Alfred a écrit :Et un mot rapide sur la morale. Tu considères que la morale religieuse existe tout simplement parce que l'esprit humain est moral par essence. Moi je considère que l'esprit humain est moral par essence parce qu'il existe un bien et un mal absolus, définis par Dieu. C'est la question de l'œuf et de la poule, et là encore il n'y a aucune démonstration imparable.
Le bien et le mal font fatalement appel au jugement. Qu’est-ce que le bien absolu ? Qu’est-ce que le mal absolu ?
Considérées sous l’angle d’une perspective supérieure, les circonstances de la vie ne sont ni positives ni négatives. Elles sont ce qu’elles sont. Et lorsque nous vivons en acceptant complètement ce qui est (seule façon saine de vivre), il n’y a plus ni « bien » ni « mal » dans notre vie. Il y a seulement le bien supérieur, qui contient également le « mal ».
Pour vivre en paix, il s’agit de permettre à ce qui est d’être. C’est tout. Cette attitude, ce « permettre d’être », nous aide à dépasser le mental ainsi que tous les scénarios de résistance à ce qui est qui créent les polarités positif-négatif.
Toi qui te dis Chrétien Alfred, ceci constitue un aspect essentiel du pardon. Pardonner dans le présent est encore plus important que pardonner dans le passé. Si nous le faisons à chaque instant (c’est-à-dire si nous permettons au présent d’être tel qu’il est), aucune accumulation de ressentiment n’aura à être pardonnée plus tard. Après tout, nous n’avons pas le choix : ce qui est, EST.
Tout ce que nous faisons est une façon soit efficace, soit inefficace de créer de l’amour, de la paix et de l’unité.
Maddiganed a écrit :Argh non, pas toi... ne fais pas dans l'anthropomorphisme...
Tu dis qu'un croyant est libre de chercher des vérités sur le monde? Pourquoi ne le fait-il pas? Tout simplement parce que toutes les découvertes du monde excluaient l'inconnue dieu de leur équation, inutile... Ce que se refusent à faire les croyants 'libres'... Un bel oxymore celui-là aussi, Wodden Ali appréciera.
Les « croyants » refusent de « chercher des vérités sur le monde » ? Que fais-tu des scientifiques croyants ? Dieu et la science ne se situent pas dans le même champ, il est futile de chercher à trouver « Dieu » ou à le rejeter au moyen de la science.
Wooden Ali a écrit :Bien sûr, mais il n'y a aucun moyen de le savoir ! C'est bien ça le problème. Ce ne sera jamais une connaissance. Juste un concept personnel qui pourra-t-être utile mais dont la vérité reconnue par les autres n'aura jamais d'autre mesure que celle de la relation de confiance que tu auras pu établir. Je ne minimise pas l'intérêt d'une telle relation à condition qu'elle ne prétende pas en faire une vérité. Le glissement est malheureusement très fréquent et porteur de bien des soucis.
Le concept de l'Enfer n'est pas illogique. Il est alogique. Il existe dans un domaine où la Logique n'existe pas, où, comme tu le dis toi-même, tout est possible (et son contraire aussi !) sans qu'on puisse jamais le rattacher a la réalité.
Les mondes imaginaires sont passionnants. La Littérature est là pour qu'ils s'épanouissent et se communiquent. Pourquoi vouloir les faire entrer à tout prix dans notre monde ?
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D'abord, je me considère comme faisant partie intégrante de l'Humanité et je suis débarrassé de la quasi totalité des croyances au surnaturel que je connaisse. Je l'ai fait avec des moyens très simples et accessibles à tout un chacun. Et je ne suis pas tout seul ! On peut donc opposer un argument de taille à ton affirmation que la croyance est une caractéristique inhérente et incontournable de l'espèce humaine. On peut s'en guérir, c'est sûr !
Tu constates que le champ des croyances est vaste et peut donc en comprendre certaines particulièrement délétères. Tu proposes donc des religions garde-fou qui, en promouvant celles qui sont le moins négatives détourneraient l'Humanité de ses penchants les plus néfastes.
Il y a une logique dans ce que tu dis. "C'est certainement complètement faux mais ça fait du bien !" Alors, pourquoi pas ?
Sauf qu'il existe des raisons objectives pour avoir une morale et se conduire de façon éthique. Et que ces raisons sont bien plus fortes et plus susceptibles d'être partagées que la carotte ou le coup de pied au cul divin. Amha, une morale humaine dépourvue de transcendance sera beaucoup plus efficace qu'une morale de la peur telle que nous la propose les religions.
Je terminerais en disant qu'il n'y a pas de morale religieuse. La morale naturelle est la base de toute autre morale déclarée qui ne pourra, au mieux, que lui donner un habillage à sa convenance mais ne fera le plus souvent que la dénaturer et l'affaiblir.
Qu’est-ce qu’ « une morale naturelle » ?
Tu crois cela (« qu’il existe des raisons objectives pour avoir une morale et se conduire de façon éthique ») parce que tu crois, comme tout Occidental, en une morale universelle du genre « tu ne tueras point ». Mais cet idéal est loin d’être partagé ailleurs dans le monde. En fait, cette conception universaliste pose problème… à une grande partie de l’humanité.
En Inde par exemple, être moral c’est se conformer à son sva-dharma, le devoir propre de chacun. Ce devoir dépend de la caste à laquelle on appartient, du sexe et de l’âge que l’on a ; mais il varie aussi en temps de guerre ou de paix, en période faste ou de disette etc. Bref, ce qui est moral aujourd’hui pour un tel ne le sera point demain pour un autre.
