Au sujet de l’existence de Jésus, je crois (encore qu’on puisse discuter ce point) que de vraies preuves (c’est-à-dire des preuves autres que la foi) manquent pour attester son existence.
J’entends par preuve les arguments archéologiques, épigraphiques et littéraires (qui sont ici de vrais arguments, et non des faux ou des ajouts destinés à justifier après coup l’existence du Jésus historique) autres que les Evangiles eux-mêmes.
Et à supposer qu’on ait retrouvé des documents attestant effectivement son existence, encore s’agit-il de savoir si le Jésus à visage humain et le Jésus ressuscité sont un seul et même personnage perçu à deux moments différents.
Ceci dit, quels que soient les arguments présentés par ceux qui prétendent que Jésus a effecitvement existé et par ceux qui prétendent le contraire, la question est de savoir de quel Jésus l’on parle et quels sont les preuves de l’existence du dit Jésus.
Supposons un instant qu’on tienne les Evangiles pour des documents historiques : on peut alors en conclure que Jésus a alors effectivement existé. Dans le cas contraire, il s’agit d’examiner les autres documents (et notamment ceux des historiens qui prétendent que Jésus, appelé Christos, ou Christus) a réellement existé.
Mais là est le fond de toute l’affaire : de quel Jésus parle-t-on dans les Evangiles, et, au-delà, de quel Jésus parlent ceux qui, parmi les premiers Chrétiens, adoraient un personnage du nom de Christos ou de Christus ?
Si ce Jésus-là est un être paulinien, c’est-à-dire une créature immédiatement divine, il est évident que le Jésus historique se distingue de lui.
A partir de là, la question est de savoir si le Jésus historique (c’est-à-dire à visage humain) a effectivement existé ou non.
Supposons un instant qu’il ait existé et qu’il ait accompli, de son vivant, les miracles que lui prêtent les Evangiles.
En ce cas, le Jésus historique se confond, une fois crucifié puis ressuscité, avec le Jésus divin auquel Paul fait allusion dans ses épîtres.
Maintenant, supposons que le Jésus historique n’ait été qu’un simple mortel et que celui-ci ait été divinisé après sa mort par ses sectateurs et/ou leurs héritiers.
Ce Jésus-là n’a alors rien à voir, au départ, avec l’être divin que Dieu aurait envoyé sur terre pour sauver les hommes de leurs péchés. Etant devenu divin par la grâce même des Chrétiens qui se réclament de lui, il aurait alors, dans l’esprit de ces mêmes Chrétiens, accompli les miracles que lui prêtent les Evangiles, et notamment celui de donner sa vie sur la Croix pour sauver les hommes, puis de ressusciter pour montrer à ces mêmes hommes qu’il est le Fils du Père, c’est-à-dire un personnage divin.
En effet, si vous interrogez, à partir de là, le milliard et demi de chrétiens qui se réclament aujourd’hui du Christ, chacun vous répondra que Jésus est un homme (ou un homme dieu) qui a donné sa vie sur la Croix pour sauver les hommes, et que, parce qu’il était divin, il a ressuscité.
Et si les personnes interrogées sont au contraire athées, elles vous répondront que Jésus ne fut qu’un simple mortel qui comme tel fut incapable de produire des miracles, dont celui de ressusciter.
Qui a raison et qui a tort dans ce dossier ?
Dans la mesure ou la foi interfère ici avec la raison, on peut en déduire que chacun a raison et chacun à tort.
Ainsi, si l’on fait parler la foi, les chrétiens ont raison. Et si l’on fait parler la raison (ou la logique, ou le logos), on est bien obligé d’admettre, soit que le Jésus historique n’a jamais existé, soit qu’il a existé, ce qui présuppose que les témoignages des Evangélistes ne s’appliquent pas tant au Jésus en chair et en os tel qu’on suppose qu’il vécut en Palestine sous tel ou tel empereur romain (Tibère, Auguste, etc), qu’au Jésus divin, c'est-à-dire au Jésus capable de faire des miracles et de ressusciter.
Encore convient-il d’ajouter, à ce niveau du débat, que nous, les Modernes, pensons différemment l’Histoire que nos ancêtres (qui sont ici les premiers chrétiens, et, au-delà, des peuples païens qui croyaient en d’autres dieux que l’Eternel et son envoyé sur terre qu’est Jésus-Christ.
