Berkeley

Sujet d'actualité Au Québec l'accommodement raisonnable, un sujet d'actualité.
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Inti

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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 01:24

Message par Inti »

vic a écrit : 19 juin23, 23:06 La théorie de l'univers-bloc est l'une des nombreuses interprétations de la théorie quantique, et elle reste un sujet de débat en physique et en philosophie.
Justement ... On ne trouvera jamais de solution à cette " aporie" et réconciliation entre science et philosophie au sein du dualisme physique ( quantique, classique) et la métaphysique ( philosophie spiritualiste, surréaliste).

La physique quantique n'est pas une physique indéterministe c'est une physique en état de détermination, matérialisation. Évidemment ça fait tourner en bourrique l'observateur qui doit se contenter de ses mesures aléatoires.

On sait le résultat d'une fécondation au niveau macroscopique ( un bébé en bonne santé) mais bien malin celui qui pourrait prédire tous les aléas génétiques et influences extérieures ( alcool, drogue, stress) qui pourrait influencer et orienter le développement ou matérialisation du fœtus avant d'avoir une bonne échographie. Sûrement pas au stade du fœtus gros comme un grain de riz.

Matérialisation( quantique ) et matérialité (macroscopique). Y a que les métaphysiciens pour y voir une contradiction. Ils y tiennent à leur esprit pensant ( Dieu ou Bohr) nécessaire à la réalité du monde. La métaphysique , c'est l'esprit humain qui pilote la science. Un cas de conscience plus que de science. :hi:
.

vic

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vic
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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 04:29

Message par vic »

a écrit :Inti a dit : Justement ... On ne trouvera jamais de solution à cette " aporie" et réconciliation entre science et philosophie au sein du dualisme physique ( quantique, classique) et la métaphysique ( philosophie spiritualiste, surréaliste).
Disons que c'est un puzzle qu'on essait de remplir prématurément alors qu'il manque des éléments .
Mais on n'en sait rien , si le puzzle se remplit , on y verra peut être un jour plus clair .
Une religion qui serait une religion de vérité chercherait la vérité sur la vie en se plaçant directement au coeur de la vie , et ne chercherait pas à en fabriquer une par la foi artificiellement .

J'm'interroge

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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 04:36

Message par J'm'interroge »

.
La théorie du réduction des paquets d'ondes n'est plus très supportée.

Quant à la théorie d'un univers bloc, je devrais dire les théories d'univers bloc, il y en a de nombreuses.

Ce qui reste certain c'est que s'il existe des propriétés ou variables cachées indépendantes de l'observation, celles-ci ne sont pas locales. Ça c'est factuel.

Si donc la réalité fondamentale est un bloc, celui-ci n'est pas une réalité locale ou temporelle.

Mais un bloc de quoi alors ? Le problème ne se formule pas ainsi.
.
La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.

Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 04:43

Message par Inti »

Oublie ta théorie univers bloc.

Le Matérialisme Intégral ( quantique) et universel (macroscopique) est un cadre plus complet pour recevoir le connu et inconnu et remettre de l'ordre dans ce qui relève du monde objectif et monde subjectif ( l'entendement humain).

Science et philosophie. La métaphysique étant avant tout une philosophie ( et non pas La philosophie) on peut en déduire que c'est cette philosophie ou métaphysique qui pilote la science comme la réalité de ce monde depuis l'antiquité :slightly-smiling-face:
.

aerobase

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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 05:18

Message par aerobase »

Question JMI
À part le fait que le feu brûle, que reste t-il pour appréhender le réel?
Ce n'est pas parce que Dieudonné est mort que Grothendieck va ressusciter et il n'y a pas pire que l'indifférence pour oublier quelqu'un.
Grothendieck est-il le guru posthume d'une petite caste qui se fiche royalement de ce dont on parle ici, où ici, est un endroit improbable pour ladite caste et Dieudonné considéré ici même comme étant un humoriste tandis que pour cette caste Dieudonné était "l'éminence" du groupe des bourbakistes qui a eut de son vivant au moins le mérite de critiquer Grothendieck et par conséquent ne pas lui être indifférent?

