L'œuf ou la poule ??? "Bis"
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 02:31[mode arlitto="on"] ah ah ah ah même pas capable de donner une réponse claire à une question aussi simple. Le créationnisme c'est vraiment une escroquerie!!! MDR... cot cot cot codec[/mode]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:23http://www.scienceetfoi.com/levolution-pour-les-nuls-2/
Introduction
Nous continuons la série « Evolution pour les nuls » par ce billet publié par Dennis Venema sur le site Biologos (http://biologos.org/blog/evolution-basi ... ogeography). Il y est question des premières observations de Darwin sur la distribution géographique des espèces et en particulier sur les îles. Ces observations amèneront Darwin à remettre en cause la théorie de l’époque selon laquelle la distribution des espèces est le résultat d’actes de création divins indépendants à différentes localisations géographiques (appelés centres de création). Deux observations vont mettre à mal cette théorie : l’absence de certaines espèces sur les îles (pourquoi celles-là et pas les autres ?) et le fait que les espèces trouvées dans ces îles de manière exclusive (espèces endémiques) ressemblent en fait à des espèces trouvées sur le continent le plus proche.
Bonne lecture ! (Pascal Touzet, traducteur et professeur en génétique à l’Université de Lille)
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Les premières observations de Darwin sur la biogéographie
Dans les billets précédents nous avons discuté comment une théorie scientifique commence au stade d’hypothèse pour former ensuite un cadre explicatif éprouvé. Avec le temps, lorsqu’une hypothèse est utilisée pour faire des prédictions, et que ces prédictions s’avèrent validées par l’expérimentation, les scientifiques sont assez confiants pour utiliser cette hypothèse pour effectuer des prédictions sur le monde naturel. Cela signifie que toute théorie scientifique actuellement acceptée est passée par ce processus dont on peut retracer l’histoire. Comme n’importe quelle théorie scientifique, l’idée de Darwin du rôle de la sélection naturelle dans l’évolution est au tout départ une hypothèse. Dans ce billet nous regarderons les observations faites par Darwin sur la biogéographie : c’est-à-dire l’étude de la distribution des espèces sur le globe. Ces observations conduiront Darwin à considérer que les espèces émergent à travers un processus naturel de changement graduel au cours du temps, plutôt que par la création indépendante de ces espèces à chaque localisation géographique où elles sont trouvées.
La curieuse absence des mammifères
Engagé comme naturaliste sur le navire HMS Beagle, Darwin au cours de son voyage étudie un grand nombre d’environnements différents pour lesquels il répertorie les espèces présentes. Le Beagle, engagé dans une mission de cartographie des côtes d’Amérique du Sud, est amené à croiser un grand nombre d’îles, dont des îles très éloignées du continent (îles dites océaniques). Darwin observe que sur les îles océaniques qu’il étudie, il n’y trouve aucun mammifère terrestre. Un travail plus tardif, après son voyage, confirmera la généralité de cette règle. Les îles océaniques sont dépourvues d’espèces mammifères terrestres, si l’on excepte les petits mammifères introduits par l’homme. Par contre, des mammifères volants tels que les chauves-souris sont trouvés sur les îles océaniques, ces espèces étant souvent endémiques, c’est à trouvées exclusivement sur l’île en question.
Darwin trouvent ces observations difficiles à concilier avec son hypothèse de travail d’alors qui est que les espèces ont été crées indépendamment (et spécifiquement) dans les lieux où elles ont été trouvées. Il discute des observations et des questions qu’elles suscitent dans deux chapitres intitulés « Distribution géographique » dans son livre « L’origine des espèces ». Après avoir discuté du cas similaire des amphibiens (tels que les grenouilles, les tritons etc..) qui ne sont pas non plus trouvés sur les îles océaniques, il tourne son intention sur les mammifères « manquants » :
« Les mammifères offrent un autre cas analogue. Après avoir compulsé avec soin les récits des plus anciens voyageurs, je n’ai pas trouvé un seul témoignage certain de l’existence d’un mammifère terrestre, à l’exception des animaux domestiques que possédaient les indigènes, habitant une île éloignée de plus de 500 kilomètres d’un continent ou d’une grande île continentale, et bon nombre d’îles plus rapprochées de la terre ferme en sont également dépourvues. Les îles Falkland, qu’habite un renard ressemblant au loup, semblent faire exception à cette règle; mais ce groupe ne peut pas être considéré comme océanique, car il repose sur un banc qui se rattache à la terre ferme, distante de 450 kilomètres seulement; de plus, comme les glaces flottantes ont autrefois charrié des blocs erratiques sur sa côte occidentale, il se peut que des renards aient été transportés de la même manière, comme cela a encore lieu actuellement dans les régions arctiques. On ne saurait soutenir, cependant, que les petites îles ne sont pas propres à l’existence au moins des petits mammifères, car on en rencontre sur diverses parties du globe dans de très petites îles, lorsqu’elles se trouvent, dans le voisinage d’un continent. On ne saurait, d’ailleurs, citer une seule île dans laquelle nos petits mammifères ne se soient naturalisés et abondamment multipliés. On ne saurait alléguer non plus, d’après la théorie des créations indépendantes, que le temps n’a pas été suffisant pour la création des mammifères; car un grand nombre d’îles volcaniques sont d’une antiquité très reculée, comme le prouvent les immenses dégradations qu’elles ont subies et les gisements tertiaires qu’on y rencontre; d’ailleurs, le temps a été suffisant pour la production d’espèces endémiques appartenant à d’autres classes; or on sait que, sur les continents, les mammifères apparaissent et disparaissent plus rapidement que les animaux inférieurs. Si les mammifères terrestres font défaut aux îles océaniques presque toutes ont des mammifères aériens. La Nouvelle-Zélande possède deux chauves-souris qu’on ne rencontre nulle part ailleurs dans le monde; l’île Norfolk, l’archipel Fidji, les îles Bonin, les archipels des Carolines et des îles Mariannes, et l’île Maurice, possèdent tous leurs chauves-souris particulières. Pourquoi la force créatrice n’a-t-elle donc produit que des chauves-souris, à l’exclusion de tous les autres mammifères, dans les îles écartées? D’après ma théorie, il est facile de répondre à cette question; aucun mammifère terrestre, en effet, ne peut être transporté à travers un large bras de mer, mais les chauves-souris peuvent franchir la distance au vol. On a vu des chauves-souris errer de jour sur l’océan Atlantique à de grandes distances de la terre, et deux espèces de l’Amérique du Nord visitent régulièrement, ou accidentellement les Bermudes, à 1000 kilomètres de la terre ferme. M. Tomes, qui a étudié spécialement cette famille, m’apprend que plusieurs espèces ont une distribution considérable, et se rencontrent sur les continents et dans des îles très éloignées. Il suffit donc de supposer que des espèces errantes se sont modifiées dans leurs nouvelles stations pour se mettre en rapport avec les nouveaux milieux dans lesquels elles se trouvent, et nous pouvons alors comprendre pourquoi il peut y avoir, dans les îles océaniques, des chauves-souris endémiques, en l’absence de tout autre mammifère terrestre. »
(Il faut noter que lorsque Darwin parle de « force créatrice », il n’est pas en train d’argumenter contre l’existence de Dieu en tant que créateur, mais plutôt contre l’idée d’une vision classique de la création à l’époque, à savoir que Dieu crée épisodiquement des espèces à des localisation géographiques spécifiques (qu’on appelait « centres de création ») et que les patrons biogéographiques observés peuvent s’expliquer par une dispersion limitée des espèces à partir de ces centres de création. Darwin lui-même au début de son voyage sur le Beagle partage cette idée, et c’est ce modèle qu’il tente de réfuter dans son livre, puisqu’elle représentait l’idée dominante parmi les scientifiques de l’époque. Darwin et beaucoup de scientifiques de son époque n’ont aucunes difficultés à voir les processus naturels comme faisant partie de l’action régulière de Dieu dans le monde, comme le montrent les correspondances de Darwin au botaniste américain Asa Gra par exemple).
Donc pour Darwin, ces observations sur la biogéographie sont conformes à ses idées plus tardives sur la colonisation des îles et le changement des espèces colonisatrices à travers la sélection naturelle. Par contre elles semblent en contradiction avec le modèle de création indépendante. Un grand nombre d’îles océaniques sont très anciennes, et pourtant aucun mammifère n’y a été créé. Un grand nombre d’îles océaniques constituent des habitats favorables pour les mammifères (ou en fait pour les amphibiens, comme il le note) et pourtant aucune de ces espèces n’a été créée dans cet environnement favorable.
Les espèces endémiques insulaires et leurs espèces “alliées” continentales
Darwin note qu’il y a plus que l’absence de certaines espèces sur les îles océaniques. Il remarque aussi une caractéristique intéressante sur les espèces qui sont rencontrées : une espèce endémique sur une île océanique a souvent de fortes similarités avec une espèce trouvée sur le continent le plus proche. De plus, cette association d’espèces île-continent va à l’encontre de l’idée que des espèces similaires devraient se trouver sur des environnements semblables. Ces observations vont conduire Darwin à réfléchir sur les mécanismes possibles qui ont permis l’émergence des espèces insulaires proches de ces espèces continentales alliées. Comme Darwin l’écrit dans son livre « L’origine des espèces », ce patron va fortement le marquer et l’amener à douter de l’idée que les espèces insulaires endémiques ont été crées individuellement sur les îles océaniques. Sa visite des îles Galapagos s’avère jouer un rôle crucial sur ce point :
« Le fait le plus important pour nous est l’affinité entre les espèces qui habitent les îles et celles qui habitent le continent le plus voisin, sans que ces espèces soient cependant identiques. On pourrait citer de nombreux exemples de ce fait. L’archipel Galapagos est situé sous l’équateur, à 800 ou 900 kilomètres des côtes de l’Amérique du Sud. Tous les produits terrestres et aquatiques de cet archipel portent l’incontestable cachet du type continental américain. Sur vingt-six oiseaux terrestres, vingt et un, ou peut-être même vingt-trois, sont considérés comme des espèces si distinctes, qu’on les suppose créées dans le lieu même; pourtant rien n’est plus manifeste que l’affinité étroite qu’ils présentent avec les oiseaux américains par tous leurs caractères, par leurs moeurs, leurs gestes et les intonations de leur voix. Il en est de même pour les autres animaux et pour la majorité des plantes, comme le prouve le docteur Hooker dans son admirable ouvrage sur la flore de cet archipel. En contemplant les habitants de ces îles volcaniques isolées dans le Pacifique, distantes du continent de plusieurs centaines de kilomètres, le naturaliste sent cependant qu’il est encore sur une terre américaine. Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi ces espèces, qu’on suppose avoir été créées dans l’archipel Galapagos, et nulle part ailleurs, portent-elles si évidemment cette empreinte d’affinité avec les espèces créées en Amérique? Il n’y a rien, dans les conditions d’existence, dans la nature géologique de ces îles, dans leur altitude ou leur climat, ni dans les proportions suivant lesquelles les diverses classes y sont associées, qui ressemble aux conditions de la côte américaine; en fait, il y a même une assez grande dissemblance sous tous les rapports. D’autre part, il y a dans la nature volcanique du sol, dans le climat, l’altitude et la superficie de ces îles, une grande analogie entre elles et les îles de l’archipel du Cap-Vert; mais quelle différence complète et absolue au point de vue des habitants! La population de ces dernières a les mêmes rapports avec les habitants de l’Afrique que les habitants des Galapagos avec les formes américaines. La théorie des créations indépendantes ne peut fournir aucune explication de faits de cette nature. Il est évident, au contraire, d’après la théorie que nous soutenons, que les îles Galapagos, soit par suite d’une ancienne continuité avec la terre ferme (bien que je ne partage pas cette opinion), soit par des moyens de transport éventuels, ont dû recevoir leurs habitants d’Amérique, de même que les îles du Cap-Vert ont reçu les leurs de l’Afrique; les uns et les autres ont dû subir des modifications, mais ils trahissent toujours leur lieu d’origine en vertu du principe d’hérédité. »
Beaucoup de fait analogues pourraient être donnés: en effet, c’est une règle quasiment universelle que les espèces trouvées sur les îles sont proches de celles trouvées sur le continent le plus proche ou d’autres îles à proximité.
Repenser l’idée de création indépendante
Pour Darwin, ces deux observations (l’absence de mammifères sur les îles océaniques et le fait que les espèces insulaires endémiques ressemblent aux espèces du continent le plus proche) ont une même explication : son hypothèse est que les espèces océaniques endémiques sont les descendants modifiés d’espèces colonisatrices provenant du continent le plus proche. Ceci explique aussi l’absence d’amphibiens et de mammifères terrestres du fait simplement de leur faible capacité de dispersion à travers de larges étendues océaniques. Les espèces capables de migrer et de coloniser les îles océaniques vont subir des modifications dans ce nouvel environnement, et les espèces incapables de coloniser ces îles en seront absentes.
Dans la pensée de Darwin, cette explication est bien plus satisfaisante que l’hypothèse selon laquelle Dieu a créé indépendamment chaque espèce endémique à l’endroit où elle se trouve et considéré inutile d’y créer des amphibiens ou des mammifères.
Malgré cette réflexion de Darwin sur les patrons biogéographiques observés qui le conduit à suggérer un changement ayant eu lieu sur les espèces au cours du temps, il lui faudra encore du temps pour imaginer le mécanisme de ce changement : l’idée de sélection naturelle qu’il présentera et défendra lors de son livre «De l’origine des espèces».
Introduction
Nous continuons la série « Evolution pour les nuls » par ce billet publié par Dennis Venema sur le site Biologos (http://biologos.org/blog/evolution-basi ... ogeography). Il y est question des premières observations de Darwin sur la distribution géographique des espèces et en particulier sur les îles. Ces observations amèneront Darwin à remettre en cause la théorie de l’époque selon laquelle la distribution des espèces est le résultat d’actes de création divins indépendants à différentes localisations géographiques (appelés centres de création). Deux observations vont mettre à mal cette théorie : l’absence de certaines espèces sur les îles (pourquoi celles-là et pas les autres ?) et le fait que les espèces trouvées dans ces îles de manière exclusive (espèces endémiques) ressemblent en fait à des espèces trouvées sur le continent le plus proche.
Bonne lecture ! (Pascal Touzet, traducteur et professeur en génétique à l’Université de Lille)
Logo2
Les premières observations de Darwin sur la biogéographie
Dans les billets précédents nous avons discuté comment une théorie scientifique commence au stade d’hypothèse pour former ensuite un cadre explicatif éprouvé. Avec le temps, lorsqu’une hypothèse est utilisée pour faire des prédictions, et que ces prédictions s’avèrent validées par l’expérimentation, les scientifiques sont assez confiants pour utiliser cette hypothèse pour effectuer des prédictions sur le monde naturel. Cela signifie que toute théorie scientifique actuellement acceptée est passée par ce processus dont on peut retracer l’histoire. Comme n’importe quelle théorie scientifique, l’idée de Darwin du rôle de la sélection naturelle dans l’évolution est au tout départ une hypothèse. Dans ce billet nous regarderons les observations faites par Darwin sur la biogéographie : c’est-à-dire l’étude de la distribution des espèces sur le globe. Ces observations conduiront Darwin à considérer que les espèces émergent à travers un processus naturel de changement graduel au cours du temps, plutôt que par la création indépendante de ces espèces à chaque localisation géographique où elles sont trouvées.
La curieuse absence des mammifères
Engagé comme naturaliste sur le navire HMS Beagle, Darwin au cours de son voyage étudie un grand nombre d’environnements différents pour lesquels il répertorie les espèces présentes. Le Beagle, engagé dans une mission de cartographie des côtes d’Amérique du Sud, est amené à croiser un grand nombre d’îles, dont des îles très éloignées du continent (îles dites océaniques). Darwin observe que sur les îles océaniques qu’il étudie, il n’y trouve aucun mammifère terrestre. Un travail plus tardif, après son voyage, confirmera la généralité de cette règle. Les îles océaniques sont dépourvues d’espèces mammifères terrestres, si l’on excepte les petits mammifères introduits par l’homme. Par contre, des mammifères volants tels que les chauves-souris sont trouvés sur les îles océaniques, ces espèces étant souvent endémiques, c’est à trouvées exclusivement sur l’île en question.
Darwin trouvent ces observations difficiles à concilier avec son hypothèse de travail d’alors qui est que les espèces ont été crées indépendamment (et spécifiquement) dans les lieux où elles ont été trouvées. Il discute des observations et des questions qu’elles suscitent dans deux chapitres intitulés « Distribution géographique » dans son livre « L’origine des espèces ». Après avoir discuté du cas similaire des amphibiens (tels que les grenouilles, les tritons etc..) qui ne sont pas non plus trouvés sur les îles océaniques, il tourne son intention sur les mammifères « manquants » :
« Les mammifères offrent un autre cas analogue. Après avoir compulsé avec soin les récits des plus anciens voyageurs, je n’ai pas trouvé un seul témoignage certain de l’existence d’un mammifère terrestre, à l’exception des animaux domestiques que possédaient les indigènes, habitant une île éloignée de plus de 500 kilomètres d’un continent ou d’une grande île continentale, et bon nombre d’îles plus rapprochées de la terre ferme en sont également dépourvues. Les îles Falkland, qu’habite un renard ressemblant au loup, semblent faire exception à cette règle; mais ce groupe ne peut pas être considéré comme océanique, car il repose sur un banc qui se rattache à la terre ferme, distante de 450 kilomètres seulement; de plus, comme les glaces flottantes ont autrefois charrié des blocs erratiques sur sa côte occidentale, il se peut que des renards aient été transportés de la même manière, comme cela a encore lieu actuellement dans les régions arctiques. On ne saurait soutenir, cependant, que les petites îles ne sont pas propres à l’existence au moins des petits mammifères, car on en rencontre sur diverses parties du globe dans de très petites îles, lorsqu’elles se trouvent, dans le voisinage d’un continent. On ne saurait, d’ailleurs, citer une seule île dans laquelle nos petits mammifères ne se soient naturalisés et abondamment multipliés. On ne saurait alléguer non plus, d’après la théorie des créations indépendantes, que le temps n’a pas été suffisant pour la création des mammifères; car un grand nombre d’îles volcaniques sont d’une antiquité très reculée, comme le prouvent les immenses dégradations qu’elles ont subies et les gisements tertiaires qu’on y rencontre; d’ailleurs, le temps a été suffisant pour la production d’espèces endémiques appartenant à d’autres classes; or on sait que, sur les continents, les mammifères apparaissent et disparaissent plus rapidement que les animaux inférieurs. Si les mammifères terrestres font défaut aux îles océaniques presque toutes ont des mammifères aériens. La Nouvelle-Zélande possède deux chauves-souris qu’on ne rencontre nulle part ailleurs dans le monde; l’île Norfolk, l’archipel Fidji, les îles Bonin, les archipels des Carolines et des îles Mariannes, et l’île Maurice, possèdent tous leurs chauves-souris particulières. Pourquoi la force créatrice n’a-t-elle donc produit que des chauves-souris, à l’exclusion de tous les autres mammifères, dans les îles écartées? D’après ma théorie, il est facile de répondre à cette question; aucun mammifère terrestre, en effet, ne peut être transporté à travers un large bras de mer, mais les chauves-souris peuvent franchir la distance au vol. On a vu des chauves-souris errer de jour sur l’océan Atlantique à de grandes distances de la terre, et deux espèces de l’Amérique du Nord visitent régulièrement, ou accidentellement les Bermudes, à 1000 kilomètres de la terre ferme. M. Tomes, qui a étudié spécialement cette famille, m’apprend que plusieurs espèces ont une distribution considérable, et se rencontrent sur les continents et dans des îles très éloignées. Il suffit donc de supposer que des espèces errantes se sont modifiées dans leurs nouvelles stations pour se mettre en rapport avec les nouveaux milieux dans lesquels elles se trouvent, et nous pouvons alors comprendre pourquoi il peut y avoir, dans les îles océaniques, des chauves-souris endémiques, en l’absence de tout autre mammifère terrestre. »
(Il faut noter que lorsque Darwin parle de « force créatrice », il n’est pas en train d’argumenter contre l’existence de Dieu en tant que créateur, mais plutôt contre l’idée d’une vision classique de la création à l’époque, à savoir que Dieu crée épisodiquement des espèces à des localisation géographiques spécifiques (qu’on appelait « centres de création ») et que les patrons biogéographiques observés peuvent s’expliquer par une dispersion limitée des espèces à partir de ces centres de création. Darwin lui-même au début de son voyage sur le Beagle partage cette idée, et c’est ce modèle qu’il tente de réfuter dans son livre, puisqu’elle représentait l’idée dominante parmi les scientifiques de l’époque. Darwin et beaucoup de scientifiques de son époque n’ont aucunes difficultés à voir les processus naturels comme faisant partie de l’action régulière de Dieu dans le monde, comme le montrent les correspondances de Darwin au botaniste américain Asa Gra par exemple).
