Vicomte a écrit : ↑02 mai09, 03:17
Bonjour à toutes et à tous.
(C'est ici ma première intervention sur ce forum. Voilà quelques jours que je me suis inscrit et que je lis en détail toutes les interventions (en tout cas les plus récentes) de cette partie du forum. J'avais commencé à préparer des réponses à plusieurs endroits mais pour éviter les redites je me permets d'ouvrir un nouveau sujet.)
Si l'on s'en tient à une approche épistémologique de l'examen de l'existence de dieu, il me semble que l'on peut aboutir à une conclusion. C'est en tout cas ce que je soumets à votre examen critique.
Voici le cheminement de ma pensée :
A0. L'approche épistémologique examine le domaine du connaissable. Autrement dit, elle examine les conditions de possibilités de validation d'un discours sur le réel à caractère descriptif ou prédictif.
A1. On ne peut connaître une chose qu'à partir de notre entendement. Notre approche écarte donc tout "miracle épistémologique", c'est-à-dire un phénomène surnaturel faisant naître instantanément une connaissance chez un sujet donné sans activité de son esprit. (1)
A2. Tout examen ontologique ne peut donc se faire que dans un mouvement de la pensée vers les manifestations du réel et non l'inverse. (2)
B0. Le réel n'est donc connaissable qu'à partir du traitement par l'esprit de ses manifestations.
B1. Tout concept définit un rapport au réel, lequel est forgé nécessairement
a posteriori.
B2. Les concepts de limite, d'infini, de frontière, de temps, d'espace, de soi, de vie, de pensée, de but, etc. ne sont donc que des entités mentales permettant de circonscrire le réel, le partager, le classer, le décrire et le concevoir. Se demander par exemple si le réel est fini ou infini n'a aucun sens (ce serait comme faire aboyer le mot "chien"). (3)
C0. Selon cette approche, tout objet (c'est-à-dire toute portion isolable du réel) dépend du sujet : c'est le détenteur des concepts qui produit l'objet, lequel est dans son esprit et non dans le réel. (Donc rien n'existe sans le sujet : penser par exemple que les arbres existeraient même en l'absence de l'homme c'est oublier que c'est l'homme qui a
défini ce qu'est un arbre, donc les arbres n'existeraient pas en l'absence des hommes.)
C1. Un objet se définit par un certain nombre de traits définis par le sujet (traits qui peuvent être hérités d'autrui, bien entendu, mais ça ne change rien à ce qui se produit du point de vue du sujet). Exemple d'objets : "Table", "Animal", mais aussi "Vie", "Dieu", "Moi", etc.
C2. L'examen ontologique consistera non pas à dire si l'objet est
aussi dans le réel (ce qui n'a aucun sens) mais s'il est possible d'établir une correspondance entre les manifestations du réel du point de vue du sujet et les traits de l'objet définis par le sujet.
C3. "Exister" signifie donc "être objectivable", c'est-à-dire correspondre à l'ensemble des traits définis par le sujet. (4) (Ex. "
Une table.")
C4. Et "Être" signifie donc "être objectivé", c'est-à-dire être une instance de l'objectivable, donc de l'existant. (Ex. "
Cette table.")
C5. L'examen ontologique (examiner si une chose existe) revient donc à l'examen de la correspondance des traits d'objectivation avec les manifestations du réel.
D0. Lorsque aucun ou seulement une partie des traits d'objectivation se manifeste, alors l'objet défini par le sujet n'existe pas. C'est seulement lorsqu'il y a adéquation totale entre les traits d'objectivation et les manifestations du réel que l'objet existe.
D1. L'application de ces traits à un cas particulier permet de définir ce qui est. Autrement dit, rien ne peut être qui soit une instance de ce qui n'existe pas.
E0. Considérons l'ensemble des traits permettant d'établir l'existence d'un dieu défini par un sujet.
E1. Tous les concepts de "dieu" se définissant par un ensemble de traits dont seulement une partie correspondent aux manifestations du réel ne sont pas validés ontologiquement. Exemple : Je définis dieu comme l'origine de l'univers. Je constate que l'univers existe. Je ne peux pas en conclure que ce dieu existe, car tous les traits ne sont pas vérifiés. J'ai juste démontré l'existence d'une origine. Mais rien ne manifeste que cette origine a une pensée structurée comme celle des primates que nous sommes. Conclusion :
épistémologiquement, ce dieu-là n'existe pas. (Ce qui ne l'empêche pas d'exister dans d'autres champs de la pensée, notamment en tant qu'hypothèse, que fantasme, etc.)
E2. Tous les concepts de "dieu" se définissant comme "ce qui existe sans concept" (au-delà de la pensée humaine) définissent nécessairement un dieu qui,
épistémologiquement, n'existe pas. (Pour les raisons exposées en B.) Il en est de même pour tous les concepts de "dieu" tentant de s'affranchir de leur nature épistémologique. (Par exemple un dieu qui existerait même en l'absence des hommes. Cf. C0.)
Conclusions :
F0.
Épistémologiquement dieu n'existe pas.
F1. Tout examen de l'existence de dieu ne peut donc pas se situer sur un plan épistémologique.
F2. Il peut en revanche se situer dans le champ des hypothèses (non vérifiées jusqu'à présent (5)), des fantasmes, des fables morales, etc.
F3. Poser la question de l'existence de dieu revient donc à se demander "à quoi puis-je me fier et que puis-je retenir d'utile de ce discours sur dieu ?".
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Notes :
(1) Il me semble que la démonstration de l'impossibilité d'un tel phénomène magique est facile à démontrer. Toutefois je propose de ne pas en discuter au sein de ce sujet et j'invite celles et ceux qui souhaiteraient le faire à ouvrir un nouveau sujet. Cette remarque vaut également pour toutes les autres les notes qui suivent.
(2) Tout examen repose sur un filtre cognitif qui le précède nécessairement. Notamment, la génération de toute nouvelle connaissance scientifique commence par un cas particulier d'inférence qu'est l'abduction. Cette dernière est nécessairement forgée par l'esprit avant son examen.
(3) Pour insister sur l'exemple du concept d'infini (mais l'on pourrait faire une démonstration similaire pour tous les autres concepts), comprenons bien que l'infini est une
simplification permettant de mieux comprendre le réel. Je vous renvoie également aux travaux d’Aleksandr Aleksandrov, qui montre que pour tout infini mathématique il existe une entité finie qui le contient.
(4) Par exemple, si nous étions faits de neutrinos plutôt que de fermions, le monde nous apparaîtrait comme un ensemble compact de particules échangeant entre elles une "énergie de distance". N'interagissant presque pas avec la matière, la terre et le soleil ne constitueraient pas des entités distinctes mais "existeraient" en tant que vague nuage d'énergie gravitationnelle. Ceci illustre le fait que l'existence des objets dépend bien de la manière dont le sujet les conçoit.
(5) En ne perdant pas de vue que si
quelque chose ressemblant même de manière très lointaine à l'idée que les croyants se font de dieu, ce ne serait que la manifestation d'un hasard extrêmement improbable et pas le produit d'une pensée déductive.