J'm'interroge

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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 05:27

Message par J'm'interroge »

.

@ Aero,

Je t'ai déjà répondu.

.
La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.

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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 05:34

Message par aerobase »

J'm'interroge a écrit : 20 juin23, 05:27 .

@ Aero,

Je t'ai déjà répondu.

.
Pas sur cette question là (tu ne l'a pas citée car tes réponses sont toujours situées sous une citation et répondent à ce qui est cité)

J'm'interroge

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Re: Berkeley

Ecrit le 20 juin23, 06:08

Message par J'm'interroge »

aerobase a écrit :Sans langage que reste t-il?
À part le fait que le feu brûle, que reste t-il pour appréhender le réel?
J'm'interroge a écrit :Hors du langage il reste l'empirisme basé sur la perception, la mémoire, les attentes/surprises et les inférences spontanées : reconnaissances, mises en rapports de similarités, homologies, inférences du type "si B si A, alors A si B"...
(C'est logiquement faux, mais sans la logique formelle, c'est comme ça que nous raisonnons naturellement, et c'est généralement bien utile et suffisant pour mener une vie tout à fait viable.)
La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.

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Re: Berkeley

Ecrit le 10 juil.23, 01:50

Message par aerobase »

Je ne te répond pas JMI car Stephane Dugowson le fait mieux que moi et de la bonne manière dans ce lien ci-dessous

https://m.youtube.com/watch?v=ZdoLiIfmJ7s

Stephane Dugowson a dit un truc exact là dans tout ce délire (certainement qu'il pensait à Christophe Chalons mais bon je ne suis pas dans sa tête)

Ajouté 44 minutes 37 secondes après :
un lien pdf qui remet un peu les pendules à l'heure
https://www.emis.de/journals/BAMV/conte ... anyves.pdf

Ajouté 12 heures 41 minutes 50 secondes après :
Ou alors encore une autre version (non parodique cette fois) contre la police de la pensée qui méprise les catégories et les topos
https://m.youtube.com/watch?v=ksveQ7kYejY

Ajouté 9 heures 27 minutes 4 secondes après :
...avec tout le respect (légitime) que je dois à S.D. c'est pas la peine de parodier si déjà ils ne pigent rien, et puis c'est pas la mort, c'est juste que du 9mm https://m.youtube.com/watch?v=ksveQ7kYejY

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Re: Berkeley

Ecrit le 14 juil.23, 22:16

Message par aerobase »

Quand à CC qui traine dans des trucs chelous, ma frangine elle aussi soit disant elle traine mais elle, elle ne rate jamais sa cible https://m.youtube.com/watch?v=ksveQ7kYejY

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Re: Berkeley

Ecrit le 14 août23, 14:31

Message par J'm'interroge »

.
Résumé des Principes de la connaissance humaine :


C’est souvent l’usage de notre réflexion qui, soulevant sur un sujet donné différents problèmes, conduit au scepticisme. Cela est dû non pas à la raison elle-même, mais au mauvais usage que nous en faisons. De là cette célèbre métaphore :
a écrit :La majeure partie des difficultés […] qui ont fermé le chemin de la connaissance, nous sont entièrement imputables. Nous avons d’abord soulevé un nuage de poussière et nous nous plaignons ensuite de ne pas y voir.
Quels sont donc ces faux principes que l’on a suivis et qui nous ont perdus ?

Il s’agit de la notion d’abstraction, et par extension d’idées abstraites. Celles-ci sont en effet considérées comme les objets de la logique ou de la métaphysique, alors qu’elles ne sont que fictions. Ou encore : nous n’avons pas d’idées abstraites.


