Seleucide a écrit : ↑09 avr.22, 13:46Cela induit, pour une question donnée, de collecter toute la documentation pertinente pour en traiter.
Justement, je ne pense que vous ayez collecté la documentation nécessaire (à supposer que celle-ci existe) pour statuer sur la question. Pour être franc, je pense que votre travail devrez plutôt porter sur l'existence -ou non- d'une tradition impliquant le recours à des démons (et par là, l'autorité sur eux). Ainsi, on ne risque pas de mettre la charrue avant les bœufs. En attendant, permettez-moi de vous soumettre quelques pistes, ainsi on ne supposera à mon sujet des choses infondées (comme vous le faites plus loin). Peut-être avez-vous déjà explorées celles-ci?
1. Vous pourrez chercher du côté des manuscrits de la mer morte: ils feraient, à ce qu'il paraît, référence à l'utilisation d'incantations remontant à David et Salomon contre les démons. Cependant, vu la qualité de ces textes (tant de passages manquants), la question est à approfondir. Voici un extrait en anglais (je n'ai pas la version française) qui reprend Psaume 91 et l'interprète en rapport avec les forces obscures (sorte de protection contre eux):
Col. Ι 2 [Of David. Concerning the words of the spell] in the name of [YHWH. ..] 3 [...] of Solomon, and he will invoke [the name of YHWH] 4 [to set him free from every affliction of the sp]irits, of the devils, [Liliths,] 5 [owls and jackals.] These are the devils, and the pri[nce of enm]ity 6 [is Belial,] who [rules] over the abyss [of dark]ness. 7 [...] to [...] and to mag[nify the] God of 8 [wonders... the sons of] his people have completed the cure, 9 [... those who] have relied on your name. Invoke 10 [... guardian of] Israel. Lean 11 [on YHWH, the God of gods, he who made] the heavens 12 [and the earth and all that is in them,] who separated [light] 13 [from darkness...] ... [...]
Selon des sources que j'ai consultées, Salomon aurait hérité de sa capacité à chasser/maitriser les démons de son père. Cela serait également mentionné dans les Antiquités bibliques (LAB 60) de Pseudo-Philo, mais je n'ai pas vérifié faute de texte disponible.
2. La Bible ne dit pas grand-chose sur le sujet, compte tenu du fait que les textes qui rapportent l'histoire de Salomon (notamment Rois et Chroniques) sont rédigés plusieurs siècles (et jusqu'à 500 ans) après les événements racontés. Cependant, une lecture approfondie (en hébreu pour connaitre les termes utilisés) pourrait révéler bien des choses. Par exemple, il y est indiqué que David pouvait dompter/chasser les "mauvais esprits" –terme qui n'est pas à confondre avec la conception grecque/chrétienne des démons/daimoniois. Dans
1 Samuel 16:14-23, par l’instrument (harpe) qu’il jouait (et probablement par des psaumes qu’il chantait en même temps) il a réussi à soulager Saül (en chassant le mauvais esprit qui était en lui):
1 Samuel 16:14: "L'esprit de l'Éternel se retira de Saül, qui fut agité par un mauvais esprit venant de l'Éternel. Les serviteurs de Saül lui dirent: Voici, un mauvais esprit de Dieu t'agite. […jusqu'à…] Et lorsque l'esprit de Dieu était sur Saül, David prenait la harpe et jouait de sa main; Saül respirait alors plus à l'aise et se trouvait soulagé, et le mauvais esprit se retirait de lui."
