Une pareille remarque avait été faite aux tenants de l'atomisme antique (Démocrite, Leucippe, et Épicure). Leur réponse est éclairante, surtout dans le cas d'Épicure (exemple que je connais le mieux et qui est d'ailleurs le plus documenté). Le fondateur du Jardin nous dit que l'analogie est belle, mais qu'elle manque quelque chose d'essentiel, à savoir que les lettres jetées ne forment pas "tout d'un coup" l'univers dans toute sa beauté. C'est un agencement difficile qui, avant de donner sur un livre de "d'ingénierie", commence par former de petits mots, puis vient peu à peu, par l'agencement de ceux-ci, quelque chose comme une grammaire. La complexité du monde n'est possible qu'à condition de la solidité de ces agencements hasardeux. Au final, le monde est tel qu'il en vient à avoir ses propres lois, qui ne dépendent plus du hasard mais des forces qui régissent la solidité dudit agencement. C'est ainsi que le hasard peut mener à la formation de monde relativement stables et ordonnés, dans lesquels le hasard trouve bel et bien une place, mais où cette place n'est plus seule d'une détermination totale.7 archange a écrit :L' athée ou croyant du hasard est semblable à celui qui met des lettres de l’alphabet dans une boite et la secoue en espérant qu’elles vont s’assembler d’elles-mêmes et former un poème d’une grande éloquence ou un livre très pointu en ingénierie.
Un problème demeure : où tracer la limite entre ce qui dépend des choses et ce qui dépend du hasard? C'est le problème philosophique de la liberté : dans quelle mesure sommes-nous libres? Liberté d'exercice ou liberté de choix? Etc.
P.S. : d'accuser les tenants d'une thèse adverse d'être "malades", ou d'avoir une "raison malade", et d'offrir à ceux-ci un remède, par la voie d'une thérapeutique philosophique, ça relève d'une tactique vieillotte. D'autant plus qu'elle suppose une souffrance métaphysique chez l'autre dont il ne se rendrait même pas compte, et dont on serait les seuls à détenir la clé (ou, en ce qui nous concerne, le remède).