Alors, tout d'abord, je tiens à préciser (notamment à l'attention de jusmon) qu'il s'agit ici non pas d'être moralisateur mais d'avoir une réflexion éthique. Quel est la différence ? Il y a dans l'idée de "morale" un présupposé d'universalité, de "bien" transcendant imposé à tous (malgré le fait que nous en ayons tous un sentiment différent). L'éthique est une réflexion humaine, qui cherche un "meilleur" relatif à un certain contexte.
Qu'il y ait ou non une morale universelle transcendante, qu'il soit sage ou non d'en faire sa règle de vie, elle n'a pas sa place dans un débat.
@ Zippy
Le mariage était déjà pratiqué en Europe avant que le christianisme n'y mette les pieds, et des institutions similaires existent dans toutes les cultures.
Le mariage, avant d'être un outil de contrôle de la société par la religion, est une officialisation de l'union de deux individus ou plus (selon les cultures), une régulation et une conventionnalisation de la sexualité.
La main-mise de l'Eglise sur cette institution en Europe n'était rien d'autre que l'une des clefs de son hégémonie, et un "symptôme" de la non-laïcité de l'Etat.
Il serait peut-être effectivement "mieux" de retirer le mariage des textes de lois et laisser chacun se marier officieusement de la manière de son choix (d'une religion ou d'une autre, ou par une fête non-religieuse non légiféré). Il s'agit à peu près de ce que défende les libertaires, il me semble. Mais il ne faut pas croire que ce serait un changement anodin, sans conséquence. Que deux personnes puissent-être officiellement en couple est très pratique pour le fonctionnement de nombreuses administrations, et pour les droits patrimoniaux (qui, touchant au monde économique, méritent bien d'être contrôlé par l’État).
@ Mil21
Bon, je me lance...
Mil21 a écrit :Ce qui me gène, c'est lorsque dans le milieu du discours, j'entends (ou plutôt je lis) des choses comme - je te cite - "Je suis surpris de ne voir aucun religieux réactionnaire s'insurger. C'est une bonne chose, d'une certaine manière... Même si c'est par peur de se faire traiter d'homophobe, ça montre une prise de conscience que l'opposition à certaine chose est honteuse.".
Par là, ne sous-entendais-tu pas non pas que les raisons avancées par les anti-mariage gay, mais leur simple opposition, quel que soient leurs argument est à elle seule honteuse? C'est cette phrase qui m'a particulièrement perturbé.
C'était de la provoc. En ouvrant se fil, j'espérais un peu plus que quelques remarques tièdes pour ou contre... Sachant qu'il devrait bien y avoir sur le forum quelques personnes anti-mariages capable d'argumenter un peu leur position, j'ai voulu secouer un peu le lecteur...
Tu as raison, notre société est basé sur un modèle familiale impliquant père, mère et enfants. Et tu as aussi raison au sujet du fait que ce modèle aie pour raison d'être la procréation.
Mais ce n'est là qu'une partie du modèle. Dans ce modèle familiale, il ne faut pas oublier de précisé qu'il y a une hiérarchie... Le pater familias est le chef de la famille, qu'il nourrit, qu'il protège et qu'il, d'une certaine manière, "possède". La matrone a la garde du foyer en l'absence de l'homme, et est chargé des taches ménagères subalternes ainsi que de l'éducation des petits enfants, mais elle est mineure et elle aussi "possession" de l'homme.
De même, les enfants n'échappent pas à la hiérarchie. Les garçons (héritiers du père) sont supérieurs aux filles (auxquelles un mari sera acheté par une dot), et les aînés sont supérieurs aux puînés. Et en cas d'absence du père, le fils aînés (même s'il n'est qu'adolescent) prend le rôle de chef de famille et a autorité sur sa mère.
Amour et fidélité n'avait effectivement pas leur place là dedans. Enfin, pas chez l'homme. Qu'il ait des maîtresses était tout à fait normal, mais que la femme aie une relation extra-conjugale était criminelle (et l'une des seules causes valides de divorce, avec l'infertilité).
