Comment la crise sanitaire a vidé les caisses de l'Eglise catholique
La pandémie a durement frappé les finances de l'Eglise catholique française, qui va devoir vendre des lieux de culte et pourrait même devoir se séparer d'une partie de ses salariés.
Le sanctuaire de Lourdes a vu 95% des pélerinages organisés annulés en 2020
afp.com/PASCAL PAVANI
Emmanuel Botta avec Nathalie Samson
publié le 02/04/2021 à 09:00 , mis à jour à 19:24
Dans l'hebdo du 01 Avril
Malgré la douceur quasi printanière de cette fin de mars, les marches de la basilique du Sacré-Coeur, habituellement bondées de touristes extatiques, sont désespérément vides. Une fois passée la porte de ce lieu saint trônant au sommet de la colline de Montmartre, la foule se fait à peine plus nombreuse. En temps normal, 10 millions de visiteurs se bousculent chaque année pour admirer ce monument édifié à la fin du XIXe siècle pour le "retour de l'ordre moral" après des décennies de conflits. Aujourd'hui, un simple retour des vacanciers étrangers ferait certainement l'affaire... " A cause de la pandémie, les ressources de la basilique, qui tournent autour de 7,5 millions d'euros - uniquement constituées de ventes de cierges, de cartes postales et de dons divers - ont chuté à 3,5 millions d'euros", constate amèrement Jean Chausse, économe du diocèse de Paris.
Une entreprise comme une autre
Et la basilique n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. C'est tout l'équilibre financier de l'Eglise catholique française qui a été mis à mal par cette crise. Car l'Eglise est, aussi, une entreprise comme les autres ; ses revenus, issus en totalité des dons des croyants, ses salariés, au nombre de 8000 à travers la France, ses charges fixes et variables (loyers, chauffage, électricité, travaux de rénovation pour les bâtiments construits après 1905 - le reste appartenant aux communes). Et l'angoisse de réussir à se maintenir au-dessus de la ligne de flottaison, malgré l'érosion structurelle du nombre de fidèles, et "le recul des dons ces dernières années, dû notamment aux scandales de pédophilie à répétition", pointe Céline Berraud, sociologue et auteur d'un essai sur le sujet.
Un budget au cordeau éparpillé façon puzzle par le Covid. Depuis les confinements, ce sont autant de messes qui ne se sont pas tenues, et donc de quêtes non collectées. Sans compter les casuels : les décès, les mariages, les baptêmes et les communions, qui ont été repoussés ou se sont tenus en petit comité, alors qu'ils sont normalement l'occasion de gains importants. "Sur 2020, le budget de l'Eglise devrait être amputé de 90 millions d'euros, soit de 15 à 20 % de nos ressources courantes. Heureusement, le denier du culte (dons aux paroisses, par correspondance, sur Internet...) a, lui, bien progressé et devrait nous permettre de récolter de 10 à 20 millions d'euros de plus que les précédentes années", détaille Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France, chargé des finances. Et pour 2021, nul doute que les caisses risquent encore de sonner creux. "La vie cultuelle a repris dans des conditions presque normales, mais la fréquentation est toujours en recul de 25%, les personnes âgées, notamment, sont plus prudentes", explique Jean Chausse.
Infographie
L'Express
Une photographie grand angle dont il faut isoler les sanctuaires - bien plus violemment touchés par le Covid - qui perdent entre 70 et 80% de leurs revenus. Lourdes, le premier d'entre eux, a enregistré en 2020 un taux d'annulation de 95% de ses pèlerinages organisés. Les frontières devenues quasi hermétiques, les 70% de pèlerins venant habituellement de l'étranger ont dû se résigner à rester chez eux. "Un coup terrible pour nos finances, le sanctuaire ne vit que grâce aux offrandes, et surtout celles réalisées sur place", souligne Mathias Terrier responsable de la communication et des ressources du sanctuaire. Finalement, les recettes n'ont baissé que de 4 millions d'euros pour un budget habituel d'environ 30 millions. "Les dons en ligne ont atteint un niveau jamais vu, et nous ont permis d'amortir la chute", poursuit-il.
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