Les Témoins de Jéhovah sont-ils chrétiens ?
Les Témoins de Jéhovah sont-ils chrétiens ?
Débat. On les voit souvent sonner à la porte ou rester debout sur le trottoir pour offrir leurs journaux bibliques. Ils se disent chrétiens mais leur foi semble en contradiction avec la foi chrétienne… Qui sont-ils ?
Débat entre Lili Sans-Gêne et le Père Dominique Auzenet
Les Témoins de Jéhovah sont des chrétiens comme les autres.
Ce qui fait un chrétien, c’est qu’il croit que le Christ Jésus est Dieu. C’est en raison de cette croyance commune que les catholiques, les protestants et les orthodoxes sont tous chrétiens. Mais les TJ ne croient pas que Jésus est Dieu… Il y a donc une teinture chrétienne, mais on est en pleine contradiction. Ils rejettent explicitement le Credo chrétien, parce qu’ils n’acceptent pas le mystère d’un Dieu qui s’est fait homme. L’exposé de leurs croyances est assez subtil pour masquer les contradictions. Ils disent que Jéhovah-Dieu a transféré la vie de son Fils, appelé dans les cieux Emmanuel ou l’archange Mickaël, dans le sein de la vierge juive Marie pour qu’il naisse comme l’homme Jésus-Christ.
Mais n’ont-ils pas raison après tout ? Dans la Bible, Jésus ne dit jamais explicitement : « Je suis Dieu. »
Pardon ! Jésus a des affirmations très claires sur l’origine divine de sa personne et de sa doctrine. Il se dit le Fils, et il parle du Père. « Mes brebis écoutent ma voix… je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main… Nul ne peut rien arracher de la main du Père. Moi et le Père nous sommes un. » (Jn 10, 27-30). Et les juifs ne se trompent pas sur la signification des paroles de Jésus, puisqu’ils l’accusent de blasphème : « Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème et parce que toi, n’étant qu’un homme, tu te fais Dieu. » (Jn 10, 33). Évidemment, les TJ disent que Jésus peut être appelé Fils de Dieu… Mais, pour eux, il n’est pas Dieu (égal au Père et à l’Esprit, c’est la Trinité, un seul Dieu en trois personnes, qu’ils refusent). Ils disent que c’est un homme exceptionnel qui existait avant nous, comme le plus élevé des anges. Et pourtant ils célèbrent sa mort et sa résurrection. Que de contorsions ! L’usurpation du caractère chrétien par les Témoins de Jéhovah est claire pour qui veut bien y regarder de près.
Pourquoi disent-ils que la Bible appelle Dieu Jéhovah ?
C’est leur label. Leur fondateur, Charles Taze Russell, avait en 1870 un message simple : Jéhovah enverra bientôt son fils Jésus-Christ détruire les impies et rétablir le paradis sur la Terre. Mais c’est son successeur, Joseph F. Rutherford, qui donne le nom de Témoins de Jéhovah en 1931. « Jéhovah », c’est le nom sous lequel Dieu est désigné dans l’Ancien Testament. (Yahvé, Yahweh ou Jéhovah en français classique). Mais l’introduction du nom de Jéhovah dans leur Nouveau Testament est une falsification, puisqu’il ne figure dans aucun manuscrit grec de la Bible.
Quel est le rôle de leur revue La Tour de Garde ?
Le contenu de la doctrine que les TJ nomment « la vérité », vient de l’enseignement du Collège central. Ce dernier dispense une interprétation plutôt littérale de la Bible, mêlée de commentaires concernant principalement les livres de Daniel et de l’Apocalypse. Le mouvement prétend qu’il est impossible de comprendre pleinement la Bible sans recourir à son aide. Même si chaque TJ est encouragé à lire et à étudier la Bible chaque jour, aucun n’est autorisé à dévier de l’interprétation officielle, sous peine d’être accusé d’apostasie et excommunié.
Justement, les TJ semblent connaître la Bible par cœur, c’est impressionnant.
