Alisdair a écrit :mais de là à le retrouver dans la Bible, je doute un peu.
Et bien il ne faut pas douter, Alisdair, mais lire la Bible comme elle est écrite. Je vous propose d'en lire quelques extraits ensemble. Nous allons citer des versets de la genèse, pris dans la traduction de Chouraqui.
Chapitre Un a écrit :1 ENTÊTE Elohîms créait les ciels et la terre,
2 la terre était tohu–et–bohu, une ténèbre sur les faces de l’abîme, mais le souffle d’Elohîms planait sur les faces des eaux.
3 Elohîms dit: «Une lumière sera.» Et c’est une lumière.
4 Elohîms voit la lumière: quel bien! Elohîms sépare la lumière de la ténèbre.
5 Elohîms crie à la lumière: «Jour.» À la ténèbre il avait crié: «Nuit.» Et c’est un soir et c’est un matin: jour un.
6 Elohîms dit: «Un plafond sera au milieu des eaux: il est pour séparer entre les eaux et entre les eaux.» Elohîms fait le plafond.
7 Il sépare les eaux sous le plafond des eaux sur le plafond. Et c’est ainsi.
8 Elohîms crie au plafond: «Ciels.» Et c’est un soir et c’est un matin: jour deuxième.
9 Elohîms dit: «Les eaux s’aligneront sous les ciels vers un lieu unique, le sec sera vu.» Et c’est ainsi.
10 Elohîms crie au sec: «Terre.» À l’alignement des eaux, il avait crié: «Mers.» Elohîms voit: quel bien!
Dans ces premiers versets, avant la conception de la création, la terre, qui est la matérialité, était informe et vide, Tohu et Bohu, ce qui signifie sans aucun ordre (chaotique et inintelligible) et sans aucune forme matérielle. Une ténèbre (=obscurité) caractérisait toutes les faces de l'Abîme, l'Abîme étant la Possibilité universelle avec toutes ses possibilités à l'infini. Mais le souffle d'Elohim, à savoir le fondement de tout concept et donc de toute conception de l'existence concrète, planait au-dessus des eaux, les eaux étant le champ de la Conscience, alors même qu'aucune conscience effective n'existe encore dans cette obscurité.
Le souffle qui est l'Esprit ou le fondement originel de tout concept, est associé à la lumière, qui est le principe d'éclairage et donc d'intelligence, de logique qui permettra d'ordonner ce chaos et d'éclairer l'obscurité. C'est pourquoi, une lumière sera isolée de toute la possibilité.
Elohim sépare la lumière de la ténèbre. C'est le premier acte de l'Esprit, qui est en même une séparation de deux contraires : la lumière et la ténèbre. Cette dualisation permet d'obtenir le principe lumineux d'un côté et toutes les autres possibilités encore obscures de l'autre. Ce principe lumineux en langage visuel, est aussi le principe de négation en langage verbal. La Lumière est aussi la contradiction, le principe du discernement, le principe de la dualité des contraires et ce qu'on appelle aussi le Diable, du grec diabolein, qui signifie "ce qui sépare en deux". C'est en effet par l'éclairage que l'on peut distinguer les objets, alors que dans l'obscurité, tous les objets se confondent.
Avec cette séparation de la lumière d'un côté et de l'Obscur de l'autre, le champ de conscience qui est tendu entre les deux va lui même être divisé en deux, les eaux supérieures à la démarcation, pour ce qui est intellectuel, et les eaux inférieures, en dessous de la démarcation, pour ce qui est sensible et formel. Cette démarcation, le "plafond" est situé exactement à mi-chemin entre la lumière et l'Obscur, à une position 1 / 2, que la dualité impose et qui correspond à l'emplacement de la future conscience. Cet emplacement est la position de ce qui est Moyennement éclairé.
Enfin, les eaux de la conscience se concentreront en un lieu unique, (centre de la conscience) d'où le "sec sera visible", le sec désignant la terre, c'est-à-dire la matérialité et ses formes.
Notons au passage que tout cela est vu par Elohim comme Bien et le mal n'a ici aucune sorte de réalité, car ce qui est le mal, c'est peut-être l'Abîme de Dieu, à travers l'infini de ses possibilités, mais comme Dieu cherche ici le moyen de mettre de l'ordre à sa nature chaotique, il crée l'Etre à partir d'un discours où le fondement de la logique, lui-même principe diabolisant et éclairant, va permettre le discernement et la séparation distinctive de toutes ces possibilités.
Deux remarques sur le Diable : Lucifer, qui est un nom latin représentant le Diable, signifie "porteur de Lumière". De même, l'un des Noms de ce principe est le Malin, mais Malin est aussi celui qui est intelligent, et qui distingue les choses. Ainsi, on comprend sans peine que ce Diable, n'est autre que le départ du verbe créateur et concepteur de l'Existence. Il est la Lumière originelle qui a été séparée en tout premier du chaos primordial. Enfin, il est aussi le Feu des traditions, car sa logique est implacable et rigoureuse.
Une autre remarque, c'est que de là où la conscience doit apparaître, au point de concentration des eaux en un lieu unique, ce qui est visible immédiatement, c'est la matière et ses formes, c'est-à-dire le sec. C'est pourquoi Adam va s'attacher en premier à la considération de la terre, plutôt qu'à la contemplation céleste. L'être humain commence par découvrir le monde concret, bien avant de se lancer dans l'étude des choses intellectuelles et abstraites. La faute originelle a donc une place prévue dès le verset 9 de la genèse. On voit l'Etre universel composé de trois portions : les cieux ou intellect (ce qui est aérien et gazeux), la conscience ou mer ou mental (ce qui est liquide) et le corps sensible et formel (le sec ou la terre, les solides).
Lorsque Adam va être façonné et placé au centre de la conscience, il sera donc une conscience de départ, voyant les formes matérielles des êtres selon leur espèce. Mais il est la conscience universelle, et lui-même ne connaît pas sa forme. C'est pourquoi, cet être mental va être à son tour dualisé et sexualisé entre Ish, partie intellectuelle et Ishah, partie matérielle et sensible. Et comme le montre le texte du chapitre 3, c'est cette seconde partie qui va agir en premier, par la reconnaissance des formes mais aussi l'usage du discernement, c'est-à-dire de la contradiction et de la lumière, laquelle permet de voir en premier ce qui est concret en distinguant les formes, avant de pouvoir en formuler le pourquoi, c'est-à-dire d'en avoir la connaissance intellectuelle.
Mais l'usage de ce discernement va induire la séparation du bien de l'Etre de son contraire, qui sera le Mal, sorte de sensibilité négative, qui va induire le jugement comme fruit de la connaissance distinctive.
Vous voyez que la Bible introduit tout cela dès le début, dont les 10 premiers versets sont le cadre métaphysique de la suite.