Berkeley résume ainsi la doctrine de l’abstraction :
a écrit :Les qualités […] n’existent jamais réellement chacune à part, seule et séparée de toutes les autres, mais […] sont mélangées […] et fondues ensemble, plusieurs dans le même objet. Or, on nous dit que l’esprit, étant apte à considérer chaque qualité isolément, ou abstraite des autres qualités auxquelles elle est unie, se forge par ce moyen des idées abstraites.
Berkeley prend un exemple : si l’on voit un "objet étendu, coloré, en mouvement", l’esprit distingue cet objet composé en idées simples, et "forge les idées abstraites d’étendue, de couleur et de mouvement". Il précise : "Non qu’il soit possible pour la couleur ou le mouvement d’exister sans l’étendue : c’est seulement l’esprit qui peut se forger par abstraction l’idée de couleur exclusive de l’étendue."

L’idée abstraite serait une idée générale regroupant ce qu’il y a de commun aux choses dont elle est l’idée.

Un autre exemple montre le caractère étonnant de cette doctrine : "Il fabrique une idée de la couleur dans l’abstrait, qui n’est ni le rouge, ni le bleu, ni aucune autre couleur déterminée".

On forgerait des idées abstraites des êtres les plus composés, comme l’homme. Celui-ci aurait alors une taille et une couleur, mais pas de taille ni de couleur particulière.


Berkeley présente sa célèbre critique de cette doctrine de l’abstraction.

Il déclare tout d’abord qu’il ne possède pas "cette merveilleuse faculté d’abstraire les idées".

En revanche, il admet avoir une faculté toute différente : celle de se représenter des idées de choses particulières, et de les combiner. Ainsi, il peut imaginer un homme à deux têtes. Mais il aura une couleur et une forme particulière : "L’idée d’homme que je me forge doit être celle d’un homme blanc, noir ou basané, grand ou petit".

En fait, l’idée abstraite générale est une impossibilité en soi : "Je ne puis par aucun effort de pensée concevoir l’idée abstraite décrite ci-dessus".

Je ne peux séparer des qualités par la pensée que si elles peuvent être séparées en réalité (par exemple imaginer un homme avec un bras en moins) : "je ne peux concevoir séparément les qualités dont l’existence ainsi séparée est impossible".


Berkeley s’oppose à Locke qui dans son Essai sur l’Entendement humain, affirme que c’est la faculté de former des idées générales abstraites qui fait la supériorité de l’homme sur l’animal. Il suppose en effet que le langage implique la possession d’idées générales. Or c’est une erreur pour Berkeley :
a écrit :Un mot devient général quand on en fait le signe non d’une idée générale abstraite mais de plusieurs idées particulières dont on suggère indifféremment l’une ou l’autre à l’esprit.
En fait, Berkeley "ne nie pas […] qu’il y ait des idées générales, mais seulement qu’il y ait des idées générales abstraites".

Voici ce à quoi correspond selon lui ce type d’idées : "Une idée qui, considérée en elle-même, est particulière, devient générale quand on lui fait représenter toutes les autres idées particulières de la même sorte ou en tenir lieu".


Supposons qu’un géomètre trace une ligne sur une figure géométrique.

On peut dire que "cette ligne, particulière en elle-même, est néanmoins générale quant à sa signification, puisque, telle qu’on l’emploie là, elle représente toutes les lignes particulières quelles qu’elles soient ; car ce qui est démontré d’elle est démontré de toutes les lignes, ou en d’autres termes, d’une ligne en général".


Pour résumer, une idée devient générale "quand on en fait un signe".

Les idées abstraites ne sont pas nécessaires au langage. Elles ne sont pas indispensables pour communiquer, puisque les animaux n’en font pas usage non plus mais communiquent entre eux.


Cette critique qu’opère Berkeley des idées abstraites nous permet de nous débarrasser de tout le "labyrinthe d’erreurs" scolastique, et les controverses sans fin et stériles que cela a provoqué.

