Là où je bloque un peu c'est que je ne sais pas si des versions de la LXX sans Tétragramme circulaient avant JC?
Benfis,
La pratique qui consistait à faire figurer le Tétragramme dans la LXX n’est probablement pas la pratique originelle, et elle n’est certainement pas “l’usage de l’époque”, généralisé.
Le judaïsme
alexandrin (Septante, Sagesse, Philon), c'est un problème d'attribuer un nom à Dieu, mais d'ordre philosophique: l'être suprême et absolu ne peut pas "vraiment" porter un nom.
Philon affirma (De mutatione nominum - Du changement des noms - § 11ss :
"Il était, dès lors, entièrement conforme à la raison
qu’aucun nom propre ne pût être convenablement attribué à celui qui est en vérité le Dieu vivant"
Ailleurs, les raisons d'éviter la prononciation du nom Yhwh sont d'une tout autre nature: si pour les Alexandrins c'est un nom inadéquat simplement parce que c'est un nom, pour d'autres (en Palestine surtout) c'est au contraire un nom TROP SACRÉ, donc "dangereux", à ne pas prononcer en dehors d'un rituel strict.
A.Pietersma démontrera dans un article fort bien argumenté de 1984, que des papyrus de la LXX qui contiennent le tétragramme, portent nettement la marque d’une révision, d’un travail de correction systématique par le scribe, et que le modèle original de ce papyrus ne comportait très probablement pas le Tétragramme. Il ne s’agit donc pas de “l’usage de l’époque”, mais simplement de l’usage.
l’ouvrage “La Bible Grecque des Septante : du judaïsme hellénistique au christianisme ancien”, de par M. Harl/G. Dorival/O.Munnich (éditions cerf/CNRS), chapitre IV (“Le texte de la Septante”), partie II (“Le remaniement des textes dans l’Antiquité”), page 157 :
Révisions partielles : les papyrus juifs
Du fait de leur antiquité, on croyait les papyrus de la LXX plus authentiques que leurs témoins ultérieurs. Or, certains présentent, semble-t-il, des leçons secondaires, résultats
d’une hébraïsation du Vieux Grec. En fait, il convient d’être prudent : il est parfois difficile d’assigner à un papyrus une origine juive ou chrétienne. Il existe des
signes distinctifs (
traitement du tétragramme, recours à des abréviations), mais ils ne sont pas infaillibles (C.h. Roberts, Manuscript, Society and Belief in Early Christian Egypt, Londres, 1979, p. 74-78)
Peut-être la première transcription du Tétragramme dans la langue grecque est elle IAÔ ? celle-ci date cependant d'avant l'ère chrétienne. Ce n'est pas un retranchement du Tétragramme mais plutôt une transcription due au traducteur qui va un peu dans le même sens que la TMN (Jéhovah) ou de la Bible de Jérusalem (Yahvé).
Cette transcription prouve qu’il n’y a pas de pratique standardisée. Le manuscrit référencé LXXP. Oxy. VII.1007, qui “rend le nom divin” par un double yôdh archaïque, qui par définition, n’est pas le Tétragramme, et n’est donc pas vraiment non plus le Nom divin.C’est une graphie qui remplace le Tétragramme, mais qui, justement, ne l’écrit plus.
Benfis, il ne faut pas oublier que débat difficile sur la LXX originale est très accessoire par
rapport au vrai problème de la TMN, qui concerne le NT. Et là, la question n'est pas de savoir ce que les auteurs du NT ont pu lire, mais ce qu'ils ont écrit: elle relève donc de l'attestation manuscrite et de l'analyse littéraire et rhétorique du NT lui-même. A mon avis, c'est bien parce que la WT n'a aucune chance sur ce terrain qu'elle parle tant de la Septante...
Tout cela fait qu'on ne sait pas ce qu'il en était à l'époque du Christ, si ce dernier faisait référence à une Bible contenant le Tétragramme ou pas. Et quand bien même cette version aurait contenu le Tétragramme, l'a-t-il prononcé?
Benfis,
Excellente question !!!
On ne sait PAS quelle version de la LXX JC utilisaient et si Jésus a pronocé le tétragramme. Avec autant d'INCONNUS, on se demande comment on peut avoir des certitudes
Nous avons des PISTES.
Suite à sl lecture de Jésus dans la synagogue, les chefs religieux juifs dirent : " Enseignant, tu as bien parlé " (Luc 20:37, 38), on imagine mal ces chefs tenir de tels propos si Jésu avait pronocé le tétragramme, car Des récits historiques provenant de la Mishna, de Josèphe et d’autres sources rapportent que les Juifs ne supportaient pas que l’on utilise le nom divin, et qu’ils n’auraient certainement pas toléré qu’un autre que le Grand Prêtre le prononce.
Autre point, comment Jésus, qui dans les Évangiles ne s’économise pourtant pas pour dénoncer plusieurs des pratiques rituelles et des traditions des Pharisiens, peut ne JAMAIS leur reproche celle consistant à ne plus prononcer le Nom divin, qui serait pourtant, si l’on suit la logique des TdJ, peut-être la pire de toutes ?
Ce que l'on sait par contre, c'est que la prononciation du Tétragramme était quelque chose de sacré. Lorsque les Juifs l'entendaient prononcer (rarement), ils se prosternaient devant Dieu dans la cour du temple. On peut donc difficilement imaginer que le Nom divin fut couramment prononcé dans la vie de tous les jours. Jésus ne l'a d'ailleurs jamais fait. Selon les Evangélistes, il préférait utiliser le mot "Père".
Ce NOM était tellement SACRE, que même les réviseurs juifs de la LXX (d'une certaine école du judaïsme palestinien) qui ont introduit la tétragramme, ont refusé de le traduite, alors que nous dans un texte grec, il apparait souvent en caractères paléo-hébreux. il s’agit-là de caractères écrits dans un alphabet non seulement
inconnu des lecteurs hellénisants auxquels s’adressait la LXX, mais même aussi devenu obsolète chez les hébraïsants.
Un point où je suis d'accord avec toi c'est pour dire que les copistes n'ont pas toujours rendu ce qu'ils avaient sous les yeux. Mais de là à soutenir qu'en un siècle tous les copistes ont remplacé "YHWH" par "Kurios" dans la trentaine de livres et lettres qui composent le NT, sans que cela ne soulève la moindre opposition ni polémique, c'est quand même dur à avaler.
Très dur a AVALER, effectivement
La rapidité et le caractère complet d’un tel changement (la suppression du tétragramme), dans un laps de temps aussi court et sans laisser de trace est une IMPOSSIBILITE !!!
Qui a collecté et détruit sur 3 continents, les manuscrits contenant le tétragramme ? Pourquoi ne retrouve-t-on pas un SEUL manuscrit avec le tétragramme ou une variation de ce nom ?
Pourquoi ne retrouve-t-on aucun débat à ce sujet dans les écrits des Pères de l’Église ?