pauline.px a écrit :[...] La sémantique se heurte à ce problème : un mot employé (fut-ce avec le plus grand discernement) a-t-il une signification qui pourrait « s’exprimer complètement » sans utiliser ce mot (ou ses paraphrases ou des allégories ou des exemples/paradigmes ) ?
1 ) du bon usage du mot sans définition précise. [...]
Ce que tu dis illustre bien le fait que les concepts que nous nous forgeons (par exemple celui de "table") ne préexistent pas à l'appréhension du sujet mais sont dépendants de son filtre cognitif. Cette approximation que tu énonces se retrouve dans absolument tous les concepts (en fait, un concept est nécessairement une réduction des manifestations du réel, donc une approximation) et celui de "dieu" n'y échappe pas (d'autant plus que ce qu'il désigne n'existe épistémologiquement pas).
pauline.px a écrit :2 ) du bon usage d’un mot sans aucune définition. La plupart des gens emploient très convenablement les mots « temps » et « espace » sans avoir prétendu leur donner ne fut-ce qu’une vague définition.
Bien entendu. Mais lorsqu'un chercheur souhaite approfondir nos connaissances quant à la nature et les propriétés du temps et de l'espace, il ne peut pas faire l'économie de les définir.
Pourrais-tu me citer un seul scientifique réputé avoir fait avancer la connaissance du temps et de l'espace qui ne les aurait pas définis ?
Ici, nous examinons de manière rigoureuse et logique l'existence de dieu, il me semble donc que le minimum est de commencer par définir "exister" et "dieu".
pauline.px a écrit :3 ) petite exploration personnelle du champ sémantique de « exister » [...]
A ) Face à un phénomène, face à ce qui se manifeste (au sens d’interagir "de l’extérieur" avec une conscience) au moins une fois : Comment savoir si on a affaire à un existant ou non ?
[...] Doit-on A PRIORI douter de l’existence de ce dont l’existence est indémontrable ?
L'existence se définit comme ce qui est de l'ordre de l'objectivable. Des traits d'objectivation (des critères d'existence) peuvent être émis sans pouvoir être vérifiés. On parle alors d'hypothèse d'existence, sans se prononcer sur le résultat de l'assertion. Par exemple, l'hypothèse de l'existence de formes de vie extra-terrestre est une hypothèse valide, même si cette existence n'a en elle-même pas été validée. Alors que dans le cas de dieu, même en tant qu'hypothèse son existence est invalide (pour toutes les raisons énoncées plus haut).
pauline.px a écrit :Enfin, la mécanique quantique ne manque pas de rajouter de la confusion : L’autopsie du chat dans l’expérience de Schrödinger montre que le décès du chat remonte à 77 secondes, peut-on dire qu’avant l’ouverture de la boîte existait un chat vivant 20 secondes avant l’ouverture de la boîte ? Un chat mort existait-il à ce moment-là ? Y avait-il superposition des états ?
À aucun moment Schrödinger n'affirme une existence : il fait se frotter des concepts pour en vérifier la validité. Il soulève un paradoxe montrant que le filtre épistémologique choisi comporte des lacunes (il faut réajuster certains traits d'objectivation).
pauline.px a écrit :Mais hormis l’univers tangible, est-il possible d’affecter une existence à certaines de nos constructions intellectuelles, qui n’en sont pas moins tangibles dès qu’elles sont formulées. La phrase que je viens d’écrire existe, j’ose l’admettre.
Absolument. Tout comme le mot "dieu" existe.
pauline.px a écrit :B ) Face à ce qui se conçoit (au sens d’être pensé par une conscience) au moins une fois : Comment savoir si on a affaire à un existant ou non ? Là il me manque une bonne définition de mot exister
Pour évoquer mes difficultés je prendrais des exemples arithmétiques.
Les nombres entiers existent-ils hors des diverses instances de leur signifiant, renvoient-ils à un signifié auquel nous pouvons conférer l’existence ?
Une idée serait de leur donner une définition : par exemple quelque chose du genre : « un entier correspond à un dénombrement d’une collection existante. » Et patiemment Zermelo-Frankel fabriqueront de toute pièce cette collection pour chaque entier. Deux dénombre { Ø ; { Ø } } par exemple. Vous voulez démontrer que 121 existe… c’est simple mais laborieux.
Donc on l’admet.
Cette définition ne donne pas d’existence ni à l’entier zéro puisqu’une collection vide ne peut pas être dénombrée ni à l’entier "10 à la puissance 1000" puisque une telle collection ne peut "exister" du fait de l’âge et de la taille de l’univers.
Pourtant nous nous servons de ces entiers. [...]
Je ne sais pas si tu le sais, mais c'est ce genre d'exercice qu'on donne aux étudiants qui débutent en épistémologie.
En fait il y a un piège : on ne définit pas des nombres, mais des rapports. Et ceux-ci sont éminemment dépendant du filtre cognitif humain.
Énoncer par exemple « 10^10^100 » (gogolplex) ne signifie pas « il existe forcément au sein du réel une quantité au moins égale à ce nombre » (façon instinctive que l'on a d'envisager l'existence des nombres) mais « il est possible de construire telle grandeur par des rapports de grandeurs plus accessibles à l'entendement, laquelle pourra éventuellement servir de rapport approximatif à une grandeur dans une portion simplifiée du réel ».
Prenons un nombre premier au hasard compris entre gogolplex et gogolpex^10 : comment le définir exactement ?
On se rend vite compte que l'on vit avec l'illusion d'ensembles entiers et homogènes alors qu'en fait ce sont de tout petit ensembles finis pleins de trous accompagnés de la recette pour les combler.
pauline.px a écrit :[...] Le scientifique qui étudie « ce qui existe » a-t-il une idée précise de l’objet de son étude ? Peut-il étudier ce qu’est l’existence si il a déjà définit ce qui existe.
Peut-il prétendre à l’universalité s’il a déjà au moyen de la pure logique, sans aucun contact avec un existant autre que lui, définit ce qui existe ?
Il ne faut pas confondre l'étude d'un existant avec l'étude d'une existence. Si la première ne nécessite même pas la conscience de l'exercice d'un examen ontologique, la seconde interroge cet exercice même.
« Existe-t-il une solution pour (x,y,z) ∈ ℕ³* / x^5 + y^5 = z^5 ? » n'est absolument pas de la même nature que « Les nombres existent-ils vraiment ? » ou encore « Dieu existe-t-il ? ».
Dans le premier cas effectivement les conditions d'existence sont données a priori (on attend un triplet de nombres entiers), dans le deuxième elles le sont de manière dépendante des concepts formulés dans la question et dans le troisième également, même quand le concept de "dieu" tente de se faire passer pour un concept absolu ou un non-concept (ce qui, dans les deux cas, est une aberration bien entendu).
Quant à l'universalité, elle est une illusion, elle aussi issue d'un "concept à trous accompagné de bouche-trous", comme les concepts "infini", "éternité", etc.