La source de cette erreur est le langage, il nous faut donc essayer de penser à l’idée pure, sans le mot, pour éviter les controverses purement verbales.


Les objets de la connaissance humaine sont :

- les idées imprimées sur les sens (sensation)

- les idées perçues par réflexion sur nos états intérieurs

- les idées formées à l’aide de l’imagination/mémoire


Les idées de sensation sont la lumière, les couleurs, etc.

Comme plusieurs d’entre elles sont souvent observées ensemble, on les considère comme une seule et même chose et on les range sous un seul nom. Par exemple, certaines "collections d’idées constituent une pierre, un arbre", etc.


Mais on remarque qu’ "outre toute cette variété sans fin d’idées ou d’objets de connaissance, il y a aussi quelque chose qui les connaît ou les perçoit, et exerce diverses opérations à leur sujet, telles que vouloir, imaginer, se souvenir. Cet être actif percevant est ce que j’appelle esprit, intelligence, âme ou moi".

Cet esprit n’est pas lui-même une idée mais "une chose entièrement distincte d’elles, dans lesquelles elles existent ou ce qui est la même chose, par laquelle elles sont perçues". Cette dernière équivalence est fondamentale chez Berkeley. Elle repose en effet sur sa célèbre doctrine selon laquelle "être, c’est être perçu" (esse est percipi). Il précise en effet : "L’existence d’une idée consiste à être perçue".


Qu’entend-on en effet par exister lorsqu’on dit qu’une chose existe ?
a écrit :La table, je dis qu’elle existe : c’est-à-dire que je la vois, je la sens ; et si j’étais en dehors de mon cabinet, je dirais qu’elle existe, entendant par là que si j’étais dans mon cabinet, je pourrais la percevoir. Il y avait une odeur, c’est-à-dire elle était sentie ; il y avait une figure, c’est-à-dire elle était perçue par la vue ou le toucher.
C’est tout ce que l’on peut comprendre par l’expression « exister ».


Si être, c’est être perçu, alors cela a des conséquences importantes : les pensées, les passions, les idées de l’imagination, les sensations "ne peuvent pas exister hors de l’esprit, autrement que dans un esprit qui les perçoit".

On bascule alors dans un idéalisme radical. On abandonne l’idée du sens commun selon lequel il y a un monde extérieur, dans lequel existent des choses indépendamment de l’homme :
a écrit :Quant à ce qu’on dit de l’existence absolue de choses non pensantes, sans aucune relation avec le fait qu’elles sont perçues, cela semble parfaitement inintelligible. Leur esse est percipi, et il n’est pas possible qu’elles aient quelque existence en dehors des esprits ou choses pensantes qui les perçoivent.

On distingue en effet habituellement l’idée d’une chose, et cette chose elle-même, existant en dehors et indépendamment de notre esprit. Berkeley critique cette "opinion étrangement prédominante chez les hommes que les maisons, les montagnes, les rivières, tous les objets sensibles ont une existence naturelle ou réelle, distincte du fait qu’ils sont perçus par l’entendement".

Mais cette idée "implique une contradiction manifeste. Que sont en effet les objets mentionnés ci-dessus sinon les choses que nous percevons par les sens ? Ne répugne-t-il pas clairement que [les objets] puissent exister non perçus ?".


D’où vient alors cette erreur ? Précisément de la doctrine des idées abstraites.


En effet, distinguer l’existence des objets perçus d’avec le fait qu’ils sont perçus, c’est une abstraction particulièrement "subtile".

Que sont les couleurs sinon des sensations imprimées sur les sens ?

Est-il possible de séparer, même en pensée, l’une d’elle avec la perception ? Pour ma part, je pourrais tout aussi facilement séparer une chose d’avec elle-même.

C’est pourquoi "en vérité, l’objet et la sensation sont la même chose, et ne peuvent donc pas être abstraits l’un de l’autre".


