Je viens de lire l'intégralité de ce thème, et je constate, malgré une bonne migraine, qu'au terme des 162 posts, je ne sais toujours pas ce que les uns et les autres vous entendez par Dieu, la divinité, être le fils de, être engendré, être créé, être de même nature, être de même essence, ce qu'est une personne, et a fortiori une personne divine, que l'on a aussi parfois appelé hypostase, et nombre de notions, comme la trinité, la kénose, le verbe, le verbe exprimé, le verbe fait chair, la chair elle-même, etc. Que de mots !
Par ailleurs, certains ont dit que les noms de Dieu dans l'AT évoquaient un seul principe divin, et qu'on les obtenait par l'usage de la polysémie. Mais, à l'époque où ces textes (Pentateuque) ont été produits et où l'écriture était un art difficile, on aurait mieux fait de simplifier les choses en utilisant alors un seul mot pour une seule chose, surtout si l'écrit devait être diffusé. Et donc, cette explication polysémique me paraît infondée. Par contre, si divers principes étaient décrits dans le sens d'une explication subtile de l'existence d'ordre logique et métaphysique, alors cela pourrait conduire aussi à une compréhension de notre actuelle situation.
La notion de Dieu provient d'après les linguistes d'une racine sanskrite
div qui signifie "ce qui brille" et désignant des êtres soit très lumineux, soit très énergétiques. Cette racine se retrouve dans le sanskrit
deva, puis dans le grec
thevos, puis par suppression du digamma (v) cela donne
theos. On trouve
deus en latin.
Par ailleurs, dans l'ancien Testament, apparaissent plusieurs principes métaphysiques représentant comme plusieurs étapes ou
états logiques d'une même Cause universelle de l'existence. Par exemple on trouve
El,
Eloah,
Elohim,
Adam,
IHWH-Elohim,
IHWH,
El-Elyôn,
El-Shaddaï,
El Roï,
Elohim Sebaots, etc., sans compter tous les autres éléments produits par ceux-là. La traduction de
El comme désignant Dieu est le résultat d'une évolution des langues sémitiques, car un professeur d'arabe m'avait expliqué que El désigne "cela", c'est-à-dire ce qu'on ne peut pas déterminer ou définir. De même,
Eloah signifie "ceci", et représente alors un indéterminé de moindre indétermination. Quant à
Elohim, il s'agit d'un pluriel qui désigne "Ceux-ci", sous-entendant par là un niveau moindre d'indétermination du ceci sous la forme d'une multiplicité contenue dans une unité. La traduction par Dieu de ces principes est un modernisme lié à l'assimilation de ces principes au principe lumineux theos, aujourd'hui généralisé et retenu par les linguistes comme principe global, mais d'interprétation très floue.
Après une version originelle en hébreu des textes notamment du pentateuque, est apparu une
version massorétique qui rajoute
Adonaï (Seigneur) par-dessus certains noms, et à 99% des cas, au-dessus du mot
IHWH. Le but de cette modification était d'ordre liturgique et conduisait à permettre une prononciation du nom imprononçable. L'une des prononciations admises par les rabbins est
Iehovah, d'autres prononcent
Iehaveh. Mais cette modification ne change rien au dispositif métaphysique originel. C'est avec la
version Septante, que le passage de l'hébreu au grec va traduire Elohim par theos et Adonaï-IHWH par Kurios. Dans la mesure où le nouveau Testament se présente a priori dans une continuité des textes bibliques, bien qu'étant en grec, alors même que ces textes constituent un enseignement apparu en milieu juif, ce qui est attesté par Jérôme, qui avant de traduire la Bible en latin, a rapporté de Syrie un évangile en hébreu, il apparaît légitime de reconvertir Theos et Kurios dans leur équivalent hébreu. C'est ce qu'a réalisé entre autres, Chouraqui, dans sa traduction. Cette façon de faire, restitue une part intelligible de la métaphysique du NT en le replaçant au même degré de précision (ou presque) que l'AT.
Dans le livre de la genèse, et sans tenir compte du mot Adonaï,on s'aperçoit que les noms divins ou principes sont les suivants :
Gen 1,1 à Gen 2,3 : récit de la création conceptuelle. Le principe métaphysique concepteur est Elohim
Gen 2,4 à Gen 2,25 : récit de la création formelle. Le principe métaphysique agissant est IHWH-Elohim
Gen 3 : récit de la chute d'Adam : le principe métaphysique agissant est IHWH-Elohim sauf dans gen 3,1 où le serpent dit à la femme (Isha) : "Ainsi Elohim l'a dit : vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin", et il semble alors que le Serpent soit plus ou moins lié à la composante IHWH du principe IHWH-Elohim. En Gen 3,20, Isha est appelée Eve par Adam, ce qui signifie la mère des vivants, mais cela est après la faute. En Gen 3,21, IHWH-Elohim fabrique des vêtements de peau à Adam et Eve (chair).
