C'était un soir d'été, sous la chaleur écrasante, les cigales s'en donnaient à cœur joie pour faire vibrer l'air brûlant de leurs chants d'amour et, croyez le ou pas, l'une d'entre elles commentait la fable qui a jeté le discrédit sur sa famille.
En substance, elle disait ceci
« Oh pécaïre quelle galéjade
Que cette « cigale et fourmi »
C'est une histoire de malade
Que dis-je une calomnie
Dis-moi Jeannot de la Fontaine
Tu travailles de la perruque
Pour sur notre dos, plein de haine
Ainsi autant casser de suc'
Je vais de ce pas et en vers
Conter la véritable histoire
Sans blaguer à la manière
De cet empoudré scribouillard
A la faveur d'un soir d'été
Sur un brin d'herbe et sans parents
Larve de cigale, je suis née
Sans défense et vêtue de blanc
Pour échapper aux noires fourmis
Et autres sournois prédateurs
Je me suis trouvé un logis
A l'abri du sol protecteur
Pendant des années, j'ai creusé
Soir et matin ne vous déplaise
Mes galeries j'ai travaillé
Sans repos, par gel, dans la glaise
Après tant d'années de labeur
Pour le soleil enfin prête
J'ai fait ma sortie de bonne heure
Parée de ma plus belle toilette
Et là, même si ça te défrise
Mon Jeannot, disons le tout net
Les vacances étant de mise
Place à l'amour et à la fête
Et la fourmi, me diras tu ?
Née dans une vaste colonie
Que de soins a t'elle reçu !
Enfant couvé, soigné, chéri
C'est à l'abri et sans efforts
Que s'est passée sa jeunesse
Puis grâce au collectif support
Elle n'a point connu de détresse
Je me suis laissé dire d'ailleurs
Que des fourmis sont oisives
Et loin de se tuer au labeur
Sont d'une paresse maladive
Mon vieux La Fontaine, moi cigale
J'ai inventé les congés payés
Et te le dis, foi d'animal,
Cet été, je l'ai mérité ! »
Voila ce qu'elle m'a dit mais, bien vite, elle est revenue à son concert d'amour et, ma foi, c'est bien mieux ainsi