a écrit :Tout cela ne correspond pas chronologiquement. Il y a forcément des chevauchement de vision et celle de la nouvelle terre correspond à celle du début de Rév 20.
Agécanonix,
Il est réjouissant que vous découvriez qu'il ne se passe RIEN dans le description que nous fait le chapitre 20 des mille ans ... Enfin, ce n'est pas trop tard.
Il est remarquable que la Watch puissent décrire les mille ans comme un règne sur une terre transformée en paradis sans maladie et ni mort alors que le chapitre 20 ne fournit aucun détail sur ce règne. on pourrait se demander si l'"auteur" d'Apocalypse 20 n'a pas délibérément vidé son "millénium"e tout "contenu" concret, utile, sensationnel, attrayant ou pittoresque.
Toujours est-il que si l'on s'en tient à l'Apocalypse, c'est
la vacuité descriptive et l'inutilité narrative du millénium qui sont frappantes... ce délai supplémentaire
ne sert à rien (mais on peut en dire à peu près autant de tous les "cycles" précédents), et les images paradisiaques habituellement associées au millénium dans la littérature chrétienne ultérieure (mais provenant en tout état de cause des textes de l'AT) sont cantonnées au "monde nouveau"
d'après le millénium, la fin des cieux et de la terre et le "jugement dernier", tout en étant fortement "spiritualisées" ou "éternisées" (monde nouveau sans histoire, temps sans temps, etc.). Le scénario tel qu'il se présente traduit en fait un pessimisme historique absolu: mille ans de règne du Christ et des saints, sans entrave de l'empire (la bête) et du diable (le dragon),
ne changeraient rien à la tendance de fond -- à la première manifestation diabolique le monde entier serait à nouveau séduit,
il faut en finir avec ce monde-là et cette histoire-là.
L'incohérence des chapitre 19 à 22 me paraît réelle (en fait elle crève les yeux), elle n'est pas qu'"apparente", et pas seulement due à l'ancienneté du texte mais à son caractère hétéroclite: compilation ou rédaction à partir de plusieurs "sources" ... La Watch préfère croire pour des raisons doctrinales à un chevauchement de visions sans réelle base scripturaire.
Mais il y a d'autres types
d'incohérences dans le texte: Apocalypse 20 est d'abord une vision décrite et racontée principalement au passé, malgré quelques échappées au présent et au futur -- vision au passé dans la suite formelle du chapitre 19, malgré une rupture logico-narrative majeure (d'un massacre universel à un monde qui continue, comme si de rien n'était ou presque); mais à partir du v. 6b c'est soudain le futur qui domine, de sorte qu'on n'a plus l'impression d'être dans une "vision" mais dans une "
prophétie", sans trop savoir qui parle: Jean, Jésus, un ange interprète, en fait le locuteur disparaît, le discours prédictif se supporte tout seul. Et au v. 9 on revient tout à coup au passé conventionnel de la "vision", qui va se poursuivre dans la section suivante (la résurrection des morts et le jugement dernier, c'est encore une "vision"). Il ne s'agit évidemment pas de surinterpréter ce genre de détail, mais il faut quand même tenir compte de ces
accrocs pour ne pas transformer trop vite le texte en "scénario" eschatologique cohérent; bien que ce soit précisément un des chapitres qui se prêtent le mieux à la "scénarisation", avec une séquence d'"événements" apparemment limpide.
Il me semble en effet qu'il y a une rupture majeure entre les chapitres 20 et 21, la rédaction s'efforce de
ménager la transition comme elle peut, notamment par le motif de la disparition des cieux et de la terre en 20,11, qui prépare l'apparition du nouveau ciel et de la nouvelle terre en 21,1: la résurrection et le jugement des morts se situent donc hors-lieu et hors-monde, à la lettre entre deux mondes, c'est l'un des aspects les plus intéressants et les plus réussis de l'affaire à mon avis.
Mais cela marque aussi une
rupture nette entre les deux mondes, une "solution de continuité" comme on dit, qui interdit tout passage direct d'un monde à l'autre. En tant que monde, "ciel et terre", le monde nouveau du chapitre 21 ressemble forcément au monde ancien (il s'y trouve ainsi des "humains", des "peuples", des "nations" et même des "rois", 21,3.24.26; 22,2 -- mais non les "nations" du chap. 20 ni les "rois" déjà disparus au chap. 19); cependant le texte insiste principalement sur les différences (plus de nuit, plus de mer, plus de temple, plus de soleil et de lune, plus de mort, plus de malédiction.
C'est surtout,
un monde sans histoire et sans "accident" qui relancerait une nouvelle histoire (de même qu'à la fin des contes, "ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants" n'annonce aucune "suite"): tableau immobile à la manière d'une liturgie immuable, image de l'éternité, temps sans temps.
On pourrait déduire, sans beaucoup d'imagination, que les "habitants" du "monde nouveau" sont tout simplement ceux dont les noms étaient écrits dans le livre de vie du chapitre 20, mais le texte même ne présente pas les choses ainsi. Le "monde nouveau" paraît absolument dépourvu de traits "personnels", les humains, les peuples, les nations et les rois sont sans visage, les fils d'Israël ou les apôtres y deviennent des noms gravés sur les portes ou les fondations de la nouvelle Jérusalem, comme dans l'introduction le "vainqueur" devenait colonne dans le temple (3,12).