Bragon a écrit :Pour moi, il y a deux étapes historiques dans l’évolution. D’abord l’apparition de la vie. L’apparition de la vie ne s’inscrit pas dans une progression linéaire de l’évolution. Il n’y a pas une différence de degré par rapport à « avant » mais une différence de nature. Il y a eu un bond, donnant naissance à quelque chose de tout à fait nouveau. Passer d’un monde minéral à la vie, ce n’est pas pour ainsi dire..…normal !
Bon premier problème, ce n'est pas l'évolution mais l'abiogenese qui traite de l'apparition de la vie. Beaucoup font cette erreur.
Ensuite, sur ce bond, je crois comprendre ce que tu dis. J'en réfute une partie puisque je trouve tout à fait concevable de voir se former la matière organique sans intervention aucune. L'on peut en revanche s'interroger sur la capacité de cette matière organique à s'organiser comme elle l'a fait pour former des entités biologiques individuelles, des machines complexes qu'on appelle être vivants. Il faut être prudent sur l'endroit précis où on veut fixer son "bond".
Bragon a écrit :La deuxième révolution est l’apparition de l’homme, sa pensée. Une pensée qui pense, se pense, s’examine elle-même, s’auto-critique. Comme dans le cas précédent, il n’y a pas une évolution linéaire, car la Nature dans ce cas n’a pas fait un organisme physiologiquement plus complexe, elle a fait l’homme radicalement différent de l’animal par sa pensée. Là aussi, il y a eu un bond…pas normal.
Je suis perplexe sur ce bond. Parait-il, ce qui séparerait l'homme du reste du regne animal, comprenant même ceux avec qui nous avons réussi à établir une communication directe, c'est que ces dernier n'ont visiblement jamais "posé une question". Ils n'en sont pas moins curieux, mais il est vrai que l'on planche toujours (de la même manière que l'on planche sur la manière dont le langage articulé a pu apparaitre) sur les circonstances dans lesquelles a pu être posée la première question.
Les principes posés dans la théorie de l'esprit font de l'homme l'être unique capable d'empathie, de perspective, d'appréhension de son environnement. Cependant, bien que je trouve que la conscience soit quelque chose d'impressionnant, elle ne constitue pas pour moi un élément suffisant pour parler de finalité ni d'intention.
Bragon a écrit :Il y a comme une main invisible qui construit ces paliers, qui fait faire ces bonds. Cette main, on peut, par commodité, l’appeler intention(évitons le mot religieux Dieu), car il y a bien évolution orientée, donc intention.
Je ne vois pas d'orientation dans l'évolution. Il y a d'ailleurs eu une époque où une autre espèce d'homme, du même niveau de conscience que la notre, existait en même temps que la notre. Ce dernier a disparu, nous laissant seuls, mais son existence suffit à me laisser penser que cette conscience n'est pas apparue à dessein "pour nous" et qu'elle s'inscrit comme tout le reste, comme une étape naturelle qui est survenue dans l'histoire de la vie.
Bragon a écrit :Je me dis que cette pensée humaine au sens très large du terme (dont cette exigence de sens), parce qu’elle est le résultat, le fruit voulu par cette intention de l’évolution, ne peut pas être sans rapport, sans connexion avec cette intention (intention que tu peux appeler univers ou Nature ou dieu, peu importe). Je conçois mal que ce qui est en moi ne soit pas également et ne me vienne pas de ce qui m’a conçu, car j’ai bien été conçu, peu importe que ce soit par la Nature ou autre chose. J’affirme donc que cette exigence de sens, placée en moi, est liée à quelque chose qui me dépasse et qui m’en a pourvu à dessein. C’est un écho qui me vient de plus haut et de plus loin et qui ne peut pas être sans signification. Je sais bien que la Nature (ou....) fait parfois des choses inutiles, comme six doigts au lieu de cinq. Mais la pensée humaine, c'est autre chose, cela ne peut pas être une erreur ou fortuit.
Ton argumentaire est intéressant. Vraiment, je comprends exactement ce que tu expliques par là, cependant c'est un argument ontologique. Je suis convaincu du caractère fortuit, au même titre que tout le reste, de l'apparition de la conscience.
Bragon a écrit :Sinon, si ce besoin de sens, n’est qu’un fantasme personnel, sans rapport avec l’univers, un besoin de sens sans sens, cela voudrait dire que je suis indépendant de cet univers (ou nature ou intention), donc dieu moi-même, vu ma supériorité. Ou que je me suis détaché pour m’autonomiser vis-à-vis de ce qui m’a fait. Devenu autonome, j’aurais alors entrepris de créer des choses personnelles sans rapport avec le reste( mon milieu universel d’origine), des chose personnelles comme ce besoin de sens.
Je suis désolé, mais je vais devoir utiliser l'argument que tu as rejeté, à savoir celui de la chèvre volante. Ta quête et ton exigence de sens ne t'extirpent pas de l'univers, quand bien même il n'en aurait pas, comme si tu avais créé un concept nouveau qui n'existait pas avant. L'idée de sens, si elle est parfaitement légitime, est selon moi naturelle, mais quand bien même rien ne serait là pour la satisfaire, elle ne constitue pas une exigence si transcendante pour rendre nécessaire l'existence d'un sens.
Moi-même, aussi insatisfait de l'inexistence du sens dont je suis convaincu, je ne peux projeter cette exigence à un tel niveau comme si cette pensée transcendait la réalité.