Il existe bien (toujours en Inde) un grand « dharma commun » au-delà des castes et des situations particulières : c’est le précepte de la non-violence, qui pourrait tenir lieu de message universel indien. Mais justement, tant que cet impératif n’est pas mis en situation, il est perçu par les Indiens comme une généralité abstraite et vide, sans véritable portée morale.
Les raisons objectives dont tu parles sont en fait parfaitement subjectives : est-ce moral de tuer un animal pour s’en faire un manteau de fourrure ? Est-ce moral de tuer ce même animal pour se nourrir ?
En France, on ne supporte pas l’idée de manger du chat ou du chien. Ce n’était pas le cas il y a quelques siècles. Dans les pays musulmans, il est immoral de manger du porc. En Inde, on mange du chien et ce sont les vaches qu’il ne faut pas manger…
Plus on s’éloigne vers l’Orient, et plus l’évidence de pouvoir séparer le vrai du faux par la simple capacité à raisonner se défait, plus le cogito cartésien perd sa crédibilité. Le sujet qui pense, le « moi », voit son importance décroître progressivement sur le chemin menant à pékin.
En Chine, l’individu n’est pas du tout conceptualisé. Par contre, il y a un très fort sentiment de l’appartenance de tous les êtres, humains ou non, au cosmos. Dans la littérature chinoise classique, personne n’emploie jamais la première personne du singulier. Le pronom existe, mais il est inusité, en tout cas jusqu’au XXe siècle. Cela n’exclut pas le lyrisme, mais la description des sentiments se fait à travers la description du paysage, de tout ce qui est extérieur à l’individu. Au lieu de dire : « Je suis triste », on décrira un ciel couvert. Idem quand un Chinois tient son journal intime : il commence souvent par une évocation du temps qu’il fait. C’est pourquoi la poésie chinoise est si difficile à traduire.
Pour un Chinois, se « débarrasser de la quasi totalité des croyances au surnaturel » ne veut rien dire puisqu’il ne recherche pas un aboutissement intellectuel : pour lui, la connaissance n’est justifiée que si elle est au service de la recherche intérieure. Il ne cherche pas à se débarrasser de telle ou telle croyance, ni à acquérir des connaissances : il cherche la paix intérieure, la quiétude, la sérénité, l’harmonie avec le reste de la création, chose qui semble avoir disparu dans notre société occidentale. Pour un Chinois, se soucier de la vie après la mort ou de l’existence de « Dieu », c’est se soucier d’une question qui n’est pas utile au regard de la seule chose qui compte : la cessation de la souffrance, la délivrance.
Tes paroles ne sont compréhensibles que dans la perspective d’un individualisme forcené tel qu’il existe en Occident. Ailleurs, les gens ne s’estiment pas séparés du reste du cosmos, ils ne considèrent pas qu’ils existent indépendamment du reste de la nature.
De même, ces « connaissances », ce « savoir » dont tu parles est et sera toujours parfaitement relatif. Ce ne sont que des manières de représenter le réel en soi qui nous est inaccessible de par notre condition d’êtres incarnés, donc vivant au sein de la dualité sujet-objet.
Le rêve cartésien d’une auto-affirmation absolue (« Je pense donc je suis ») relève de l’illusion subjectiviste, du délire narcissique.
Nous (les Occidentaux) cherchons à construire des vérités, à acquérir des données vraies en éliminant les erreurs par l’usage du principe de non-contradiction. Les bouddhistes, eux, utilisent ce même principe, mais pour déblayer les obstacles que créent la raison : « Tu dis que le temps existe ? Je vais te conduire à une contradiction qui t’indiqueras que tu dois laisser tomber. Tu dis qu’il n’existe pas ? Je ferai de même » (Nagarjuna).
Pour eux, il s’agit d’emprunter la « voie du milieu », qui correspond à la recherche de la sagesse, de la fin de la souffrance. J’ai ouvert un fil de discussion à ce sujet, mais il fait un flop complet…
Cependant, il est vrai que lorsque je lis tes interventions, et bien qu’elles soient empruntes de raison et de mesure, j’ai l’impression d’avoir affaire à un robot. Il me semble que tu occultes complètement la sensibilité, la recherche de la sagesse, de l’unité et de l’amour au profit d’une raison rigide érigée en principe absolu qui ne souffre pas la moindre remise en question.
Que fais-tu de la sagesse et du bonheur là-dedans ? Comme je l’ai déjà demandé à tguiot, avons-nous vraiment besoin d’en savoir davantage ? Le monde sera-t-il sauvé par un surcroît d’information, par des ordinateurs plus rapides ou par une nouvelle analyse scientifique ou intellectuelle ? N’est-ce pas de sagesse que l’humanité a le plus grand besoin maintenant ?
Je vais te citer un soutra : « En perdant contact aves sa quiétude intérieure, c’est avec soi-même que l’on perd contact. En perdant contact avec soi-même, on se perd dans le monde.
Le sentiment le plus intime de soi, de son essence, est inséparable du calme intérieur. C’est le JE SUIS, plus profond que le nom et la forme. »
Ainsi, pour répondre à la question posée, l’enfer, c’est ce que nous vivons et expérimentons tous depuis que l’on a perdu contact avec notre essence, avec l’Etre.
L’enfer, c’est l’identification au mental : croire être le penseur en ayant oublié que l’on est la conscience sans forme derrière le penseur. Cela revient à peu près à ce que disait Alfred : être séparé de « Dieu », c’est-à-dire de notre essence la plus profonde. Mais ce n’est qu’une illusion, un « oubli ».