Logos a écrit :Le texte hebreu non, le texte grec oui. Les versions de la Septante comportant le Tétragramme hébreu sont manifestement des recensions tardives d'influence palestinienne.
BuddyRainbow a écrit :Je vous mets au défi de prouver ce que vous venez d'affirmer.
Pour résumer le plus simplement possible, on peut dire que les papyrus qui font apparaître le Nom divin en caractères hébreux au milieu du texte grec (ces papyrus régulièrement cités comme “preuves” par la Watchtower) ne témoignent probablement pas du texte “originel” de la LXX (qu’on appelle aussi le “Vieux Grec”, ou OG), et qu’on a d’ailleurs aujourd’hui perdu, mais seulement d’une recension, d’influence “palestinienne”, et qui tendait à s’opposer au texte qui était lu dans la diaspora.
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Les scribes ne fonctionnaient pas comme une rotative. Chaque texte est unique, et traduit la doctrine et le courant de pensée auxquels était attaché le copiste.
Contrairement à ce qu’affirme la Watchtower (et qu’elle n’hésite pas à déclarer être “un fait historique”, alors qu’absolument RIEN ne le confirme : il ne peut donc s’agir, tout au plus, que d’une hypothèse) le Nom ne figurait très probablement pas dans le texte originel de la LXX
, et ce ne sont que des recenseurs et réviseurs juifs relativement “tardifs” qui ont corrigé le texte pour le rendre plus conforme au texte “officiel” du judaïsme palestinien (ou plus précisément le texte qui était en train de le devenir…) celui qu’on appellera plus tard le “texte massorétique”.
Il y a donc, à l’époque qui nous intéresse plusieurs éditions différentes de la LXX, et pas du tout UN texte qui serait standardisé, le même pour tous, comme le sont nos livres d’aujourd’hui.
Par exemple, faisant suite au travail du professeur Howard (celui qui est cité triomphalement par la Watchtower), le professeur A.Pietersma démontrera dans un article fort bien argumenté de 1984, que des papyrus, précisément parmi ceux qui sont cités comme preuves de “l’usage de l’époque” par la Watchtower, portent nettement la marque d’une révision, d’un travail de correction systématique par le scribe, et que le modèle original de ce papyrus ne comportait très probablement pas le Tétragramme.
Il ne s’agit donc pas de “l’usage de l’époque”, mais simplement de l’usage d’une certaine école du judaïsme…
On pourra encore noter soit la malhonnêteté intellectuelle, soit l’ignorance des TdJ (dans les deux cas, c’est bien embrassant pour des personnes qui prétendent au titre d’“enseignants”, comme le revendiquent tous les TdJ…), lorsqu’ils appellent à témoin de leur théorie des papyrus contenant le texte des révisions de Symmaque et d’Aquila.
En effet, ils s’agit là de révisions, comme leur nom l’indique, qui avaient, elles aussi, l’ambition de corriger le texte traditionnel de la LXX considéré comme “altéré” (par rapport à leurs conceptions du judaïsme, essentiellement issues de la branche “pharisienne” qui s’imposera comme “autorité centrale” après la chute de Jérusalem). Ces révisions constituent un remaniement en profondeur du texte traditionnel de la LXX.
Or, ces révisions sont postérieures à la rédaction du NT (en tout cas selon la chronologie qu’en donnent les TdJ). Ces révisions n’ont donc pas pu être utilisées par Paul ou ses contemporains. Citer ces révisions comme preuve -ou même comme indice- que la LXX qu’utilisaient ces chrétiens contenait bien le Nom divin est donc particulièrement fautif.
Le principe même d’une “révision”, c’est qu’elle entend corriger le texte précédent, que le “réviseur” trouve inadapté.
Se référer à un texte corrigé ne nous donne évidemment pas d’indication de ce qu’était le texte avant d’avoir été corrigé ! Affirmer que le Tétragramme se trouvait dans le texte traditionnel de la LXX avant sa révision puisqu’il s’y trouve après, est donc un non-sens : la présence du Tétragramme en hébreu fait précisément partie de ce que l’on pense avoir été (en autre, bien sûr) l’objet de la correction.
Voici ce que l’ouvrage “La Bible Grecque des Septante : du judaïsme hellénistique au christianisme ancien”, de par M. Harl/G. Dorival/O.Munnich (éditions cerf/CNRS), chapitre IV (“Le texte de la Septante”), partie II (“Le remaniement des textes dans l’Antiquité”), page 157 :
Révisions partielles : les papyrus juifs
Du fait de leur antiquité, on croyait les papyrus de la LXX plus authentiques que leurs témoins ultérieurs
[on retrouve donc ici le « point de départ » la doctrine de la Watchtower]. Or, certains présentent, semble-t-il, des leçons secondaires, résultats d’une hébraïsation du Vieux Grec. En fait, il convient d’être prudent : il est parfois difficile d’assigner à un papyrus une origine juive ou chrétienne. Il existe des signes distinctifs (traitement du tétragramme, recours à des abréviations), mais ils ne sont pas infaillibles (C.h. Roberts, Manuscript, Society and Belief in Early Christian Egypt, Londres, 1979, p. 74-78)
(…) P.Katz et J.W. Wevers fournissent deux synthèses précieuses sur ces révisions et les travaux critiques qui leurs sont consacrés. Ce dernier écrivait en 1968 à propos de 7Q1LXX Ex : « Le fragment est désespérément court ; pourtant, il augmente les preuves en faveur du fait suivant : déjà à une époque ancienne -100 avant notre ère-, le texte de la LXX a été retravaillé d’après le substrat hébreu » (« Septuaginta Forschungen… », p. 47).
(…) L’entreprise du groupe kaigé s’inscrit donc dans un faisceau d’initiatives hébraïsantes. On se gardera de leur assigner un principe et une origine unifiés. Il s’agit plutôt de divers mouvements de réaction : « De telles modifications sporadiques correspondaient à la tentative des Juifs, en lutte avec le christianisme naissant, de sauver la LXX pour leur propre compte vers 70 de notre ère. On dut bientôt recourir à des moyens plus radicaux : les révisions d’Aquila et de Symmaque » (P. Katz). L’auteur résume bien ici l’évolution des révisions juives mais les fait commencer à une date trop tardive : le phénomène semble antérieur et , à l’origine, extérieur à la polémique antichrétienne.
En somme, la critique interne fait apparaître une activité de révision plus ancienne, diverse et complexe que la compilation origénienne [i.e. les Hexaples] ne le laisse supposer.
J’espère que le lecteur appréciera la modestie de ces érudits, qui reconnaissent humblement toute la difficulté qu’il y a à retracer exactement l’itinéraire textuel de la LXX. Quel contraste avec les affirmations dogmatiques de la Watchtower, qui affirme, à l’opposé, savoir sans l’ombre d’un doute à quelle version précise de la LXX Paul se référait lorsqu’il rédigea ses lettres. Sur ce point précis, on se demande bien qui est “sage à ses propres yeux”, non ?