Bonjour Florent,
Je n’ai pas avec moi le livre dont j’ai cité un passage l’autre jour, mais il est écrit par Verneaux et s’intitule, du moins si ma mémoire est bonne, « Philosophie de l’Homme », ou peut-être « Philosophie thomiste de l’homme ».
Florent51 a écrit :Tout ce que nous savons objectivement de l'ordre des choses c'est que sa stabilité n'est pas garantie de manière absolue mais cela ne revient pas au même que de dire que de fait cet ordre peut changer. Cela revient à dire : que l'on peut imaginer qu'il puisse changer.. Ce n'est qu'une supposition rationnellement acceptable eu égard à nos connaissances, logiquement non contradictoire.
Je vois bien où nous butons; c’est à cette philosophie idéaliste qui est la vôtre. Vous vous expliquez en long et en large sur ce point et je ne citerai de vous sur ce point que ce paragraphe. Néanmoins le point central est ici je crois bien : pour vous, on ne peut pas savoir si la stabilité de l’ordre est garantie parce qu’en aucune façon l’intelligence ne peut comprendre les nécessités intimes de l’être; elle est dans une position d’ignorance par rapport à la contingence de l’ordre des choses.
Il va sans dire, vous l’avez compris je crois, que pour moi, si la stabilité de cet ordre ne peut être garantie cela exclut forcément que cet ordre soit à lui-même sa raison d’être.
C’est pourquoi comme vous l’avez remarqué, je crois que vous faites prendre à ce débat une tangente sans issue en essayant de résoudre d’abord cette question, à savoir si l’expression « l’ordre actuel des choses » est justifiée. Elle l’est si l’on admet la capacité d’abstraction de l’intelligence; elle ne l’est pas dans votre optique idéaliste. J’ai eu tort de vous suivre et d’essayer de justifier mon point de vue; mais tout comme vous d’ailleurs. Nous ne nous entendrons pas pour un cas particulier si sur le fond nous sommes en désaccord.
Donc il faut en revenir à la question centrale de ce débat, qui est celle de toute la philosophie moderne, à savoir « que savons-nous des choses ». Je vous propose donc de clore cette parenthèse pour l’instant. Si nous arrivons à un consensus au sujet du réalisme et de l’idéalisme cette parenthèse se résoudra d’elle-même ainsi que tout le débat.
Florent51 a écrit :C'est ici que je trouve les observations de philosophes comme Nietzsche ou Jankélévitch fort justes : les croyants, disent-ils, se "payent de mots". Tout ou presque tout dans la croyance religieuse ordinaire a pour but de gommer la radicalité du passage de l'ordre ordinaire de la réalité à l'ordre extra-ordinaire, de manière à rendre plus plausible et presque insensible, allant de soi, ce changement radical.
C’est peut-être une tendance naturelle de l’imagination. Lorsqu’on lit la théologie, on voit que ce qu’on sait du monde à venir est bien limité. Je ne doute pas que nous soyons extrêmement surpris, quoique très agréablement, de ce que Dieu a en réserve pour nous, et que cela dépasse tout ce que nous pouvons en concevoir.
Florent51 a écrit :Lorsqu'on se penche sur ces usages on découvre ce que vous avez dû découvrir par vous-mêmes puisque vous n'avez pas répondu au défi que je vous lançais (et que vous n'aves pas cité..) dans mon dernier post : il est impossible de trouver dans le langage ordinaire des expressions désignant couramment, sans être exemptes de reproche, par le terme "actuel" quelque chose qui constitue en même temps la seule réalité que l'on connaît depuis toujours dans une situation donnée.
Je n’en vois pas l’utilité… Le langage courant s’intéresse au particulier : et dans le particulier, on ne peut pas en effet affirmer que tel ordre est contingent ou tel autre à moins d’avoir telle ou telle preuve expérimentale. Mais ce qui nous intéresse ici est de savoir si l’ordre global est contingent ou pas; et ce n’est pas le langage courant qui va nous l’apprendre.
Florent51 a écrit :Votre argument concernant les travers qu'il peut y avoir à tout citer d'un contradicteur est juste, et c'est quelque chose contre quoi on doit lutter même quand on cite l'intégralité mais elle ne répond pas au reproche que l'on peut vous faire de vous arroger la capacité de choisir dans le texte de l'autre où sont les idées importantes et où l'inutile. Or, d'une part, c'est précisément cette capacité que je vous conteste lorsque je constate tout ce que vous n'avez pas cité de moi dans mon message précédent et où je voyais pour ma part quelquefois des choses essentielles.
Ni vous ni moi n’avons d’intérêt non seulement à ce que je cite intégralement vos répliques mais encore à ce que je réponde à chaque phrase, ni même à chaque idée. Non pas que certaines soient inutiles en soi, mais inutiles par rapport aux quelques points dont je désire discuter. Et je tiens à conserver cette latitude dans ce à quoi je désire répondre ou non; sinon discuter ici devient un véritable esclavage où la longueur de la réponse de l’autre dicte celle de la mienne et on finit par abandonner épuisé.
Cependant ce serait malhonnête de ma part d’opposer un contre-argument à une idée alors que vous y répondez par une autre idée dont je choisis de ne pas tenir compte. Si vous considérez que vous répondez à un de mes contre-arguments dans une partie de votre texte que je n’ai pas cité, montrez-le quand ça arrive. Là vous avez tout à fait raison de me faire des reproches quand c’est le cas. Mais je ne m’obligerai pas pour autant à répondre à tout ce que vous dites.
Et croyez-moi, je suis plus courtois en faisant ainsi. S'il fallait tenir compte de toutes les idées de l'autre à chaque réplique il nous faudrait chacun écrire une dissertation de 15 pages au point où nous sommes rendus; et ça ne cesserait de s'allonger.