Le bloc-notes
Par Ivan Rioufol
L'Occident face aux barbares
D'un côté, la barbarie islamiste qui a aveuglément frappé Londres, hier matin. De l'autre, les plus grandes démocraties rassemblées en Ecosse, avec pour préoccupations d'aider l'Afrique et de réduire les pollutions dans le monde. Une idéologie mortifère pourrait-elle avoir raison d'une civilisation se souciant de protéger la vie ? La meilleure réponse au terrorisme a été la décision de poursuivre ce sommet des pays les plus riches (G 8), au nom « de nos valeurs et de notre mode de vie », comme l'a expliqué Tony Blair. L'Europe apprend à résister.
Confrontée au Mal, il revient au monde occidental d'être exemplaire. Et le mérite du G 8, qui se termine aujourd'hui, est d'avoir posé la vraie question concernant l'Afrique : faut-il encore lui faire l'aumône ? Depuis plus de trente ans, des milliards d'euros provenant des pays riches ont été détournés au profit d'Etats tyranniques, qui se sont enrichis ou armés au détriment des peuples. Aujourd'hui, à cause de la corruption de nombre de ses dirigeants, l'Afrique noire est plus pauvre qu'hier et l'on y meurt plus jeune encore.
Les actuelles solidarités financières – « plans Marshall », annulations de dettes et autres taxes obligatoires – restent indispensables, même si elles déculpabilisent à bon compte. Cependant, c'est par la libéralisation des économies que le continent africain et l'ensemble du tiers-monde se sortiront plus sûrement d'une misère qui pousse à l'exode et empêche la démocratie de s'établir. Car l'Europe et les Etats-Unis, en soutenant leurs agriculteurs, interdisent aux paysans d'Afrique d'écouler leurs produits
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D'où la proposition, lundi, de George W. Bush, reprise hier par les pays émergents, de supprimer les subventions agricoles américaines, à condition que l'Europe en fasse autant, en révisant sa sacro-sainte Politique agricole commune (PAC). Bush : « Si nous réussissons à libérer totalement le commerce, et si les marchés occidentaux sont ouverts aux pays africains (...), les bénéfices qui viendraient de l'ouverture des marchés – nos marchés à leurs produits et leurs produits à nos marchés – seraient bien supérieurs au montant de l'aide que nous leur versons ».
L'Ouganda, par exemple, vend aujourd'hui ses fleurs toute l'année à la Hollande depuis que celle-ci a supprimé ses protections ; les exportations sont passées de zéro à 16 millions d'euros. En revanche, le Mali ou le Burkina ne peuvent toujours pas exporter leur coton vers les Etats-Unis, où la plupart des 25 000 planteurs reçoivent la moitié de leur revenu du gouvernement. L'Afrique fertile se trouve éliminée des marchés extérieurs par la volonté des Etats repus. Acceptable ?
L'altermondalisme a su mobiliser un peu plus l'opinion occidentale face au dangereux déséquilibre Nord-Sud. Néanmoins, son dogmatisme ne lui fait envisager que des solutions dirigistes et déclamatoires. Or, l'aide aux pays pauvres, qui emprunte déjà à cet étatisme, est un fiasco qui oblige à repenser les générosités. La présence de l'industriel et milliardaire américain Bill Gates, samedi dernier, à Londres, lors du concert Live 8 du rocker Bob Geldof, contre la pauvreté en Afrique, a montré que le libéralisme avait sa place dans l'humanitaire. Est-on prêt à l'entendre ?
Blocages idéologiques
Les bons sentiments, lamentations déclamées et culpabilisations sur l'Occident colonisateur alimentent les discours mirobolants sur le partage des richesses. Cependant, la régression de l'Afrique oblige à des résultats que ces envolées négligent. Certes, il restera toujours une place pour l'utopie, telle que la développe, par exemple, dans son livre manifeste
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La solidarité européenne, renforcée par ces derniers attentats, ne suffira probablement pas à éteindre la querelle franco-britannique, exacerbée après le choix de Londres comme ville olympique en 2012. D'autant que le premier ministre travailliste a rappelé, mardi, le rôle « crucial » des entreprises du secteur privé dans le développement de l'Afrique : une provocation pour la bien-pensance antipatronale. Ce n'était d'ailleurs pas sa semaine : à peine élue, mardi, la nouvelle présidente du Medef, Laurence Parisot, vantait à son tour « l'économie de marché qui crée des richesses ».
En fait, le débat sur la place du libéralisme en économie s'impose par la force des évidences. Les rares pays d'Afrique qui progressent ont choisi le modèle anglo-saxon
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Attentats banalisés
Ce sujet, proposé la semaine dernière aux épreuves du brevet des collèges en histoire-géographie, c'est-à-dire à des élèves de 14-15 ans : « Comment la puissance américaine a-t-elle été contestée le 11 septembre 2001 ? » Ce qui revient à faire passer les attentats islamistes contre la plus grande démocratie – mais aussi ceux d'hier contre Londres – comme un moyen de contestation comme un autre. Illustration du dressage antiaméricain pratiqué par l'Education nationale.
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Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro, est Fellow à l'Atlantis Institute