Libremax a écrit :Il n'y a même pas besoin d'imaginer une éventuelle antériorité de Jean par rapport aux synoptiques pour évoquer des polémiques dans l'église naissante.
C'est bien la raison qui fait qu'on ne l'imagine pas. On le déduit des querelles en question. Ou si vous voulez, ce qui est imaginaire, c'est de voir l'évangile de Jean comme le plus récent.
Le christianisme est né de la concordance de certains évènements de la Palestine face à la situation impérialiste romaine et au collaborationnisme des autorités juives. La secte des zélotes ou le mouvement des Sicaires (Iscariot) visaient constamment la déstabilisation de cette situation et la lutte contre l'envahisseur.
Mais les idées du christianisme lui sont antérieures, et cette région du monde était surtout le carrefour culturel entre Rome, l'Afrique et l'Inde. Il n'est donc pas étonnant que des textes hindous datés du 2° ou du 3° siècle avant JC aient pu inspirer à travers les grecs et les romains, les courants d'idées proprement juifs. C'est ainsi qu'un certain messianisme juif se trouvera combattu et même persécuté dès le 2° siècle avant JC.
Après les évènements de Judée, un procès réel est tenu contre une personnalité religieuse nommé Jésus, et que le Talmud mentionne comme un agitateur et un blasphémateur. C'est que derrière lui, on trouve le rattachement des principaux groupes insurrectionnels, luttant contre l'autorité romaine. Non seulement, il y avait contradiction du judaïsme, mais surtout opposition à l'autorité romaine, ce que l'on sait à travers les prisonniers qui étaient envoyés à Rome dès le 1° siècle de notre ère et qui se réclamaient de Chrestus, d'après Suétone (si mes souvenirs sont bons).
Ainsi, le christianisme s'est forgé à partir de courants mystiques essentiellement nazaréniens, qui ont émergé de façon publique lors d'évènements troubles. Après ces évènements, la nouvelle doctrine se retrouve sous plusieurs nuances :
* l'ébionisme : tendance qui voit en Jésus un prophète spécial, Messie d'Israêl, conduit par Jacques, le frère de Jésus, également chef de l'église. Ce courant inspirera l'islam.
* Le docétisme, qui voit en Jésus un principe subtil, dont la réalité corporelle n'est pas visible en notre monde, et qui représente le courant johannique, et dont l'homme Jésus historique a été le révélateur. C'est l'héritier du nazaréisme, qui va se transférer en Syrie, en Afrique du Nord, dans les Balkans puis en Inde.
* Le marcionisme, plus tardif, relevant de Jean, mais aussi de Paul, et qui représente le christianisme le plus répandu aux 1° et 2° siècles. La plus vieille église connue (lieu de culte) est marcionite.
De même, les paroles de Jésus se retrouvent pour certaines dans des livres apocryphes antérieurs à notre ère, comme le livre des secrets d'Hénoch. Il est possible que des logia pré-existaient chez les nazaréniens, dont l'évangile de Thomas témoigne, évangile qui est selon des recherches actuelles du CNRS, l'un des plus anciens.
Ainsi, il n'y avait pas un christianisme primitif, mais bien "des" christianismes, et les divergences des évangiles marquent bien la lutte qui existait dès le départ entre ces tendances.