Bien que la masturbation demeure un mal en soi, il faut savoir qu'elle est avant tout un symptôme d'autre chose. Je retrouve l'idée d'un défoulement face à une frustration assez souvent chez vous:
la masturbation est une bonne soupape de sécurité pour les personnes frustrées ou en manque
je suis persuadé que c'est une action soulageante qui permet pour certains d'éviter de s'orienter vers des chemins peu souhaitables voir inadmissibles....!.....
vaut mieux se masturber et soulager la chair que de commettre l'adultère ou désiré une autre personne dans son coeur
Tout ce que je pourrais dire ici n'atteindrait pas en clarté, en précision et en objectivité l'ouvrage de Guy Durand, Sexualité et Foi. Comme ce livre n'est pas disponible sur Internet, j'en transcris ici un passage significatif:
***
"En fait, la masturbation correspond à une étape de l'évolution de la sexualité. Elle a donc une incidence normative. La
tendance masturbatoire
constitue une étape normale, ie normative et nécessaire, de l'évolution psycho-sexuelle à l'adolescence. Le passage à l'
acte se produit alors fréquemment, facilement, spontanément, mais
il n'est pas nécessaire, ni normatif. La tendance masturbatoire s'incrit comme une étape passagère dans un processus de maturation psycho-sexuelle qui va de la sexualité infantile diffuse et quasi inconsciente jusqu'à une phase hétérosexuelle où la génitalité est mise au service de la rencontre de l'autre. Le passage à l'acte à l'adolescence est d'ailleurs facilité pour deux raisons. 1- À cause des transformations physiologiques propres a la puberté, l'adolescent ressent fortement les pulsions sexuelles-génitales. Leur nouveauté et leur violence le surprennent. Il est comme "pris au dépourvu" devant elles. 2- D'autant plus que l'adolescent est séparé du monde adulte: il apeut de l'autre, surtout de la personne de l'autre sexe, il est gêné dans ses contacts avec autrui. Rien de plus simple alors que d'investir sa sexualité sur lui-même.
(...)
À l'âge adulte, on ne peut être aussi positif. Il ne peut s'agit que d'un palliatif, d'un ersatz à la rencontre hétérosexuelle. Ersatz bien compréhensible, encore que non nécessaire au développement de la personnalité.
Causes
On peut assigner plusieurs causes à la masturbation adolescente. La première étant l'ignorance et donc la curiosité en matière sexuelle. (...)
Une seconde cause serait constituée par les sollicitations de la société moderne. Enfin l'entraînement des camarades est à signaler.
La cause la plus fréquente est à chercher, cependant, dans la recherche d'une compensation aux frustrations subies sur le plan affectif, qu'il s'agisse du plan familial, scolaire ou du plan social en général. Les désillusions affectives ressenties dans le cercle familial conduisent souvent à la masturbation [garçons et filles]: la masturbation joue comme une sorte de compensation. De même, l'échec scolaire entraîne fréquemment la masturbation, surtout si l'enfant juge que ses basses notes sont injustes. D'une manière plus générale l'incompréhension des adultes replie le sujet sur lui-même. (...) De même la peur d'affronter un jeune de l'autre sexe, malgré son désir de dialoguer avec lui. Dans le même sens, joue le besoin de s'évader d'une vie ennuyeuse, sans cetre d'intérêt. Parfois, cela se colore d'un désir d'imiter les adultes (en contrefaisant ce qu'ils font) ou de se venger d'eux, ou encore d'une recherche de la faute, recherche de ce qui est défendu par les adultes.
(...)
Chez les adultes on trouve des causes analogues: atmosphère érotique, absence de partenaire, peur de l'autre sexe, déviation de la sexualité.
Nature psychologique
La masturbation a un caractère NARCISSIQUE certain. Malgré l'image qui peut l'accompagner, elle est un repli sur soi. Elle plonge l'individu dans une espèce d'amour de sa propre personne, plutôt que de l'ouvrir à l'autrui. Les analyse de Cholette-Pérusse, Alsteens, Blos, Plé, rejoignent ici les conclusions de Freud. Qu'il s'agisse d'une fixation infantile, ou d'une régression ou d'un choix délibéré, ce caractère est toujours présent.
Deuxième caractéristique: la masturbation est une FUITE DANS L'IMAGINAIRE, fuite dans le monde irréel. Elle exprime une inaptitude aux relations réelles aux autres: elle est une fuite devant autrui. Elle révèle une peur du monde réel, difficile, avec ses tensions et ses échecs: elle est un calmant, une consolation. Incapable d'affronter autrui et de surmonter les tensions de la vie réelle, on se jette sur une gratification facile, superficielle, à portée de la main. Ce trait existe, quoique en moindre degré, s'il s'agit d'une incapacité de l'adulte à assumer l'absence d'un partenaire sexuel.
Enfin, la masturbation semble presque toujours un SYMPTÔME d'autre chose, signe d'une lacune de la personnalité qu'elle dévoile: symptôme de la solitude et de l'émoi de l'adolescent, symptôme d'insécurité, symptôme de manque de maîtrise, i.e. d'un manque d'intégration de la génitalité à la tendresse, symptôme de vie san centre d'intérêt et, à la limite, dans les cas notamment de masturbation obsessionnelle, symptôme d'une névrose caractérisée.
Nocivité
La masturbation est-elle nocive? (...) [Il faut] distinguer la masturbation compulsive de la masturbation ordinaire.
