aliocha a écrit :Faith, contrairement à Sami, je ne serais pas si pressé que ça d'entamer une refonte institutionnelle et juridique au niveau des pays musulmans, tant la législation d'un pays est le reflet de ses croyances et de sa culture...l'europe , avant d'atteindre le degré d'égalité civile et politique inscrit dans les textes , est passée par plusieurs "étapes" constitutives de son assise républicaine et humaniste, je cite :la renaissance, la réforme protestante, et le siècle des lumières...
Pour moi il serait illusoire d'imposer aux musulmans des "concepts" tel que la démocratie, la parité homme femme, la liberté d'expression, de culte et d'opinion, tant que ces même peuples ne sont pas convaincus du bien-fondé d'une telle démarche...je m'explique:
S'il n'y avait pas eu Luther pour "libérer" les peuples européens de la hantise de l'enfer moyennâgeux par sa sola fide, les européens n'aurait pas revalorisé la vie...
S'il n'y avait pas eu Erasmus avant lui pour ouvrir la voie à une foi beaucoup plus intime et personnelle( chacun est pour lui même son propre prêtre), la tolérance religieuse n'aurait pas avancé.
S'il n'y avait pas eu Montesquieux et Rousseau pour théoriser les bases des valeurs républicaines , et du pacte social et civil, l'europe en serait encore à la monarchie de droit divin avec son lot d'injustice et de violences...
S'il n'y avait pas eu la déclaration de virginie en 1776, rédigée par Thomas Jefferson, l'égalité entre les hommes devant Dieu et la loi, le droit au bonheur, ne serait pas rentrés dans les corpus juridiques...
Donc nous voyons bien ici, qu'il incombe aux hommes de religions, aux intellectuels , aux philosophes de faire un travail de fond , pour mettre en relief les versets pronant la tolérance, et "amoindrir" la portée des versets qui peuvent être des sources de mécompréhension et de mésintérprétation...mais par dessus tout, il faut ramener l'islam à une vision beaucoup plus "apaisée" de sa place dans le monde, en le soustrayant à la conflictualité dans laquelle certains essayent de le placer vis-à-vis des autres cultures...
Ce travail relève des philosophes, des théologiens et des intellectuels, qui sont appelés à "institutionnaliser" ces notions dans une dynamique exégétique et civilisationnelle, dont le premier plan est le culturel, pour passer ensuite au poltique, ce dernier étant la formulation des aspirations et de l'état de conscience des peuples...
Il serait hasardeux d'essayer d'imposer, comme le font certaine dictature comme la tunisie, ou certaine autocratie comme l'Algérie, des normes universelles, mais perçues comme occidentales, à des peuples qui les considèrent comme étant attentatoires à leur identité et à leur traditions, d'où le repli religieux...
Il faut un aggiornamento, et celui-ci ne peut venir que de la société civile pilotée par une élite soucieuse des impératifs de démocratie et de droits de l'homme qui sont nécessaire aux évolutions du monde d'aujourd'hui...
Les seuls pays qui tentent une sorte d'Ijtihad pour ne pas dire modernisation, sont des dictatures comme la tunisies, des pays à forte connotation militaire(la Turquie), et le Maroc, qui reste un royaume tiraillé par désir de réformes et forcing islamiste, tout ceci arbitré par le commandeur des croyants(le roi) , qui introduit des "progrès" juridiques au nom de sa préséance, mais qui se met à dos une bonne partie de sa population, ce qui l'oblige à faire le funambule au-dessus d'un terrain miné...
Il est clair ici, que sans l'adhésion totale des populations à ces valeurs démocratiques, les choses n'avanceront pas; et puisque le champ social et politique dans les pays arabo-musulmans est désertés par les partis au pouvoir, comptable de leur échecs succéssifs, en manque de crédibilité, coupable de "compromission" avec l'occident pour la frange la plus dure de la rue arabe, la seule force politique en action dans l'air géographique s'étendant du Maroc à l'Indonésie reste les islamistes, qui voient d'un mauvais oeil ce rapprochement idéologique avec les théses de l'occident. Il faut un sursaut philosophique dans tout les sens du terme, sinon les peuples continueront à se fanatiser de plus en plus, et on ira droit à une confrontation amplifiée par des facteurs internes et externes...
On ne peut pas changer une société en amendant les textes, il faut d'abord qu'émerge une élite porteuse d'une "révolution" culturelle , qui réorganise les espaces juridiques et de transmission du savoir; ce travail de longue haleine sera à n'en pas douter perçu comme politique d'acculturation et d'aliénation de la part des populations musulmanes, mais si ce chantier est pris en charge par une génération de théologiens et de laïques nourri au lait de l'humanisme et des valeurs universelles dont l'Islam est partie prenante, le défi peut être relevé...
Cordialement...
Aliocha,
On est d'accord. Cependant, j'aimerai apporté une précision pour illustrer vos propos en ce qui concerne la Turquie. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la prise de distance vis à vis de la Sharia en ce qui concerne la condition féminine (
http://cemoti.revues.org/document556.html), trouve ses origines non pas chez les militaires, mais plutôt dans l'intelligencia Ottomane du 19 siècle. Les réformes instituées par Ataturk, entre 1924 et 1938, ne sont que les fruits de plus de 100 ans de réfléxions.
Il faut également signaler que le seul pays musulman à avoir signé et ratifié la CDH est la Turquie. Ce pays est également le seul pays musulman à ne pas avoir connu la colonisation, et donc ce qu'elle a engendrés en terme de replis identitaire. Ce replis identitaire est contraire aux enseignements spirituels et universels de l'Islam.
Un autre exemple turc,
Pour résumer, ma thèse est celle-ci. L'origine de cette discrimination
pseudo-religieuse est d'ordre culturel, politique, économique et nullement islamique.
Cordialement...