Donc pour Darwin, ces observations sur la biogéographie sont conformes à ses idées plus tardives sur la colonisation des îles et le changement des espèces colonisatrices à travers la sélection naturelle. Par contre elles semblent en contradiction avec le modèle de création indépendante. Un grand nombre d’îles océaniques sont très anciennes, et pourtant aucun mammifère n’y a été créé. Un grand nombre d’îles océaniques constituent des habitats favorables pour les mammifères (ou en fait pour les amphibiens, comme il le note) et pourtant aucune de ces espèces n’a été créée dans cet environnement favorable.
Les espèces endémiques insulaires et leurs espèces “alliées” continentales
Darwin note qu’il y a plus que l’absence de certaines espèces sur les îles océaniques. Il remarque aussi une caractéristique intéressante sur les espèces qui sont rencontrées : une espèce endémique sur une île océanique a souvent de fortes similarités avec une espèce trouvée sur le continent le plus proche. De plus, cette association d’espèces île-continent va à l’encontre de l’idée que des espèces similaires devraient se trouver sur des environnements semblables. Ces observations vont conduire Darwin à réfléchir sur les mécanismes possibles qui ont permis l’émergence des espèces insulaires proches de ces espèces continentales alliées. Comme Darwin l’écrit dans son livre « L’origine des espèces », ce patron va fortement le marquer et l’amener à douter de l’idée que les espèces insulaires endémiques ont été crées individuellement sur les îles océaniques. Sa visite des îles Galapagos s’avère jouer un rôle crucial sur ce point :
« Le fait le plus important pour nous est l’affinité entre les espèces qui habitent les îles et celles qui habitent le continent le plus voisin, sans que ces espèces soient cependant identiques. On pourrait citer de nombreux exemples de ce fait. L’archipel Galapagos est situé sous l’équateur, à 800 ou 900 kilomètres des côtes de l’Amérique du Sud. Tous les produits terrestres et aquatiques de cet archipel portent l’incontestable cachet du type continental américain. Sur vingt-six oiseaux terrestres, vingt et un, ou peut-être même vingt-trois, sont considérés comme des espèces si distinctes, qu’on les suppose créées dans le lieu même; pourtant rien n’est plus manifeste que l’affinité étroite qu’ils présentent avec les oiseaux américains par tous leurs caractères, par leurs moeurs, leurs gestes et les intonations de leur voix. Il en est de même pour les autres animaux et pour la majorité des plantes, comme le prouve le docteur Hooker dans son admirable ouvrage sur la flore de cet archipel. En contemplant les habitants de ces îles volcaniques isolées dans le Pacifique, distantes du continent de plusieurs centaines de kilomètres, le naturaliste sent cependant qu’il est encore sur une terre américaine. Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi ces espèces, qu’on suppose avoir été créées dans l’archipel Galapagos, et nulle part ailleurs, portent-elles si évidemment cette empreinte d’affinité avec les espèces créées en Amérique? Il n’y a rien, dans les conditions d’existence, dans la nature géologique de ces îles, dans leur altitude ou leur climat, ni dans les proportions suivant lesquelles les diverses classes y sont associées, qui ressemble aux conditions de la côte américaine; en fait, il y a même une assez grande dissemblance sous tous les rapports. D’autre part, il y a dans la nature volcanique du sol, dans le climat, l’altitude et la superficie de ces îles, une grande analogie entre elles et les îles de l’archipel du Cap-Vert; mais quelle différence complète et absolue au point de vue des habitants! La population de ces dernières a les mêmes rapports avec les habitants de l’Afrique que les habitants des Galapagos avec les formes américaines. La théorie des créations indépendantes ne peut fournir aucune explication de faits de cette nature. Il est évident, au contraire, d’après la théorie que nous soutenons, que les îles Galapagos, soit par suite d’une ancienne continuité avec la terre ferme (bien que je ne partage pas cette opinion), soit par des moyens de transport éventuels, ont dû recevoir leurs habitants d’Amérique, de même que les îles du Cap-Vert ont reçu les leurs de l’Afrique; les uns et les autres ont dû subir des modifications, mais ils trahissent toujours leur lieu d’origine en vertu du principe d’hérédité. »
Beaucoup de fait analogues pourraient être donnés: en effet, c’est une règle quasiment universelle que les espèces trouvées sur les îles sont proches de celles trouvées sur le continent le plus proche ou d’autres îles à proximité.
Repenser l’idée de création indépendante
Pour Darwin, ces deux observations (l’absence de mammifères sur les îles océaniques et le fait que les espèces insulaires endémiques ressemblent aux espèces du continent le plus proche) ont une même explication : son hypothèse est que les espèces océaniques endémiques sont les descendants modifiés d’espèces colonisatrices provenant du continent le plus proche. Ceci explique aussi l’absence d’amphibiens et de mammifères terrestres du fait simplement de leur faible capacité de dispersion à travers de larges étendues océaniques. Les espèces capables de migrer et de coloniser les îles océaniques vont subir des modifications dans ce nouvel environnement, et les espèces incapables de coloniser ces îles en seront absentes.
Dans la pensée de Darwin, cette explication est bien plus satisfaisante que l’hypothèse selon laquelle Dieu a créé indépendamment chaque espèce endémique à l’endroit où elle se trouve et considéré inutile d’y créer des amphibiens ou des mammifères.
Malgré cette réflexion de Darwin sur les patrons biogéographiques observés qui le conduit à suggérer un changement ayant eu lieu sur les espèces au cours du temps, il lui faudra encore du temps pour imaginer le mécanisme de ce changement : l’idée de sélection naturelle qu’il présentera et défendra lors de son livre «De l’origine des espèces».
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:23http://www.scienceetfoi.com/levolution- ... hypothese/
Introduction (Pascal Touzet, traducteur et Professeur en génétique à l’université de Lille)
Voici le premier article de la série “Evolution basics” rédigée par Denis R Venema publiée sur le site Biologos ( http://biologos.org/blog/evolution-basi ... fic-theory) , que nous appellerons ici « L’évolution pour les nuls ». Il y est question de ce qu’est une théorie scientifique, bien plus qu’une intuition….
question-300x291
Une théorie, pas une intuition
En langage courant, le terme « théorie » signifie quelque chose comme « supposition» ou « intuition ». Il sous-entend l’idée de quelque chose de spéculatif, d’incertain. Hors en science, le sens de ce mot est tout à fait différent. En effet, une théorie scientifique est une idée qui a connu l’épreuve du temps. Cette différence de définition est une source fréquente de confusion pour les non scientifiques. Ainsi, en science, une théorie est une idée testée, éprouvée, un cadre explicatif qui permet de donner sens aux faits que l’on observe et qui continue de faire de bonnes prédictions sur le monde naturel.
Les théories commencent d’abord par une idée ou une hypothèse. L’étymologie de ce mot signifie « moins que » (hypo) une théorie (thèse). Ce que les scientifiques appellent une hypothèse est ce que les non scientifiques appellent une « théorie ». C’est une idée qui a du sens et qui est conforme à ce que l’on sait déjà, mais qui n’a pas encore beaucoup (ou pas du tout) de support expérimental. Ce qui différencie la science des autres approches de la connaissance c’est le test d’hypothèse. Ainsi au lieu de se contenter d’une idée intéressante, les scientifiques utilisent cette hypothèse pour faire des prédictions spécifiques sur le monde naturel, puis tester si ces prédictions peuvent être validées par des preuves expérimentales. Si la prédiction est supportée par les résultats de l’expérience, les scientifiques utiliseront la même hypothèse pour faire (et tester) de nouvelles prédictions. Si l’hypothèse s’avère juste par rapport à ce que les choses sont vraiment, alors cette hypothèse va continuer à faire de bonnes prédictions. Avec le temps, alors que l’idée gagne de plus en plus de support expérimental, les scientifiques enlèvent le préfixe « hypo » et commencent à considérer cette idée comme une théorie – un cadre explicatif éprouvé qui continue à faire de bonnes prédictions sur le monde naturel.
Des théories éprouvées mais provisoires
Bien que ce soient des idées bien éprouvées, les théories en science ne sont jamais acceptées comme vraies de manière absolue. Il faut comprendre que le test d’hypothèse ne peut conduire qu’à deux résultats possibles : le scientifique rejette l’hypothèse si elle ne fait pas de bonnes prédictions, ou le scientifique ne peut pas la rejeter parce qu’elle n’a pas conduit à de mauvaises prédictions. Le point important est que le scientifique ne peut pas accepter une hypothèse. Autrement dit, la science peut montrer que certaines idées sont « fausses » (si elles ne permettent pas de faire de bonnes prédictions sur le monde naturel), mais la science ne peut pas montrer qu’une idée est « juste » ou « vraie ». Dire qu’une hypothèse est « juste » impliquerait qu’elle résisterait à tous les tests de prédictions futurs, ce qui n’est pas possible, étant donné qu’il y aura toujours de nouveaux tests à faire. La science ne peut que dire si une idée n’a pas encore été démontrée comme étant fausse. Par conséquent, toutes les théories en science sont considérées comme provisoires, et sont révisées au gré de nouvelles informations. Ainsi, les théories en science restent des théories – elles ne changent pas de statut, comme celui d’une « «loi » par exemple.
Une théorie est donc une entité intéressante en science – elle est reconnue pour être à la fois un cadre explicatif puissant et provisoire, sujet à des révisions futures (ou même à l’abandon, si une meilleure idée est découverte). En pratique, certaines théories scientifiques sont si bien supportées par les faits qu’il est hautement improbable que ses idées de base en soient un jour modifiées. Ces théories sont des idées qui sont de très bonnes approximations de ce que les choses réelles sont, et en tant que telles, elles ne devraient pas changer de manière siginificative. Une fois qu’une théorie atteint ce niveau, la science l’accepte comme une donnée et change de domaine, pour se tourner vers les frontières de ce qui n’est pas encore connu.
Apprendre du passé
Peut-être un exemple tiré de l’Histoire peut être utile ici. Prenez la théorie de l’héliocentrisme – l’idée que le soleil est au centre du système solaire. (Si vous trouvez surprenant de considérer cette idée comme une théorie, rappelez-vous que nous l’utilisons ici dans le sens d’une théorie en science. De manière évidente, l’héliocentrisme est une idée bien supportée, et ne devrait vraisemblablement pas changer dans le futur, mais il reste une théorie dans le sens scientifique). Lorsque l’héliocentrisme a été conçu pour la première fois en opposition à l’idée d’un système solaire géocentrique, centré sur la Terre, il y avait peu de faits pour le supporter. En fait, cette idée était populaire uniquement parmi les mathématiciens, du fait de sa simplicité et de son élégance. Une fois l’idée articulée, des faits apparurent pour la conforter: l’observation par Galilée que Vénus avait plusieurs phases comme la lune (une observation incompatible avec le modèle géocentrique de l’époque) et que Jupiter avait quatre lunes dans son orbite (conforme au modèle de corps célestes en mouvement autour d’un plus grand corps). Si les observations de Galilée permettaient à la science de rejeter le modèle géocentrique standard, elles ne permettaient pas de rejeter un modèle géocentrique alternatif proposé par Tycho Brahe. L’héliocentrisme faisait cependant une prédiction clé. Dans le modèle de Brahe, comme dans tous les modèles géocentriques, la Terre était prédite comme étant stationnaire. Dans le modèle héliocentrique, la Terre était prédite décrivant une orbite autour du soleil. Malheureusement pour Galilée, il faudra attendre les années 1720 pour des preuves physiques directes du mouvement terrestre, lorsque sera observée avec succès l’aberration stellaire (l’effet du mouvement terrestre sur la lumière des étoiles). Il faudra attendre encore un siècle (dans les années 1830) pour la première mesure de la parallaxe stellaire, la légère modification des positions relatives des étoiles due au changement de perspective engendré par le mouvement de la Terre dans l’espace. Quand enfin cette observation fut faite, l’héliocentrisme devenait une théorie – un cadre éprouvé qui fait de bonnes prédictions, dont celle de la parallaxe stellaire. Bien sûr, dans les années 1830, l’héliocentrisme avait fait un long chemin depuis ses modestes débuts, et continua d’être modifié ensuite en accord avec de nouvelles observations. Quoiqu’il en soit, en tant qu’idée, l’héliocentrisme a passé avec succès le test du temps puisque il est une représentation raisonnablement fidèle de ce que les choses sont réellement. Nous l’acceptons (provisoirement) puisqu’il est un cadre productif et utile. Ses idées centrales ne vont vraisemblablement pas changer même si nous ajoutons des nuances que Galilée ne pouvait imaginer. Cela semble difficile à imaginer, mais il est possible qu’un jour nous rejetions cette théorie au profit d’un meilleur cadre – mais le combat pour qu’une nouvelle théorie s’impose sera rude.
L’évolution, une théorie
En quoi cela a à faire avec l’évolution, me direz-vous? Et bien simplement en cela : malgré ce qu’ont pu dire beaucoup de chrétiens évangéliques, l’évolution est une théorie dans le sens entendu par la science. Elle a commencé comme une simple hypothèse. Les scientifiques ont essayé de la rejeter sans succès. Aujourd’hui, l’évolution est un cadre explicatif qui a résisté à 150 ans de tests et qui continue à faire de bonnes prédictions sur le monde naturel. Comme pour l’héliocentrisme, nos idées sur l’évolution se sont développées de manière significative avec le temps depuis les années 1850. Dans le prochain billet de cette série, nous verrons quelques lignes d’évidence ont été présentées par Darwin dans son livre « Origin of species », avant de continuer à examiner l’état actuel des preuves.
Introduction (Pascal Touzet, traducteur et Professeur en génétique à l’université de Lille)
Voici le premier article de la série “Evolution basics” rédigée par Denis R Venema publiée sur le site Biologos ( http://biologos.org/blog/evolution-basi ... fic-theory) , que nous appellerons ici « L’évolution pour les nuls ». Il y est question de ce qu’est une théorie scientifique, bien plus qu’une intuition….
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Une théorie, pas une intuition
En langage courant, le terme « théorie » signifie quelque chose comme « supposition» ou « intuition ». Il sous-entend l’idée de quelque chose de spéculatif, d’incertain. Hors en science, le sens de ce mot est tout à fait différent. En effet, une théorie scientifique est une idée qui a connu l’épreuve du temps. Cette différence de définition est une source fréquente de confusion pour les non scientifiques. Ainsi, en science, une théorie est une idée testée, éprouvée, un cadre explicatif qui permet de donner sens aux faits que l’on observe et qui continue de faire de bonnes prédictions sur le monde naturel.
Les théories commencent d’abord par une idée ou une hypothèse. L’étymologie de ce mot signifie « moins que » (hypo) une théorie (thèse). Ce que les scientifiques appellent une hypothèse est ce que les non scientifiques appellent une « théorie ». C’est une idée qui a du sens et qui est conforme à ce que l’on sait déjà, mais qui n’a pas encore beaucoup (ou pas du tout) de support expérimental. Ce qui différencie la science des autres approches de la connaissance c’est le test d’hypothèse. Ainsi au lieu de se contenter d’une idée intéressante, les scientifiques utilisent cette hypothèse pour faire des prédictions spécifiques sur le monde naturel, puis tester si ces prédictions peuvent être validées par des preuves expérimentales. Si la prédiction est supportée par les résultats de l’expérience, les scientifiques utiliseront la même hypothèse pour faire (et tester) de nouvelles prédictions. Si l’hypothèse s’avère juste par rapport à ce que les choses sont vraiment, alors cette hypothèse va continuer à faire de bonnes prédictions. Avec le temps, alors que l’idée gagne de plus en plus de support expérimental, les scientifiques enlèvent le préfixe « hypo » et commencent à considérer cette idée comme une théorie – un cadre explicatif éprouvé qui continue à faire de bonnes prédictions sur le monde naturel.
Des théories éprouvées mais provisoires
Bien que ce soient des idées bien éprouvées, les théories en science ne sont jamais acceptées comme vraies de manière absolue. Il faut comprendre que le test d’hypothèse ne peut conduire qu’à deux résultats possibles : le scientifique rejette l’hypothèse si elle ne fait pas de bonnes prédictions, ou le scientifique ne peut pas la rejeter parce qu’elle n’a pas conduit à de mauvaises prédictions. Le point important est que le scientifique ne peut pas accepter une hypothèse. Autrement dit, la science peut montrer que certaines idées sont « fausses » (si elles ne permettent pas de faire de bonnes prédictions sur le monde naturel), mais la science ne peut pas montrer qu’une idée est « juste » ou « vraie ». Dire qu’une hypothèse est « juste » impliquerait qu’elle résisterait à tous les tests de prédictions futurs, ce qui n’est pas possible, étant donné qu’il y aura toujours de nouveaux tests à faire. La science ne peut que dire si une idée n’a pas encore été démontrée comme étant fausse. Par conséquent, toutes les théories en science sont considérées comme provisoires, et sont révisées au gré de nouvelles informations. Ainsi, les théories en science restent des théories – elles ne changent pas de statut, comme celui d’une « «loi » par exemple.
Une théorie est donc une entité intéressante en science – elle est reconnue pour être à la fois un cadre explicatif puissant et provisoire, sujet à des révisions futures (ou même à l’abandon, si une meilleure idée est découverte). En pratique, certaines théories scientifiques sont si bien supportées par les faits qu’il est hautement improbable que ses idées de base en soient un jour modifiées. Ces théories sont des idées qui sont de très bonnes approximations de ce que les choses réelles sont, et en tant que telles, elles ne devraient pas changer de manière siginificative. Une fois qu’une théorie atteint ce niveau, la science l’accepte comme une donnée et change de domaine, pour se tourner vers les frontières de ce qui n’est pas encore connu.
