J'm'interroge a écrit :
Non, effectivement!
Tu as raison, les termes peuvent induire en erreur. Mais cela ne mine en rien le principe que j'ai énoncé, à savoir qu'il n'y a pas mille façons d'obtenir une aile à partir d'un membre antérieur de reptile. Si plusieurs voies ont été empruntées, plumes, membranes (tu connais d'autres exemples? Ecailles peut-être?), mais il n'y en a pas des milliers d'autres possibles (un mammifère avec des ailes faites d'une rangée de poils modifiés aurait pu voir le jour). Si l'on prend l'exemple de l'oeil, c'est pareil, il n'y a pas mille façons d'aboutir à un oeil... On peut prendre de très nombreux exemples...
Je pense qu'il y de très nombreuses façons d'obtenir des ailes, des pattes... Les contraintes physiques du vol vont faire converger ces formes vers celles qui sont les plus efficaces (morphologie aplatie et légère en commun par ex) mais il n'y a anatomiquement, embryologiquement, aucune homologie entre des ailes d'insectes et des ailes d'oiseau. De même, en considérant les replis membranaires des polatouches comme des ailes permettant de planer, leur origine n'a rien à voir avec les membres antérieurs modifiés de la chauve-souris ou d'un oiseau.
Un organe doit être fonctionnel, peut importe si cette fonction n'était pas celle à l'origine et constitue donc une exaptation. Pour être fonctionnel, la fonction qu'il permet n'étant pas magique, doit reposer sur des principes physiques et ou chimiques. Une aile qui permet la fonction qui la définit, doit posséder certaines caractéristiques incontournables, car il n'y a également pas mille façons de voler dans le monde réel. L'aile d'un oiseau est si bien adaptée au vol, que l'homme la bêtement imitée pour réaliser ses avions et planeurs. Ce n'est pas sûr d'ailleurs que nous ayons fait mieux dans le style, car l'aile des oiseaux représente une "solution "optimale".
Il y a mille façons de voler : analyse par exemple le mouvement d'un moustique par rapport à celui d'un goélan, pendant le vol.
Il y a, en revanche, une seule façon de planer : celle qui permet aux forces de portance d'être supérieures à celles du poids et de la pression atmosphérique.
Autre argument: un membre fonctionnel "optimum" n'a pas besoin de plus de trois articulations principales. Une patte de fourmi ou une jambe humaine se ressemblent. Les myriapodes, s'il en existent encore de nos jours, ne se sont pas imposés comme formes dominantes dans le règne animal. La raison en est que d'autre formes, les tétrapodes (chez les vertébrés) et hexapodes (chez les insectes) sont les plus économiques donc aussi les plus "fonctionnelles". On peut parler dans leur cas de "solutions optimales avec pattes". La bipédie est assez rare, mais là aussi il y a celle par saut, par course et par marche. A chaque sorte ses règles et ses contraintes. Il n'y a pas mille façons de marcher sur deux jambes...
----- Le fait est qu'il y a des structures plus fonctionnelles que d'autres et que c'est celles-ci qui ont le plus de chances de se développer.
D'abord, la fonction générale étant le déplacement, les formes possibles du déplacement sont assez variées.
Ensuite, si tu simplifies, c'est sûr qu'une patte reste une patte, à savoir un membre, fixé centralement et servant au déplacement du corps central.
Mais quand tu regardes dans le détail, une patte d'araignée et un bras humain n'ont vraiment plus grand chose à voir :
- l'un est segmenté en 7, renforcé extérieurement (avec tout ce que ça implique au niveau musculaire et articulaire) par de la chitine, terminé par une griffe, capable de flexion/extension seulement sauf pour l'articulation de la coxa (~= à la hanche), adapté à la marche
- l'autre est segmenté en 3, le dernier segment à son tour subdivisé en 3, le dernier sous-segment également, renforcé intérieurement par des os et cartilages, capable de mouvements dans les 3 directions et combinés, et entièrement consacré à la préhension.
Et ce n'est que la comparaison d'une partie de chacun de ces deux organismes... On pourrait s'étendre sur la diversité d'organisation globale de leur différents systèmes, sur le fait que l'un mue, l'autre régénère sa peau progressivement, etc.
L'argument de la prédominance d'une espèce pour déterminer les formes possibles d'évolution et leurs limites est discutable. Il dépend de tellement de paramètres (climat, niches écologiques occupées, prédateurs vivant à la même époque, etc que je trouve sa pertinence incertaine. Certaines espèces se maintiennent pendant plusieurs ères géologiques mais ne sont vraiment prédominantes que durant une période plus courte.
