Nature de Jésus
La plus
grande difficulté résidait
en la personne de Jésus et sa mission. C'était la pierre d'achoppement! Fallait-il dire, comme certains, que Muhammad avait fait reculer la croyance au stade qui avait précédé les Évangiles ? ou bien, comme d'autres le prétendaient, que Muhammad avait purifié la personne de Jésus de tout ce que l'Église et les chrétiens avaient surajouté à sa nature réelle? Il y avait également ces questions :
Dieu UN ou Dieu Trinité? quel était le fondement du dogme de la Trinité dans les Évangiles et dans les dogmes de l'Église? quelle était l'
origine des sacrements ?
pour aller à Dieu faut-il obligatoirement passer par l'Église, ou, selon l'islam, sans intermédiaire ? Dieu sauve-t-il de lui-même par sa grande miséricorde ou par le sacrifice obligatoire de Jésus son fils ?
Pendant des années, il étudia toutes ces questions. Et il découvrit les transformations que, dans les générations successives, les hommes avaient fait subir à la Bible. Il s'assura que la doctrine de l'Église n'avait que peu à peu accédé aux dogmes que l'on présentait comme intangibles et immuables. Il s'interrogeait :
dans les Évangiles actuels, qu'est-ce qui est parole de Jésus, qu'est-ce qui est interprétation des évangélistes, tous influencés par les écrits de Paul de Tarse ? Le Jésus des Évangiles et le Jésus de Paul est-il bien le même que le Jésus historique?
En étudiant les "hérésies", il discerna le côté humain de l'histoire des dogmes ainsi que l'influence des empereurs romains puis byzantins sur l'évolution des croyances chrétiennes, si différentes et contradictoires en ces premiers siècles. Qui avait raison? Qui possédait la vérité? Et ces divergences se prolongeaient à travers les siècles, étouffées par une hiérarchie qui se proclamait infaillible, mais sans preuves convaincantes. Certes, la doctrine chrétienne catholique, telle que présentée dans les manuels d'enseignement destinés aux fidèles et à ceux qui se préparent au sacerdoce, offre un tout logique et satisfaisant pour le cœur et pour l'esprit. Elle peut susciter une adhésion confiante, surtout quand elle est exposée, comme il y a cinquante ans, dans des affirmations solennelles et péremptoires. Mais sous des dehors solides, ces affirmations, soumises à une "fouille" et à des comparaisons de plus en plus faciles aujourd'hui, apparaissent comme des déductions et des accommodements par rapport aux textes sacrés. Ces transformations ont durci ou exalté des notions que l'on dit implicites dans les textes mais qui n'ont pas toujours revêtu la même netteté ni la même signification au cours des siècles. De même, on a formulé des règles de vie qui doivent beaucoup plus aux cogitations des théologiens qu'aux textes de référence. C'est peu à peu que dogmes et disciplines chrétiennes se sont formés et imposés pour donner cette belle unanimité qu'exhibent les manuels. Mais que de courants divers et différents dans les premiers siècles de l'Église! Il a toujours été facile au parti dominant, souvent soutenu par la puissance temporelle des rois et empereurs d'étouffer certains points de vue, certaines opinions en les déclarant "hérétiques", voire en supprimant ces hérétiques.
Aujourd'hui, on assiste à une évolution. L'Église officielle proclame majestueusement la continuité du dogme, mais une certaine liberté d'expression étant tolérée, on voit des savants spécialistes battre en brèche des idées et des affirmations jusque-là déclarées absolues. Du reste, dans la vie quotidienne de la communauté ecclésiale, tout comme dans la pratique des chrétiens, se manifeste des abandons, des remises en cause, un malaise que l'Église officielle ne peut plus ni dominer ni voiler.
Le christianisme a beaucoup apporté au monde mais il n'est pas le seul à avoir façonné la conscience universelle. À côté de données fondamentales qui se retrouvent dans les grandes religions monothéistes, à côté du message de Jésus transmis à travers les Évangiles, que de croyances ajoutées, de rites imposés sans sérieuses bases scripturaires ni théologiques! Jésus s'est présenté lui-même comme le "serviteur" de Dieu, d'après les Évangiles : il n'a jamais demandé qu'on l'adore comme un Dieu.