La masturbation pratiquée de manière COMPULSIVE ou obsessionelle est sûrement néfaste. Elle coupe l'individu de toute communication humaine. Elle développe un sentiment de culpabilité qui perturbe l'ensemble de la personnalité. Elle peut conduire à des troubles futures comme l'éjaculation précoce, l'impuissance. Mais, peut-être est-elle davantage un symptôme d'une névrose préalable que la source de cette névrose. Quand la masturbation est-elle ainsi pathologique? Il est difficile de le préciser. On peut signaler les indices suivants: quand elle devient trop fréquente, quand elle se prolonge à l'âge adulte, quand elle est liée à d'autres signes névrotiques, quand elle est source d'angoisse et de dévalorisation, etc.
Quant à la nocivité de la masturbation ORDINAIRE, la réponse est plus difficile encore. L'unanimité règne pour affirmer que la masturbation ne produit aucun danger physique, ni même mental (encore qu'ici il faudrait apporter quelques nuances.) Mais la controverse est des plus vives en ce qui concerne les dangers d'ordre psychologique et affectif.
Malgré des affirmations contraires, ces dangers existent bel et bien. Le premier danger - toujours présent d'ailleurs - est constitué par le sentiment de culpabilité. L'émergence de ce sentiment ne tient pas uniquement aux interdictions de l'entourage; il tient plus profondément au sujet lui-même, et à son évolution psycho-affective. Le sentiment de culpabilité
non pas religieuse mais psychologique reste inévitable parce que la masturbation va directement contre la direction fondamentale de la maturation humaine, à savoir l'orientation vers l'autre. Voilà pourqoui les moments cruciaux de cette maturation, l'adolescence notamment, rendent particulièrement sensible au désordre, à l'incongruité psychique de ce qui s'oppose à cette orientation, comme Gilen l'a montré. C'est précisément l'expérience de cette incohérence de base qui constitue la culpabilité propre à la masturbation.
Car une personne consciente ne peut se permettre de contrer la tendance inhérente à l'élan de son dynamisme vital sans ressentir le malaise et le tiraillement de cette contradiction interne, si mal identifiée soit-elle d'ailleurs, subjectivement parlant. L'expérience de culpabilité résulte donc bien de la masturbation en elle-même et non pas de tabous religieux ou sociaux, même chez des populations primitves comme les Muria, par exemple. Pour nier cette conclusion, il faudrait maintenir que la direction altérocentrée de la croissance humaine est elle-même imposée de l'extérieur, qu'elle découle elle aussi de simples tabous collectifs. Or les sciences humaines actuelles ne disent rien qui puisse fonder pareille opinion. L'ethnologie, l'anthropologie, la sociologie, l'histoire, la psychologie, la philosophie, la psychanalyse établissent, au contraire, que cet altéro-centrisme s'avère intrinsèque au mouvement caractéristique de la croissance humaine.
(...)
Le second danger de la masturbation consiste en ce qu'elle peut
bloquer la maturation psycho-sexuelle de la personne. En effet, le dépassement de la masturbation ne se fait pas de lui-même. L'évolution vers l'héréto-sexualité est loin d'être spontanée et toujours acquise. L'existence de la masturbation chez les adultes, même bien mariés, en est la preuve flagrante. Parce qu'elle est narcissique, la masturbation risque d'enfermer maladivement le sujet sur lui-même. Parce qu'elle est purement génitale, elle risque de réduire la sexualité à la génitalité. Elle habitue à vivre la sexualité d'une manière réflexive et superficielle, rendant incapable d'en faire un medium de communication et de communion. Bien plus, parce qu'elle est une satisfaction facile et immédiate, elle affaiblit le caractère: "La capacité de supporter des tensions désagréables est amoindrie dans le recours incessant, à chaque événement malheureux, à la consolation de la masturbation toujours à porté de la main... Loin d'affronter le réel, l'individu risque par là de perdre tout esprit de conquête et d'initiative nécessaire". On aura remarqué que cela vaut autant pour l'adolescent que pour l'adulte.
(...)
S'il ne faut pas exagérer la nocivité de la masturbation - surtout de la masturbation occasionnelle - il ne faut pas non plus la minimiser. Symptôme d'une désorganisation de la personnalité, ai-je dit précédemment, la masturbation n'est pas que symptôme. Car elle n'est pas seulement l'expression d'une relative inaptitude aux relations réelles avec les autres, elle en est une expression qui, de par sa facture même, accroît cette inaptitude. Elle n'est pas non plus sulement l'expression d'un sentiment de culpabilité, elle accroît ce sentiment perturbateur.
Bien sûr, la masturbation procure un plaisir et une certaine détente sexuell. Encore que plaisir est rarement gratifiant à cause de l'abscence d'érotisme i.e. l'absence des plaisirs préliminaires de la vue, de la caresse, du baiser, qui constituent une fête pour tous les sens, l'absence des émotions et des sentiments dont la présence constitue l'espèce de plénitude propre à la rencontre de l'autre. Et d'un côté, cette détente n'est souvent qu'apparente ou partielle.
Rappelons enfin que le recours à la masturbation n'est jamais une nécessité, un besoin. - Chez un individu qui n'est pas névrosé, les tension psychologiques ne se traduisent par des crispations génitales. Alexander Louven a montré que la polarisation génitale relève ici d'une trahison du corps et d'une immaturié psychique bien caractérisée."
***