Et c'est reparti pour un tour!
Comme quoi ça te manquait, le fil sur la Trinité et les Pères apostoliques! :p
medico a écrit :Hermas, a écrit dans la première partie du IIe siècle. Y a-t-il dans son ouvrage, Le Berger, ou Pasteur, des déclarations qui pourraient donner à penser que, pour lui, Dieu était une Trinité? Examinons quelques exemples:
“Et ce n’est pas lorsque l’homme a envie de parler que parle l’Esprit Saint: il parle lorsque Dieu veut qu’il parle. (...) Dieu a planté le vignoble, c’est-à-dire qu’il a créé son peuple et l’a confié à son Fils. Et son Fils a chargé les anges de les surveiller tous individuellement [19].”
“Le Fils de Dieu est né avant la création tout entière
Hermas dit ici que lorsque Dieu (et non pas seulement le Père) souhaite que l’esprit parle, il parle; ce qui montre la supériorité de Dieu sur l’esprit. Puis il dit que Dieu a donné le vignoble à son Fils; ce qui montre la supériorité de Dieu sur le Fils. Il dit également que le Fils de Dieu est né avant ses créatures, celles du Fils, c’est-à-dire les êtres que le Fils de Dieu a créés en tant qu’habile Ouvrier; en effet, “par son entremise toutes les autres choses ont été créées dans les cieux et sur la terre”. (Colossiens 1:15, 16.) C’est que le Fils n’est pas éternel. Il a été créé esprit de haut rang, avant tous les autres esprits, tels les anges, qui ont été créés par son entremise..
Un point important dans ce texte du Pasteur d'Hermas; si on emploie le mot d'Esprit-Saint, ce n'est pas forcément pour désigner une hypostase de la Trinité, mais tantôt par allusion à la nature divine, tantôt et dans une certaine proportion, dans un sens analogue à celui où nous employons aujourd’hui le terme de grâce sanctifiante. Donc l'emploi de l'expression "Saint Esprit" dans cet écrit est à prendre avec des pincettes. Une théologie assez frustre et pouvant prêter à confusion, qui a conduit à l'éviction de cette épître, écrite vers l'an 150, au bout d'un certain nombre de siècles...
Mais cette théologie frustre est un témoin précieux des origines juives du Christianisme. Chaque verset d’Hermas nous ramène à l’hébreu et au midrash. Donc le passage où l'Esprit parle lorsque Dieu veut qu’il parle n'a absolument rien d'étonnant vu que l'on retrouve ce genre de chose dans la Bible même: "... [Yahvé] me dit: '
Prophétise à l'esprit, prophétise, fils d'homme.
Tu diras à l'esprit: ..." (Ézéchiel 37v9) Mais pourquoi cette logique où Dieu est comme dissocié de l'Esprit qui est lui-même? C'est en fait simple: tout comme le Verbe s'incarne dans un espace-temps pour créer notre univers, l'Esprit a une logique créatrice lorsqu'il s'incarne dans le cœur d'une créature. "... C'est l'esprit de Dieu qui m'a fait, le souffle de Shaddaï qui m'anime ..." (Job 33v4). Tout en étant Dieu, Il révèle la divinité dans une réalité existentielle, hors de Sa transcendance inaccessible. Donc s'adresser à l'Esprit, c'est s'adresser à Lui en tant que réalité qui s'incarne nous, et Dieu, s'Il souhaite réaliser cette réalité là, peut parler au cœur de l'homme... et c'est en ce sens qu'Il parle à l'esprit (de l'homme, éclairé de la lumière de l'Esprit). De tout cela, le Pasteur d'Hermas témoigne dans ses lignes: «... Si tu es patient, le Saint-Esprit qui demeure en toi .. éprouvera une grande joie avec le vase dans lequel il habite ...» (V, 1, 3), «... Le
Saint-Esprit est sensible... il cherche à s'en aller pour aller habiter ailleurs ...» (Mand. X, 2, 5) «.. Le Saint-Esprit adresse des demandes à Dieu ...» (X, 2, 6) C'est une dynamique d'incarnation à prendre en compte pour tous ces passages d'Hermas.
Pour ce qui est du Fils: le Pasteur répond (ch.6v2) : «... Le Fils de Dieu est antérieur à toute créature de Dieu, de sorte qu'il a servi à son Père de conseiller dans la création ; c'est pourquoi il est représenté par la pierre ancienne, ll est représenté aussi par la porte neuve, parce que, lorsque les derniers temps ont pris fin, il est apparu, afin que ceux qui doivent être sauvés entrent par lui dans le Royaume de Dieu ...». Et, plus loin (ch. XIV, 5), il ajoute : «... Le nom du Fils de Dieu est grand et infini, et il porte le monde entier. Si donc toute créature est portée par le Fils de Dieu, ne penses-tu pas que ceux qui sont appelés par lui, qui portent le nom du Fils de Dieu et qui marchent dans ses commandements, il peut aussi les porter? ...» ... C'est dans ce Fils de Dieu que représente la pierre, antérieur à la création et qui soutient l'Église et le monde, que certains commentateurs ont vu le Fils, deuxième personne de la Trinité. Or c'est un sujet à polémique, rien n'est sûr car au ch Iv1 à 4, il est dit que le Saint-Esprit est le Fils de Dieu, et dès lors certains estiment qu'on n'est pas en droit de voir dans ce Fils de Dieu préexistant un autre être que le Saint-Esprit. Alors les propos TJ rapportés plus haut sont bien fragiles!
