"Nous savons, en effet, que si notre
demeure terrestre, qui n'est qu'une tente, est détruite, nous avons dans les cieux une construction qui est l'ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n'a pas été fabriquée par des mains humaines. Aussi nous soupirons dans cette condition ; nous souhaitons vivement
revêtir notre domicile céleste par-dessus l'autre, s'il est vrai qu'une fois
vêtus nous ne serons pas trouvés nus. Car, tandis que nous sommes dans cette tente, nous soupirons, accablés, parce que nous voulons, non pas nous dévêtir, mais nous
revêtir, pour que
le mortel soit englouti par la vie." (2 Cor 5,1ss)
L'image de la demeure ("tente" terrestre vs. "construction" céleste), qui correspond grosso modo à celle du "corps psychique" et du "corps pneumatique" en 1 Corinthiens 15, se double de celle du vêtement, qui permet de réintroduire l'autre distinguo de 1 Corinthiens 15 (et 1 Thessaloniciens 4), entre les morts et les vivants à la parousie: il y aura ceux (les morts) qui auront quitté un vêtement avant de revêtir l'autre par la résurrection (l'état "intermédiaire" étant donc figuré par la nudité, cf. le "grain nu" en 1 Corinthiens 15), et ceux (les vivants) qui revêtiront le nouveau vêtement par-dessus l'ancien (qui seront "changés" sans passer par la mort, dans les deux autres textes).
L'"âme" dans l'épître aux Hébreux accède à "l'étage idéal", céleste-éternel, "ancrée" au-delà ou en-deçà du "voile" de la "chair" et du monde des "ombres" (6,19, cf. 10,20) -- peut-être parce qu'elle en provient en premier lieu :
"Cette espérance, nous l'avons comme une ancre solide et ferme pour
l'âme ; elle pénètre au-delà du
voile" (6,19)
"Ainsi donc, frères, nous avons l'assurance d'un libre accès au sanctuaire par le sang de Jésus, accès qu'il a inauguré pour nous comme un chemin nouveau et vivant au travers du
voile, c'est-à-dire de sa
chair"(10,19-20)
C'est certainement "l'espérance" qui pénètre au-delà du voile, mais précisément "comme ancre de l'âme" (hôs agkura tès psukhès). On est donc très loin des conceptions de 1 Corinthiens, où l'état d'"âme", si j'ose dire, la condition "psychique" (animale-naturelle-charnelle), était un niveau "inférieur" à surmonter pour accéder à l'étage "pneumatique-spirituel".
a écrit :Donc, déduire de son raisonnement ce qu'il pouvait penser de l'âme, va notamment dépendre de la définition que nous donnons à ce terme.
Benfils,
Toujours aussi pertinent !
Il ne faut pas prendre comme référence le dogme de la trinité de l'Eglise catholique qui est le résultat de décennies de débats. Il me semble nécessaire de bien noter que «l’âme» est un concept mouvant : le mot ne désigne pas toujours la même chose d’un bout à l’autre de la Bible, comme c’est d’ailleurs le cas pour à peu près tous les «concepts». Or le fait est que si l’âme, dans la grande majorité des occurrences de l’AT, désigne avant tout la «personne», ce n'est pas le seul sens du mot "âme". L'"âme", le mot "âme", me semble d'autant plus sensible que son "sens" est indéfini, flou ou variable.
Rien que dans Matthieu témoigne de cette diversité de sens :
6,25: Ne vous inquiétez pas, pour votre "âme-vie" (psukhè), de ce que vous mangerez ou de ce que vous boirez, ni, pour votre corps (sôma), de ce dont vous serez vêtus. L'"âme-vie" n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?
Il y a un parallélisme évident entre "l'âme" et "le corps", mais il n'est pas d'opposition, Il n'est pas non plus de stricte équivalence (synonymique), dans la mesure où on peut y voir une sorte de gradation, l'"âme-vie" étant plus "essentielle" que le "corps" comme la nourriture est plus "vitale" que le vêtement.
10,39: "Celui qui aura trouvé son "âme-vie" la perdra, et celui qui aura perdu son "âme-vie" à cause de moi la trouvera." La phrase présente un sens satisfaisant avec la "vie", mais elle aurait un sens plus riche ou plus complexe avec la psukhè: il pourrait y avoir d'autres façons de "perdre son âme" que de "perdre sa vie".
12,18: Voici mon serviteur, celui que j'ai choisi,
mon bien-aimé, celui en qui j'ai (litt. "mon âme a") pris plaisir.
Il est question de "l'âme" (de Dieu !)
22,37: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence". En quoi "l'âme" se distinguerait ou non du "cœur" ou de l'"intelligence" ?
26,38: Je suis, ou mon âme est, triste à mourir ?
Connotation affective difficile à traduire et qui oblige à conserver le mot "âme".