Berkeley présente donc comme une évidence le fait que toute chose ne subsistant pas hors d’un esprit, puisque leur être est d’être perçu ou connu, "il n’y a pas d’autre substance que l’intelligence ou ce qui perçoit".

Berkeley reprend la notion aristotélicienne de substance, qui désigne ce qui se tient en dessous des phénomènes apparents, et les supporte. Cependant, on attribuait traditionnellement le rôle de substance à la matière. Ici, c’est l’esprit qui devient substance.


Ne peut-on tout de même concevoir qu’il y ait des choses extérieures semblables à nos idées, ces dernières n’en étant que des copies ?

Berkeley répond à cette objection qu’ "une idée ne peut ressembler à rien qu’à une idée". Donc soit ces originaux sont eux-mêmes des idées, et ils sont en eux-mêmes perçus, soit il n’existe pas d’originaux. Dans les deux cas, il n’y a pas de monde extérieur avec des choses indépendantes de l’esprit.


Berkeley s’attaque à présent à Locke, plus précisément à sa célèbre distinction des qualités premières (étendue, figure, mouvement, nombre, etc.) et des qualités secondes (couleurs, sons, saveurs, etc).

Selon Locke, seules les qualités premières existent dans des corps extérieurs, indépendamment de notre esprit. Les qualités secondes n’existent que dans notre esprit, elles sont l’interprétation par l’homme des qualités premières. Ainsi, la couleur (qualité seconde) n’est en réalité qu’une vibration dans l’espace, soit un mouvement d’une certaine étendue (qualité première).

Ces qualités premières existent indépendamment de l’homme et ont pour point commun d’être des qualités de la matière, définie comme une "substance inerte, dépourvue de sens, dans laquelle l’étendue, la figure et le mouvement subsistent effectivement".


Berkeley refuse cette conception, et surtout la notion sur laquelle elle repose, celle de matière, comme "substance corporelle", notion contradictoire selon lui.

Là encore, il s’agit pour lui d’une abstraction. En effet, la matière serait selon Locke en réalité dépourvue de toute qualité seconde, c’est-à-dire sans couleur, sans odeurs, sans solidité etc. Elle ne serait qu’étendue, figure et mouvement. Or cela est inconcevable, comme toute abstraction.

De plus, les arguments qui peuvent faire croire à l’irréalité des qualités secondes peuvent être utilisés pour démontrer celle des qualités premières. Ainsi, on pense que la chaleur (qualité seconde) n’est que dans l’esprit car ce qui paraît froid à l’un paraît chaud à l’autre. Mais de même, l’étendue (qualité première) n’est que dans l’esprit, car le même œil selon sa place voit des étendues différentes (un cercle vu de dessus peut ressembler à un trait vu de profil).

Berkeley conclut donc :
a écrit :Il est impossible qu’il existe quelque chose comme un objet extérieur […] et qu’une qualité sensible existe dans un sujet non pensant hors de l’esprit.

Il montre que les partisans de la notion de matière comme substance corporelle n’ont aucune idée précise de cette notion. Ainsi ils définissent la matière comme ce qui supporte les qualités sensibles, en tant que substance. Mais que signifie ce « supporter » ? Faut-il le prendre au "sens littéral comme quand nous disons que des piliers supportent un édifice ?". Sûrement pas : ils ne savent donc pas quelle relation la matière-substance a avec ses accidents.


Mais comment est-ce possible qu’aucune chose extérieure matérielle ne soit cause de nos idées et de nos perceptions ? En fait, on voit bien dans le rêve, que c’est quelque chose de tout à fait possible : lorsque nous rêvons, nous avons des perceptions, sans qu’on ait besoin d’aucune chose extérieure qui en soit la source : "La supposition des corps extérieurs n’est pas nécessaire à la production de nos idées".


Finalement, il est impossible de savoir s’il y a des corps extérieurs matériels, car soit ils peuvent être perçus, et alors ce sont des idées, soit ils ne peuvent l’être, donc leur existence ne peut être prouvée.


