques, etc. Elle n'est qu'une bibliothèque de livres, certes rassemblés autour de certaines thématiques communes telles que l'histoire d'Israël (qu'elle soit réelle ou fictive) ou encore l'évolution et l'apparition du monothéisme juif, mais dont le maître mot reste la pluralité et la diversité.
Ensuite, parce que la notion de révélation divine dans la religion chrétienne ne concerne pas un Livre comme dans l'islam, mais une personne : le Christ. Les chrétiens sont d'abord partisans du Christ, et de la Bible seulement ensuite : nous ne sommes pas une religion du livre mais du Verbe Incarné et vivant. Aussi, tout chrétien observera, lira et jugera la Bible à partir de la personne de Jésus de Nazareth et de son enseignement. S'il compte suivre les exhortations belliqueuses qu'un narrateur peut prêter à Moïse ou à Josué ou même à Dieu, il tirera une croix sur l'ensemble du Nouveau Testament et plus spécifiquement sur l'enseignement du Christ. Par définition, il ne sera donc plus chrétien.
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