Gen 4 et suivants : le principe agissant après la chute est IHWH (sans Elohim).
Gen 6,9 : Noé avance en conformité avec l'Elohim. Or cet Elohim est identifié en gen 6,8 comme IHWH. Ce n'est pas Elohim, mais l'Elohim, c'est-à-dire celui-là.
Gen 8,1 : C'est Elohim qui par son souffle modère les eaux du déluge. De même, en 8,15, c'est Elohim qui dit à Noé de sortir de l'arche.
Gen 8,20 : Noé bâtit un autel à IHWH.
Gen 9, 1-17 : pacte avec Noé : c'est Elohim qui instaure ce pacte.
Gen 9,18 et suivants : IHWH. Tableau des peuples issus de Noé, tour de Babel, ...
Gen 14,18 : Melkisédeq, roi de Salem, partageant le pain et le vin est un prêtre d'El Eliôn, le El suprême. Il dit d'Abram que celui-ci est béni d'El Eliôn. Abram lui donne la dîme.
Gen 14,22 : Abram se justifie du culte à IHWH-El Eliôn, celui de Melkisédeq.
Gen 16 : Naissance d'Ismaêl : Agar reçoit le messager d'IHWH. Ismaêl signifie "El entendra", mais Ismaêl provient d'IHWH qui a entendu la misère d'Agar.
Gen 17 : Pacte avec Abram. Bien qu'IHWH se montre et parle avec Abram, celui-ci réalise dans sa conscience qu'IHWH est Elohim. Dès cet instant, Abram devient Abraham et IHWH sera l'Elohim d'Abraham et de sa descendance. L'annonce d'Isaac est faite par Elohim (=IHWH selon l'entendement d'Abraham.)
Gen 18 : Abraham s'adresse à IHWH en l'appelant Adonaï (= Seigneur).
Gen 20 : Elohim réapparaît "en rêve" à Abimélekh, l'étranger.
On voit bien dans ce bref récapitulatif que les noms ne sont pas placés de façon quelconque ou de façon à représenter un seul sens. Il y a là matière à réflexion. Voyons maintenant brièvement du côté du nouveau Testament :
Mat 3,16-17 : [...] Il voit le souffle d'Elohim descendre comme une colombe venir sur lui. Et voici une voix des cieux dit : "Celui-ci est mon fils, mon aimé, en qui j'ai mis mon gré."
Mat 4,3 : [...] Si tu es fils d'Elohim (venant du diable)
Mat 4,10 : Alors Jésus lui dit : "Pars, Sâtan ! Oui, c'est écrit : 'Prosterne-toi devant IHWH, ton Elohim, sers-le lui seul.'
Mat 7,21 : Tous ceux qui disent 'Adonaï-IHWH ! Adonaï-IHWH ! ' n'entrent pas au royaume des cieux, mais seulement celui qui fait le vouloir de mon Père des cieux. (cela veut dire : aucun de ceux qui disent .... n'entre dans le royaume)
et ainsi de suite
Ainsi, lorsqu'on revient aux principes tels qu'ils sont désignés dans l'AT et en abandonnant les mots dieu et seigneur, on obtient un schéma plus étoffé qui est le suivant :
El =
Non-Etre métaphysique ou zéro métaphysique. Principe suprême Cause de l'existence, car lui-même Non-Existence absolue.
Eloah =
Etre UN dans son aspect de Tout global et sans aucune distinction de ses aspects.
Elohim =
Etre UN mais dans un état de distinction logique des êtres multiples, ces êtres étant potentiellement définis et pré-organisés, dans un schéma conceptuel unique. Elohim est une multiplicité contenue dans l'unité. On parle d'
unicité d'Elohim, par opposition à l'
unité indistinctive d'Eloah. Cependant Elohim est un pluriel qui agit le plus souvent au singulier dans le texte (Sauf création d'Adam, où le verbe est au pluriel : Nous ferons l'homme). Il est clairement désigné comme le
Père de Jésus dans le NT.
El Elyôn = désignation des niveaux El, Eloah et Elohim, qui sont au-dessus (ontologiquement antérieurs) d'Adam.
Adam =
Conscience universelle. Cette conscience est le moyen par lequel la création effective va se dérouler. Adam est doté de moyens intellectuels capables de lire le concept d'Elohim (Adam masculin = Ish) et de moyens de volonté de former les êtres individuels et de sensibilité à ces formes (Aspect féminin = isha). Il faut comprendre que métaphysiquement, tout être
formel est nécessairement
individuel, car c'est la forme qui conditionne les limites de l'individu. Adam est universel car au-delà des formes, mais il est destiné à objectiver toutes les formes multiples et infinies qui constituent l'Etre universel dont il est la conscience et l'image. Adam contient donc tous les êtres en germe. C'est pourquoi, dans le jarden d'Eden, il devra les nommer selon leur espèce et cultiver chaque être. Adam est aussi le principe humain du mental qui pense (Ish) et qui reçoit les sensations (Isha).
