Revenons au sujet qui a passablement dévié pour parler du volet 3.
Le rôle du judaïsme dans la genèse du mythe d’Al Andalus
D’après Emmanuelle Tixier (médiéviste), se serait en Allemagne, dans les milieux juifs des descendants d’Ephraim Lessing ou de Moïse Mendelssohn, qu’on aurait établi définitivement Al-Andalus comme le paradigme de la convivialité, de la tolérance et en somme de la modernité européenne.
Henrich Graetz (1817/1891) écrit à cette époque une monumentale histoire des juifs dans laquelle il décrit les juifs d’Andalousie parfaitement heureux parce qu'assimilés à une société non juive par le biais de la culture. Dans le débat du moment, XIXème siècle, sur l’assimilation des juifs à la société ambiante, il trouve un précédent à cette idée de l’intégration des juifs au corps sociétal dans lequel ils vivent sans renier leur judaïsme. Notamment à l’Allemagne dans laquelle lui-même vit.
C’est donc dans ce milieu progressiste juif qu’on va se revendiquer de Maimonide et de l’idée d’un monde où savoir et culture font le socle d’une vie paisible et intense. Vie culturelle intense que connaît aussi l’Allemagne et les juifs au passage au XiXème siècle. Alors que, rappelons-le, dans les faits Maïmonide a été contraint de s’enfuir d’Al Andalus sous la persécution des fanatiques berbères Almohades, intolérants donc. Mais c’est la nostalgie d’un paradis perdu, un âge d’or qui prédomine pour les exilés juifs répandus par le monde même si l’Islam n’existe plus dans la conscience juive européenne du XIX ème siècle.
Si cette thèse paraît étonnante il n’est que de noter que les synagogues ashkénazes d’Europe centrale du XIX sont alors construites à la mode espagnole, ex la synagogue Josefov de Prague ou des synagogues américaines de New York. C’est une façon pour ces juifs de revendiquer les signes de l’Orient, un Orient heureux et glorieux, car ce n’est pas dans le sort des juifs en monde arabe au 18ème et 19ème siècle qu’il y a matière à rêver ou espérer.
Cependant pour voir que tout ceci est du vent il suffit de pratiquer ce qui relève de l'historien de base élémentaire, à savoir prendre en compte le contexte du moment de l'histoire que l'on décrit. Car finalement l’histoire de l’Andalousie a été diverse dans son histoire musulmane même, puisque 3 dynasties se sont succédé renversées les unes par les autres, qu’il y a eu des royaumes indépendants, que les communautés ne se calculaient pas, qu'il y a eu des persécutions et des exils et que le rapport de force s’est inversé après la prise de Tolède (1085), etc… Malgré cela le mythe a la dent dure et par ex aux USA, dans la vague anti-coloniale et anti-américaine d'auto flagellation des années 1970, Al Andalus est pris encore comme modèle d'un antécédent au multiculturalisme américain, alors que c'est un anachronisme total dans les faits.
A suivre...