Ailleurs, il est clairement indiqué que ce roi contemporain de David recourrait à la nécromancie/voyance, en faisant appel à des voyantes/sorcières employant des démons (qui peuvent prendre la forme d'un homme, en l'occurrence Samuel). Preuve qu'on avait de grandes connaissances en démonologie à cette époque:
1 Samuel 28:13: "Et Saül dit à ses serviteurs: Cherchez-moi une femme qui évoque les morts, et j'irai la consulter. Ses serviteurs lui dirent: Voici, à En-Dor il y a une femme qui évoque les morts. Alors Saül se déguisa et prit d'autres vêtements, et il partit avec deux hommes. Ils arrivèrent de nuit chez la femme. Saül lui dit: Prédis-moi l'avenir en évoquant un mort, et fais-moi monter celui que je te dirai. La femme lui répondit: Voici, tu sais ce que Saül a fait, comment il a retranché du pays ceux qui évoquent les morts et ceux qui prédisent l'avenir; pourquoi donc tends-tu un piège à ma vie pour me faire mourir? Saül lui jura par l'Eternel, en disant: L'Eternel est vivant! il ne t'arrivera point de mal pour cela. La femme dit: Qui veux-tu que je te fasse monter? Et il répondit: Fais moi monter Samuel. Lorsque la femme vit Samuel, elle poussa un grand cri, et elle dit à Saül: Pourquoi m'as-tu trompée? Tu es Saül! Le roi lui dit: Ne crains rien; mais que vois-tu? La femme dit à Saül: je vois un dieu qui monte de la terre. Il lui dit: Quelle figure a-t-il? Et elle répondit: C'est un vieillard qui monte et il est enveloppé d'un manteau. Saül comprit que c'était Samuel, et il s'inclina le visage contre terre et se prosterna."
3. Dans 1 Rois 4:29, on apprend que Salomon a reçu de Dieu des connaissances diverses et variées. C'est justement le passage qu'a repris Flavius Josèphe, auquel il a ajouté le fait que ce roi-prophète avait reçu de Dieu le pouvoir de chasser les démons (Actualités judaïques). Dans son texte, il laisse entendre que cette façon de faire –l'exorcisme pratiqué au Ier siècle– serait héritée de Salomon:
"Et cette thérapeutique est encore très en vigueur jusqu’ici chez nous. " Une tradition (peut-être ésotérique) aurait donc pu exister.
D'où le verset cornique que j'ai déjà cité et qui stipule qu'une partie des enfants d'Israël a abandonné la Torah et a "suivi" (=tradition) ce que les diables racontent sur le règne de Salomon (la magie). L'exégèse faite par Tabari du verset nous dit ceci:
"[Tabari dit :] "As.Suddiyy a dit : [A l’époque de Salomon], les chayâtîn accédaient au Ciel en des lieux d’où ils pouvaient entendre les propos des Anges sur ce qui surviendrait sur terre (...). Ils transmettaient ensuite ces propos aux devins qui les révélaient ensuite aux gens. Une fois que les devins eurent constaté que ces choses se réalisaient et que leur confiance à l’égard des chayâtîn était bien confortée, ceux-ci commencèrent à leur mentir en introduisant des propos qu’ils n’avaient pas du tout entendus, au point d’ajouter à chaque mot vrai soixante-dix mots supplémentaires. Or, les hommes consignaient ces propos dans des écrits et le bruit se répandit parmi les Fils d’Israël que les jinns connaissaient le Monde invisible (Ghayb).
Salomon envoya alors des émissaires dans le peuple pour qu’ils réunissent tous ces écrits. Lorsque cela fut terminé, il plaça ces textes dans un coffre qu'il fit enterrer sous son trône et aucun des démons ne pouvait s'en approcher sans être aussitôt consumé; Salomon avertit alors que quiconque prétendrait que les jinns connaissent le Monde invisible serait mis à mort.
Après sa mort et une fois que tous les Docteurs qui avaient connu cette affaire eurent disparu, Satan se présenta sous l’aspect humain à un groupe des Fils d’Israël et leur dit :
— Je vais vous indiquer un trésor que vous n’épuiserez jamais.
— D’accord ! lui répondirent-ils.
— Creusez sous le trône.
— Il s’en fut alors avec eux et tout en restant à l’écart, leur indiqua l’endroit où ils devaient creuser. [Comme ils s’étonnaient de son attitude] ils lui demandèrent pourquoi il ne s’approchait pas.
— Je suis ici entre vos mains ; si vous ne trouvez rien, tuez-moi !
Ils creusèrent et trouvèrent les textes en question. Satan leur dit alors :
— C’est par cette magie [consignée dans ces textes] que Salomon exerçait son influence sur les hommes, les chayâtîn et les oiseaux.
C’est ainsi que se répandit parmi les Fils d’Israël l’opinion selon laquelle Salomon avait été un magicien, et les Fils d’Israël conservèrent ces écrits jusqu’à l’arrivée de Muhammad (...) et s’en servirent pour controverser avec lui (...)"."