Tu me diras que tout ça est dépassé... Encore une fois, je serais d'accord avec toi. Seulement si cette hiérarchie est abolie, c'est l'ancien modèle social tout entier qui l'est. La distinction claire de l'homme et de la femme est indissociable de la distinction de leurs rôles respectifs... Et donc de la supériorité de l'homme sur la femme.
Il n'y a pas besoin d'aller jusqu'à l'antiquité romaine ou jusqu'au moyen-âge pour retrouver tout ça, un siècle ou deux est amplement suffisant... Je sais que mes grands-parents maternels (issu d'un milieu rural) on vécu dans un tel modèle leur enfance, et on contribuer à le faire partiellement perdurer à la fratrie de ma mère.
Personne ne me contredira si je dis que ce modèle est archaïque, et n'a plus de raison d'être. Seulement, la supériorité du père était le ciment de l'ancienne institution du mariage. On ne peut pas espérer garder le même modèle en effaçant seulement les premières lignes...
La société change, et doit se trouver d'autre modèle. Non seulement c'est un fait, mais c'est en plus un fait plus qu'appréciable, puisque nous mettons ainsi fin à un système basé sur la moitié de la population.
Le monde a besoin d'une nouvelle glu... Et l'a déjà trouvé. Il suffit de regarder les sondages demandant à la population ce à quoi ils accordent le plus d'importance... La religion, la patrie et le succès matériel ne cessent de reculer, pour faire place à l'amour réciproque et à la fidélité !
L'ancien mariage n'était rien d'autre qu'un droit à se créer une succession pour les hommes, et un devoir pour les femmes. Le nouveau mariage n'est plus un devoir, et n'est plus non plus un droit individuel : il est un droit accordé à un couple, un droit d'être reconnu officiellement et d'être vu comme une seule entité.
L'exclusion des couples homosexuels était naturelle dans l'ancien modèle... Et pour cause : il était sexiste et homophobe. Mais dans le nouveau modèle, il n'y a plus aucune raison discriminer les couples homosexuels des couples hétérosexuels.
A propos de la procréation et de l'adoption : Je trouve l'historique que pauline.px nous donne de l'adoption est très intéressant.
A partir du moment ou l'on laisse les couples hétérosexuels adopté par simple "désir parental", sans considération patrimoniale de d'héritage génétique, pourquoi en priver les couples homosexuels ?
"Géniteur" et "parent" sont des mots très différents, et que l'un provienne de l'autre n'implique pas de les superposer. Etre géniteur ou non de son fils ne change pas grand chose... Pour toute personne, élever un enfant est un moyen de continuer à grandir ; et aucun milieu n'est plus propice à l'éducation pour un enfant qu'un couple (hétérosexuel ou non) lié par l'amour, et qui a désiré l'enfant (qu'il soit ou non la progéniture de ses parents).
Ma vision peut paraître romantique, idéaliste et même niaise, j'en suis conscient. Mais cet idéal tend à être de plus en plus celui de la société. Un homme qui espère trouver une femme qui s'occuperait de ses enfants et de sa maison ; et qui espère des enfants pour assurer la survie de l'espèce ou sa succession appartient au passé. Une femme qui espère trouver un homme pour la protéger et la nourrir, et pour lui permettre d'accomplir son rôle de femme en étant mère appartient au passé.
L'humain du futur, qu'il soit homme ou femme, homo ou hétéro, aspire à trouver un ou une partenaire avec qui il partagera sa vie et s'épanouira sentimentalement ; et désir éduquer un enfant pour transmettre à travers lui le meilleurs de lui-même à la génération suivante, et pour partager avec son ou sa conjointe d'une nouvelle forme d'amour.
Tu parlais d'éventuellement élargir le pacs pour accorder aux couples homos les mêmes droits qu'aux couples hétéros, à condition de ne pas y mettre l'adoption et la PMA. Je suis du parti d'un élargissement total, jusqu'à ces derniers points.