Apprendre du passé
Peut-être un exemple tiré de l’Histoire peut être utile ici. Prenez la théorie de l’héliocentrisme – l’idée que le soleil est au centre du système solaire. (Si vous trouvez surprenant de considérer cette idée comme une théorie, rappelez-vous que nous l’utilisons ici dans le sens d’une théorie en science. De manière évidente, l’héliocentrisme est une idée bien supportée, et ne devrait vraisemblablement pas changer dans le futur, mais il reste une théorie dans le sens scientifique). Lorsque l’héliocentrisme a été conçu pour la première fois en opposition à l’idée d’un système solaire géocentrique, centré sur la Terre, il y avait peu de faits pour le supporter. En fait, cette idée était populaire uniquement parmi les mathématiciens, du fait de sa simplicité et de son élégance. Une fois l’idée articulée, des faits apparurent pour la conforter: l’observation par Galilée que Vénus avait plusieurs phases comme la lune (une observation incompatible avec le modèle géocentrique de l’époque) et que Jupiter avait quatre lunes dans son orbite (conforme au modèle de corps célestes en mouvement autour d’un plus grand corps). Si les observations de Galilée permettaient à la science de rejeter le modèle géocentrique standard, elles ne permettaient pas de rejeter un modèle géocentrique alternatif proposé par Tycho Brahe. L’héliocentrisme faisait cependant une prédiction clé. Dans le modèle de Brahe, comme dans tous les modèles géocentriques, la Terre était prédite comme étant stationnaire. Dans le modèle héliocentrique, la Terre était prédite décrivant une orbite autour du soleil. Malheureusement pour Galilée, il faudra attendre les années 1720 pour des preuves physiques directes du mouvement terrestre, lorsque sera observée avec succès l’aberration stellaire (l’effet du mouvement terrestre sur la lumière des étoiles). Il faudra attendre encore un siècle (dans les années 1830) pour la première mesure de la parallaxe stellaire, la légère modification des positions relatives des étoiles due au changement de perspective engendré par le mouvement de la Terre dans l’espace. Quand enfin cette observation fut faite, l’héliocentrisme devenait une théorie – un cadre éprouvé qui fait de bonnes prédictions, dont celle de la parallaxe stellaire. Bien sûr, dans les années 1830, l’héliocentrisme avait fait un long chemin depuis ses modestes débuts, et continua d’être modifié ensuite en accord avec de nouvelles observations. Quoiqu’il en soit, en tant qu’idée, l’héliocentrisme a passé avec succès le test du temps puisque il est une représentation raisonnablement fidèle de ce que les choses sont réellement. Nous l’acceptons (provisoirement) puisqu’il est un cadre productif et utile. Ses idées centrales ne vont vraisemblablement pas changer même si nous ajoutons des nuances que Galilée ne pouvait imaginer. Cela semble difficile à imaginer, mais il est possible qu’un jour nous rejetions cette théorie au profit d’un meilleur cadre – mais le combat pour qu’une nouvelle théorie s’impose sera rude.
L’évolution, une théorie
En quoi cela a à faire avec l’évolution, me direz-vous? Et bien simplement en cela : malgré ce qu’ont pu dire beaucoup de chrétiens évangéliques, l’évolution est une théorie dans le sens entendu par la science. Elle a commencé comme une simple hypothèse. Les scientifiques ont essayé de la rejeter sans succès. Aujourd’hui, l’évolution est un cadre explicatif qui a résisté à 150 ans de tests et qui continue à faire de bonnes prédictions sur le monde naturel. Comme pour l’héliocentrisme, nos idées sur l’évolution se sont développées de manière significative avec le temps depuis les années 1850. Dans le prochain billet de cette série, nous verrons quelques lignes d’évidence ont été présentées par Darwin dans son livre « Origin of species », avant de continuer à examiner l’état actuel des preuves.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:24http://www.scienceetfoi.com/une-introdu ... ificielle/
Cette série d’articles de Denis Vennema, généticien, et collaborateur de la Fondation BioLogos (article original ici), est destinée à introduire les concepts de base de l’évolution aux non spécialistes. Dans cet article, nous explorons les principales idées de Darwin : la variation au sein d’une espèce est héréditaire, les variants ne se reproduisent pas avec la même fréquence, et c’est ce qui engendre des changements au sein des populations naturelles
L’évolution pour les nuls (3): une introduction à la variation, à la sélection naturelle et artificielle
Dans le dernier article de cette série, nous avons décrit comment les études de Darwin concernant la répartition géographique des espèces avaient joué un rôle important dans sa découverte du fait que les espèces ne sont pas fixes, mais qu’elles peuvent se transformer en d’autres espèces au cours du temps. Pourtant, Darwin n’avait aucun mécanisme à proposer permettant d’expliquer comment ces changements graduels pouvaient se produire. Puisque ses observations (a) montraient des variations, ou des différences, entre des espèces proches parentes, et (b) que cela suggérait que ces variations étaient apparues par des petites modifications graduelles de deux populations séparées, Darwin a justement pressenti que la compréhension de ces variations pourraient aider à expliquer la formation de nouvelles espèces. C’est ainsi que Darwin s’est intéressé de très près aux variations héréditaires chez les espèces domestiquées. Ses études l’ont conduit à apprécier l’importance de la sélection dans la formation de nouvelles races domestiques, et il a compris plus tard que la nature pouvait agir en tant que force sélective.
Ces deux concepts, des variations héréditaires et la sélection naturelle, sont encore aujourd’hui les idées au coeur de la biologie moderne de l’évolution. Etant donnée l’importance de ces concepts, nous allons les examiner de plus près avant de décrire comment Darwin est en venu à envisager leur rôle dans la formation de nouvelles espèces.
L’évolution en deux concepts simples: des variations héréditaires et la reproduction différentielle.
Dans n’importe quelle population d’organismes, domestiquée ou non, il existe des différences héréditaires. Aujourd’hui, nous savons que ces différences héréditaires proviennent de différences dans l’information génétique (i.e. des variation dans des séquences de l’ADN), mais ceci n’était pas connu à l’époque de Darwin. Sans connaître la biologie moléculaire, Darwin a réussi a apprécier le fait que les descendants ont en moyenne davantage tendance à ressembler à leurs parents qu’au reste de la population. De cette observation, il a déduit à juste titre que les variations étaient héréditaires: elles se transmettent des parents à leur descendance.
Comme nous le verrons plus bas, Darwin pouvait aussi remarquer que si la variation était soumise à la sélection, ces traits caractéristiques moyens pouvaient dériver avec le temps. La sélection est simplement l’observation que les différents variants d’une même population ne se reproduisent pas tous au même taux. Dans le cas de la sélection artificielle, un agent humain décide des variants qui vont se reproduire à un taux plus élevé que les autres en permettant un croisement sélectif. Si la sélection est poursuivie génération après génération, certains variants seront plus nombreux en proportion dans une population, et d’autres moins fréquents.
C’est en résumé le principe central de la théorie de l’évolution: les changements dans des variations héréditaires peuvent au cours du temps changer les caractéristiques d’une population, et ce succès reproductif différentiel (sélection) est un moteur essentiel permettant les changements d’une génération à une autre. Bien que notre compréhension de l’évolution ait beaucoup progressé depuis l’époque de Darwin, ces principes de base demeurent les fondements de la biologie de l’évolution. En dépit de leur simplicité, Darwin mit plusieurs années de travail avant de les assembler en un cadre cohérent.
Les études de Darwin sur les variation 1837 – 1838
Comme Darwin le relate dans son Autobiographie, après son retour en Angleterre de son voyage sur le Beagle, il a entrepris des études systématiques pour accumuler des informations sur les variations au sein des “races” de plantes et d’animaux domestiqués, ainsi que des variations dans les populations naturelles. (Soit dit en passant, dans les années 1800, le mot “race” était admis en temps que terme scientifique pour ce que nous appellerions aujourd’hui “croisement” ou “sous espèce”. Le mot “race” a pris plus tard la connotation qu’il a aujourd’hui – une expression réservée aux humains- mais ce n’était pas le cas à l’époque de Darwin, comme nous le montreront en citant des articles de cette époque. Les tentatives pour présenter les travaux de Darwin comme racistes sont infondés, mais elles persistent chez ceux qui ne connaissent pas les tournures anglaises de l’époque victorienne, étant donné que le titre complet de son livre est De l’origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle, et la préservation des races favorisées dans le combat pour la vie.) Etant donné que Darwin a beaucoup conversé avec ceux qui croisaient les plantes et les animaux (par exemple, il a passé beaucoup de temps avec les éleveurs de pigeons et il s’est documenté sur la façon dont ils créaient de nombreuses sous espèces exotiques), il a été impressionné par la puissance de la sélection artificielle à produire des changements au sein d’une sous-espèce au cours du temps. Impressionné par cette force, il lui restait encore à comprendre comment la nature pouvait agir en tant que puissance sélective:
A mon retour en Angleterre, il m’est apparu qu’en suivant l’exemple de Lyell en géologie, et en collectant tous les faits qui se rapportaient de près ou de loin à la variation des animaux et des plantes domestiqués ou pas, certaines lumières pourraient peut-être être projetées sur le sujet dans son ensemble. J’ai ouvert mon premier carnet de notes en juillet 1837. J’ai travaillé sur la base de principes baconiens, et sans aucun cadre théorique, j’ai rassemblé les faits à grande échelle, plus spécialement ceux qui concernent les productions domestiquées, sous la forme de documents imprimés, de conversations avec des éleveurs et des jardiniers. Quand je vois la liste de tous les livres de toutes sortes que j’ai lus et médités, y compris des séries entières de journaux et de contrats, j’en suis moi-même étonné. J’ai rapidement compris que la sélection était la clé du succès humain à fabriquer des races d’animaux et de plantes. Mais la façon dont la sélection pouvait être appliquée à des organismes vivants dans la nature demeura un mystère pour moi pendant un moment.(Autobiography, pp. 119 -120)
Plus tard, cette idée centrale l’a frappé: la nature pourrait bien appliquer la sélection naturelle à peu près de la même façon que les éleveurs lorsqu’ils sélectionnent les individus qui vont se reproduire, l’habileté de différents variants à se reproduire dans un environnement naturel donné ferait que certains se reproduisent plus que d’autres. Comme leurs caractéristiques sont héréditaires, ceci entrainerait un changement au cours du temps dans une population expérimentant la “sélection naturelle”, un terme que Darwin a introduit par analogie à la sélection artificielle.
Darwin a réalisé que, dans la nature, les organismes engendrent plus de descendants que ceux capables de survivre, et ceci fut la dernière pièce du puzzle (une idée de Thomas Malthus). Il y avait donc compétition entre les membres d’une même espèce pour des ressources limitées. La compétition pouvait aussi avoir lieu entre les membres de différentes espèces. Ces sources de compétition créaient une “bataille pour l’existence” qui favorisait certains variants et leur reproduction:
En octobre 1838, c’est à dire quinze mois après avoir entamé mon enquête systématique, je me suis mis par distraction à lire Malthus à propos de la population , et comme j’étais bien préparé à apprécier le combat pour la vie qui est omniprésent dans les observations sur les habitudes des animaux et des plantes, j’ai tout à coup était frappé par le fait que dans de telles circonstances, les variations favorisées auraient tendance à survivre, alors que les autres seraient détruites. (Autobiography p. 120)
Plus tard, dans l’origine des espèces, il explicitera cette idée en grand détail. Dans le premier chapitre, Darwin donne de nombreux exemples de variations héréditaires chez les animaux domestiques. Il se tourne ensuite vers les variations héréditaires dans les populations naturelles dans le deuxième chapitre, citant encore de nombreux exemples, et comparant ses découvertes avec les variations dans les espèces domestiques. Dans le troisième chapitre, il décrit le “combat pour l’existence” dans la nature, puis associe ces trois idées ensemble: si les éleveurs humains sont capables d’utiliser la sélection pour “accumuler” les variations au cours du temps, alors, la sélection naturelle pourrait aussi le faire:
Dans ce combat pour la vie, n’importe quelle variation, aussi petite soit-elle et quelque soit sa cause, si celle ci est profitable à n’importe quel degré à un individu de n’importe quelle espèce, dans ses relations infiniment complexes avec les autres organismes et avec la nature, contribuera à la préservation de cet individu, et sera généralement héritée par ses descendants. Ce descendant aura à son tour une meilleure chance de survivre, parce que dans une population donnée, seul un petit nombre de nouveaux nés peuvent survivre. J’ai appelé ce principe, par lequel chaque petite variation, si elle est utile, est préservée, par l’expression Sélection Naturelle, pour souligner sa relation avec la puissance de la sélection exercée par l’homme. Nous avons vu que l’homme, par la sélection, peut produire de grands résultats, et peut adapter des organismes à son utilisation propre, par l’accumulation de petites variations, que la main de la Nature lui a donnée. Mais comme nous le verrons après, la Sélection Naturelle est une force incessante prête à l’action, et est infiniment supérieure aux faibles efforts humains, car le travail de la nature est celui d’un art.(Origin, p. 61)
La sélection artificielle, ici et maintenant
Ayant trouvé sa “théorie lui permettant de travailler », Darwin a passé des dizaines d’années à accumuler les preuves de ses idées avant de publier l’Origines des espèces en 1859. Rassembler les preuves montrant la sélection naturelle et artificielle a été le but majeur de tous ses efforts. Dans le prochain article de cette série, nous parlerons de certaines des observations de Darwin concernant la sélection artificielle et la domestication des chiens, et nous examinerons certains résultats fournis par la génomique récente qui montre dans les détails moléculaires comment la sélection artificielle a façonnée le génome du chien au cours du temps.
Cette série d’articles de Denis Vennema, généticien, et collaborateur de la Fondation BioLogos (article original ici), est destinée à introduire les concepts de base de l’évolution aux non spécialistes. Dans cet article, nous explorons les principales idées de Darwin : la variation au sein d’une espèce est héréditaire, les variants ne se reproduisent pas avec la même fréquence, et c’est ce qui engendre des changements au sein des populations naturelles
L’évolution pour les nuls (3): une introduction à la variation, à la sélection naturelle et artificielle
Dans le dernier article de cette série, nous avons décrit comment les études de Darwin concernant la répartition géographique des espèces avaient joué un rôle important dans sa découverte du fait que les espèces ne sont pas fixes, mais qu’elles peuvent se transformer en d’autres espèces au cours du temps. Pourtant, Darwin n’avait aucun mécanisme à proposer permettant d’expliquer comment ces changements graduels pouvaient se produire. Puisque ses observations (a) montraient des variations, ou des différences, entre des espèces proches parentes, et (b) que cela suggérait que ces variations étaient apparues par des petites modifications graduelles de deux populations séparées, Darwin a justement pressenti que la compréhension de ces variations pourraient aider à expliquer la formation de nouvelles espèces. C’est ainsi que Darwin s’est intéressé de très près aux variations héréditaires chez les espèces domestiquées. Ses études l’ont conduit à apprécier l’importance de la sélection dans la formation de nouvelles races domestiques, et il a compris plus tard que la nature pouvait agir en tant que force sélective.
Ces deux concepts, des variations héréditaires et la sélection naturelle, sont encore aujourd’hui les idées au coeur de la biologie moderne de l’évolution. Etant donnée l’importance de ces concepts, nous allons les examiner de plus près avant de décrire comment Darwin est en venu à envisager leur rôle dans la formation de nouvelles espèces.
L’évolution en deux concepts simples: des variations héréditaires et la reproduction différentielle.
Dans n’importe quelle population d’organismes, domestiquée ou non, il existe des différences héréditaires. Aujourd’hui, nous savons que ces différences héréditaires proviennent de différences dans l’information génétique (i.e. des variation dans des séquences de l’ADN), mais ceci n’était pas connu à l’époque de Darwin. Sans connaître la biologie moléculaire, Darwin a réussi a apprécier le fait que les descendants ont en moyenne davantage tendance à ressembler à leurs parents qu’au reste de la population. De cette observation, il a déduit à juste titre que les variations étaient héréditaires: elles se transmettent des parents à leur descendance.
Comme nous le verrons plus bas, Darwin pouvait aussi remarquer que si la variation était soumise à la sélection, ces traits caractéristiques moyens pouvaient dériver avec le temps. La sélection est simplement l’observation que les différents variants d’une même population ne se reproduisent pas tous au même taux. Dans le cas de la sélection artificielle, un agent humain décide des variants qui vont se reproduire à un taux plus élevé que les autres en permettant un croisement sélectif. Si la sélection est poursuivie génération après génération, certains variants seront plus nombreux en proportion dans une population, et d’autres moins fréquents.
C’est en résumé le principe central de la théorie de l’évolution: les changements dans des variations héréditaires peuvent au cours du temps changer les caractéristiques d’une population, et ce succès reproductif différentiel (sélection) est un moteur essentiel permettant les changements d’une génération à une autre. Bien que notre compréhension de l’évolution ait beaucoup progressé depuis l’époque de Darwin, ces principes de base demeurent les fondements de la biologie de l’évolution. En dépit de leur simplicité, Darwin mit plusieurs années de travail avant de les assembler en un cadre cohérent.
Les études de Darwin sur les variation 1837 – 1838
Comme Darwin le relate dans son Autobiographie, après son retour en Angleterre de son voyage sur le Beagle, il a entrepris des études systématiques pour accumuler des informations sur les variations au sein des “races” de plantes et d’animaux domestiqués, ainsi que des variations dans les populations naturelles. (Soit dit en passant, dans les années 1800, le mot “race” était admis en temps que terme scientifique pour ce que nous appellerions aujourd’hui “croisement” ou “sous espèce”. Le mot “race” a pris plus tard la connotation qu’il a aujourd’hui – une expression réservée aux humains- mais ce n’était pas le cas à l’époque de Darwin, comme nous le montreront en citant des articles de cette époque. Les tentatives pour présenter les travaux de Darwin comme racistes sont infondés, mais elles persistent chez ceux qui ne connaissent pas les tournures anglaises de l’époque victorienne, étant donné que le titre complet de son livre est De l’origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle, et la préservation des races favorisées dans le combat pour la vie.) Etant donné que Darwin a beaucoup conversé avec ceux qui croisaient les plantes et les animaux (par exemple, il a passé beaucoup de temps avec les éleveurs de pigeons et il s’est documenté sur la façon dont ils créaient de nombreuses sous espèces exotiques), il a été impressionné par la puissance de la sélection artificielle à produire des changements au sein d’une sous-espèce au cours du temps. Impressionné par cette force, il lui restait encore à comprendre comment la nature pouvait agir en tant que puissance sélective:
A mon retour en Angleterre, il m’est apparu qu’en suivant l’exemple de Lyell en géologie, et en collectant tous les faits qui se rapportaient de près ou de loin à la variation des animaux et des plantes domestiqués ou pas, certaines lumières pourraient peut-être être projetées sur le sujet dans son ensemble. J’ai ouvert mon premier carnet de notes en juillet 1837. J’ai travaillé sur la base de principes baconiens, et sans aucun cadre théorique, j’ai rassemblé les faits à grande échelle, plus spécialement ceux qui concernent les productions domestiquées, sous la forme de documents imprimés, de conversations avec des éleveurs et des jardiniers. Quand je vois la liste de tous les livres de toutes sortes que j’ai lus et médités, y compris des séries entières de journaux et de contrats, j’en suis moi-même étonné. J’ai rapidement compris que la sélection était la clé du succès humain à fabriquer des races d’animaux et de plantes. Mais la façon dont la sélection pouvait être appliquée à des organismes vivants dans la nature demeura un mystère pour moi pendant un moment.(Autobiography, pp. 119 -120)
Plus tard, cette idée centrale l’a frappé: la nature pourrait bien appliquer la sélection naturelle à peu près de la même façon que les éleveurs lorsqu’ils sélectionnent les individus qui vont se reproduire, l’habileté de différents variants à se reproduire dans un environnement naturel donné ferait que certains se reproduisent plus que d’autres. Comme leurs caractéristiques sont héréditaires, ceci entrainerait un changement au cours du temps dans une population expérimentant la “sélection naturelle”, un terme que Darwin a introduit par analogie à la sélection artificielle.
