enso a écrit : ↑13 juil.23, 05:29
Est ce le coran qui est confus ou bien est ce nous qui ne l'avons pas suffisamment étudié ?
je precise que je ne parle pas de croire ou ne pas croire
mais bien de comprendre ou pas le sens du message du coran
Ca fait depuis le 8e siècle (de l'ère chrétienne) qu'on s'interroge sur la signification du Coran, à commencer par les savants islamiques eux-mêmes.
Joseph Schacht, dans "The Origins of the Muhammadan Jurisprudence" met en évidence la perplexité des savants religieux islamiques de cette époque, en particulier Shafi (à qui l'on rattache le rite chaféite) à l'égard du Coran, particulièrement sur ses aspects juridiques.
La perplexité des savants porte en particulier sur le fait qu'ils ont sous la main d'un côté des traditions diverses (des "sunnahs"), rattachées tantôt au Prophète, tantôt à d'autres personnages liés au Prophète, et de l'autre, le Coran, et que les deux ne s'accordent pas toujours.
Schacht met en évidence que la solution de Shafi est de ne considérer une sunnah comme acceptable que si elle peut être tracée vers le Prophète. Et si cette sunnah contredit le Coran, alors, vu que le Prophète était le mieux placé pour interpréter le Coran, la sunnah doit prévaloir.
L'origine de l'énigme de la signification plutôt obscure du Coran réside à mon avis dans ce que le narratif suivant n'a jamais été vraiment remis en question : que le Coran serait sans aucune discussion possible le livre fondateur de l'islam.
Cela paraît évident, et si ce n'était pas le cas en fait ?
L'historien Gerald R. Hawting dans "The Idea of Idolatry and the Emergence of Islam" a étudié ce qu'on pourrait comprendre du Coran si nous n'avions pas les hadiths et la tradition islamique derrière.
Il résulte de cette étude que nous comprendrions que le Coran n'aurait pas du tout émergé d'une société polythéiste comme l'affirme le narratif islamique mais plutôt d'une société déjà monothéiste, du moins selon nos critères.
Les accusations d'idolâtrie étaient en fait récurrentes chez les auteurs anciens dans les polémiques religieuses, le Coran ne constitue pas une exception.
A quoi pouvait bien ressembler cette religion monothéiste au sein de laquelle le Coran aurait été écrit ?
Hawting donne quelques hypothèses, notamment qu'il aurait pu s'agir d'une croyance dans la puissance des anges.
Plus prosaïquement, les pratiques des marabouts, notamment au Maghreb aujourd'hui, pourraient fort bien ressembler aux pratiques prévalant à l'époque qui a vu l'élaboration du Coran, pourvu qu'on y fasse abstraction d'éventuelles références coraniques.
Par ailleurs, au vu des innombrables exhortations à l'égard des "Fils d'Israël" dans le Coran, la société en question était nécessairement judaïsante.
Il s'agissait donc vraisemblablement d'une société judaïsante pratiquant abondamment la magie, la sorcellerie et l'occultisme.
D'ailleurs, on trouve pas mal de bols magiques juifs datant de cette époque en Orient.
En fait, on a là tous les ingrédients d'une société pratiquant une religion judéo-gnostique (les Gnostiques pratiquaient volontiers la magie et l'alchimie).
D'ailleurs, ce fond gnostique originel de l'islam a donné ensuite le soufisme pendant la période islamique proprement dite.
Lorsqu'au 19e siècle, le rabbin Abraham Geiger a pointé du doigt les nombreux emprunts du Coran à la tradition juive, notamment au midrash, la réalité est qu'il ne s'agissait pas d'un emprunt : le Coran est en fait un texte judaïsant et ce ne sont pas les hadiths qui en donnent la clé d'interprétation mais la tradition juive, et en particulier le midrash.
Ce serait trop long de décortiquer le Coran selon le code du midrash, je vais seulement donner l'idée générale, en particulier de la sourate 2.
Vers 620, la guerre entre les empires byzantins et perses fait rage. Dans la tradition juive, l'affrontement des empires est le prélude à l'avènement du Messie, ou de son retour.
Les Arabes, judéo-gnostiques se lancent alors à la conquête de la Palestine, une chronique de Jacob d'Edesse à la fin du 7e siècle y fait allusion.
Cette théorie que la conquête de la Palestine et de Jérusalem en particulier ait pu être motivée pour des raisons messianiques n'est pas nouvelle, des historiens l'ont déjà développée.
Mais j'estime que l'erreur de ces historiens (Edouard-Marie Gallez en particulier) est de penser que le Coran a servi de support idéologique à cette conquête.
Tout au contraire ! L'auteur du Coran (ou au moins de la sourate 2) réprouve cette conquête, pour au moins deux raisons :
* la première est qu'il estime qu'un ordre nouveau doit être mis en place plutôt par la prédication et non la conquête. C'est le sens de la narration coranique de la conquête de la Terre Promise par Moïse, laquelle diffère de la narration biblique, or c'est une caractéristique du midrash que de proposer des narrations alternatives à des épisodes bibliques,
* la deuxième est qu'il veut se situer dans la droite ligne de la tradition juive de l'étude de la Loi divine. Or les Gnostiques méprisaient la Loi. Ils l'estimaient être nécessaire à la gouvernance, mais lui reprochaient d'être un instrument d'asservissement de l'humanité.
Le problème est que la conquête arabe aurait dû nécessiter d'organiser un régime de lois (le "din" en arabe, en araméen, et en hébreu) solide, mais les Arabes gnostiques ne s'intéressaient pas vraiment à ce moment-là à construire une jurisprudence solide.
On tient probablement là l'explication de l'origine des multiples sunnahs, parfois contradictoires entre elles et contradictoires avec le Coran, qui rendront perplexes les savants du 8e siècle.
Tout au long du 7e siècle, la prédication coranique s'est répandue parmi la population au point de devenir incontournable à la fin du 7e siècle.
Le Coran étant né d'un groupe d'opposants au début du 7e siècle, ses véritables origines ont sans doute été oubliées.
Il y a eu cependant plusieurs tentatives de narrer les origines du Coran au 7e siècle. Celle qui s'est imposée est celle qui est racontée aujourd'hui, et qui a été fixée au 9e ou 10e siècle.
Il y en a eu une autre, tout aussi fictive. On la connaît à travers la Chronique d'Héraclius de l'évêque arménien Sébéos. Ce n'est pas Sébéos bien sûr qui l'a inventée. Il explique que ce sont des prisonniers arabes qui la lui ont racontée.
L'erreur d'historiens comme Edouard-Marie Gallez est de penser que l'histoire de Mahomet racontée par Sébéos est vraie historiquement, alors de mon point de vue, il s'agissait d'une narration fictive qui circulait comme d'autres narrations parmi les Arabes.