a écrit :Daniel y répond en Daniel 5:28: "« PÉRÈS : ton royaume a été divisé et donné aux Mèdes et aux Perses "
Dans
Daniel 5 (dont l'auteur n'est pas celui du chapitre 7), il y a tout simplement une inversion de Darius (Ier Hystaspe, l'organisateur de l'empire en satrapies) et de Cyrus, couplée au mythe de la double puissance "médo-perse". Il y a bien eu des Mèdes indépendants, rivaux, adversaires et même suzerains des Perses avant Cyrus (II) et sa victoire sur le Mède Astyage, mais au
moment de la prise de Babylone il n'y a plus qu'
un seul empire où les dynasties se mêlent et qui, surtout de loin, peut être appelé indifféremment mède ou perse (cf. encore les guerres "médiques" du point de vue grec), mais qui n'en est pas pour autant "double" (il y aura encore des révoltes des Mèdes contre les Perses, y compris sous -- le vrai -- Darius, mais elles ne rétabliront pas de puissance mède autonome). Cette dualité factice, c'est l'idée erronée que l'auteur (final) du IIe siècle se fait d'une histoire déjà ancienne pour lui, à partir de la dualité traditionnelle des noms.
Quoi qu'il en soit, le chapitre tel qu'il est dans le livre tel qu'il est donne explicitement sa propre interprétation (v. 36ss), limpide pour les lecteurs-auditeurs du premier cercle -- car le point d'arrivée est toujours le même, et c'est LEUR situation à eux... mais une fois détachée de ce contexte, l'interprétation elle-même devient obscure et à son tour sujet d'interprétation (de l'époque romaine à la Watchtower, et ce n'est pas fini...). Interprétation folle et sans limite désormais.
Dans ce contexte, les quatre parties correspondent aux quatre bêtes du
chapitre 7: pour l'auteur du livre, les
"Mèdes" et les
"Perses" sont bien
deux dynasties distinctes et successives (6,1.29; 8,3.20; 9,1), ici représentées par l'argent et le cuivre. L'empire d'Alexandre est symbolisé par le fer, et son prolongement "divisé" les empires hellénistiques (essentiellement, du point de vue judéen, les séleucides de Syrie et les ptolémées d'Egypte, rois du nord et du sud au chapitre 11 qui est le plus détaillé).
a écrit :Pour que cela soit possible, il faut imaginer que cette 4ème bête ait d'abord été un royaume unique qui va ensuite se diviser en x royaumes, représentés par les 10 rois, qui se feront la guerre avec un tout dernier roi qui sera finalement jugé par Dieu.
Très bonne analyse. BRAVO.
Certains ont cru voir dans la 4e Bête une image de l’Empire romain, il s’agit des royaumes hellénistiques nés des conquêtes d’Alexandre (ici la 3e Bête). L’auteur suit en effet
un ordre chronologique et nous n’avons aucune raison de penser qu’il puisse s’agir de Rome qui, à l’époque où il écrit, ne jouait encore
aucun rôle dans l’histoire de la Judée.
Les dix cornes sont les dix rois qui vont succéder à Alexandre sur le trône de Syrie. Le premier, Séleucus, roi de Syrie – au sens large – de 305 à 280av. J.-C., était l’un de ses généraux, un diadoque. La dernière corne, la onzième, représente sans conteste Antiochus IV, surnommé Épiphane, dont le règne va de 175 à 164 av. J.-C. :“
Il sortit d’eux un rejeton impie : Antiochus Épiphane... ” (
I Maccabées I, 10). Cette identification est, pour ainsi dire, acceptée par tous
. Antiochus Épiphane est né vers 215 av. J.-C., il a connu le règne de trois rois : Antiochus III (223-187), Séleucus IV (187-175) et Héliodore (175), ministre du précédent. Ces trois chefs, qui l’ont précédé, mourront assassinés ou, du moins, de façon tragique. Daniel précise bien que : “trois des cornes précédentes furent arrachées devant elle”.
Dans ce cas précis, il n'est pas certain que les trois cornes/rois doivent être piochés seulement parmi les Séleucides (= de Syrie, "rois du nord"; Héliodore n'aurait de toute façon pas été roi), puisque a priori les dix cornes désignent tous les successeurs d'Alexandre (diadoques avec ou sans le titre), du moins ceux dont on pouvait avoir entendu parler en Judée. La NBS propose un autre choix, d'après les commentaires disponibles à l'époque (et) à la Société biblique française (Delcor, Lacocque, Collins, etc.): Démétrios, neveu d'Antiochos, qui devient otage à Rome à la place de celui-ci; Séleucos IV assassiné (sur celui-là tout le monde paraît d'accord); Ptolémée VI Philométor, lagide comme son nom l'indique, donc de l'empire rival (Egypte = roi du Sud) et non plus de la même "dynastie". On peut encore leur préférer des prétendants au trône de Syrie assassinés (pas forcément par Antiochos) et évincés (un frère, un neveu, et l'autre neveu otage; cf. p. ex. ici d'après Levine, 2010). La séquence semble correspondre à peu près à celle de
11,21-25, du moins du point de vue d'une "rédaction finale" -- car si une première mouture du chapitre 7 est indépendante, voire antérieure à Antiochos, elle avait nécessairement d'autres référents (les trois cornes dans la vision font écho aux trois côtes de l'ours, v. 5, et plus largement le chiffre 3 revient souvent dans Daniel, cf. 1,5; 3,23s; 6,2.10.13; 10,2s; 11,2)...
a écrit :Dn 2, 1 "La seconde année du règne de Nebucadnetsar, Nebucadnetsar eut des songes. Il avait l'esprit agité, et ne pouvait dormir"
Le cadre général du livre de Daniel ayant déjà été abondamment discuté, il suffit peut-être de rappeler que son "temps de la fin" coïncide avec la crise maccabéenne sous le règne d'Antiochus IV, dont l'auteur espère un dénouement surnaturel (le "royaume de Dieu").
Ce qui n'empêche pas les récits de la première partie d'avoir probablement une "préhistoire" plus ancienne mais (pour nous) difficile à définir. L'histoire du super-devin capable de retrouver le rêve avant de l'interpréter est un topos du roman de diaspora (cf. Joseph) qui fonctionne indépendamment du contenu du rêve et de sa signification, et qui a donc bien pu exister dans un cycle de Daniel pré-maccabéen. De même le paradigme des "âges du monde" (avec l'idée d'un âge d'or au début et d'une histoire en régression plutôt qu'en progrès, comme dans la modernité) est très ancien et a pu être exploité de multiples manières.
En plaçant l'épisode très tôt dans le "règne" de Nabuchodonosor, l'auteur fait passer le personnage de Daniel d'un statut relativement anonyme à la cour à celui de protagoniste et d'homme public.