Darwin a réalisé que, dans la nature, les organismes engendrent plus de descendants que ceux capables de survivre, et ceci fut la dernière pièce du puzzle (une idée de Thomas Malthus). Il y avait donc compétition entre les membres d’une même espèce pour des ressources limitées. La compétition pouvait aussi avoir lieu entre les membres de différentes espèces. Ces sources de compétition créaient une “bataille pour l’existence” qui favorisait certains variants et leur reproduction:
En octobre 1838, c’est à dire quinze mois après avoir entamé mon enquête systématique, je me suis mis par distraction à lire Malthus à propos de la population , et comme j’étais bien préparé à apprécier le combat pour la vie qui est omniprésent dans les observations sur les habitudes des animaux et des plantes, j’ai tout à coup était frappé par le fait que dans de telles circonstances, les variations favorisées auraient tendance à survivre, alors que les autres seraient détruites. (Autobiography p. 120)
Plus tard, dans l’origine des espèces, il explicitera cette idée en grand détail. Dans le premier chapitre, Darwin donne de nombreux exemples de variations héréditaires chez les animaux domestiques. Il se tourne ensuite vers les variations héréditaires dans les populations naturelles dans le deuxième chapitre, citant encore de nombreux exemples, et comparant ses découvertes avec les variations dans les espèces domestiques. Dans le troisième chapitre, il décrit le “combat pour l’existence” dans la nature, puis associe ces trois idées ensemble: si les éleveurs humains sont capables d’utiliser la sélection pour “accumuler” les variations au cours du temps, alors, la sélection naturelle pourrait aussi le faire:
Dans ce combat pour la vie, n’importe quelle variation, aussi petite soit-elle et quelque soit sa cause, si celle ci est profitable à n’importe quel degré à un individu de n’importe quelle espèce, dans ses relations infiniment complexes avec les autres organismes et avec la nature, contribuera à la préservation de cet individu, et sera généralement héritée par ses descendants. Ce descendant aura à son tour une meilleure chance de survivre, parce que dans une population donnée, seul un petit nombre de nouveaux nés peuvent survivre. J’ai appelé ce principe, par lequel chaque petite variation, si elle est utile, est préservée, par l’expression Sélection Naturelle, pour souligner sa relation avec la puissance de la sélection exercée par l’homme. Nous avons vu que l’homme, par la sélection, peut produire de grands résultats, et peut adapter des organismes à son utilisation propre, par l’accumulation de petites variations, que la main de la Nature lui a donnée. Mais comme nous le verrons après, la Sélection Naturelle est une force incessante prête à l’action, et est infiniment supérieure aux faibles efforts humains, car le travail de la nature est celui d’un art.(Origin, p. 61)
La sélection artificielle, ici et maintenant
Ayant trouvé sa “théorie lui permettant de travailler », Darwin a passé des dizaines d’années à accumuler les preuves de ses idées avant de publier l’Origines des espèces en 1859. Rassembler les preuves montrant la sélection naturelle et artificielle a été le but majeur de tous ses efforts. Dans le prochain article de cette série, nous parlerons de certaines des observations de Darwin concernant la sélection artificielle et la domestication des chiens, et nous examinerons certains résultats fournis par la génomique récente qui montre dans les détails moléculaires comment la sélection artificielle a façonnée le génome du chien au cours du temps.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
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C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:24http://www.scienceetfoi.com/levolution- ... mestiques/
Introduction (Pascal Touzet)
La domestication est un processus qui conduit à la transformation par la sélection humaine d’espèces sauvages animales ou végétales en des espèces domestiquées ou cultivées. L’homme a tiré avantage de variations présentes dans la nature qu’il a choisies (consciemment ou inconsciemment) pour « créer » des animaux plus dociles par exemple, ou des plantes plus faciles à récolter. Le billet de Dennis Vennema nous parle de l’animal domestiqué le plus ancien: le chien. Il montre comment Darwin a utilisé l’exemple de la domestication du chien pour comprendre et expliquer l’action de la sélection naturelle. Les progrès de la génétique permettent aujourd’hui de retracer l’histoire de cette domestication à partir du loup gris et d’identifier les gènes impliqués dans ce processus.
Les chiens domestiques
Il devient (lentement) le meilleur ami de l’homme.
dog_breeds
Image du Webster’s New Illustrated Dictionary, publié en 1911.
Le chien domestique a cette particularité d’être le seul animal connu a avoir été domestiqué par les hommes avant l’agriculture. En tant que tel, le chien n’est pas seulement le meilleur ami de l’homme dans le royaume des animaux, mais aussi son plus ancien. Bien que l’origine précise des chiens fût un mystère à l’époque de Darwin, Darwin décida de les utiliser comme exemple d’une sélection artificielle familière à ses lecteurs, puisque la standardisation des races était familière à son auditoire :
Mais quand nous comparons le cheval de trait et le cheval de course, le dromadaire et le chameau, les différentes races de moutons adaptées à la terre cultivée ou à la pâture de montagne, la laine d’une race bonne pour un usage et celle d’une autre race bonne pour un autre usage ; quand nous comparons les nombreuses races de chiens, chacune bonne pour l’homme en des manières très différentes… Nous ne pouvons pas supposer que toutes les espèces ont soudainement été produites dans cet état parfait et utile que nous connaissons aujourd’hui ; en effet, dans plusieurs cas, nous savons que ce n’a pas été leur histoire. La clé est la puissance de l’homme de la sélection accumulative : la nature donne des variations successives : l’homme les ajoute dans une certaine direction qui lui est utile. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il fait des races qui lui sont utiles.
Remarquez que Darwin prend le soin de souligner que la variation en tant que telle est due à l’hérédité : si les humains peuvent « ajouter » des variations à travers le temps en sélectionnant les accouplements, ils ne peuvent pas produire la variation sur laquelle ils agissent. Cette idée était importante pour Darwin, puisqu’il soutiendrait plus tard que la sélection naturelle agit sur cette même variation héréditaire à travers le temps et de façon cumulative.
L’utilisation de Darwin des chiens était cependant gênée par son ignorance : il ne savait pas si tous les chiens descendaient d’une seule espèce ancestrale ou si différentes races avaient été domestiquées indépendamment d’autres espèces. Darwin (de façon erronée, comme nous le verrons bientôt), présumait la seconde hypothèse, peut-être en partie à cause de différences morphologiques drastiques entre les races de chien. Mais il envisage la possibilité d’une dérivation d’une espèce commune de races canines largement différentes, et écrit que si elle était démontrée, une telle découverte serait une preuve significative du fait que les espèces « alliées de près » dans la nature étaient en fait liées :
Quand nous essayons d’estimer la quantité de différences structurelles entre les races domestiques des mêmes espèces, nous doutons immédiatement de nos hypothèses, parce que nous ne savons pas si elles descendent d’une ou de plusieurs espèces parentes. Ce point, s’il pouvait être éclairé, serait intéressant : si, par exemple, on pouvait montrer que le lévrier, le chien de Saint-Hubert, le terrier, l’épagneul et le bulldog, qui propagent leur race si généreusement, étaient le point de départ de quelque espèce singulière – par exemple, des nombreux renards – qui habitent différents lieux dans le monde. Je ne crois pas, comme nous le verrons immédiatement, que tous nos chiens descendent de quelque espèce sauvage ; mais dans le cas d’autres races domestiques, certains indices fiables voire solides tendent à convaincre du contraire…
Tout le sujet doit je crois rester vague; cependant, je puis établir sans entrer dans les détails que d’après des considérations géographiques et autres, je crois qu’il est hautement probable que nos chiens domestiques descendent de plusieurs espèces sauvages.
Il se trouve que Darwin avait tort sur ce point – nous savons aujourd’hui que toutes les races de chien ne dérivent que d’une seule espèce sauvage, le loup gris (Canis lupis). Des études de séquences de génomes permettent d’identifier les chiens et les loups gris comme des parents très proches, ce qui est à peine surprenant, puisqu’ils sont encore pleinement capables de se reproduire entre eux. Mais les comparaisons de génome vont plus loin qu’établir les loups comme les parents sauvages les plus proches des chiens : elles commencent aussi à révéler comment la sélection humaine artificielle a amené les chiens à être.
Déterminer la base génétique pour étudier le processus de domestication devient de plus en plus possible maintenant que le génome de chien a été complètement séquencé (publié en 2005). Cette séquence complète permet des comparaisons détaillées entre les chiens et les loups gris, ainsi que des comparaisons entre les races de chiens. Les deux études apportent un éclairage sur la façon dont la sélection artificielle a formé les chiens tout au long de leur histoire partagée avec les humains. Des comparaisons avec les loups nous permettent de déterminer quelles étapes de sélection ont eu lieu lors du début du processus de domestication, tandis que des comparaisons entre les races nous permettent d’examiner les étapes de sélection qui ont donné à chaque race sa série unique de caractéristiques.
Du loup au chien : les premières étapes du processus de domestication.
Bien que les génomes de loup et de chien soient particulièrement similaires l’un à l’autre, il existe des différences subtiles entre eux. Des travaux de recherche récents ont cherché à identifier les régions du génome de chien qui étaient sélectionnées pendant le processus de domestication. Ces régions devaient montrer moins de variation que ce que l’on voyait dans le reste du génome de chien. Souvenez-vous de notre première discussion : la sélection réduit la variation dans une population en choisissant certaines variantes et en favorisant leur reproduction plutôt que d’autres. En examinant le génome du chien, nous pouvons ainsi chercher des régions qui ont peu de variation (c’est-à-dire quand tous ou presque tous les chiens ont la même séquence dans la même région) par contraste avec d’autres régions où les chiens en tant que population ont plus de variation. Nous pouvons aussi comparer ensuite ces régions supposées sélectionnées avec le génome du loup, pour découvrir les régions qui ont une variation réduite entre les chiens et diffèrent de ce qu’on voit dans les loups (puisque nous sommes intéressés par des régions qui contribuent aux différences entre les loups et les chiens). Une fois trouvées les régions du génome du chien qui correspondent à ces critères, il est possible d’examiner les sortes de gènes trouvés en elles et de formuler des hypothèses quant à pourquoi la sélection sur ces gènes spécifiques peut contribuer aux différences morphologiques et comportementales que l’on observe.
Les résultats de cette analyse sont frappants dans la mesure où la principale catégorie de gènes trouvés dans ces « régions de domestication candidates » sont des gènes impliqués dans le développement et la fonction du système nerveux. Ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la priorité dans les premiers processus de domestication était la sélection pour des comportements, comme une agressivité réduite et l’acceptation de se soumettre à une structure sociale dominée par les humains.
Des petits changements génétiques s’ajoutent.
Aux premières étapes de la domestication des chiens (ainsi que, nous le verrons, à des étapes plus récentes de la création de races), des conclusions similaires peuvent être tirées : des petits changements au niveau du génome peuvent avoir de très grands effets sur la morphologie et le comportement de l’organisme dans son ensemble. Nous avons discuté ce point déjà dans le contexte de la comparaison entre les génomes humain et du chimpanzé, et avons tiré les mêmes conclusions – de petites perturbations dans un système complexe peuvent avoir pour effet un changement substantiel sur une échelle temporelle assez courte. (Par court, j’entends d’un point de vue géologique.) Les chiens et les loups sont dans le processus de séparation depuis environ 100 000 ans, ce qui signifie que le processus de domestication du chien et la création qui a suivi des races de chien a eu lieu en un clin d’œil d’un point de vue géologique. Si des paléontologues futurs trouvaient un teckel dans les données fossiles, il semblerait être apparu de nulle part et n’avoir qu’un rapport distant aux loups, malgré notre connaissance du fait que les chiens et les loups appartiennent à la même espèce (avec toute l’imprécision inhérente à ce terme).
La sélection, artificielle ou naturelle, est sélection.
Le pouvoir de la sélection artificielle fut un argument utile pour Darwin dans les années 1850, puisqu’il démontrait la flexibilité remarquable qu’une espèce pouvait avoir dans des environnements sélectifs différents, et révélait la variation inhérente à l’intérieur de populations sur lesquelles on pouvait agir pour conduire à un changement significatif au cours du temps. Au début du XXIe siècle, nous commençons à voir les soubassements génétiques de la sélection artificielle à l’échelle du génome, et les résultats sont absolument conformes aux idées de Darwin : les populations contiennent des diversités significatives et la sélection artificielle peut agir sur cette diversité au cours du temps pour promouvoir la reproduction de certaines variantes plutôt que d’autres, et ainsi déplacer la norme des caractéristiques d’une population. Et tout comme Darwin dessinait des parallèles entre la sélection naturelle et artificielle, de même nous le pouvons : les preuves que nous avons suggèrent que la sélection naturelle agit essentiellement de la même façon que la sélection artificielle – en favorisant la reproduction de certaines variantes plutôt que d’autres.
Dans le prochain article de cette série, nous examinerons la façon dont la sélection artificielle a formé la création de races de chien spécifiques, et examinerons la façon dont la sélection naturelle a aussi formé le génome du chien pendant le processus de domestication.
Pour en savoir plus :
Lindblad-Toh, K., et al. (2005). Genome sequence, comparative analysis and haplotype structure of the domestic dog. Nature 438; 803 – 818 (link).
Axelsson, E., et al. (2013). The genomic signature of dog domestication reveals adaptation to a starch-rich diet.Nature 495; 360 – 364 (link).
Introduction (Pascal Touzet)
La domestication est un processus qui conduit à la transformation par la sélection humaine d’espèces sauvages animales ou végétales en des espèces domestiquées ou cultivées. L’homme a tiré avantage de variations présentes dans la nature qu’il a choisies (consciemment ou inconsciemment) pour « créer » des animaux plus dociles par exemple, ou des plantes plus faciles à récolter. Le billet de Dennis Vennema nous parle de l’animal domestiqué le plus ancien: le chien. Il montre comment Darwin a utilisé l’exemple de la domestication du chien pour comprendre et expliquer l’action de la sélection naturelle. Les progrès de la génétique permettent aujourd’hui de retracer l’histoire de cette domestication à partir du loup gris et d’identifier les gènes impliqués dans ce processus.
Les chiens domestiques
Il devient (lentement) le meilleur ami de l’homme.
dog_breeds
Image du Webster’s New Illustrated Dictionary, publié en 1911.
Le chien domestique a cette particularité d’être le seul animal connu a avoir été domestiqué par les hommes avant l’agriculture. En tant que tel, le chien n’est pas seulement le meilleur ami de l’homme dans le royaume des animaux, mais aussi son plus ancien. Bien que l’origine précise des chiens fût un mystère à l’époque de Darwin, Darwin décida de les utiliser comme exemple d’une sélection artificielle familière à ses lecteurs, puisque la standardisation des races était familière à son auditoire :
Mais quand nous comparons le cheval de trait et le cheval de course, le dromadaire et le chameau, les différentes races de moutons adaptées à la terre cultivée ou à la pâture de montagne, la laine d’une race bonne pour un usage et celle d’une autre race bonne pour un autre usage ; quand nous comparons les nombreuses races de chiens, chacune bonne pour l’homme en des manières très différentes… Nous ne pouvons pas supposer que toutes les espèces ont soudainement été produites dans cet état parfait et utile que nous connaissons aujourd’hui ; en effet, dans plusieurs cas, nous savons que ce n’a pas été leur histoire. La clé est la puissance de l’homme de la sélection accumulative : la nature donne des variations successives : l’homme les ajoute dans une certaine direction qui lui est utile. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il fait des races qui lui sont utiles.
Remarquez que Darwin prend le soin de souligner que la variation en tant que telle est due à l’hérédité : si les humains peuvent « ajouter » des variations à travers le temps en sélectionnant les accouplements, ils ne peuvent pas produire la variation sur laquelle ils agissent. Cette idée était importante pour Darwin, puisqu’il soutiendrait plus tard que la sélection naturelle agit sur cette même variation héréditaire à travers le temps et de façon cumulative.
L’utilisation de Darwin des chiens était cependant gênée par son ignorance : il ne savait pas si tous les chiens descendaient d’une seule espèce ancestrale ou si différentes races avaient été domestiquées indépendamment d’autres espèces. Darwin (de façon erronée, comme nous le verrons bientôt), présumait la seconde hypothèse, peut-être en partie à cause de différences morphologiques drastiques entre les races de chien. Mais il envisage la possibilité d’une dérivation d’une espèce commune de races canines largement différentes, et écrit que si elle était démontrée, une telle découverte serait une preuve significative du fait que les espèces « alliées de près » dans la nature étaient en fait liées :
Quand nous essayons d’estimer la quantité de différences structurelles entre les races domestiques des mêmes espèces, nous doutons immédiatement de nos hypothèses, parce que nous ne savons pas si elles descendent d’une ou de plusieurs espèces parentes. Ce point, s’il pouvait être éclairé, serait intéressant : si, par exemple, on pouvait montrer que le lévrier, le chien de Saint-Hubert, le terrier, l’épagneul et le bulldog, qui propagent leur race si généreusement, étaient le point de départ de quelque espèce singulière – par exemple, des nombreux renards – qui habitent différents lieux dans le monde. Je ne crois pas, comme nous le verrons immédiatement, que tous nos chiens descendent de quelque espèce sauvage ; mais dans le cas d’autres races domestiques, certains indices fiables voire solides tendent à convaincre du contraire…
Tout le sujet doit je crois rester vague; cependant, je puis établir sans entrer dans les détails que d’après des considérations géographiques et autres, je crois qu’il est hautement probable que nos chiens domestiques descendent de plusieurs espèces sauvages.
Il se trouve que Darwin avait tort sur ce point – nous savons aujourd’hui que toutes les races de chien ne dérivent que d’une seule espèce sauvage, le loup gris (Canis lupis). Des études de séquences de génomes permettent d’identifier les chiens et les loups gris comme des parents très proches, ce qui est à peine surprenant, puisqu’ils sont encore pleinement capables de se reproduire entre eux. Mais les comparaisons de génome vont plus loin qu’établir les loups comme les parents sauvages les plus proches des chiens : elles commencent aussi à révéler comment la sélection humaine artificielle a amené les chiens à être.
Déterminer la base génétique pour étudier le processus de domestication devient de plus en plus possible maintenant que le génome de chien a été complètement séquencé (publié en 2005). Cette séquence complète permet des comparaisons détaillées entre les chiens et les loups gris, ainsi que des comparaisons entre les races de chiens. Les deux études apportent un éclairage sur la façon dont la sélection artificielle a formé les chiens tout au long de leur histoire partagée avec les humains. Des comparaisons avec les loups nous permettent de déterminer quelles étapes de sélection ont eu lieu lors du début du processus de domestication, tandis que des comparaisons entre les races nous permettent d’examiner les étapes de sélection qui ont donné à chaque race sa série unique de caractéristiques.
Du loup au chien : les premières étapes du processus de domestication.
Bien que les génomes de loup et de chien soient particulièrement similaires l’un à l’autre, il existe des différences subtiles entre eux. Des travaux de recherche récents ont cherché à identifier les régions du génome de chien qui étaient sélectionnées pendant le processus de domestication. Ces régions devaient montrer moins de variation que ce que l’on voyait dans le reste du génome de chien. Souvenez-vous de notre première discussion : la sélection réduit la variation dans une population en choisissant certaines variantes et en favorisant leur reproduction plutôt que d’autres. En examinant le génome du chien, nous pouvons ainsi chercher des régions qui ont peu de variation (c’est-à-dire quand tous ou presque tous les chiens ont la même séquence dans la même région) par contraste avec d’autres régions où les chiens en tant que population ont plus de variation. Nous pouvons aussi comparer ensuite ces régions supposées sélectionnées avec le génome du loup, pour découvrir les régions qui ont une variation réduite entre les chiens et diffèrent de ce qu’on voit dans les loups (puisque nous sommes intéressés par des régions qui contribuent aux différences entre les loups et les chiens). Une fois trouvées les régions du génome du chien qui correspondent à ces critères, il est possible d’examiner les sortes de gènes trouvés en elles et de formuler des hypothèses quant à pourquoi la sélection sur ces gènes spécifiques peut contribuer aux différences morphologiques et comportementales que l’on observe.
