Agressions sexuelles : à Lyon, la traque du père Rivoire par une délégation d’Inuits
Des proches de victimes présumées, qui réclament l’extradition du prêtre de 92 ans, se sont rendus mercredi dans sa communauté, sur la colline de Fourvière, où il a accepté de les rencontrer. La congrégation des Oblats de Marie-Immaculée a annoncé avoir engagé une procédure canonique de renvoi contre lui.
Par Richard Schittly(Lyon, correspondant)
Publié le 15 septembre 2022 à 10h24 Mis à jour le 15 septembre 2022 à 14h30
La présidente de l’organisation Nunavut Tunngavik, Aluki Kotierk (deuxième à gauche), la fille d’une victime, Tanya Tungilikand (à droite), et les autres membres de la délégation inuite montrent des photos de victimes à leur arrivée à la congrégation religieuse des oblats de Marie-Immaculée, à Lyon, le 14 septembre 2022.
La présidente de l’organisation Nunavut Tunngavik, Aluki Kotierk (deuxième à gauche), la fille d’une victime, Tanya Tungilikand (à droite), et les autres membres de la délégation inuite montrent des photos de victimes à leur arrivée à la congrégation religieuse des oblats de Marie-Immaculée, à Lyon, le 14 septembre 2022. JEFF PACHOUD/AFP
En France depuis lundi 12 septembre et à Lyon mercredi 14, une délégation d’Inuits du Canada traque un prêtre franco-canadien, suspecté d’agressions sexuelles sur des enfants alors qu’il était en mission pour la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée, dans le Grand Nord canadien, de 1960 à 1993. Parents de victimes et représentants du peuple inuit, les neuf membres de la délégation réclament le retour rapide du père Joannes Rivoire, 92 ans, sur les lieux de ses agressions présumées, afin qu’il soit jugé. Le vieil homme est en fuite depuis près de trente ans, abrité dans une maison de retraite située sur la colline de la Croix-Rousse, à Lyon, où Le Monde l’avait retrouvé et questionné en décembre 2021.
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Après avoir réclamé son extradition auprès du ministère de la justice, mardi, à Paris, la délégation inuite a vu se dresser les obstacles juridiques. La chancellerie a rappelé que la France n’extrade pas ses ressortissants, tout en laissant ouverte la porte d’une entraide judiciaire avec le Canada. « Cet homme est présumé innocent, il conteste tout. Je ne dispose d’aucun dossier. J’entends des rumeurs, des accusations dans les médias, mais aucune procédure ne m’est parvenue. Le procédé est un peu cavalier », prévient Thierry Dumoulin, l’avocat lyonnais du prêtre.
« Tempérament versatile »
Les représentants inuits ont imaginé une issue plus simple à leur voyage. Ils ont acheté un billet d’avion, se disant prêts à embarquer le prêtre avec eux lors de leur retour, vendredi 16 septembre. A condition de convaincre l’intéressé. De son côté, la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée affirme tout faire pour inciter le prêtre à se rendre. « Nous sommes déterminés à poursuivre nos efforts pour convaincre Joannes Rivoire de se présenter à la justice canadienne. Cette démarche de justice est primordiale, tant pour les victimes présumées que pour le peuple des Inuits, mais aussi pour les missionnaires oblats et pour l’Eglise catholique », affirme Vincent Gruber, responsable de la congrégation, qui compte 3 700 missionnaires dans le monde, dont 87 en France.
Pour accentuer la pression sur Joannes Rivoire, le provincial de la congrégation a annoncé, mercredi 14 septembre, avoir engagé contre lui une procédure canonique de renvoi. Motif : « Le père Rivoire a désobéi à l’ordre de se présenter à la justice. » « Je peux chercher à le convaincre, me mettre en colère, mais je ne peux pas le forcer, je ne peux pas le contraindre physiquement. Il a un tempérament versatile. On va appeler Rome pour savoir qui peut le convaincre », martèle Vincent Gruber.
https://www.lemonde.fr/societe/article/ ... =EPR-33281