IHWH-Elohim = principe agissant dans la création, selon Adam. Si Elohim est architecte et Adam contremaître, IHWH-Elohim est l'ouvrier. Toutefois, IHWH-Elohim agit avant la chute. Il est aussi la relation qui unit l'Etre universel Elohim, à l'Etre individuel IHWH contenu dans les êtres individuels. Sous ce principe, chaque être individuel est une parcelle de l'Etre universel auquel il participe consciemment. Il faut noter qu'Adam est seulement conscience et que son rôle est de comprendre et de vouloir au fur et à mesure que le schéma de la création lui apparaît et se manifeste. Mais la production des formes et la logique de l'univers sont d'Elohim. Pour chaque forme individuelle, Elohim se lie à une composante individuelle et temporelle de lui-même qui est IHWH et grâce à laquelle chaque être sera produit selon son espèce. Sous cette double influence IHWH et Elohim, chaque conscience individuelle fonctionne dans un présent perpétuel, par une collaboration totale à l'Etre universel et éternel dont elle constitue comme une cellule consciente. Adam est alors la conscience globale de tous les êtres individuels.
IHWH = principe agissant après la chute. Cette chute étant une rupture de la relation entre le niveau individuel et le niveau universel, les êtres individuels vont alors vivre une existence purement individuelle en conscience. C'est pourquoi Elohim n'est plus directement agissant. IHWH est alors le principe "Je suis", caractéristique de l'existence individuelle, et il représente pour l'être individuel son propre Ego, qui s'oppose à l'universel. Toutefois, il subsiste quelque chose d'Elohim dans l'être, sans quoi l'existence ne serait pas possible. De même, cette séparation est aussi le résultat d'une tentative de concevoir les contraires de façon opposée et séparée. Ainsi, l'universel et l'individuel vont s'opposer, mais aussi le bien et le mal sont vus comme deux principes d'action opposés. Jusqu'à la chute, la création n'était que l'action du seul Bien constructeur. Après la faute de séparer le bien et le mal, la conscience sera constamment dualisée entre un principe constructeur et un principe destructeur. Afin de protéger les mondes merveilleux antérieurement créés de la destruction, il est créé un monde particulier (vêtement de peau), capable de résister à cette lutte entre création et destruction, et c'est IHWH qui le réalise dans l'individuel. Etant créateur de l'individuel, Il s'oppose au principe adverse, ou
Sâtan, ou Alter Ego, ou ennemi ou principe destructeur de l'individu. Ainsi, IHWH ne peut se concevoir sans le Sâtan. Ce dernier vient régulièrement éprouver par l'altérité et l'adversité, la solidité de l'Ego. De même, IHWH est la composante intérieure de l'être individuel et Sâtan est sa composante extérieure : le moi et le non-moi, le moi et l'autrui. La
loi de Moïse se réfère à IHWH qui a défini les règles d'application de la dualité, par la distinction du licite et de l'illicite, du juste et de l'injuste, du bien et du mal, mais ce faisant, cette loi
perpétue la faute originelle par l'exercice d'une dualité séparative extrêmement prononcée. Cette loi est très dualiste et s'exprime par le commandement d'IHWH "Tu n'auras pas l'Autre comme Elohim, mais Moi". Cette loi conduit à un
sacrifice de sang réalisé par les
prêtres selon l'ordre d'Aaron. IHWH est aussi le principe de l'existence dans le
triple temps (passé, présent et futur) et IHWH est généralement traduit par "Je suis, j'étais et je serais". C'est pourquoi, à la fin des Temps, IHWH restituera l'être dans l'éternité (Présent perpétuel) qui est la condition d'IHWH-Elohim en tant que principe d'action de cette éternité, et des êtres dans leur relation à l'Etre universel Elohim.
Jésus (Yeshoua = Josué) est celui qui restaure la
prêtrise selon l'ordre de Melkisédeq (Epitre aux hébreux). Il achève les sacrifices de sang (sacrifice de l'Agneau, crucifixion) de l'ancienne alliance et restaure le partage du pain et du vin dans le cadre d'une nouvelle alliance. Il diffère du Josué de l'AT qui s'exprime par le nom hébreu
Yehoshoua. Dans l'AT, ce nom est littéralement "IH sauve" ou "Yah sauve", IH ou Yah étant un diminutif d'IHWH, les deux hé étant le passé et le futur et le wav étant le présent. Or dans le NT, Jésus est
Yeshoua, littéralement "I sauve". Le Hé a disparu et il ne reste que le iod qui désigne Elohim et l'éternité. Le Josué de l'AT conquiert la terre promise dans ce monde, Jésus annonce un royaume des cieux. Le royaume de Josué sera le royaume temporel de David, figure du
Messie d'IHWH, alors que Jésus propose l'accès à un royaume éternel en tant que
Messie d'Elohim. Ils sont inversés l'un et l'autre. L'un est celui de la conquête de ce monde, l'autre est celui du détachement de ce monde.