Les résultats de cette analyse sont frappants dans la mesure où la principale catégorie de gènes trouvés dans ces « régions de domestication candidates » sont des gènes impliqués dans le développement et la fonction du système nerveux. Ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la priorité dans les premiers processus de domestication était la sélection pour des comportements, comme une agressivité réduite et l’acceptation de se soumettre à une structure sociale dominée par les humains.
Des petits changements génétiques s’ajoutent.
Aux premières étapes de la domestication des chiens (ainsi que, nous le verrons, à des étapes plus récentes de la création de races), des conclusions similaires peuvent être tirées : des petits changements au niveau du génome peuvent avoir de très grands effets sur la morphologie et le comportement de l’organisme dans son ensemble. Nous avons discuté ce point déjà dans le contexte de la comparaison entre les génomes humain et du chimpanzé, et avons tiré les mêmes conclusions – de petites perturbations dans un système complexe peuvent avoir pour effet un changement substantiel sur une échelle temporelle assez courte. (Par court, j’entends d’un point de vue géologique.) Les chiens et les loups sont dans le processus de séparation depuis environ 100 000 ans, ce qui signifie que le processus de domestication du chien et la création qui a suivi des races de chien a eu lieu en un clin d’œil d’un point de vue géologique. Si des paléontologues futurs trouvaient un teckel dans les données fossiles, il semblerait être apparu de nulle part et n’avoir qu’un rapport distant aux loups, malgré notre connaissance du fait que les chiens et les loups appartiennent à la même espèce (avec toute l’imprécision inhérente à ce terme).
La sélection, artificielle ou naturelle, est sélection.
Le pouvoir de la sélection artificielle fut un argument utile pour Darwin dans les années 1850, puisqu’il démontrait la flexibilité remarquable qu’une espèce pouvait avoir dans des environnements sélectifs différents, et révélait la variation inhérente à l’intérieur de populations sur lesquelles on pouvait agir pour conduire à un changement significatif au cours du temps. Au début du XXIe siècle, nous commençons à voir les soubassements génétiques de la sélection artificielle à l’échelle du génome, et les résultats sont absolument conformes aux idées de Darwin : les populations contiennent des diversités significatives et la sélection artificielle peut agir sur cette diversité au cours du temps pour promouvoir la reproduction de certaines variantes plutôt que d’autres, et ainsi déplacer la norme des caractéristiques d’une population. Et tout comme Darwin dessinait des parallèles entre la sélection naturelle et artificielle, de même nous le pouvons : les preuves que nous avons suggèrent que la sélection naturelle agit essentiellement de la même façon que la sélection artificielle – en favorisant la reproduction de certaines variantes plutôt que d’autres.
Dans le prochain article de cette série, nous examinerons la façon dont la sélection artificielle a formé la création de races de chien spécifiques, et examinerons la façon dont la sélection naturelle a aussi formé le génome du chien pendant le processus de domestication.
Pour en savoir plus :
Lindblad-Toh, K., et al. (2005). Genome sequence, comparative analysis and haplotype structure of the domestic dog. Nature 438; 803 – 818 (link).
Axelsson, E., et al. (2013). The genomic signature of dog domestication reveals adaptation to a starch-rich diet.Nature 495; 360 – 364 (link).
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:25http://www.scienceetfoi.com/selection-n ... ge-humain/
La sélection naturelle et le lignage humain.
Dans l’article précédent, nous avons décrit quelques premières étapes du chemin vers le gène d’amylase humain d’aujourd’hui, et le rôle qu’a joué la sélection naturelle dans le processus. Maintenant que nous avons posé le cadre, nous pouvons continuer l’histoire (article original ici) ; et nous le verrons, le chemin qui mène jusqu’à aujourd’hui est long et sinueux.
Rappelons les premières étapes de l’évolution dans ce processus :
(a)le gène d’amylase pancréatique humain a été dupliqué et
(b)l’activité d’une des copies a ensuite été changée, de sorte qu’il n’était plus produit dans le pancréas, mais dans la salive.
Nous avons de plus noté que cette nouvelle variante (que nous pouvons abréger par « 1 pancréas/1 salivaire ») a été soumise à la sélection et a remplacé la variante de laquelle elle provient, « 2 pancréas/0 salivaire ». A ce point nos ancêtres auraient sécrété l’amylase dans l’intestin grêle par le pancréas, et auraient acquis une nouvelle fonction, la sécrétion d’amylase de la glande parotide dans la salive. Cette amylase salivaire aurait offert un avantage dans un environnement avec un accès à de la nourriture amidonnée, puisque l’amylase peut casser plus d’amidon en glucose avec des enzymes fabriqués dans les 2 lieux qu’avec 2 copies faites dans le pancréas.
Mais ce n’est pas la fin de l’histoire : le cadre était posé pour permettre d’autres étapes de mutation qui seraient aussi sélectionnées.
Les événements qui suivent sont de l’ordre d’une duplication plus directe, similaires aux événements de duplication que nous avons vu précédemment. Cette fois, cependant, la duplication copie les gênes d’amylase plus récents. Cette duplication résulte en une nouvelle variante (1 pancréas/ 2 salivaires) qui est sélectionnée aussi, puisqu’elle présente un avantage sur la variante (1 pancréas/ 1 salivaire) de laquelle elle provient. Plus tard, une autre duplication couvre les deux copies salivaires pour donner une combinaison de copies 1 pancréas/4 salivaires. A ce moment là, nous trouvons cinq copies de gênes distinctes, toutes côte à côte dans le génome, et cette variante remplace aussi la version précédente à cause de la sélection.
La prochaine étape, cependant, opère un retournement. Rappelons qu’à l’origine, c’est l’insertion d’une séquence ADN rétrovirale qui a converti le second gêne d’amylase de l’enzyme du pancréas en une enzyme salivaire . Cette séquence du rétrovirus est copiée avec le reste du gêne lorsqu’il est dupliqué et pour le moment, elle est encore présente dans chaque copie du gêne salivaire. Plus tard, le rétrovirus s’extrait de l’une des quatre copies (en ne laissant qu’une petite « empreinte » derrière lui), et fait revenir la production au pancréas. Cela a pour résultat une nouvelle variante (2 pancréas/3 salivaires). Cette nouvelle variante est aussi soumise à la sélection et remplace la variante (1 pancréas/4 salivaires) dont elle provient, puisque l’enzyme du pancréas doublée offre un avantage à ce moment, même au prix d’un gêne salivaire. La copie salivaire, convertie à nouveau en gêne pancréatique, garde la « cicatrice » d’avoir été un jour un gêne salivaire – avec une histoire « d’aller-retour » à raconter.
Si tout cela vous semble un peu alambiqué, je ne peux pas vous le reprocher ; c’est alambiqué. Mais c’est là l’idée ; voici l’histoire alambiquée qui est écrite dans cette région de nos génomes. Elle démontre que nous avons été modelés par la mutation et la sélection naturelle. Ce sont les mêmes types d’événements mutationnels et de sélection que les scientifiques ont observé en temps réel dans des organismes expérimentaux, et ils démontrent que la mutation par le hasard (encore une fois, hasard au sens biologique du terme, comme nous l’avons dit précédemment) est très capable de produire de nouveaux gênes qui possèdent de nouvelles propriétés, et que la sélection naturelle est capable de déplacer une population vers de nouvelles variantes avantageuses qui surviennent.
Et ça continue, jusqu’à aujourd’hui.
Vous pensez peut-être que l’histoire est terminée, que tous les humains possèdent maintenant la version « 2 pancréas/ 3 salivaires » du groupe de gênes d’amylase. En fait, et c’est ce qui est intéressant, ce n’est pas le cas. Certains êtres humains possèdent encore plus de copies des gênes d’amylase salivaires – on a identifié des individus qui possèdent jusqu’à 10 copies salivaires qui se tiennent côté à côté. A l’autre extrémité de l’échelle, certains humains ont moins de la version « normale » possédant 3 copies, ils n’en possèdent peut-être que deux voire une seule. Ces variantes sont survenues comme des suppressions de la version « normale » 2 pancréas/ 3 salivaires. En d’autres termes, les gênes d’amylase salivaires chez les humains sont très variables ; en tant que population, nous ne sommes pas uniformes. Certains d’entre nous ont plus d’amylase dans notre salive que d’autres.
La variation, bien sûr, n’est qu’une partie de la recette pour le changement évolutif. Afin de déplacer la moyenne des caractéristiques d’une population à travers le temps, la sélection naturelle a besoin d’agir sur cette variation. Pour tester l’hypothèse selon laquelle la sélection naturelle agit sur la variation du nombre de copies de l’amylase salivaire, des chercheurs ont étudié des populations humaines ayant un régime riche en amidon pour déterminer si elles avaient une moyenne différente du nombre de copies que les populations humaines ayant un régime pauvre en amidon.
Les résultats sont saisissants et soutiennent l’hypothèse selon laquelle la sélection naturelle agit sur la variation du nombre de copies chez les humains modernes. Chez des populations qui, historiquement, ont un régime riche en amidon, la moyenne du nombre de copies d’amylase salivaire est significativement plus élevée que pour des populations qui, historiquement, ont un régime pauvre en amidon. Une analyse moléculaire détaillée de la région du génome qui contient le groupe de gênes d’amylase dans des populations ayant un régime riche en amidon a aussi montré des signes de sélection, en ce qu’elles avaient grandement réduit la variabilité (ce qu’on attendrait de la sélection si elle agissait). Cette variabilité réduite n’a pas été vue chez ces mêmes populations pour d’autres régions de génomes contenant des nombres de copies variables. Pris ensemble, ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la sélection naturelle agit sur la région du groupe de gênes d’amylase dans les populations humaines. Ainsi, il semble que cette histoire se développe encore, et que nous pouvons avoir un aperçu de ce processus actuellement, dans notre histoire.
Le cercle complété : de l’homme au chien.
Il reste encore deux leçons que nous pouvons tirer de cet exemple, et qui nous demandent de réfléchir au processus similaire qui a eu lieu lors de la domestication du chien. Chez les chiens, il existe de nombreuses copies des gênes d’amylase pancréatique, et le nombre de copies qu’ont les chiens varie encore actuellement. Ces événements de duplication dans la lignage du chien doivent leur avantage sélectif aux événements de duplication d’amylase antérieurs dans le lignage humain. Ces duplications humaines ont participé à l’amélioration de notre succès reproductif alors que nous nous déplacions vers un régime plus amidonné. Alors que les humains opéraient ce déplacement, les populations de chien associées avec les humains ont expérimenté un déplacement similaire dans l’environnement ; eux aussi avaient accès à de plus grandes quantités d’amidon.
Cet environnement altéré a donné un avantage sélectif à des variantes dans les populations canines qui, de même que leurs compagnons humains, pouvaient bénéficier d’une consommation augmentée en amidon. Le déplacement de la première espèce (les humains) a un lien direct avec le déplacement d’une seconde espèce (le chien). C’est un exemple de ce qu’on appelle co-évolution ; elle a lieu quand, de deux espèces au contact proche, l’une agit sur les caractéristiques de l’environnement de l’autre espèce, et les changements sélectifs d’une espèce déplacent ce qui est avantageux pour une autre espèce. Cette histoire de l’amylase de l’humain et du chien est aussi un exemple de l’évolution qui se « répète » dans deux lignages importants ; en l’occurrence, des événements de duplication de gênes similaires qui ont augmenté la quantité d’amylases pancréatiques de façon indépendante chez les chiens et chez les humains. Le terme technique qui désigne cette réalité est l’évolution convergente ; des chemins évolutifs qui arrivent indépendamment à la même « solution » dans deux lignages.
Si nous regarderons plus en détail la co-évolution et l’évolution convergente dans de prochains billets, il vaut la peine de noter ces caractéristiques dès à présent, pendant que l’exemple est encore frais. Le message à retenir ici est simple : l’évolution n’est pas seulement un processus basé sur la chance, mais aussi un processus qui se répète, au moins jusqu’à un certain degré. Cette possibilité de se répéter est en partie fondée sur des organismes qui rencontrent des environnements similaires, et sur ces environnements qui sélectionnent des résultats similaires dans les deux espèces. Dans le cas d’espèces au contact proche, un déplacement d’une espèce peut ouvrir une nouvelle opportunité pour la seconde espèce.
Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons plus en détail la façon dont la variation génétique survient dans les populations, et la façon dont la sélection peut ou ne peut pas agir dessus.
Article original disponible ici
Pour en savoir plus
Samuelson, L.C. et al., (1996). Amylase gene structures in primates: retroposon insertions and promoter evolution. Molecular Biology and Evolution 13; 767-779. (source)
Meisler, M.H. and Ting, C.N. (1993). The remarkable evolutionary history of the human amylase genes. Crit Rev Oral Biol Med 4; 503-509. (source)
Perry, G.H. et al., (2007). Diet and the evolution of human amylase gene copy number variation. Nature Genetics 39; 1256 – 1260. (source)
La sélection naturelle et le lignage humain.
Dans l’article précédent, nous avons décrit quelques premières étapes du chemin vers le gène d’amylase humain d’aujourd’hui, et le rôle qu’a joué la sélection naturelle dans le processus. Maintenant que nous avons posé le cadre, nous pouvons continuer l’histoire (article original ici) ; et nous le verrons, le chemin qui mène jusqu’à aujourd’hui est long et sinueux.
Rappelons les premières étapes de l’évolution dans ce processus :
(a)le gène d’amylase pancréatique humain a été dupliqué et
(b)l’activité d’une des copies a ensuite été changée, de sorte qu’il n’était plus produit dans le pancréas, mais dans la salive.
Nous avons de plus noté que cette nouvelle variante (que nous pouvons abréger par « 1 pancréas/1 salivaire ») a été soumise à la sélection et a remplacé la variante de laquelle elle provient, « 2 pancréas/0 salivaire ». A ce point nos ancêtres auraient sécrété l’amylase dans l’intestin grêle par le pancréas, et auraient acquis une nouvelle fonction, la sécrétion d’amylase de la glande parotide dans la salive. Cette amylase salivaire aurait offert un avantage dans un environnement avec un accès à de la nourriture amidonnée, puisque l’amylase peut casser plus d’amidon en glucose avec des enzymes fabriqués dans les 2 lieux qu’avec 2 copies faites dans le pancréas.
Mais ce n’est pas la fin de l’histoire : le cadre était posé pour permettre d’autres étapes de mutation qui seraient aussi sélectionnées.
Les événements qui suivent sont de l’ordre d’une duplication plus directe, similaires aux événements de duplication que nous avons vu précédemment. Cette fois, cependant, la duplication copie les gênes d’amylase plus récents. Cette duplication résulte en une nouvelle variante (1 pancréas/ 2 salivaires) qui est sélectionnée aussi, puisqu’elle présente un avantage sur la variante (1 pancréas/ 1 salivaire) de laquelle elle provient. Plus tard, une autre duplication couvre les deux copies salivaires pour donner une combinaison de copies 1 pancréas/4 salivaires. A ce moment là, nous trouvons cinq copies de gênes distinctes, toutes côte à côte dans le génome, et cette variante remplace aussi la version précédente à cause de la sélection.
La prochaine étape, cependant, opère un retournement. Rappelons qu’à l’origine, c’est l’insertion d’une séquence ADN rétrovirale qui a converti le second gêne d’amylase de l’enzyme du pancréas en une enzyme salivaire . Cette séquence du rétrovirus est copiée avec le reste du gêne lorsqu’il est dupliqué et pour le moment, elle est encore présente dans chaque copie du gêne salivaire. Plus tard, le rétrovirus s’extrait de l’une des quatre copies (en ne laissant qu’une petite « empreinte » derrière lui), et fait revenir la production au pancréas. Cela a pour résultat une nouvelle variante (2 pancréas/3 salivaires). Cette nouvelle variante est aussi soumise à la sélection et remplace la variante (1 pancréas/4 salivaires) dont elle provient, puisque l’enzyme du pancréas doublée offre un avantage à ce moment, même au prix d’un gêne salivaire. La copie salivaire, convertie à nouveau en gêne pancréatique, garde la « cicatrice » d’avoir été un jour un gêne salivaire – avec une histoire « d’aller-retour » à raconter.
Si tout cela vous semble un peu alambiqué, je ne peux pas vous le reprocher ; c’est alambiqué. Mais c’est là l’idée ; voici l’histoire alambiquée qui est écrite dans cette région de nos génomes. Elle démontre que nous avons été modelés par la mutation et la sélection naturelle. Ce sont les mêmes types d’événements mutationnels et de sélection que les scientifiques ont observé en temps réel dans des organismes expérimentaux, et ils démontrent que la mutation par le hasard (encore une fois, hasard au sens biologique du terme, comme nous l’avons dit précédemment) est très capable de produire de nouveaux gênes qui possèdent de nouvelles propriétés, et que la sélection naturelle est capable de déplacer une population vers de nouvelles variantes avantageuses qui surviennent.
Et ça continue, jusqu’à aujourd’hui.
Vous pensez peut-être que l’histoire est terminée, que tous les humains possèdent maintenant la version « 2 pancréas/ 3 salivaires » du groupe de gênes d’amylase. En fait, et c’est ce qui est intéressant, ce n’est pas le cas. Certains êtres humains possèdent encore plus de copies des gênes d’amylase salivaires – on a identifié des individus qui possèdent jusqu’à 10 copies salivaires qui se tiennent côté à côté. A l’autre extrémité de l’échelle, certains humains ont moins de la version « normale » possédant 3 copies, ils n’en possèdent peut-être que deux voire une seule. Ces variantes sont survenues comme des suppressions de la version « normale » 2 pancréas/ 3 salivaires. En d’autres termes, les gênes d’amylase salivaires chez les humains sont très variables ; en tant que population, nous ne sommes pas uniformes. Certains d’entre nous ont plus d’amylase dans notre salive que d’autres.
La variation, bien sûr, n’est qu’une partie de la recette pour le changement évolutif. Afin de déplacer la moyenne des caractéristiques d’une population à travers le temps, la sélection naturelle a besoin d’agir sur cette variation. Pour tester l’hypothèse selon laquelle la sélection naturelle agit sur la variation du nombre de copies de l’amylase salivaire, des chercheurs ont étudié des populations humaines ayant un régime riche en amidon pour déterminer si elles avaient une moyenne différente du nombre de copies que les populations humaines ayant un régime pauvre en amidon.
Les résultats sont saisissants et soutiennent l’hypothèse selon laquelle la sélection naturelle agit sur la variation du nombre de copies chez les humains modernes. Chez des populations qui, historiquement, ont un régime riche en amidon, la moyenne du nombre de copies d’amylase salivaire est significativement plus élevée que pour des populations qui, historiquement, ont un régime pauvre en amidon. Une analyse moléculaire détaillée de la région du génome qui contient le groupe de gênes d’amylase dans des populations ayant un régime riche en amidon a aussi montré des signes de sélection, en ce qu’elles avaient grandement réduit la variabilité (ce qu’on attendrait de la sélection si elle agissait). Cette variabilité réduite n’a pas été vue chez ces mêmes populations pour d’autres régions de génomes contenant des nombres de copies variables. Pris ensemble, ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la sélection naturelle agit sur la région du groupe de gênes d’amylase dans les populations humaines. Ainsi, il semble que cette histoire se développe encore, et que nous pouvons avoir un aperçu de ce processus actuellement, dans notre histoire.
Le cercle complété : de l’homme au chien.
