Donc vous reconnaissez que la théologie n'a pas besoin d'une histoire réelle de Jésus, histoire qui vous serait inaccessible, mais vous voulez quant même conserver un Jésus dont on ne saurait rien ? C'est absurde.
Vous radicalisez mes propos. Dit comme ça, évidemment que c'est absurde.
Je dis que la théologie n'a pas besoin de l'histoire
exacte du Jésus historique. Et j'ai l'hypothèse que la théologie chrétienne initiale reposait sur les axes principaux de sa vie et sur ses enseignements. Hypothèse que vous rejetez.
Je pense que les
détails de la vie de Jésus sont, à coup sûr, inaccessibles à l'historien (au cas où ça l'intéresserait, comme vous le faisiez remarquer) mais que le débat peut commencer en ce qui concerne son existence, sa prédication, et sa mise à mort. Voilà.
Si vous retirez les prophéties, les symboles, et les miracles, vous n'avez plus de faits.
Vous pensez qu'un Jésus virtuel a été bricolé après 70 avec des prophéties de l'AT, et que les écrits n'ont cessé d'étayer cette figure de christ avec des passages des Ecritures. Je prends comme hypothèse que Jésus ayant bien existé, son enseignement et sa vie a déclanché un mouvement religieux dont les textes se sont appuyés sur l'AT parce que c'était l'unique référence religieuse.
En d'autres termes, pour vous les prophéties utilisées dans l'Evangile révèlent l'artifice du témoignage des apôtres. Selon moi il est possible qu'elles soient un argumentaire donné à la pensée et aux actes de Jésus.
Par ailleurs, je considère que les prophéties et les versets de psaumes sont nombreuses dans l'AT et que les interprêtations de celles ci peuvent, dans une certaine mesure, varier. Il demeure donc la possiblité que dans certains cas, des faits réels dans la vie d'un homme nommé Jésus aient pu être mis en parallèle avec des passages de l'AT. Tout comme vous pensez qu'un mythe ait fort bien pu trouver des appuis dans l'Ecriture. Ce qui fait qu'en somme, selon moi, l'usage de prophéties et de versets de pasumes ne prouve rien, là encore, ni l'existence effective de Jésus, ni l'unique apparition d'un mythe.
En revanche, j'écrivais plus haut que les évangiles sont des traîtés théologiques qui peuvent s'appuyer sur la vie de Jésus mais que les détails historiques de sa vie nous échappaient. Je pense qu'il est possible que les évangiles, en tant que recueil de traditions orales, fondées à l'origine sur le témoignage des disciples, aient fort bien pu récolter
aussi des rumeurs, ainsi que relater des épisodes dont le fondement soit purement théologique.
Bien sûr, je ne crois pas que des mages soient
forcément venus offrir des présents à l'enfant Jésus. Je ne crois pas que les morts soient sortis de leurs tombes à sa crucifixion. Je pense qu'il est possible que le nom de certains apôtres aient été reconstitués, ou que certaines scènes des évangiles aient été bâties sur des passages de l'Ecriture. Je prétends que ça ne fait pas pour autant de l'existence de Jésus au début de notre ère un mensonge historique.
Les questions fondamentales, dans le cadre de notre débat sont celles ci: un homme nommé Jésus a-t-il prêché au début de notre ère une réforme de la vie religieuse juive? Le contenu de son discours a-t-il déclanché un soulèvement du clergé qui l'a amené à son exécution? Ses proches ont-ils affirmé l'avoir vu vivant aux lendemains de sa mort? Les éléments qui s'ajoutent sont de l'ordre de la foi, du surnaturel, ou bien de la légende, du fanatisme ou de l'hystérie.
Pas du tout. Si Jésus se retrouve seul lors de la Pâque, c’est pour une raison sacrificielle : l’agneau de Dieu est seul face à son sacrificateur. La foule a un rôle assez passif de communiante : « Voici le sang de l’Alliance » dit l’officiant. « Que son sang soit sur nous » répond la foule.
Si vous ajoutez à ce rite le récit des pérégrinations de l’Agneau avant son sacrifice, vous avez la prophétie « je frapperai le pasteur et les brebis seront dispersées » qui permet aussi bien d’éliminer des foules qui suivaient un Jésus sans Apôtres que d’éliminer les Apôtres dans les versions ultérieures.
Et en réalité, les Apôtres ne sont pas témoins des événements : aucun Evangile n’est raconté du point de vue d’un Apôtre. Le seul point de vue qui se dégage est celui du spectateur d’un drame sacré qui voit Jésus au centre de chaque scène. Les scènes sans Jésus sont rarissimes, comme le reniement de Pierre.
Par ailleurs, la résistance à la foi de l’entourage immédiat de Jésus vient des psaumes :
Je suis devenu un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. (Ps 69.9)
Vous faites une synhèse au moins synoptique de la Passion sans analyser la vue de Marc. Le "que son sang soit sur nous" est de Mathieu, dans sa vision plus centrée sur la responsabilité des juifs. Evidemment, que l'evangile n'est pas raconté du point de vue d'un apôtre, puisque ce ne sont pas des apôtres qui les ont écrits! Ce que je voulais dire c'est que dans le déroulement même de la Passion chez Marc, les apôtres sont loin d'être des entités négligeables. Ils abandonnent leur maître, et ce point vient extrapoler leur incapacité à comprendre, tout au long du ministère, le message de Jésus. C'est proprement une construction dramatique qui s'établit dans le récit de Marc, bien loin d'un simple rajout circonstancié d'apôtres fantômes.