Et puis... Le mariage civil n'est-il pas, au fond, qu'un super-pacs ? (en fait, c'est plutôt le pacs qui est un demi-mariage civil, mais peu importe).
je répondrai sur un point beaucoup plus spécifique que tu soulèves toi-même invité, lorsque tu dis "D'ailleurs, interdire le mariage au gay et lesbien va à l'encontre d'une autre tendance majeur de la société actuel, puisque ça implique de considérer qu'homme et femme ont des natures profondes radicalement différente. C'est peut-être vrai, mais même si c'est le cas, il va falloir l'oublier pendant quelques décennies si on veut venir à bout du sexisme.", tu es en train de dire que tu préfères nier une réalité (si elle en est une, je ne l'affirme pas) plutôt que l'accepter afin que les gens acceptent mieux les homosexuels.
Pour faire une analogie, si les races avaient existé, aurais-tu préféré dire qu'elles n'existent pas afin d'éviter les dérives de hiérarchisation plutôt que de dire clairement "C'est pas parce qu'elles existent que la dignité des individus doit en être remise en question."?
Je me moque de la tendance de la société. Je ne m’intéresse qu'aux faits. Devrait-on s’accommoder si une société venait à devenir décadente (je ne dis pas par là que le mariage homosexuel est un pas vers la décadence, mais de façon générale)?
Qu'appelles-tu "décadence" ?
L'évolution de la société est un fait, et les valeurs morales y sont relatives.
Il ne s'agit pas de nier une possibilité, mais d'adopter la meilleure attitude possible envers les possibilités.
Ton analogie avec le problème des races est pertinente. Imaginons que la différence entre un grand blond d'Islande et un han chinois ne se limite pas à la taille, à la couleur des cheveux de la peau et des yeux, et à la forme du visage. Imaginons qu'il y ait aussi des différences dans la structure de leur cerveau...
Imaginons que certaines lignés humaines aient de plus grandes prédisposition comportementale, intellectuelle, ou pire, morale, que d'autre. C'est loin d'être impossible.
L'ancienne société, colonialiste, ségrégationniste, bref, raciste, avait adopté une attitude en fonction de cette possibilité.
Nous avons récemment opté pour une tout autre attitude. La couleur de peau, l'origine, la "race" de l'individu n’apparaît nul part dans les textes officiels. Aux yeux de la loi, un homme est un homme, et les différences génétiques n'existent pas.
Ce n'est pas une négation de la possibilité de différence entre un islandais et un han, c'est le choix d'une attitude permettant de vivre librement sa spécificité, sans y être enfermé par la Loi.
Ce que la société a intérêt à faire, et ce qu'elle a déjà bien commencé à faire, et d'effacer ainsi toute différence entre homme et femme des textes légaux. En quoi les mots "homme" et "femme" méritent-ils une plus grande place dans la loi que les mots "blanc" et "noir" ?
Si nous allons au bout de cette logique, et il n'y a aucune raison de ne pas le faire, il n'y a plus aucune raison de limiter le mariage aux couples hétérosexuels.
Et enfin, d'un point de vu plus pragmatique... Le mariage pour tous, ça existe déjà. S'il n'est pas encore autorisé en France, il l'est ailleurs (
liste sur wiki). Concrètement, qu'est-ce que ça a changé ? Qu'est-ce que ça va changer chez nous ?
Si l'on autorise les gays à se marier... Des gays vont se marier. C'est tout.
Le mariage pour tous n'est qu'une conséquence en surface d'un changement en profondeur de la société. Ce changement à commencé il y a des siècles, il ne peut pour ainsi dire plus être arrêté, et certaines de ses conséquences, tel le mariage pour tous, finiront par s'imposer un jour ou l'autre.
Est-ce un changement en bien ou en mal ? C'est très subjectif, et il y aura toujours des conservateurs qui le verront d'un mauvais oeil. Mais rappelons que les premiers pas de se mouvement sont la déclaration des droits de l'homme, et que ces effets les plus importants sont l'abolition des anciens modèles autoritaires (les nationalismes totalitaires autant que le capitalisme aliénant dont nous parle Zola), la fin de l'esclavage et la libération des femmes.