medico a écrit :Voici ce que dit J. Kelly, dans Doctrines des premiers chrétiens (angl.), sur la conception qu’Hermas avait du Fils de Dieu:
“Dans un certain nombre de passages, nous entendons parler d’un ange qui est supérieur aux six anges formant le conseil restreint de Dieu, et qui est régulièrement appelé ‘très vénérable’, ‘saint’ et ‘glorieux’. Cet ange porte le nom de Michel, et il est difficile de ne pas en conclure qu’Hermas voyait en lui le Fils de Dieu et l’identifiait à l’archange Michel.”
“On perçoit également (...) des tentatives pour voir dans le Christ une sorte d’ange suprême (...). Bien sûr, on ne trouve aucun signe d’une doctrine de la Trinité au sens strict .”
Early Christian Doctrines, J. Kelly, deuxième édition, 1960, pages 94, 95.
Pour Michel je renvoie à ce qui est écrit sur l'Esprit Saint précédemment. Sinon, Christ n'est jamais représenté dans toute cette épître sous la forme angélique. Il apparaît, il est vrai, dans la IX° Similitude sous la forme d'un homme au milieu d'autres hommes ( Sim. IX, 6, 1 ; 12, 7), mais dans l'explication, dans le contexte, il n'est jamais appelé ange, toujours Fils de Dieu. Dans Hermas on a une formulation intéressante suite à une parabole: "... Le Fils, c'est le Saint-Esprit et l'esclave, c'est le Fils de Dieu ..." Et c'est d'ailleurs dans ce même fil parabolique qu'on a une ébauche frustre et réelle d'une formule trinitaire (n'en déplaisent à certains), où l'on découvre le maître du champ comme créateur de toutes choses, le fils comme Saint-Esprit et l'esclave comme Fils de Dieu... Comme quoi oui, il ne faut pas parler trop vite en matière de Trinité!
medico a écrit :Papias fait également partie de ceux qui, dit-on, ont connu l’apôtre Jean. Il a probablement écrit au début du IIe siècle, mais nous ne possédons aujourd’hui que des fragments de ses œuvres. On n’y trouve rien qui se rapporte à une doctrine de la Trinité.
Fidèle à l’enseignement de Jésus
Sur la question de la suprématie de Dieu et de ses relations avec Jésus, on peut dire que l’enseignement des Pères apostoliques est fidèle à celui de Jésus, des disciples et des apôtres, tel qu’il est recueilli dans la Bible. Tous parlent de Dieu, non comme d’une Trinité, mais comme d’un Être distinct, éternel, tout-puissant et omniscient. En outre, ils parlent du Fils de Dieu comme d’une créature spirituelle distincte, inférieure et subordonnée, que Dieu a créée pour qu’elle le serve en accomplissant Sa volonté. Quant à l’esprit saint, nulle part on ne dit qu’il est l’égal de Dieu.
Ainsi, dans ces écrits des Pères apostoliques datant de la fin du Ier siècle et du début du IIe, on ne trouve rien en faveur de la Trinité enseignée par la chrétienté. Ces hommes ont parlé de Dieu, de Jésus et de l’esprit saint de la même manière que la Bible. Voyons, par exemple, Actes 7:55, 56:
“Tout rempli de l’Esprit Saint, [Étienne] fixa son regard vers le ciel; il vit alors la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. ‘Ah! dit-il, je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’” — Jérusalem (Bible catholique).
Étienne a eu une vision de Dieu dans le ciel, avec Jésus à Ses côtés. Le Fils était debout près de Celui qui est appelé, non pas simplement “Père”, mais “Dieu”, quelqu’un d’entièrement distinct de Jésus. En outre, Étienne ne dit pas qu’il a vu une troisième personne. Il n’a pas vu l’esprit saint dans le ciel avec Jésus et son Père.
Papias, disciple de Jean et ami de Polycarpe, n'ayant aucune pensée se rapportant de près ou de loin à la Trinité? Allons bon! Quand on sait qu'il avait écrit un ouvrage en cinq livres intitulé Λογἱων κυριακῶν ἐξηγήσεις / Logiôn kyriakôn exêgêseis, titre qu'on traduit généralement par Explication des paroles du Seigneur, on ne peut être que dubitatif!... Mais c'est tellement facile que d'affirmer cela quand on sait que l'œuvre de Papias a été perdue (les absents ont toujours tord comme on dit...) D'ailleurs là, on ne voit pas un de ces textes TJ au discours tout bien ficelé sur lui!
Pour tout ce qui concerne l'enseignement des Pères apostoliques en tant que tel sur ce sujet, je te renvoie à nos échanges passés, sur le fil traitant de la Trinité et les Pères apostoliques: ça te ferait du bien le relire mieux!
Pour ce qui est du passage d'Étienne, moi-même et info avons déjà répondu!