Il est impossible de concevoir un son, une figure ou un mouvement existant hors de l’esprit, ou non perçu. Certes, on peut imaginer des arbres dans un parc sans personne à côté pour les percevoir. Mais "vous-mêmes, ne les percevez-vous pas pendant tout ce temps ? Cela ne sert donc à rien". En fait "pour y arriver il faudrait que vous les conceviez comme existant non conçus, ce qui est une incompatibilité manifeste".


Berkeley affirme une propriété fondamentale des idées : elles sont inactives, passives, inertes : "Il est impossible qu’une idée fasse quelque chose ou soit la cause de quelque chose".

Il y a donc "quelque cause de ces idées dont elles dépendent, qui les produit et qui les change". Si cela ne peut être une idée (qui est passive), ni une substance matérielle ou corporelle (qui n’existe pas), alors il faut que ce soit "une substance active incorporelle, une intelligence".

Berkeley la définit ainsi :
a écrit :Une intelligence est un être actif, simple, non divisé […]. En tant qu’il perçoit des idées, on l’appelle entendement, et en tant qu’il en produit ou opère autrement sur elles, on l’appelle volonté.

On ne peut former d’idée d’une âme ou intelligence, car nos idées passives ne peuvent nous représenter ce qui agit. Pourtant si on ne peut pas la percevoir en elle-même, on peut la percevoir par les effets qu’elle produit.

Berkeley remarque que si je peux agir sur certaines idées (par exemple, imaginer un lion), d’autres ne sont pas dépendantes de ma volonté (je ne choisis pas quand j’ouvre les yeux de ne pas voir ce que je vois) : "Il y a donc quelque autre volonté ou intelligence, qui les produit" et les règles fixes de cette production sont les lois de la nature, que l’on apprend par expérience.

Ces lois de la nature en font "un ouvrage cohérent où se déploie si évidemment la bonté et la sagesse de l’intelligence qui gouverne". C’est "l’Auteur de la Nature", en tant qu’intelligence active, qui est cause des phénomènes. Ainsi, le feu n’est pas cause de la chaleur (rien de plus absurde pour Berkeley) ; c’est cette intelligence qui est cause de la chaleur.


On peut donc distinguer idées et choses « réelles » dans cette conception : "si les choses réelles sont des idées imprimées sur les sens par l’Auteur de la Nature, nos idées sont des images des choses que l’homme provoque par imagination".

Les premières ont plus de réalité que les secondes, en ce qu’elles sont plus fortes, plus ordonnées, plus cohérentes, mais "ce n’est pas une raison pour qu’elles existent hors de l’esprit".


Berkeley expose une objection : il semble que sa doctrine rende le monde chimérique : nous ne verrions que des choses imaginaires, qui n’existent que dans notre esprit.

Berkeley répond que ce n’est pas le cas. Dans sa théorie, "la distinction entre réalités et chimères conserve toute sa force". C’est celle précisément qu’il vient d’exposer plus haut ; les réalités sont des idées plus cohérentes, plus ordonnées, obéissant aux lois de la nature. En fait, "les choses que je vois de mes yeux et que je touche de mes mains existent réellement. […] La seule chose dont nous nions l’existence est celle que les philosophes appellent matière ou substance corporelle".


Ainsi il ne s’agit pas pour Berkeley de proposer un nouveau scepticisme, niant la réalité du monde : "Le soleil que je vois est le soleil réel". Plus généralement "nous ne voulons pas que qui que ce soit devienne sceptique, et refuse de croire ses sens ; au contraire, nous leur donnons toute la force et la certitude imaginables, et il n’y a pas de principes plus opposés au scepticisme que ceux que nous avons posés" puisque "ce que je vois, entends, sens, existe".


Peut-être alors est-ce un problème de vocabulaire ? Car cela est curieux de dire que nous "mangeons et buvons des idées, que nous sommes vêtus d’idées". Berkeley ne devrait-il pas les appeler des choses ?