Je n'ai pas assez d'espace pour mentionner tout ce qui a été dit sur ce point, mais je le ferai plus tard si vous le voulez.
a écrit :La Bible (ou plus exactement, certains livres de la Bible) est un document historique pertinent pour se pencher sur la vie de Salomon : elle est le plus ancien document que nous ayons à en traiter, c'est-à-dire, le moins éloigné dans le temps des événements qu'elle prétend décrire, et par conséquent, le plus susceptible d'avoir des informations à ce sujet. Bien entendu, cela ne signifie pas qu'il faille accepter tout ce qu'elle dit, il y a un nécessaire travail de critique à opérer. En revanche, cela signifie que la Bible est un document historique pertinent pour cette question. C'est ce qui explique l'usage que j'en fais : il y a un impératif rationnel qui le motive.
Ce que vous oubliez de dire, c'est que certains de ses textes sont rédigés au moins un millénaire après les événements rapportés (par exemple l'histoire de Noé, d'Abraham, etc. dans Genèse), et d'autres ne sont rédigés que pour appuyer ou rejeter des points de vues individuels ou communautaires (donc très subjectifs), sans oublier les exagérations (Salomon qui aurait eu 700 femmes et 300 concubines, ce qui implique d'après mes calculs à peu près trois ans pour passer une nuit avec chacune d'elle...). Il a consacré sa vie à Dieu, notamment à la construction du Temple et de sanctuaires pour l'adorer. Dire qu'un homme aussi "sage" et "pieux" s'est tourné vers des dieux étrangers au moment crucial (avant sa mort) est inconcevable. Bref, vous pouvez prendre la bible comme point de départ autant que chrétien, mais vous ne pouvez pas obliger un musulman à faire de même. Quant aux points de vue rabbiniques, ils sont bien plus subjectifs et douteux que la bible pour moi.
a écrit :C'est, si je peux me permettre, tout l'inverse de ta démarche. Il y a une excellente citation de Dye à ce sujet :
Cela signifie qu’il peut exister des islamologues musulmans, mais s’ils veulent faire correctement leur travail (et ne pas faire de l’apologétique déguisée), ils doivent mettre leur foi entre parenthèses, pour deux raisons : d’une part, parce qu’il ne convient pas d’interpréter les données historiques selon un prisme ou une vision théologique (c’est-à-dire une vision qui n’est pas susceptible d’être étayée sur des bases historiques) ; d’autre part, parce que, comme le rappelle volontiers mon collègue et ami Manfred Kropp, la science choisit ses sujets librement. L’adage « la raison est autonome, mais dans les limites de la révélation ; la recherche est libre, à condition qu’elle ne touche pas au dogme » est la négation pure et simple de l’esprit critique et scientifique. En revanche, c’est une assez bonne définition de l’apologétique.
Tâchons de garder ce débat courtois svp, loin des jugements et des insultes. J'ai le droit de remettre en question votre façon de procéder. Rassurez-vous, je remets aussi en question des points de vue et exégèses islamiques. La raison, si Dieu m'en a fait don, c'est pour m'en servir et ne pas prendre pour vérité générale tout ce qu'on raconte.
a écrit :On peut toujours supposer plein de choses, mais pour qu'une hypothèse soit retenue dans le domaine historique, il faut des éléments pour l'étayer. Or, tu n'as strictement rien pour étayer ces hypothèses de recherche. Ce ne sont d'ailleurs pas des hypothèses de recherche, mais des hypothèses ad hoc purement et simplement inventées pour légitimer le dogme. Tu es persuadé d'être dans la vérité avec le Coran. Tu pars de l'énoncé coranique, que tu considères être véridique, et tu essaies de le justifier par toutes sortes de moyens improbables, d'hypothèses invraisemblables. C'est donc toi qui as un prisme idéologique, pas moi ; il y a un impératif dogmatique derrière chacune de tes hypothèses.
Ce n'est pas moi qui a émis les hypothèses dont il est question ici (tout serait parti d'une fable). Ce n'est donc pas à moi de prouver quoi que ce soit, mais à vous de le faire. Les spéculations et les conjectures, on ne peut même pas à bâtir des châteaux de cartes avec. Le Coran, si j'y crois, c'est avant tout parce que ses enseignements sont pratiques, ses dogmes clairs et la conception qu'il donne de Dieu et du monde et la plus convaincante pour moi. Pour le reste, je lis, cherche, doucement mais surement.