Pour eux, le Messie (qu’il s’appelle Hoshua, ou Yeoshuha, ou Jésus, ou le Oint, ou Quetzalcoatl - on est ici dans la mythologie aztèque- , ou de quel nom qu’on voudra) était non seulement un être divin, mais un être qui était censé revenir auprès des hommes après les avoir quittés pour un pays inconnu. Ils attendaient son retour car celui-ci leur avait dit qu’il reviendrait auprès d’eux.
Et c’est là qu’intervient l’idéologie.
Comme le savent tous les spécialistes du monde antique s’occupant de religion, ce retour de l’être providentiel se réfère au départ à une religion naturaliste qui voyait dans le dieu de la végétation la créature providentielle capable de faire revenir la vie et la végétation sur terre après les longs mois d’hiver.
Et parce que la religion va devenir sabéenne avec le temps, ce personnage providentiel va progressivement être identifié au soleil ou à tel autre élément de la nature (songeons au dieu de l’orage capable de faire tomber la pluie après une longue période de sécheresse), et, au-delà, à telle planète ou constellation.
Supposons, à partir de là, que le Jésus historique ait effectivement existé.
Celui qu’on lit dans les Evangiles est alors sa doublure supramondaine (une doublure qui ressemblait à un dieu de la végétation quand la religion des hommes était naturaliste, et qui ressemble désormais à telle figure astrale, ce qui présuppose que la religion des hommes est devenue sabéenne après avoir été naturaliste).
Et c’est précisément sur ce terrain-là que doit porter le débat quand on parle de Jésus.
Et à supposer même qu’on ait retrouvé, à propos de celui qu’on peut identifier au Verbe ou au Logos des Grecs, des documents (archéologiques et autres) prouvant l’existence du Jésus historique, il n’est pas dit, au vu de l’idéologie qui avait cours à cette époque, que ce personnage ait réellement existé (du moins pas sous la forme telle qu’elle apparaît dans les Evangiles).
En effet, supposons un instant qu’on ait retrouvé le tombeau du Christ à Jérusalem.
Le fait qu’on l’ait retrouvé ne prouve pas que le corps du Christ soit à l’intérieur. Il l’est d’autant moins que ce même Christ est supposé avoir ressuscité et s’en être allé au ciel le jour même de l’Ascension.
Mais la question n’est pas là.
Supposons en effet qu’on ait effectivement retrouvé le corps du Christ. Encore doit-on prouver, même après l’avoir retrouvé, que le personnage qui est devant nous a bel et bien accompli, de son vivant, les miracles dont parlent les Evangiles.
Mais là encore, on est bien obligé de connaître l’idéologie des hommes qui prévalait à cette époque pour comprendre qui est véritablement le Christ et quel rôle il joua dans les Evangiles.
Et si, dans un pareil contexte, la religion des hommes était à cette époque naturaliste, en ce cas Jésus joue le même rôle que celui décrit par John Allegro dans ses écrits, à savoir celui d’un dieu de la végétation dont le sperme était la semence de vie. Et si l’idéologie était sabéenne, le Jésus divin décrit par les Evangiles ressemble alors à Horus, à Apollon, à Quetzalcoatl, à Krishna, à Bouddha, ou encore à Hermès.
Dans tous ces cas de figure, il ne faut pas confondre l’homme Jésus, simple mortel qui sera divinisé après sa mort, sous le nom de Christos, ou de Christus, par ses sectateurs, avec le héros auquel le premier s’identifiait sous l’antiquité (un héros qui était lui-même un dieu dans les religions naturaliste et sabéenne).
Pour en revenir à la religion sabéenne, précisément, telle qu’elle existait à telle époque de l’antiquité, c’est là un aspect des choses qui n’apparaît ni dans les écrits théologiens du christianisme, ni dans ceux qui défendent le dogme de l’Eglise, ni enfin dans ceux de ceux qui considèrent que Jésus fut un dieu païen à l’image de Dionysos, Mithra, Apollon et/ou Hermès.
Voilà ce que j’essaie de dire, pour ma part, dans un livre que j’ai intitulé le Roman Sabéen (lequel se compose de trois tomes et fait plus de 1 300 pages).
Si mon propos vous intéresse, vous pouvez consulter le site internet
http://www.astromythologie.com.
Claude Gétaz