"Maudite soit la guerre" : un monument aux morts pacifiste en Normandie
Le Point - Publié le 11/11/2014 à 11:21
À Équeurdreville, dans la Manche, le monument aux morts de la guerre de 14-18 ne célèbre pas le patriotisme, mais les victimes collatérales. Inédit.
Le monument pacifiste de Gentioux-Pigerolles, qui porte la même inscription que celui d'Équeurdreville.
Le monument pacifiste de Gentioux-Pigerolles, qui porte la même inscription que celui d'Équeurdreville. © PHOTOPQR/LA MONTAGNE/P CHAREYRON GENTIOUX / MaxPPP
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Ce monument aux morts résolument pacifiste, qui égrène sur son socle les noms des 225 "enfants d'Équeurdreville morts pendant la guerre 1914-1918" et ceux des autres conflits, n'a été érigé qu'en 1932. Un décalage très net par rapport aux autres communes : après une loi de 1919 incitant les communes à prendre de telles dispositions, les monuments commémoratifs sont décidés dès 1919-1920 et érigés en 1921-1922. Percy, une autre commune de la Manche, a même anticipé en votant le principe de ce monument dès 1914.
Disciple de Jaurès
Le "retard" d'Équeurdreville s'explique par la volonté du maire socialiste de l'époque, Hippolyte Mars, disciple de Jaurès, de mettre en place un monument non belliciste. D'où des dissensions prolongées entre la commission des beaux-arts du conseil municipal et le comité du monument aux morts. En 1922, le dessin d'un sculpteur parisien n'est pas retenu.
Un second projet, présenté par la sculptrice Rachel Hautot, comporte, selon le site internet de la mairie d'Équeurdreville, deux hypothèses : "un soldat brisant son arme" et "le père et la mère pleurant leur fils". Commission et comité sont d'accord, mais des divergences se font jour au sein du conseil municipal. D'abord retardé, le deuxième projet est enterré.
Si tu veux la paix, prépare la paix
Professeur à l'École des Beaux-Arts de Cherbourg, Émilie Rolez, peintre et sculptrice, soumet son projet appelé "la veuve". Les deux parties, élus et anciens combattants, se mettent d'accord. Le monument est inauguré le 18 septembre 1932.
Le monument commémoratif de Gentioux-Pignerolles, village de 400 habitants dans la Creuse, est également orné de l'inscription "Maudite soit la guerre". Visage triste, un écolier en blouse et sabots tend le poing vers la liste des 58 morts. Ce monument initié par le maire socialiste de l'époque, Jules Coutaud, maréchal-ferrant, a été inauguré en 1922. À Saint-Martin d'Estréaux, commune de 900 habitants dans la Loire, le monument érigé en 1922 a été augmenté en 1928 de panneaux pacifistes dont "Maudite soit la guerre et ses auteurs", et "Si vis pacem, para pacem". Si tu veux la paix, prépare la paix.
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