S’agissant de leur « Traduction du Monde Nouveau », on peut constater, à la fois dans le texte et dans les commentaires, qu’elle est biaisée ou truquée sur les points névralgiques du christianisme (divinité du Christ, mort et résurrection du Christ, Saint-Esprit, Trinité, l’homme, le péché et la mort, etc.). Ils cherchent donc à justifier les pratiques et doctrines du mouvement. Lors de leur activité de porte-à-porte, les TJ ont pour objectif de s’introduire dans les familles afin d’y conduire ce qu’ils appellent « une étude biblique à domicile » sur des supports comme : « Qu’enseigne réellement la Bible ? ». Ce support a la caractéristique de comporter des paragraphes et des questions numérotés, le TJ pose la question et la personne qui le reçoit chez elle lit le paragraphe tout en cherchant la réponse induite par la société La Tour de Garde. La personne est invitée à prendre une règle et un stylo et à souligner la réponse induite, qui n’est pas le produit de sa réflexion. Les personnes ne pensent plus par elles-mêmes, elles sont rendues semblables aux adeptes.
Pourtant les TJ sont libres de quitter leur « église ».
Rien de moins sûr ! Petit tour des contraintes. Les TJ sont encouragés à se tenir « séparés du monde », qu’ils considèrent comme mauvais et voué à disparaître. Cette perception binaire de la réalité est caractéristique de l’emprise sectaire. Ils ont l’impression de se trouver parmi le « peuple de Dieu » ; mais la contrepartie est la peur de l’excommunication rejetant toute personne déviant des principes fixés. Cette séparation implique que les relations avec ceux qui ne sont pas TJ, même la famille proche, sont réduites au minimum. Un TJ qui suit les conseils donnés par la société de la Tour de Garde, ne fréquente pas un non-TJ. De plus, les TJ ne fêtent ni les anniversaires, ni les fêtes religieuses comme Noël, le Nouvel an, Pâques, ni les fêtes patriotiques. Le cadre des divertissements est fortement contrôlé. De même pour les lectures, les émissions, Internet… Tous les TJ qui quittent le mouvement pour raison de conscience le font douloureusement, en sachant qu’ils seront étiquetés hérétiques. Même les membres de leur famille proche devront arrêter de les fréquenter étant donné qu’ils ont été exclus, et seront traités comme bannis. Ces traitements de rejet causent de gros dégâts affectifs, psychologiques et psychiques, dont témoignent de nombreux anciens adeptes.
Vous n’allez pas dire que c’est une dérive sectaire ?
Je voudrais distinguer plusieurs aspects, car ce n’est pas simple. Sociologique : le groupe religieux des TJ possède toutes les caractéristiques de ce qu’on nomme une secte : adhésion volontaire, appartenance accordée selon le mérite, exclusivité, idéal de perfection personnelle revendiqué par les fidèles, pas de clergé mais seulement des laïcs, un engagement militant important, une vie axée autour du christianisme jéhovéen, un refus de la compromission, et leur affirmation d’une identité chrétienne forte. Juridique : en France, on ne parle plus de secte. Il faut donc sur ce plan les considérer comme un mouvement religieux minoritaire « chrétien » mondial, marqué par un certain nombre de dérives sectaires. En France, ce groupe religieux a été classé par les rapports parlementaires de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires parmi les groupes religieux à dérives sectaires. Au niveau européen, les TJ ont été promus au rang de religion sous la pression de la Commission européenne des Droits de l’homme ! Ce que la France doit respecter… L’agrément de leurs ministres du culte comme aumôniers de prison par le Garde des Sceaux pose de nombreux problèmes dans les prisons où ils exercent maintenant leur prosélytisme dans les cellules…
Quand même, c’est inquiétant : ils disent qu’il faut se préparer à la fin du monde…
Jésus a dit : « Le ciel et la terre passeront. » Il a aussi annoncé sa venue glorieuse à la fin des temps. C’est notre foi chrétienne. Les TJ, eux, se focalisent exclusivement sur quelques passages de l’Apocalypse qu’ils interprètent mal, en délaissant d’autres paroles de Jésus. Ils en font un point central et obsessionnel dans leur doctrine. Avec des annonces fracassantes régulières de dates (les plus célèbres sont 1914 et 1975), toujours démenties évidemment. Car Jésus a dit qu’on ne savait « ni le jour ni l’heure », et que, de toute façon, sa venue serait « soudaine », « comme l’éclair » qui traverse le ciel, visible par tous. Et pour nous, ce n’est pas un sujet d’inquiétude, mais d’espérance !
Bio auteur :
Il est curé de la paroisse Saint-Aubin dans le diocèse du Mans, et délégué diocésain à la pastorale « nouvelles croyances et dérives sectaires ».