Jésus va donner deux commandements aux pharisiens (Mat 22, 37-40) qui résument toute la Loi: le premier est 'd'aimer IHWH de tout son coeur, de tout son être et de toute son intelligence' et le second 'd'aimer son prochain (son non-moi = Satan) comme son moi (IHWH)'. Il dit clairement "Aimez vos ennemis!". Or quel ennemi est-il plus grand que Satan ? Il dit aussi "aimez-vous les uns et les autres". Il en résulte que Jésus demande un juste équilibre entre Ego et Alter Ego (autrui), une voie du juste milieu, qui sort du cadre de la loi de Moïse (Ne jugez pas = Ne discriminez plus le bien du mal, le juste de l'injuste, le licite de l'illicite) et qui est un exercice inversé par rapport à la faute originelle. Cette voie est en quelque sorte un non-dualisme, destiné à guérir les hommes de leur dualisme actuel. Elle est une voie de la synthèse et non de l'analyse. Il faut accepter les épreuves et l'altérité qui viennent de l'extérieur et ne pas s'attacher soi-même intérieurement aux choses de ce monde, afin de conquérir le royaume des cieux. Il faut vivre chaque jour, sans s'attacher au passé et sans faire de projet pour l'avenir : ainsi la conscience s'accoutume à bien vivre au présent, prélude de la conscience rétablie en Christ, qui est Adam dans son état d'avant la chute, l'Omega qui rejoint l'Alpha, par une inversion de la chute dans ce monde spécial, procédant alors à une remontée de la pente, un repentir (la notion de pénitence n'est pas scripturaire), un retour à l'origine.
Enfin, IHWH, en tant que principe du "Je suis", malgré qu'il représente Elohim dans l'individu, se trouve aussi opposé à Elohim sous un certain rapport. L'individuel s'oppose à l'universel. C'est pourquoi, le personnage de Satan, qui est adversaire d'IHWH comprend en tant qu'Alter Ego, tout le non-moi d'un être, donc aussi le non-individuel, c'est-à-dire l'universel. On comprend alors pourquoi, il faut aimer ses ennemis. L'adversité dans ce monde ou l'altérité provient d'Elohim, comme l'individualité. La voie chrétienne est un équilibre entre altruisme et considération de soi. IHWH et Satan sont les deux pôles de notre individualité, qui régissent ce monde parfait, le seul monde de justice qu'Elohim a conçu pour que les êtres en état de déchéance puissent remonter la pente.
Ce discours est fortement opposé à celui des Juifs de l'époque du christianisme primitif qui combattaient âprement leurs ennemis et attendaient un libérateur à la façon de David. On comprend pourquoi le christianisme primitif a été combattu. La notion de Melkisédeq signifie "Roi de Justice" ou
Maître de justice. Ce maître de justice évoqué dans les manuscrits de la mer morte définit le courant
nazaréiste (vie de nazir dans le monde) et
essénien (vie en communautés), qui a été persécuté par les Juifs dès le 2° siècle avant notre ère comme en témoignent certains manuscrits. Or L'apôtre Paul dans l'épitre aux hébreux précise que Melkisédeq n'a pas de généalogie, qu'il est sans père ni mère, et qu'il n'a ni commencement, ni fin. Ce courant est donc très ancien, et le nazaréisme est une tradition remontant avant celle du judaïsme. Le maître de Justice partage bien des points communs évidents avec le Christ, hormis le fait que le Christ ait une mère humaine. Mais ils sont tous deux des images du Père et de l'ancien culte. C'est pourquoi Abraham, qui a vu Melkisédeq a aussi vu le Christ. Ceci montre que le Christ s'était déjà manifesté dans un passé très lointain, sous une forme sans père ni mère, donc à un degré moindre d'humanité. Cela milite pour sa divinité. Mais comme le Christ est aussi le nouvel Adam ou si l'on veut, l'Adam initial restauré dans sa gloire première, ne faudrait-il pas aussi considérer l'Adam premier comme divin ? Cette divinité devient alors le
caractère de ce qui est universel, et l'on y trouve naturellement Le Père Elohim, le fils Adam-Christ et le saint-Esprit qui n'est autre que IHWH-Elohim, c'est-à-dire exactement les
principes antérieurs à la chute et qui avaient entamé la création en mode merveilleux.