Oui, il y a des formes plus avantageuse que d'autres selon les milieux et les phases évolutives. Car on peut aussi parler de phases évolutives. C'est un sujet lié. Car il y a bien des étapes dans l'évolution, il y a bien un ordre précis.
Des étapes.... liées aux grandes crises ?
Regarde, il y a des limites évidentes, par exemple: on n'observe pas plus de deux yeux chez les formes évoluées, car deux yeux horizontaux représentent une solution optimale.
Pourquoi exclues-tu les yeux "moins évolués" ? Te dérangeaient-ils dans ton raisonnement ? Ils ont pourtant une même origine, une fonction similaire, et des gènes intervenant dans leur mise en place plus qu'intéressants. Si tu inclues dans les yeux toutes les structures se mettant en place à l'aide des gènes Pax-6 (et donc affectées par la mutation de celui-ci d'une manière négative), la multiplicité des possibilités est déjà plus évidente : (ce n'est sans doute pas exhaustif...)
- des ocelles en très grand nombre, périphérique, sur certains mollusques (ces ocelles permettent de détecter la luminosité)
- des ocelles par paires de 4 chez les araignées, par 3 (impaires donc !) chez les insectes
- des yeux à facettes (chaque facette étant un œil) chez les insectes
- des yeux binocculaires ensuite, de position permettant tous les champs de vision possibles. Je n'ai pas recherché à partir de quand exactement ils sont apparus, mais je pense que la date relative d'apparition des yeux binocculaires formant une image nette est largement inférieure au temps de transmission du gène Pax-6, or celui-ci étant un gène à homéobox, une mutation sur celui-ci bouleverse beaucoup de structures générales d'organisation, donc a plus de chance d'être létale, donc non-transmise. Ce sont donc des gènes très conservés, et si on veut évoquer les limites possibles de l'évolution, je serais d'avis qu'elle repose plus sur le temps nécessaire à ce que des modifications non létales apparaissent sur dans patrimoine génétique hérité via le dernier ancêtre commun avec l'espèce la plus proche, qu'aux formes viables que l'environnement "autorise". Une limitation en amont donc, plutôt qu'une limitation en aval.
EDIT : à propos de Pax-6 :
http://acces.ens-lyon.fr/evolution/evol ... ppement-af
À partir de « On connaissait depuis de nombreuses années des mutations affectant le développement de l'oeil chez les Mammifères. Par exemple, la mutation Smalleye... »
Pour respirer dans l'air il n'y a pas mille façons non plus: poumons ou trachées (j'omets volontairement la respiration cutanée qui nécessite une peau humide).
Tu réduis encore une fois une fonction générale à une petite partie des chemins qu'elle a empruntés. À fonction identique (échanger de l'air du milieu extérieur vers le milieu interne) il n'y a en effet pas 15 000 chemins. Remonte à la fonction globale (tirer de l'énergie du milieu extérieur) et tu auras là l'immense panel des tropismes (qui ne passe pas seulement par la respiration...).
La nature est très inventive. Les formes vivantes sont très diverses, mais il y en a qui ne pourront jamais voir le jour, quelque soit l'environnement, la planète et je dirais même l'univers de référence (excepté peut-être, mais ce n'est même pas sûr, celui de l'imagination).
Entre dire que tout n'est pas possible, et que seuls certains chemins sont empruntés, il y a une certaine marge.
- D'où l'idée que oui, les formes de vies réellement possibles, sont à l'évidence limitées.
Dans les grandes lignes (plans d'organisation généraux etc) l'évolution est un peu comme la construction d'un château fort. Au fil des mutations, tu vas
- construire les fondations d'une tour
- ajouter un étage à la tour
- copier cette tour en plusieurs endroits du chateau
- rajouter un étage à chaque tour
- recommencer
- ajouter une structure pour un début de passerelle entre deux tours
- rajouter un étage
- etc.
Dans l'histoire, ce dont tu as hérité, c'est des plans de construction de la 1ère tour ainsi que les mécanismes pour répéter leur construction et rajouter des étages. Mais si tu n'as pas le patron pour terminer de construire la passerelle, à moins qu'il s'invente tout seul (ce qui est assez rare rapporté à l'évolution du vivant), tu vas continuer à imiter des tours et leur rajouter des étages. C'est donc question de temps, de patrimoine hérité, et un peu des conditions extérieure (il faut bien que les tours tiennent debout..).