Il reste encore deux leçons que nous pouvons tirer de cet exemple, et qui nous demandent de réfléchir au processus similaire qui a eu lieu lors de la domestication du chien. Chez les chiens, il existe de nombreuses copies des gênes d’amylase pancréatique, et le nombre de copies qu’ont les chiens varie encore actuellement. Ces événements de duplication dans la lignage du chien doivent leur avantage sélectif aux événements de duplication d’amylase antérieurs dans le lignage humain. Ces duplications humaines ont participé à l’amélioration de notre succès reproductif alors que nous nous déplacions vers un régime plus amidonné. Alors que les humains opéraient ce déplacement, les populations de chien associées avec les humains ont expérimenté un déplacement similaire dans l’environnement ; eux aussi avaient accès à de plus grandes quantités d’amidon.
Cet environnement altéré a donné un avantage sélectif à des variantes dans les populations canines qui, de même que leurs compagnons humains, pouvaient bénéficier d’une consommation augmentée en amidon. Le déplacement de la première espèce (les humains) a un lien direct avec le déplacement d’une seconde espèce (le chien). C’est un exemple de ce qu’on appelle co-évolution ; elle a lieu quand, de deux espèces au contact proche, l’une agit sur les caractéristiques de l’environnement de l’autre espèce, et les changements sélectifs d’une espèce déplacent ce qui est avantageux pour une autre espèce. Cette histoire de l’amylase de l’humain et du chien est aussi un exemple de l’évolution qui se « répète » dans deux lignages importants ; en l’occurrence, des événements de duplication de gênes similaires qui ont augmenté la quantité d’amylases pancréatiques de façon indépendante chez les chiens et chez les humains. Le terme technique qui désigne cette réalité est l’évolution convergente ; des chemins évolutifs qui arrivent indépendamment à la même « solution » dans deux lignages.
Si nous regarderons plus en détail la co-évolution et l’évolution convergente dans de prochains billets, il vaut la peine de noter ces caractéristiques dès à présent, pendant que l’exemple est encore frais. Le message à retenir ici est simple : l’évolution n’est pas seulement un processus basé sur la chance, mais aussi un processus qui se répète, au moins jusqu’à un certain degré. Cette possibilité de se répéter est en partie fondée sur des organismes qui rencontrent des environnements similaires, et sur ces environnements qui sélectionnent des résultats similaires dans les deux espèces. Dans le cas d’espèces au contact proche, un déplacement d’une espèce peut ouvrir une nouvelle opportunité pour la seconde espèce.
Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons plus en détail la façon dont la variation génétique survient dans les populations, et la façon dont la sélection peut ou ne peut pas agir dessus.
Article original disponible ici
Pour en savoir plus
Samuelson, L.C. et al., (1996). Amylase gene structures in primates: retroposon insertions and promoter evolution. Molecular Biology and Evolution 13; 767-779. (source)
Meisler, M.H. and Ting, C.N. (1993). The remarkable evolutionary history of the human amylase genes. Crit Rev Oral Biol Med 4; 503-509. (source)
Perry, G.H. et al., (2007). Diet and the evolution of human amylase gene copy number variation. Nature Genetics 39; 1256 – 1260. (source)
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:25http://www.scienceetfoi.com/comment-ca- ... naturelle/
Introduction (Pascal Touzet)
Aujourd’hui, Dennis Venema (article original ici) utilise l’exemple du génome du chien et de l’Homme pour expliquer les mécanismes clés de l’évolution que sont la mutation, qui génère de la variation aléatoire (vis-à-vis d’une possible adaptation à l’environnement) et la sélection naturelle qui favorise certains variants au dépens d’autres. La domestication du chien, s’est accompagnée d’une adaptation à un régime alimentaire riche en amidon. Une variation aléatoire consistant en la duplication d’un gène codant pou une enzyme capable de casser l’amidon en molécule de glucose assimilable, a permis aux individus portant cette variation de produire plus de cette enzyme et donc de mieux assimilées cette source carbonée. Une histoire similaire s’est produire dans la lignée des primates avec dans un deuxième temps la captation d’un virus qui a amené à la spécialisation des deux copies dans le génome des humains. Une histoire bien belle et complexe que celle du vivant !
Bonne lecture !
Comment ça marche, la sélection naturelle ?
Lors des deux derniers billets de cette série, nous avons examiné la manière dont la sélection artificielle et naturelle avait modelé le génome du chien à travers le temps. L’un des exemples que nous avons discuté était la duplication du gène de l’amylase chez les chiens. Rappelons que l’amylase est une enzyme (protéine particulière) produite dans le pancréas qui permet de casser l’amidon. La duplication augmente la quantité d’amylase sécrétée dans le système digestif du chien et a donc permis aux chiens possédant la duplication de mieux exploiter le régime fort en amidon qu’ils recevaient des hommes. Puisqu’elle permettait un bénéfice nutritionnel aux chiens qui le portaient, ils se reproduisaient un peu plus que les chiens n’en possédant pas.
L’événement originel de la duplication aurait été une erreur lors de la reproduction des chromosomes chez un chien. A travers beaucoup de générations, la variante du « gène d’amylase dupliqué » serait devenue de plus en plus commune dans la population, puisque des chiens la possédant auraient laissé plus de chiots en moyenne que ceux ne la possédant pas. Plus tard, des duplications se seraient ajoutées à la duplication originale, donnant à certains chiens une quantité encore plus importante d’amylase. Finalement, la variante originale non dupliquée aurait disparu de la population du chien dans son ensemble, bien qu’elle eût persisté chez les loups. Notez bien qu’il y a une probabilité raisonnable qu’une duplication similaire ait eu lieu chez le loup à un certain moment, mais elle n’aurait pas été sélectionnée, puisque les loups n’auraient reçu aucun bénéfice d’une meilleure performance dans la digestion de l’amidon. Une telle duplication, si elle a eu lieu, aurait été perdue par la population du loup.
Pour résumer, le processus dans son ensemble a quelques étapes qui peuvent être généralisées :
La mutation par le hasard :
le terme de hasard peut être un mot lourd théologiquement, mais en vue de notre objectif, nous utiliserons une définition biologique : l’évènement de mutation (la duplication) était « hasardeux quant à la santé, la performance… » Cela signifie que l’événement de mutation n’était pas connecté avec ni ne prévoyait le bénéfice qu’il permettrait. C’était juste l’une des nombreuses mutations qui avaient lieu chez les chiens ancestraux. Nous le savons parce que la mutation a été transmise aux chiens d’aujourd’hui (étant donné son avantage sélectif). J’ai souvent rencontré l’idée fausse parmi les non-biologistes que les mutations étaient toujours nuisibles, ou alors retiraient toujours des fonctions et des informations. Comme cet exemple l’illustre, les mutations peuvent être avantageuses dans beaucoup de cas, ajouter des copies de gènes, de nouvelles fonctions et de l’information à l’organisme aussi. Dans un prochain billet de cette série, nous explorerons un large éventail de mutations différentes et examinerons comment elles peuvent ajouter ou retirer des fonctions – mais pour notre objectif présent, il est suffisant de dire que toutes les mutations ne sont pas nuisibles et que certaines sont clairement avantageuses.
La sélection naturelle :
Une fois que la nouvelle variante dupliquée est survenue, elle a permis un avantage reproductif par comparaison à la version non dupliquée. A chaque fois qu’une variante se reproduit plus rapidement qu’une autre, il s’agit de la sélection naturelle. La variante dupliquée est devenue de plus en plus commune dans la population (puisque les chiens la possédant se reproduisaient en moyenne plus souvent que ceux ne la possédant pas). Souvent, la sélection naturelle est vue comme un massacre soudain et dramatique des « non-adaptés » où ne survivraient que les nouveaux individus, « très évolués ». Ceci est une compréhension populaire mais elle est inexacte : la sélection naturelle peut être aussi simple qu’une petite augmentation du taux de reproduction à travers de nombreuses générations. Dans ce cas, les chiens sans les gènes d’amylase dupliqués continuaient à se reproduire, mais juste un peu moins souvent que les chiens possédant cette duplication.
Changement dans les caractéristiques moyennes de la population à travers le temps :
Au début du processus, seul un chien avait une capacité augmentée de produire de l’amylase. A la fin du processus, bien des générations plus tard, tous les chiens avaient cette capacité, parce qu’ils avaient tous hérité de cette version dupliquée (c’est-à-dire qu’elle avait remplacé la variante non-dupliquée dans la population). A travers le temps, la capacité moyenne de la population de digérer l’amidon a augmenté. Encore une fois, une fausse idée de l’évolution est de la considérer comme un processus dramatique et soudain, avec des progénitures qui diffèrent beaucoup de leurs parents. Ce n’est pas le cas : l’évolution est un processus graduel, avec des caractéristiques moyennes se déplaçant lentement à travers le temps à l’intérieur d’une population qui se développe.
En résumé, les mutations introduisent des variations ; toutes les variantes ne se reproduisent pas à la même fréquence dans un environnement donné (c’est-à-dire que l’environnement agit comme un filtre sélectif). A travers de nombreuses générations, ces effets peuvent déplacer les caractéristiques moyennes d’une population.
sélection naturelle
La sélection naturelle a-t-elle formé le génome humain ?
Parfois certains étudiants ayant appris ce qu’était la sélection naturelle dans d’autres organismes se braquent à l’idée que ce processus ait eu lieu dans nos propres origines. Malgré cette hésitation, il y a beaucoup de preuves qui permettent d’avancer que notre propre lignage a été sujet à la sélection naturelle à travers la longue histoire qui a conduit à notre espèce. Un exemple de cette preuve vient de l’histoire de nos propres gènes d’amylase. Cette histoire partage des similitudes avec ce que nous avons vu concernant le lignage des chiens, mais elle possède aussi des différences intéressantes.
Contrairement aux chiens, les humains ont deux types distincts de gènes d’amylase. Les deux types ont la même fonction enzymatique (casser l’amidon), mais ils sont produits dans différents lieux du corps. L’un des types est produit dans le pancréas, exactement comme l’enzyme équivalente des chiens. Mais contrairement aux chiens, les humains ont de l’amylase dans leur salive aussi. Cette amylase « salivaire » travaille assez rapidement pour que nous percevions les aliments amidonnés comme sucrés lorsque nous les mâchons –l’amylase travaille sur l’amidon, la casse en glucose assez rapidement pour que nous le goûtions. Des études ont aussi montré que l’amylase salivaire continue à briser l’amidon jusqu’à l’estomac et nos intestins – augmentant ainsi la quantité de glucose que nous pouvons extraire d’aliments riches en amidon.
Comme on s’y attend, les gènes d’amylase humains pancréatique et salivaire se situent côte à côte dans nos génomes, et montrent par des signes clairs qu’ils sont des duplications l’un de l’autre. Tous les mammifères ont des gènes d’amylase pancréatiques, et le premier événement de duplication a produit une seconde copie, exactement comme nous l’avons vu pour les chiens. Ce doublement de l’amylase pancréatique aurait probablement été un avantage et aurait été naturellement sélectionné comme ce qui a eu lieu pour les chiens. Le fait que les humains et d’autres grands singes partagent le même événement de duplication indique que cet événement a eu lieu chez l’ancêtre commun de ces espèces, il y a quelque chose comme 16-20 millions d’années.
Une fois que les deux gènes d’amylase pancréatiques ont été présents dans notre lignage ancestral, un deuxième événement a eu lieu qui a altéré l’une des copies : un rétrovirus endogène inséré dans le génome à côté de l’une des copies. (Un rétrovirus est un virus qui insère son propre génome dans le génome de son hôte et fait ainsi partie de son cycle d’infection. Un rétrovirus endogène (ou endovirus) s’insère dans le génome de cellules reproductrices, comme l’ovule ou le sperme – et une fois inséré, il peut persister à un endroit spécifique dans le génome hôte et être transmis ensuite de génération en génération.) Cet événement d’insertion du rétrovirus a altéré la séquence d’ADN qui contrôlait le moment et le lieu où l’amylase était faite – et au lieu d’être fabriquée dans le pancréas, la copie altérée a commencé à la fabriquer dans les glandes salivaires[ii]. A travers le temps, cette nouvelle combinaison (une copie pancréatique et une copie salivaire) est passée par la sélection naturelle et a remplacé la version précédente qui lui a donné naissance (deux copies pancréatiques).
Pour résumer.
L’histoire du gène d’amylase humain rassemblée jusqu’ici indique par des signes clairs des mutations répétées (comme des duplications) couplées avec la sélection naturelle pour produire les gènes que nous voyons chez les humains aujourd’hui. Bien entendu, si les humains avaient été directement créés sans un ancêtre commun, il n’y aurait aucun besoin de créer ces gènes directement puis de leur implanter des indices d’une histoire alambiquée – pourtant ce que nous voyons, encore et encore, est la preuve de la mutation et de la sélection naturelle. Il semble que Dieu se réjouît de créer cet aspect de notre biologie lentement, à travers ce que nous percevons comme un processus « naturel » — mais bien entendu, ce que nous percevons comme « naturel » n’est rien d’autre que le travail constant de la providence ordonnée et soutenue de Dieu, travail accessible à l’enquête scientifique. En devenant humains, déplaçant notre régime alimentaire par l’agriculture vers une alimentation amidonnée, ce mécanisme donné par Dieu nous a autorisés à profiter du changement de notre environnement.
Demain, nous continuerons cette histoire et l’utiliserons pour discuter des preuves d’une sélection naturelle toujours à l’œuvre dans les populations humaines.
Le format de cet article ne nous permet pas d’avoir une discussion détaillée des caractéristiques des nombreuses copies des gènes d’amylase qui révèlent l’histoire de leur duplication et/ou de leur mutation. Les lecteurs intéressés par les détails peuvent lire les articles publiés suivants :
Samuelson, L.C. et al., (1996). Amylase gene structures in primates: retroposon insertions and promoter evolution. Molecular Biology and Evolution 13; 767-779. (link)
Meisler, M.H. and Ting, C.N. (1993). The remarkable evolutionary history of the human amylase genes. Crit Rev Oral Biol Med 4; 503-509. (link)
[ii] Pour les lecteurs qui suivent la littérature du Dessein Intelligent (ID) de près, la production de la séquence promotrice salivaire est ce que Michael Behe, partisan de l’ID, décrit comme une mutation de « gain d’élément codé fonctionnel » (FCT). La séquence promotrice est partiellement dérivée de la séquence du rétrovirus et de celle de l’ADN qui se situe à côté du lieu de l’insertion du rétrovirus. En tant que tel, ni le virus ni l’ADN hôte ne contiennent ce FCT qui se produit dans la glande salivaire. Leurs séquences combinées créent le FCT et ce FCT est perdu quand le virus se retire d’une des copies, la faisant revenir à une production pancréatique. Les lecteurs peuvent se rappeler que j’ai critiqué les arguments de Behe basés sur les FCT dans un article précédent.
Introduction (Pascal Touzet)
Aujourd’hui, Dennis Venema (article original ici) utilise l’exemple du génome du chien et de l’Homme pour expliquer les mécanismes clés de l’évolution que sont la mutation, qui génère de la variation aléatoire (vis-à-vis d’une possible adaptation à l’environnement) et la sélection naturelle qui favorise certains variants au dépens d’autres. La domestication du chien, s’est accompagnée d’une adaptation à un régime alimentaire riche en amidon. Une variation aléatoire consistant en la duplication d’un gène codant pou une enzyme capable de casser l’amidon en molécule de glucose assimilable, a permis aux individus portant cette variation de produire plus de cette enzyme et donc de mieux assimilées cette source carbonée. Une histoire similaire s’est produire dans la lignée des primates avec dans un deuxième temps la captation d’un virus qui a amené à la spécialisation des deux copies dans le génome des humains. Une histoire bien belle et complexe que celle du vivant !
Bonne lecture !
Comment ça marche, la sélection naturelle ?
Lors des deux derniers billets de cette série, nous avons examiné la manière dont la sélection artificielle et naturelle avait modelé le génome du chien à travers le temps. L’un des exemples que nous avons discuté était la duplication du gène de l’amylase chez les chiens. Rappelons que l’amylase est une enzyme (protéine particulière) produite dans le pancréas qui permet de casser l’amidon. La duplication augmente la quantité d’amylase sécrétée dans le système digestif du chien et a donc permis aux chiens possédant la duplication de mieux exploiter le régime fort en amidon qu’ils recevaient des hommes. Puisqu’elle permettait un bénéfice nutritionnel aux chiens qui le portaient, ils se reproduisaient un peu plus que les chiens n’en possédant pas.
L’événement originel de la duplication aurait été une erreur lors de la reproduction des chromosomes chez un chien. A travers beaucoup de générations, la variante du « gène d’amylase dupliqué » serait devenue de plus en plus commune dans la population, puisque des chiens la possédant auraient laissé plus de chiots en moyenne que ceux ne la possédant pas. Plus tard, des duplications se seraient ajoutées à la duplication originale, donnant à certains chiens une quantité encore plus importante d’amylase. Finalement, la variante originale non dupliquée aurait disparu de la population du chien dans son ensemble, bien qu’elle eût persisté chez les loups. Notez bien qu’il y a une probabilité raisonnable qu’une duplication similaire ait eu lieu chez le loup à un certain moment, mais elle n’aurait pas été sélectionnée, puisque les loups n’auraient reçu aucun bénéfice d’une meilleure performance dans la digestion de l’amidon. Une telle duplication, si elle a eu lieu, aurait été perdue par la population du loup.
Pour résumer, le processus dans son ensemble a quelques étapes qui peuvent être généralisées :
La mutation par le hasard :
le terme de hasard peut être un mot lourd théologiquement, mais en vue de notre objectif, nous utiliserons une définition biologique : l’évènement de mutation (la duplication) était « hasardeux quant à la santé, la performance… » Cela signifie que l’événement de mutation n’était pas connecté avec ni ne prévoyait le bénéfice qu’il permettrait. C’était juste l’une des nombreuses mutations qui avaient lieu chez les chiens ancestraux. Nous le savons parce que la mutation a été transmise aux chiens d’aujourd’hui (étant donné son avantage sélectif). J’ai souvent rencontré l’idée fausse parmi les non-biologistes que les mutations étaient toujours nuisibles, ou alors retiraient toujours des fonctions et des informations. Comme cet exemple l’illustre, les mutations peuvent être avantageuses dans beaucoup de cas, ajouter des copies de gènes, de nouvelles fonctions et de l’information à l’organisme aussi. Dans un prochain billet de cette série, nous explorerons un large éventail de mutations différentes et examinerons comment elles peuvent ajouter ou retirer des fonctions – mais pour notre objectif présent, il est suffisant de dire que toutes les mutations ne sont pas nuisibles et que certaines sont clairement avantageuses.
La sélection naturelle :
Une fois que la nouvelle variante dupliquée est survenue, elle a permis un avantage reproductif par comparaison à la version non dupliquée. A chaque fois qu’une variante se reproduit plus rapidement qu’une autre, il s’agit de la sélection naturelle. La variante dupliquée est devenue de plus en plus commune dans la population (puisque les chiens la possédant se reproduisaient en moyenne plus souvent que ceux ne la possédant pas). Souvent, la sélection naturelle est vue comme un massacre soudain et dramatique des « non-adaptés » où ne survivraient que les nouveaux individus, « très évolués ». Ceci est une compréhension populaire mais elle est inexacte : la sélection naturelle peut être aussi simple qu’une petite augmentation du taux de reproduction à travers de nombreuses générations. Dans ce cas, les chiens sans les gènes d’amylase dupliqués continuaient à se reproduire, mais juste un peu moins souvent que les chiens possédant cette duplication.