Il répond qu’il leur donne ce nom puisque « chose » désigne aussi quelque chose d’actif et existant hors de l’esprit, tandis qu’« idée » désigne uniquement ce qui existe seulement dans l’esprit, et ce qui est inactif. Ce mot correspond donc mieux à la nature des objets que nous percevons.


Trois objections sont encore exposées :

1) Si le feu nous brûle, cela prouve qu’il existe bien en dehors de notre esprit ? Berkeley fait remarquer que nous sentons la douleur en notre esprit.


2) Nous voyons les choses hors de nous à distance, elles n’appartiennent donc pas à notre esprit. Berkeley répond à nouveau par l’argument du rêve, dans lequel nous voyons aussi les choses à distance, bien que cela ne corresponde à aucune réalité.

De plus il répond par une théorie présentée en détail dans son Essai d’une nouvelle théorie de la vision : nous ne percevons pas immédiatement la distance, "elle est seulement suggérée à ma pensée par certaines idées visibles et par une connexion […] enseignée par l’expérience, elles en viennent à la signifier pour nous", de la même manière que les mots d’une langue signifient des idées.

Les idées exprimant la distance nous avertissent en fait seulement "des idées du toucher qui seront imprimées dans notre esprit à tel ou tel intervalle de temps et à la suite de telles ou telles actions".


3) Mais alors les choses disparaissent puis réapparaissent à tout moment, dès que nous fermons les yeux ou qu’il n’y a plus personne pour les percevoir ? Berkeley montre que c’est le cas des qualités secondes pour Locke et ses partisans. Dans sa doctrine en revanche, un tel problème ne se pose pas puisqu’une autre intelligence, l’Auteur de la Nature, perçoit les choses même quand nous ne le faisons plus ; elles conservent donc leur être.


Certes, il est étonnant de soutenir que ce n’est pas le feu qui chauffe, mais une intelligence. Berkeley rappelle néanmoins que beaucoup de vérités heurtent le sens commun. Ainsi on dit que le soleil se lève, alors que c’est la Terre qui tourne.

Le feu et la chaleur sont bien deux idées reliées, mais leur relation n’est pas celle de cause à effet, mais de signe à chose signifiée : le feu est la marque qui me prévient de la douleur. Justement, "rechercher et s’efforcer de comprendre [le langage de] […] l’Auteur de la Nature, c’est ce à quoi devrait s’employer le philosophe de la nature, et non à faire semblant d’expliquer les choses par les causes corporelles".


Cette théorie permet d’évacuer les spéculations infinies de la philosophie de type : "La substance corporelle peut-elle penser ? La matière est-elle infiniment divisible ?", etc.

Le scepticisme est évacué car la question insoluble qui est la racine même du scepticisme (comment savoir si mes idées sont conformes aux choses extérieures) n’a plus de sens. Au contraire, les qualités sensibles "sont parfaitement connues, puisqu’il n’y a rien en elles qui ne soit perçu".

Enfin, cela ruine également l’athéisme, qui s’élève sur le matérialisme, lequel fait d’une "substance existant par soi, stupide, non pensante, la racine et l’origine de tous les êtres".


En revanche les sciences de la nature sont légitimes, en ce qu’elles cherchent à identifier les lois de la Nature, qui sont comme le langage de l’Intellect suprême, par lequel Il nous parle, et "nous guide dans nos actions pour la commodité et le bonheur de notre vie". Etudier le monde revient à lire "le livre de la Nature". C’est pourquoi "il nous suffit d’ouvrir les yeux pour voir le souverain Seigneur […] d’une vue […] plus claire qu’aucun de nos semblables". Où que nous portions notre vue, nous percevons Dieu. Rien donc n’est plus évident que son existence.