Je ne veux pas dire par là que la Passion s'est forcément entièrement déroulée comme le dit Marc. Mais votre idée de "rajout d'apôtre", pour moi, ne tient pas dans une logique d'évolution des traditions chrétiennes, parce que si l'on s'en tient au texte, cet élément impliquerait une rupture beaucoup trop nette avec toute autre "couche d'écriture".
Poursuivi par votre idée fixe que les évangiles sont bâtis avec les prophéties, vous oubliez de vous rendre compte si les évangiles, séparément, ont une logique interne ou non.
D’abord il existe une autre version évangélique du nom du fils de Dieu : « Emmanuel »
Mais « Jésus » assone mieux avec le grec « Iasou » ; « sois guérit » (cf « Au nom de Jésus, marche ! ») Donc la secte Jésus l’a emporté sur la secte Emmanuel.
Ensuite, essayez donc de faire ce genre d’exégèse sur une liste plus longue comme celle des maréchaux de Napoléon (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mar%C3%A9c ... ier_Empire)
Est-ce une pure coïncidence que Jonas soit de la tribu de Zabulon et que Jean soit fils de Zébédée, ces deux noms venant de « zeved », cadeau (Gn 30.20) ?
Est-ce une pure coïncidence que Siméon signifie « il a entendu » et que le premier disciple à suivre Jésus se soit appelé Simon ?
Et quel récit est le plus historique ? Celui de Jean où nous avons un apôtre Philippe, fils (bar) de Tholmaï, ou celui des Synoptiques où cet apôtre devient "Philippe et Barthélémy" ?
Et en plus, il est absolument invraisemblable que le Juif Tholmaï ait donné à son fils un nom grec et même qu’un Juif se soit appelé « Andros ». Il doit y avoir là-dessous des noms perdus et aussi symboliques que les autres.
Vous vous enfoncez là dans un argumentaire décidément bien étrange.
Cette idée sur l'assonnance Jésus/Iasou est tout de même particulièrement fantaisiste. Comme si on choisissait de s'appeler Gary plutôt que Théostase uniquement parce que ça rime avec "guéris"...Les grecs connaissaient leur langue, quand même; je saisis mal l'intérêt de choisir une assonnance. Jésus était un prénom plus courant qu'Emmanuel, ça me semble tout naturel.
Quant à ma remarque sur Sarkozy et Royal, c'était une pure anecdote pour illustrer ce que je voulais dire et rien de plus.
Les parallèles entre les prénoms, les ascendances d'apôtres et le nom des douze fils de Jacob est intéressant, c'est vrai. Je serais curieux d'avoir d'ailleurs le panorama pour les douze. Mais vous recherchez ici une précision historique et une cohérence pan-évangélique qui, à mon sens, n'est pas nécessaire pour établir comme fiable qu'il y ait pu y avoir un "noyau dur" de disciples particulièrement concernés par leur expérience avec Jésus. Voilà ce que disent en substance les évangiles mais vous buttez sur des détails, encore une fois.
Quant à Siméon, (il paraît aussi que ça signifie "il a entendu ma souffrance" [CF
http://www.chez.com/ogalea/prenomsjuifsmasculins.htm], d'où l'autre traduction possible "exaucé" [CF
http://www.asiaflash.com/prenom/origine ... -p999.html], et si l'on retient cette traduction, votre interprêtation est un peu décalée) j'y vois un peu le même coup que Jésus=sauveur et Ségolène=douce victoire, mais peut-être avez-vous des explications aussi pour le Syméon du temple de Jérusalem chez Luc, le Simon chez lequel Jésus va manger, et bien sûr, pour Simon de Cyrène?
En ce qui concerne l'absurdité des prénoms grecs, je crois que vous faites erreur. Vous savez bien que la culture grecque, bien au delà de la langue, rayonnait sur tout le bassin Méditerranéen au moins, y compris dans le monde juif. Même si paraît-il, la plupart des Juifs voyait avec mépris les hellénisants, il demeure certain que la culture grecque a fini par faire tache, jusque dans la construction de gymnases et les décorations de synagogues. Alors il ne me semble pas du tout invraisemblable que des juifs aient pu donner un prénom grec à son fils.
Mais si on sait que ce Simon de Cyrène a été dit sacrifié à la place de Jésus selon les docètes, et que QRN signifie « corne » en hébreu, on voit poindre le parallèle avec Isaac dont un fils s’appelait « protecteur » (Jacob / Alexandre) et l’autre « roux » (Esaü / Rufus).
L'histoire de Simon de Cyrène fait jaser, semblerait-il. Outre le fait que je ne vois pas trop comment vous arrivez à dire que Jacob signifie "protecteur", et admettant que cet épisode soit une récupération d'une tradition docète, on voit bien que ce parallèle avec le sacrifice d'Isaac illustre parfaitement pour les docètes la répugnance qu'ils avaient
eue pour l'idée du Christ crucifié: ils ont remplacé Jésus par un passant pour être crucifié, de même qu'un mouton avait remplacé Isaac.
c'était un malentendu. J'avais cru que vous disez que l'on avait voulu, durant la formation des évangiles, réduire Jésus à l'état de simple rabbin. Ca m'étonnait un peu. Par contre, qu'ensuite, et notemment de nos jour, on ait tendu vers cette idée evhémériste, comme vous dites, oui bien sûr!
Et si on prend le point de vue d’un croyant comme vous, pourquoi accepter le merveilleux dans les Evangiles et pas celui de l’Histoire Véritable de Lucien et de mille et un autres contes ?
J'aime beaucoup cette question. C'est un autre débat. Là nous rentrons dans des questions de foi. Effectivement, pourquoi?