Changement dans les caractéristiques moyennes de la population à travers le temps :
Au début du processus, seul un chien avait une capacité augmentée de produire de l’amylase. A la fin du processus, bien des générations plus tard, tous les chiens avaient cette capacité, parce qu’ils avaient tous hérité de cette version dupliquée (c’est-à-dire qu’elle avait remplacé la variante non-dupliquée dans la population). A travers le temps, la capacité moyenne de la population de digérer l’amidon a augmenté. Encore une fois, une fausse idée de l’évolution est de la considérer comme un processus dramatique et soudain, avec des progénitures qui diffèrent beaucoup de leurs parents. Ce n’est pas le cas : l’évolution est un processus graduel, avec des caractéristiques moyennes se déplaçant lentement à travers le temps à l’intérieur d’une population qui se développe.
En résumé, les mutations introduisent des variations ; toutes les variantes ne se reproduisent pas à la même fréquence dans un environnement donné (c’est-à-dire que l’environnement agit comme un filtre sélectif). A travers de nombreuses générations, ces effets peuvent déplacer les caractéristiques moyennes d’une population.
sélection naturelle
La sélection naturelle a-t-elle formé le génome humain ?
Parfois certains étudiants ayant appris ce qu’était la sélection naturelle dans d’autres organismes se braquent à l’idée que ce processus ait eu lieu dans nos propres origines. Malgré cette hésitation, il y a beaucoup de preuves qui permettent d’avancer que notre propre lignage a été sujet à la sélection naturelle à travers la longue histoire qui a conduit à notre espèce. Un exemple de cette preuve vient de l’histoire de nos propres gènes d’amylase. Cette histoire partage des similitudes avec ce que nous avons vu concernant le lignage des chiens, mais elle possède aussi des différences intéressantes.
Contrairement aux chiens, les humains ont deux types distincts de gènes d’amylase. Les deux types ont la même fonction enzymatique (casser l’amidon), mais ils sont produits dans différents lieux du corps. L’un des types est produit dans le pancréas, exactement comme l’enzyme équivalente des chiens. Mais contrairement aux chiens, les humains ont de l’amylase dans leur salive aussi. Cette amylase « salivaire » travaille assez rapidement pour que nous percevions les aliments amidonnés comme sucrés lorsque nous les mâchons –l’amylase travaille sur l’amidon, la casse en glucose assez rapidement pour que nous le goûtions. Des études ont aussi montré que l’amylase salivaire continue à briser l’amidon jusqu’à l’estomac et nos intestins – augmentant ainsi la quantité de glucose que nous pouvons extraire d’aliments riches en amidon.
Comme on s’y attend, les gènes d’amylase humains pancréatique et salivaire se situent côte à côte dans nos génomes, et montrent par des signes clairs qu’ils sont des duplications l’un de l’autre. Tous les mammifères ont des gènes d’amylase pancréatiques, et le premier événement de duplication a produit une seconde copie, exactement comme nous l’avons vu pour les chiens. Ce doublement de l’amylase pancréatique aurait probablement été un avantage et aurait été naturellement sélectionné comme ce qui a eu lieu pour les chiens. Le fait que les humains et d’autres grands singes partagent le même événement de duplication indique que cet événement a eu lieu chez l’ancêtre commun de ces espèces, il y a quelque chose comme 16-20 millions d’années.
Une fois que les deux gènes d’amylase pancréatiques ont été présents dans notre lignage ancestral, un deuxième événement a eu lieu qui a altéré l’une des copies : un rétrovirus endogène inséré dans le génome à côté de l’une des copies. (Un rétrovirus est un virus qui insère son propre génome dans le génome de son hôte et fait ainsi partie de son cycle d’infection. Un rétrovirus endogène (ou endovirus) s’insère dans le génome de cellules reproductrices, comme l’ovule ou le sperme – et une fois inséré, il peut persister à un endroit spécifique dans le génome hôte et être transmis ensuite de génération en génération.) Cet événement d’insertion du rétrovirus a altéré la séquence d’ADN qui contrôlait le moment et le lieu où l’amylase était faite – et au lieu d’être fabriquée dans le pancréas, la copie altérée a commencé à la fabriquer dans les glandes salivaires[ii]. A travers le temps, cette nouvelle combinaison (une copie pancréatique et une copie salivaire) est passée par la sélection naturelle et a remplacé la version précédente qui lui a donné naissance (deux copies pancréatiques).
Pour résumer.
L’histoire du gène d’amylase humain rassemblée jusqu’ici indique par des signes clairs des mutations répétées (comme des duplications) couplées avec la sélection naturelle pour produire les gènes que nous voyons chez les humains aujourd’hui. Bien entendu, si les humains avaient été directement créés sans un ancêtre commun, il n’y aurait aucun besoin de créer ces gènes directement puis de leur implanter des indices d’une histoire alambiquée – pourtant ce que nous voyons, encore et encore, est la preuve de la mutation et de la sélection naturelle. Il semble que Dieu se réjouît de créer cet aspect de notre biologie lentement, à travers ce que nous percevons comme un processus « naturel » — mais bien entendu, ce que nous percevons comme « naturel » n’est rien d’autre que le travail constant de la providence ordonnée et soutenue de Dieu, travail accessible à l’enquête scientifique. En devenant humains, déplaçant notre régime alimentaire par l’agriculture vers une alimentation amidonnée, ce mécanisme donné par Dieu nous a autorisés à profiter du changement de notre environnement.
Demain, nous continuerons cette histoire et l’utiliserons pour discuter des preuves d’une sélection naturelle toujours à l’œuvre dans les populations humaines.
Le format de cet article ne nous permet pas d’avoir une discussion détaillée des caractéristiques des nombreuses copies des gènes d’amylase qui révèlent l’histoire de leur duplication et/ou de leur mutation. Les lecteurs intéressés par les détails peuvent lire les articles publiés suivants :
Samuelson, L.C. et al., (1996). Amylase gene structures in primates: retroposon insertions and promoter evolution. Molecular Biology and Evolution 13; 767-779. (link)
Meisler, M.H. and Ting, C.N. (1993). The remarkable evolutionary history of the human amylase genes. Crit Rev Oral Biol Med 4; 503-509. (link)
[ii] Pour les lecteurs qui suivent la littérature du Dessein Intelligent (ID) de près, la production de la séquence promotrice salivaire est ce que Michael Behe, partisan de l’ID, décrit comme une mutation de « gain d’élément codé fonctionnel » (FCT). La séquence promotrice est partiellement dérivée de la séquence du rétrovirus et de celle de l’ADN qui se situe à côté du lieu de l’insertion du rétrovirus. En tant que tel, ni le virus ni l’ADN hôte ne contiennent ce FCT qui se produit dans la glande salivaire. Leurs séquences combinées créent le FCT et ce FCT est perdu quand le virus se retire d’une des copies, la faisant revenir à une production pancréatique. Les lecteurs peuvent se rappeler que j’ai critiqué les arguments de Behe basés sur les FCT dans un article précédent.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:26http://www.scienceetfoi.com/bases-varia ... mutations/
Les bases de la variation héréditaire, deuxième partie
La dernière fois, nous vu la façon dont la réplication de l’ADN est facilitée par sa structure, puisque la moitié de la double hélice de l’ADN peut servir de modèle pour faire la deuxième moitié. Nous avons aussi vu la façon dont l’ADN, bien que très approprié pour son rôle héréditaire, n’est pas du tout approprié pour des fonctions cellulaires ; ce sont les protéines qui jouent ce rôle là. Une fois ces détails mis en place, nous sommes prêts à voir la façon dont l’information héréditaire de l’ADN est convertie en cette diversité fonctionnelle que nous voyons dans les protéines – et le rôle que joue la variation dans ce processus. La première étape de cette discussion nous conduit à considérer le fonctionnement des chromosomes et des gènes.
Génétique moléculaire 102 : les chromosomes et les gènes
Les êtres humains ont 46 chromosomes par cellule, et ils viennent par paire. Nous recevons un chromosome de chaque paire, c’est-à-dire 23 chromosomes de chaque parent : un ovule contient 22 chromosomes non sexués et un chromosome X, et le spermatozoïde contient 22 chromosomes non sexués et un chromosome X ou Y. Chaque chromosome est une longue et double hélice d’ADN, avec des millions de paires de bases d’ADN. Nos chromosomes les plus grands ont environ 250 millions de paires de bases, et les plus petits environ 50 millions. Dans son ensemble, le génome humain possède environ 3 milliards de paires de bases d’ADN dans chaque ensemble de 23 chromosomes ce qui fait un total de 6 milliards lorsqu’on compte les deux ensembles.
Les gènes sont distribués sur ces 23 paires de chromosomes, c’est-à-dire les unités de fonction biologiques encodés à l’intérieur de notre ADN. Ce qui constitue exactement un gène, comme tout bon concept de biologie, est « confus », mais ici il suffira de définir le gène comme une séquence de paires de bases d’ADN des chromosomes qui a l’habitude de fabriquer un produit fonctionnel qui n’est pas de l’ADN. Les êtres humains ont environ 20 000 gènes et ceux-ci peuvent être assez étendus sur les chromosomes, avec beaucoup d’ADN qui ne contient pas de gènes. Si nous représentons un chromosome par une ligne solide et noire (comme c’est souvent le cas dans beaucoup de manuels de génétique), nous pouvons nous approcher pour voir les caractéristiques d’un des nombreux gènes. En l’occurrence, voici un gène qui code pour une protéine :
bases hérédité 2
(Note: le “point” sur la ligne qui représente le chromosome s’appelle le centromère, une séquence d’ADN à laquelle s’accrochent les éléments cellulaires afin de retenir les chromosomes pendant la division des cellules).
Tout d’abord, nous pouvons voir que les parties du gène qui sont utilisées pour spécifier la séquence d’acide aminé de la protéine (les boîtes bleues) ne sont qu’une partie d’un tout. D’autres séquences (comme celles représentées par les lignes bleu clair et les boîtes rouges) sont des séquences qui dirigent certains types de cellule pour fabriquer cette protéine et pour déterminer la quantité qu’il faut fabriquer. Toutes les séquences représentées par des boîtes sont transformées en ce qu’on appelle un « ARN messager » ou « ARNm » (sorte de version de l’ADN à un seul brin) : il est aussi long que la séquence du gène et souvent joint de séquences qui sont disséminées dans les sections qui codent la structure de la protéine (appelés introns, ils sont dans la figure ci-dessus). Cette « copie de travail » de l’ARNm du gène est ensuite utilisée pour diriger la synthèse de la protéine par un processus qu’on appelle la traduction.
Si tout ceci semble complexe, ne vous inquiétez pas ; pour ce que nous cherchons à dire, il est suffisant de reconnaître que les gènes
(a) sont une petite section d’une molécule d’ADN plus longue,
(b) qu’ils ont certaines séquences qui déterminent la séquence de la protéine qu’ils encodent (c’est-à-dire l’ordre de ses acides aminés) et
(c) que d’autres séquences de régulation ne font pas partie du code de la protéine en tant que telle, mais fonctionnent comme des signaux qui informent les cellules du moment et de la quantité de fabrication des protéines, ou « exprimées ».
Arrive la variation
Avec ces détails à l’esprit, considérez la façon dont la variation peut affecter la structure du chromosome au niveau de l’ADN. Nous l’avons vu la dernière fois, lorsque des chromosomes sont copiés, des erreurs de copies d’ADN peuvent avoir lieu. Sans surprise, beaucoup de types d’événements de mutation peuvent aussi avoir un impact sur la fonction des gènes, et même sur les caractéristiques de l’organisme :
Les mutations d’une seule paire de bases :
Des acides nucléiques formant une paire inappropriée peuvent amener à des copies de chromosome qui diffèrent de l’original par une seule paire de bases (comme nous l’avons vu la dernière fois). Ce qu’on appelle les « mutations ponctuelles » peuvent arriver à l’intérieur de gènes (dans l’ADN de régulation ou dans l’ADN qui code la protéine) ou dans les séquences entre les gènes. Les mutations d’une seule paire de bases dans l’ADN qui code pour la protéine peuvent n’avoir aucun effet sur la protéine (puisqu’il y a souvent des séquences d’ADN différentes qui produisent la même séquence d’acides aminés, caractéristique qu’on appelle la « redondance » du code génétique). D’autres changements peuvent altérer la séquence d’acides aminés en substituant un acide aminé en un autre, mais n’ont toujours aucun effet sur la fonction de la protéine (puisque beaucoup de fonctions des protéines peuvent être réalisées par des séquences d’acides aminés à peine différentes). D’autres changements peuvent réduire ou même rendre la protéine non fonctionnelle. D’autres changements encore peuvent améliorer la fonction de la protéine – lui donner une meilleure activité enzymatique, par exemple.
Des changements dans l’ADN de régulation sont aussi possibles, et les effets de ces changements peuvent aussi être neutres, désavantageux ou avantageux. Ce qui est intéressant avec l’ADN de régulation, c’est que de petits changements peuvent avoir des effets conséquents sur l’endroit et la façon dont la protéine est fabriquée – et les changements qui altèrent les gènes clé qui fonctionnent tôt dans le développement peuvent avoir des effets en aval qui affectent l’organisme dans son ensemble. Nous examinerons cela en détail dans des billets futurs de cette série.
Evénements de délétion :
Parfois, des parties d’ADN peuvent être perdues lors de la réplication du chromosome parce qu’elles sont cassées puis jointes à nouveau. Parfois, les délétions n’affectent que quelques paires de bases, mais dans d’autres cas elles peuvent couvrir des milliers de paires de bases. Des parties de gènes ou même des gènes entiers peuvent être perdus, alors les gènes situés à côté de la délétion se rapprochent. Comme nous l’avons vu pour la mutation ponctuelle, les délétions peuvent n’avoir aucun effet, un effet désavantageux ou même un effet avantageux, selon l’événement spécifique. Par exemple, parfois les délétions extraient des séquences de régulation qui empêchent l’expression de gènes dans certaines cellules. Extraire cette séquence permet au gène de s’exprimer là où il ne pouvait pas s’exprimer auparavant – ce qui encore une fois peut être neutre, désavantageux ou avantageux, selon les circonstances.
Evénements de duplication
A l’opposé de la délétion, on appelle duplication un événement dans lequel une portion d’une séquence de chromosome est doublée. De même que pour les délétions, les duplications peuvent être petites ou longues de milliers de paires de base, recouvrant de nombreux gènes – et de même être neutres, désavantageuses ou avantageuses. Un mécanisme commun qui produit les duplications et les délétions arrive simultanément pendant la formation des cellules qui donnent des ovules ou des spermatozoïdes. Peut-être vous souvenez-vous que « l’enjambement » est le terme utilisé pour décrire les chromosomes qui se brisent puis se recombinent pour mélanger et associer les séquences entre les paires de chromosomes pendant les divisions de cellules qui amènent aux gamètes (c’est-à-dire la « méiose »). Normalement, les chromosomes s’associent pour cet échange en alignant leurs séquences (presque identiques), puis se brisent et se recombinent :
bases héréditaire 2 2
Il peut arriver à basse fréquence, que les paires de chromosomes n’alignent pas leurs séquences correctement. Cet alignement est basé sur les mêmes séquences de chaque chromosome qui s’associe à un autre. Des erreurs peuvent arriver à cause de séquences répétitives entre les gènes, des séquences qui « piègent » les chromosomes en leur faisant penser qu’ils ont trouvé la séquence d’alignement correcte, alors qu’en fait il y a deux boucles de séquences qui ne sont pas associées, une sur chaque chromosome. Si un enjambement arrive entre ces deux boucles, il en résulte un chromosome avec une duplication et un autre avec une délétion :
3
Bien entendu, cette liste des types de mutation n’est pas exhaustive (par exemple, nous avons vu comment des éléments d’ADN autonomes et parasites appelés transposons peuvent insérer dans les chromosomes des fonctions perturbantes ou contribuer à de nouvelles fonctions).
En résumé : constance et changement
Dans l’ensemble, ces mécanismes introduisent la variation dans les populations, et puisque cette variation se situe dans l’ADN, elle est héréditaire. La variation au niveau des chromosomes peut influencer la fonction des gènes et finalement avoir lieu au niveau de l’organisme. La sélection naturelle peut agir sur les changements au niveau de l’ADN qui causent des variations significatives au niveau de l’organisme – et nous avons aussi déjà vu certains exemples de mutations sélectionnées, comme la duplication de gènes d’amylase chez les humains ou chez les chiens. D’autres mutations, bien entendu, peuvent être extraites des populations à travers le temps. Les propriétés de l’ADN en tant qu’agent de constance et de changement héréditaire signifient que génétiquement, les populations ne sont pas entièrement stables : elles peuvent changer à travers le temps, bien que les caractéristiques de l’ADN qui font de lui un transmetteur d’information particulièrement précis conduisent à ce que ces changements sont subtils à l’échelle de l’organisme.
Comme nous le verrons dans le prochain billet de cette série, cette instabilité génétique peut donner à des populations de la même espèce qui ont été séparées des trajectoires différentes, et permettre à des différences de se creuser pour mener à la formation de nouvelles espèces.
Les bases de la variation héréditaire, deuxième partie
La dernière fois, nous vu la façon dont la réplication de l’ADN est facilitée par sa structure, puisque la moitié de la double hélice de l’ADN peut servir de modèle pour faire la deuxième moitié. Nous avons aussi vu la façon dont l’ADN, bien que très approprié pour son rôle héréditaire, n’est pas du tout approprié pour des fonctions cellulaires ; ce sont les protéines qui jouent ce rôle là. Une fois ces détails mis en place, nous sommes prêts à voir la façon dont l’information héréditaire de l’ADN est convertie en cette diversité fonctionnelle que nous voyons dans les protéines – et le rôle que joue la variation dans ce processus. La première étape de cette discussion nous conduit à considérer le fonctionnement des chromosomes et des gènes.
Génétique moléculaire 102 : les chromosomes et les gènes
Les êtres humains ont 46 chromosomes par cellule, et ils viennent par paire. Nous recevons un chromosome de chaque paire, c’est-à-dire 23 chromosomes de chaque parent : un ovule contient 22 chromosomes non sexués et un chromosome X, et le spermatozoïde contient 22 chromosomes non sexués et un chromosome X ou Y. Chaque chromosome est une longue et double hélice d’ADN, avec des millions de paires de bases d’ADN. Nos chromosomes les plus grands ont environ 250 millions de paires de bases, et les plus petits environ 50 millions. Dans son ensemble, le génome humain possède environ 3 milliards de paires de bases d’ADN dans chaque ensemble de 23 chromosomes ce qui fait un total de 6 milliards lorsqu’on compte les deux ensembles.
Les gènes sont distribués sur ces 23 paires de chromosomes, c’est-à-dire les unités de fonction biologiques encodés à l’intérieur de notre ADN. Ce qui constitue exactement un gène, comme tout bon concept de biologie, est « confus », mais ici il suffira de définir le gène comme une séquence de paires de bases d’ADN des chromosomes qui a l’habitude de fabriquer un produit fonctionnel qui n’est pas de l’ADN. Les êtres humains ont environ 20 000 gènes et ceux-ci peuvent être assez étendus sur les chromosomes, avec beaucoup d’ADN qui ne contient pas de gènes. Si nous représentons un chromosome par une ligne solide et noire (comme c’est souvent le cas dans beaucoup de manuels de génétique), nous pouvons nous approcher pour voir les caractéristiques d’un des nombreux gènes. En l’occurrence, voici un gène qui code pour une protéine :
bases hérédité 2
(Note: le “point” sur la ligne qui représente le chromosome s’appelle le centromère, une séquence d’ADN à laquelle s’accrochent les éléments cellulaires afin de retenir les chromosomes pendant la division des cellules).