.
Modifié en dernier par J'm'interroge le 15 août23, 09:23, modifié 2 fois.
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Re: Berkeley

Ecrit le 15 août23, 01:40

Message par aerobase »

Je ne peux pas présenter ce à quoi s'intéresse Stephane Dugowson sans livrer ce petit doc d'introduction à la théorie des catégories
https://www-lipn.univ-paris13.fr/~mazza ... troCat.pdf
Alors à quoi s'intéresse Stephane Dugowson?
Aux espaces connectifs
Voici une présentation https://arxiv.org/pdf/1610.07366.pdf
Pourquoi s'y intéresser?
Parce ce qu'il y a un lien à faire entre les espaces connectifs et les espaces topologiques
http://math.univ-lyon1.fr/~brandolese/e ... ly2008.pdf
Un "pont" à faire entre ces deux concepts comme le dit Olivia Caramello
https://m.youtube.com/watch?v=_oJLZLSfmwA
Pourquoi s'intéresser à ce lien?
Parce qu'on y parle de structures au sens le plus général du terme et par conséquent cela concerne toute sorte de structure

Inti

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Re: Berkeley

Ecrit le 15 août23, 01:56

Message par Inti »

J'm'interroge a écrit : 14 août23, 14:31 On distingue en effet habituellement l’idée d’une chose, et cette chose elle-même, existant en dehors et indépendamment de notre esprit. Berkeley critique cette "opinion étrangement prédominante chez les hommes que les maisons, les montagnes, les rivières, tous les objets sensibles ont une existence naturelle ou réelle, distincte du fait qu’ils sont perçus par l’entendement
Et oui, ta gueule c'est quantique! :beaming-face-with-smiling-eyes:

Pas d'observateur, pas de réalité. Les montagnes, les rivières, le soleil, la lune, la voie lactée... sont apparus quand l'homme a ouvert les yeux et vu qu'il était nu..
Aussi bien aller au mythe d'Adam et Eve directement. C'est un théologien ton Berkeley, pas un philosophe et encore moins un épistémologue.
J'm'interroge a écrit : 14 août23, 14:31 , "il n’y a pas d’autre substance que l’intelligence ou ce qui perçoit".
Et oui. Pas de cerveau , pas de réalité. La métaphysique ( cerveau, idéalisme radical) à l'origine du monde physique. La métaphysique serait la seule vraie substance a contrario de toute approche " matérialiste".

Pour le reste, cet exposé est un labyrinthe métaphysique qui vise justement à maintenir l'esprit humain dans un surréalisme ontologique biblique pour signifier une différence de nature entre l'homme et son environnement, ses milieux ambians. Civilisation divine!!! :winking-face:

Si ce forum était essentiellement un forum religieux, je fermerais ma gueule :zipper-mouth-face: . Mais il a aussi un caractère philosophico religieux. Alors le questionnement du divin et humain est permis. De même que le questionnement sur la conscience morale et la conscience humaine et leurs points de divergence.

:hi:
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d6p7

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Re: Berkeley

Ecrit le 15 août23, 02:07

Message par d6p7 »

personne ne peut faire l'experience qu'il existe une réalité en dehors de lui.. c'est à ce constat qu'arrive berkeley, il ne dit pas tout de même que la réalité n'est qu'en lui ça serait mal le comprendre..

Inti

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Re: Berkeley

Ecrit le 15 août23, 02:12

Message par Inti »

d6p7 a écrit : 15 août23, 02:07 personne ne peut faire l'experience qu'il existe une réalité en dehors de lui.. c'est à ce constat qu'arrive berkeley, il ne dit pas tout de même que la réalité n'est qu'en lui ça serait mal le comprendre..
Tu te trompes. Il dit comme JM que l'esprit ( cerveau au final) ou la métaphysique ( esprit pensant) est la seule réalité. De là la position anti matérialiste et anti scientifique de Berkeley. Berkeley, c'est une une théorie de l'immatérialité. :slightly-smiling-face:
.

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