Tout d’abord, nous pouvons voir que les parties du gène qui sont utilisées pour spécifier la séquence d’acide aminé de la protéine (les boîtes bleues) ne sont qu’une partie d’un tout. D’autres séquences (comme celles représentées par les lignes bleu clair et les boîtes rouges) sont des séquences qui dirigent certains types de cellule pour fabriquer cette protéine et pour déterminer la quantité qu’il faut fabriquer. Toutes les séquences représentées par des boîtes sont transformées en ce qu’on appelle un « ARN messager » ou « ARNm » (sorte de version de l’ADN à un seul brin) : il est aussi long que la séquence du gène et souvent joint de séquences qui sont disséminées dans les sections qui codent la structure de la protéine (appelés introns, ils sont dans la figure ci-dessus). Cette « copie de travail » de l’ARNm du gène est ensuite utilisée pour diriger la synthèse de la protéine par un processus qu’on appelle la traduction.
Si tout ceci semble complexe, ne vous inquiétez pas ; pour ce que nous cherchons à dire, il est suffisant de reconnaître que les gènes
(a) sont une petite section d’une molécule d’ADN plus longue,
(b) qu’ils ont certaines séquences qui déterminent la séquence de la protéine qu’ils encodent (c’est-à-dire l’ordre de ses acides aminés) et
(c) que d’autres séquences de régulation ne font pas partie du code de la protéine en tant que telle, mais fonctionnent comme des signaux qui informent les cellules du moment et de la quantité de fabrication des protéines, ou « exprimées ».
Arrive la variation
Avec ces détails à l’esprit, considérez la façon dont la variation peut affecter la structure du chromosome au niveau de l’ADN. Nous l’avons vu la dernière fois, lorsque des chromosomes sont copiés, des erreurs de copies d’ADN peuvent avoir lieu. Sans surprise, beaucoup de types d’événements de mutation peuvent aussi avoir un impact sur la fonction des gènes, et même sur les caractéristiques de l’organisme :
Les mutations d’une seule paire de bases :
Des acides nucléiques formant une paire inappropriée peuvent amener à des copies de chromosome qui diffèrent de l’original par une seule paire de bases (comme nous l’avons vu la dernière fois). Ce qu’on appelle les « mutations ponctuelles » peuvent arriver à l’intérieur de gènes (dans l’ADN de régulation ou dans l’ADN qui code la protéine) ou dans les séquences entre les gènes. Les mutations d’une seule paire de bases dans l’ADN qui code pour la protéine peuvent n’avoir aucun effet sur la protéine (puisqu’il y a souvent des séquences d’ADN différentes qui produisent la même séquence d’acides aminés, caractéristique qu’on appelle la « redondance » du code génétique). D’autres changements peuvent altérer la séquence d’acides aminés en substituant un acide aminé en un autre, mais n’ont toujours aucun effet sur la fonction de la protéine (puisque beaucoup de fonctions des protéines peuvent être réalisées par des séquences d’acides aminés à peine différentes). D’autres changements peuvent réduire ou même rendre la protéine non fonctionnelle. D’autres changements encore peuvent améliorer la fonction de la protéine – lui donner une meilleure activité enzymatique, par exemple.
Des changements dans l’ADN de régulation sont aussi possibles, et les effets de ces changements peuvent aussi être neutres, désavantageux ou avantageux. Ce qui est intéressant avec l’ADN de régulation, c’est que de petits changements peuvent avoir des effets conséquents sur l’endroit et la façon dont la protéine est fabriquée – et les changements qui altèrent les gènes clé qui fonctionnent tôt dans le développement peuvent avoir des effets en aval qui affectent l’organisme dans son ensemble. Nous examinerons cela en détail dans des billets futurs de cette série.
Evénements de délétion :
Parfois, des parties d’ADN peuvent être perdues lors de la réplication du chromosome parce qu’elles sont cassées puis jointes à nouveau. Parfois, les délétions n’affectent que quelques paires de bases, mais dans d’autres cas elles peuvent couvrir des milliers de paires de bases. Des parties de gènes ou même des gènes entiers peuvent être perdus, alors les gènes situés à côté de la délétion se rapprochent. Comme nous l’avons vu pour la mutation ponctuelle, les délétions peuvent n’avoir aucun effet, un effet désavantageux ou même un effet avantageux, selon l’événement spécifique. Par exemple, parfois les délétions extraient des séquences de régulation qui empêchent l’expression de gènes dans certaines cellules. Extraire cette séquence permet au gène de s’exprimer là où il ne pouvait pas s’exprimer auparavant – ce qui encore une fois peut être neutre, désavantageux ou avantageux, selon les circonstances.
Evénements de duplication
A l’opposé de la délétion, on appelle duplication un événement dans lequel une portion d’une séquence de chromosome est doublée. De même que pour les délétions, les duplications peuvent être petites ou longues de milliers de paires de base, recouvrant de nombreux gènes – et de même être neutres, désavantageuses ou avantageuses. Un mécanisme commun qui produit les duplications et les délétions arrive simultanément pendant la formation des cellules qui donnent des ovules ou des spermatozoïdes. Peut-être vous souvenez-vous que « l’enjambement » est le terme utilisé pour décrire les chromosomes qui se brisent puis se recombinent pour mélanger et associer les séquences entre les paires de chromosomes pendant les divisions de cellules qui amènent aux gamètes (c’est-à-dire la « méiose »). Normalement, les chromosomes s’associent pour cet échange en alignant leurs séquences (presque identiques), puis se brisent et se recombinent :
bases héréditaire 2 2
Il peut arriver à basse fréquence, que les paires de chromosomes n’alignent pas leurs séquences correctement. Cet alignement est basé sur les mêmes séquences de chaque chromosome qui s’associe à un autre. Des erreurs peuvent arriver à cause de séquences répétitives entre les gènes, des séquences qui « piègent » les chromosomes en leur faisant penser qu’ils ont trouvé la séquence d’alignement correcte, alors qu’en fait il y a deux boucles de séquences qui ne sont pas associées, une sur chaque chromosome. Si un enjambement arrive entre ces deux boucles, il en résulte un chromosome avec une duplication et un autre avec une délétion :
3
Bien entendu, cette liste des types de mutation n’est pas exhaustive (par exemple, nous avons vu comment des éléments d’ADN autonomes et parasites appelés transposons peuvent insérer dans les chromosomes des fonctions perturbantes ou contribuer à de nouvelles fonctions).
En résumé : constance et changement
Dans l’ensemble, ces mécanismes introduisent la variation dans les populations, et puisque cette variation se situe dans l’ADN, elle est héréditaire. La variation au niveau des chromosomes peut influencer la fonction des gènes et finalement avoir lieu au niveau de l’organisme. La sélection naturelle peut agir sur les changements au niveau de l’ADN qui causent des variations significatives au niveau de l’organisme – et nous avons aussi déjà vu certains exemples de mutations sélectionnées, comme la duplication de gènes d’amylase chez les humains ou chez les chiens. D’autres mutations, bien entendu, peuvent être extraites des populations à travers le temps. Les propriétés de l’ADN en tant qu’agent de constance et de changement héréditaire signifient que génétiquement, les populations ne sont pas entièrement stables : elles peuvent changer à travers le temps, bien que les caractéristiques de l’ADN qui font de lui un transmetteur d’information particulièrement précis conduisent à ce que ces changements sont subtils à l’échelle de l’organisme.
Comme nous le verrons dans le prochain billet de cette série, cette instabilité génétique peut donner à des populations de la même espèce qui ont été séparées des trajectoires différentes, et permettre à des différences de se creuser pour mener à la formation de nouvelles espèces.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
- Ptitech
- [Religion] agnostique
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:26http://www.scienceetfoi.com/bases-varia ... genetique/
Les bases de la variation héréditaire, première partie
Comment les organismes se reproduisent-ils « selon leur espèce » (pour emprunter le langage de la Genèse) ? Cette question existe depuis bien longtemps en biologie. Une question proche naît de l’observation selon laquelle à l’intérieur d’une « espèce », tous les individus ne sont pas les mêmes – la variation existe au sein même de populations de la même espèce. Pendant de nombreuses années, le mécanisme qui pouvait expliquer la constance observée des espèces (la reproduction fidèle de la forme d’un organisme) et la variation observée (tous les membres d’une espèce ne sont pas identiques), sont restées mystérieuses. Afin d’éclairer ces problèmes importants pour la biologie évolutive, nous devons prendre le temps d’explorer les composantes du fonctionnement de deux molécules biologiques importantes, et de leur rapport l’un à l’autre : l’acide désoxyribonucléique (ADN) et la protéine.
(Article original ici)
Génétique moléculaire 101 : les protéines et l’ADN
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que les premiers travaux qui ont exploré la base moléculaire de la génétique ont favorisé les protéines en tant que molécules héréditaires au lieu de l’ADN. On supposait que ce qui agissait en tant que molécule héréditaire serait large et complexe, et les protéines répondaient aux deux caractéristiques. Une protéine peut être très longue, puisqu’elle est un polymère composé de plus petits éléments(les monomères) : les acides aminés. Nous pouvons utiliser des briques de Lego pour illustrer cela. Une brique de Lego représente un acide aminé, et les briques fixées ensemble représentent une protéine. Comme les Lego de notre analogie, les acides aminés ont des caractéristiques communes qui leur permettent de se fixer ensemble en une longue chaîne. Ils ont aussi des différences significatives, analogues aux différentes couleurs dans le diagramme; certains acides aminés sont hydrophobes (c’est-à-dire qu’ils sont repoussés par l’eau) et d’autres hydrophiles (c’est-à-dire attirés par l’eau). Certains sont gros et volumineux, d’autres sont petits par comparaison, et ainsi de suite. Contrairement aux briques rigides de notre analogie, les protéines sont merveilleusement flexibles, et se plient en forme tridimensionnelle, déterminée par les propriétés des acides aminés.
monomers_1
Il existe 20 acides aminés différents qui sont utilisés pour faire des protéines, et ils peuvent être combinés dans n’importe quelle ordre afin de produire une protéine avec des propriétés spécifiques – des propriétés qui naissent de la combinaison et de l’ordre spécifique des acides aminés, et de la forme finale qu’ils donnent à la protéine. Cette diversité des acides aminés signifie qu’il y a beaucoup, beaucoup de séquences de protéines possibles (et donc de formes et de fonctions possibles) – même un polymère composé de seulement deux monomères en longueur a 400 séquences possibles (c’est-à-dire 20², ou 20×20), et les protéines peuvent être longues de milliers d’acides aminés. C’est cette possibilité d’une complexité à grande échelle qui a suggéré que les protéines avaient peut-être assez de « capacité de stockage » pour porter l’information héréditaire et la transmettre à la génération suivante.
A la fin des années 1920, cependant, la recherche a commencé à s’éloigner des protéines pour se diriger vers l’ADN, comme molécule héréditaire. L’ADN, comme les protéines, est un polymère formé d’un ensemble de monomères (en l’occurrence, d’acides nucléiques). Au contraire des 20 monomères trouvés dans les protéines, l’ADN n’a que quatre monomères (les nucléotides) : des éléments qui sont abrégés A, C, G, et T. C’est pour cette raison que les chercheurs étaient initialement sceptiques qu’un polymère si « simple » puisse agir comme la source de l’information héréditaire.
Malgré ce scepticisme, des éléments en faveur de l’idée que l’ADN était en fait le support physique de l’information héréditaire ont continué à s’ajouter. Une fois qu’ils ont convaincu la majorité des scientifiques, il s’agissait de comprendre exactement comment l’ADN accomplissait cette remarquable tâche. Bientôt, il devint clair que comprendre la structure de l’ADN était crucial pour comprendre sa fonction, et plusieurs groupes de recherche sont entrés en compétition pour être les premiers à la déchiffrer. La détermination de la structure de l’ADN a en effet éclairé sa fonction. Bien qu’elle n’ait que quatre nucléotides, la structure de l’ADN a révélé la façon dont elle pouvait facilement se répliquer et transmettre de l’information : l’ADN n’est pas seulement un long polymère, c’est aussi un polymère qui peut spécifier sa propre réplication à travers des interactions entre ses nucléotides. Peut-être qu’une image rendrait l’explication plus claire. Imaginez que les briques ont maintenant des « partenaires » par lesquels elles sont attirées. Nous représenterons cette attraction, qui est un type de liaison chimique qu’on appelle la liaison hydrogène, avec un point noir. Les macromolécules « A » et « T » sont attirées par deux liaisons d’hydrogène, et les macromolécules « C » et « G » le sont par trois liaisons :
monomers_2
Les paires d’attraction entre les macromolécules sont importantes : elles autorisent un polymère d’ADN à agir comme un modèle pour un second polymère d’ADN complémentaire. Imaginez une séquence d’ADN comme celle qui suit :
monomers_3
Alors que le deuxième polymère d’ADN est fabriqué, des nucléotides sont sélectionnés, une à la fois, pour rejoindre son « partenaire » du premier polymère :
monomers_4
Ces deux polymères sont attachés par l’alignement de nombreuses liaisons hydrogène, et vous les connaissez probablement comme les deux brins de la double hélice de l’ADN :
monomers_5
Source: https://en.wikipedia.org/wiki/File:DNA_ ... n_NoBB.png
Si ce modèle plus réaliste de l’ADN montre les détails précis de sa structure moléculaire, les caractéristiques importantes sont résumées par notre simple modèle de Lego. L’ADN est une paire de longs polymères qui peuvent être séparés et utilisés afin de faire de nouvelles copies, fidèles à l’original.
Alors que ces caractéristiques expliquent comment l’ADN est fidèlement copié, rappelez-vous que nous avons aussi besoin d’expliquer la variation. La variation, dans ses termes les plus simples, signifie que le processus de copie est parfois imparfait. Si l’ADN est bien la molécule héréditaire, et si la copie de l’ADN était à 100% exacte, alors la variation ne surviendrait jamais, et tous les petits seraient génétiquement identiques à leurs parents. [p1] La variation peut s’introduire de nombreuses manières pendant le processus de copie de l’ADN, et dans un billet futur, nous examinerons plusieurs d’entre elles. La première manière que nous considérerons ici passe par les « paires inappropriées» de nucléotides faites pendant la réplication. A une certaine fréquence (très basse), des nucléotides inappropriés sont rangées par paire. La flèche dans la figure ci-dessous montre une telle paire inappropriée, là où une macromolécule rouge (G) sur le brin du bas est incorrectement rejointe par une macromolécule jaune (T) quand le brin du haut est fabriqué. Lorsque cette série est répliquée, les brins du haut et du bas sont copiés, mais les partenaires appropriés pour chaque nucléotide sont trouvés cette fois. Il en résulte deux versions : une copie possède la paire originale C :G (sur la gauche), et l’autre possède une nouvelle variante, avec une paire A :T (sur la droite). Ce changement sera fidèlement copié à partir de là, puisque des copies plus récentes ne « savent » pas ce qu’était la séquence originale. Le résultat, c’est une nouvelle variante dans la population.
[p1]La recombinaison n’a pas été décrite. Je n’en parlerais pas ici !
monomers_6
Prises ensemble, les propriétés de l’ADN coïncident avec ce que l’on observe dans la nature : une reproduction fidèle de la forme, mais pas une reproduction parfaite de la forme. La constance et la variation héréditaire des populations biologiques retracent le fonctionnement de l’ADN.
Qu’en est-il des protéines ?
Si les propriétés de l’ADN font d’elle une grande molécule héréditaire (qui autorise pour autant la variation), l’ADN en tant que tel n’est pas capable d’assurer les fonctions quotidiennes dont l’organisme a besoin (fonctions d’enzyme, fonctions structurelles, etc…). Pour ces fonctions, la vaste diversité structurale des protéines est requise. Dans le prochain billet de cette série, nous verrons comment l’information héréditaire de l’ADN est transférée à la structure et fonction de la protéine, et comment la variation dans l’ADN peut causer de la variation à l’échelle de la protéine.
Les bases de la variation héréditaire, première partie
Comment les organismes se reproduisent-ils « selon leur espèce » (pour emprunter le langage de la Genèse) ? Cette question existe depuis bien longtemps en biologie. Une question proche naît de l’observation selon laquelle à l’intérieur d’une « espèce », tous les individus ne sont pas les mêmes – la variation existe au sein même de populations de la même espèce. Pendant de nombreuses années, le mécanisme qui pouvait expliquer la constance observée des espèces (la reproduction fidèle de la forme d’un organisme) et la variation observée (tous les membres d’une espèce ne sont pas identiques), sont restées mystérieuses. Afin d’éclairer ces problèmes importants pour la biologie évolutive, nous devons prendre le temps d’explorer les composantes du fonctionnement de deux molécules biologiques importantes, et de leur rapport l’un à l’autre : l’acide désoxyribonucléique (ADN) et la protéine.
(Article original ici)
Génétique moléculaire 101 : les protéines et l’ADN
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que les premiers travaux qui ont exploré la base moléculaire de la génétique ont favorisé les protéines en tant que molécules héréditaires au lieu de l’ADN. On supposait que ce qui agissait en tant que molécule héréditaire serait large et complexe, et les protéines répondaient aux deux caractéristiques. Une protéine peut être très longue, puisqu’elle est un polymère composé de plus petits éléments(les monomères) : les acides aminés. Nous pouvons utiliser des briques de Lego pour illustrer cela. Une brique de Lego représente un acide aminé, et les briques fixées ensemble représentent une protéine. Comme les Lego de notre analogie, les acides aminés ont des caractéristiques communes qui leur permettent de se fixer ensemble en une longue chaîne. Ils ont aussi des différences significatives, analogues aux différentes couleurs dans le diagramme; certains acides aminés sont hydrophobes (c’est-à-dire qu’ils sont repoussés par l’eau) et d’autres hydrophiles (c’est-à-dire attirés par l’eau). Certains sont gros et volumineux, d’autres sont petits par comparaison, et ainsi de suite. Contrairement aux briques rigides de notre analogie, les protéines sont merveilleusement flexibles, et se plient en forme tridimensionnelle, déterminée par les propriétés des acides aminés.
monomers_1
Il existe 20 acides aminés différents qui sont utilisés pour faire des protéines, et ils peuvent être combinés dans n’importe quelle ordre afin de produire une protéine avec des propriétés spécifiques – des propriétés qui naissent de la combinaison et de l’ordre spécifique des acides aminés, et de la forme finale qu’ils donnent à la protéine. Cette diversité des acides aminés signifie qu’il y a beaucoup, beaucoup de séquences de protéines possibles (et donc de formes et de fonctions possibles) – même un polymère composé de seulement deux monomères en longueur a 400 séquences possibles (c’est-à-dire 20², ou 20×20), et les protéines peuvent être longues de milliers d’acides aminés. C’est cette possibilité d’une complexité à grande échelle qui a suggéré que les protéines avaient peut-être assez de « capacité de stockage » pour porter l’information héréditaire et la transmettre à la génération suivante.
A la fin des années 1920, cependant, la recherche a commencé à s’éloigner des protéines pour se diriger vers l’ADN, comme molécule héréditaire. L’ADN, comme les protéines, est un polymère formé d’un ensemble de monomères (en l’occurrence, d’acides nucléiques). Au contraire des 20 monomères trouvés dans les protéines, l’ADN n’a que quatre monomères (les nucléotides) : des éléments qui sont abrégés A, C, G, et T. C’est pour cette raison que les chercheurs étaient initialement sceptiques qu’un polymère si « simple » puisse agir comme la source de l’information héréditaire.
Malgré ce scepticisme, des éléments en faveur de l’idée que l’ADN était en fait le support physique de l’information héréditaire ont continué à s’ajouter. Une fois qu’ils ont convaincu la majorité des scientifiques, il s’agissait de comprendre exactement comment l’ADN accomplissait cette remarquable tâche. Bientôt, il devint clair que comprendre la structure de l’ADN était crucial pour comprendre sa fonction, et plusieurs groupes de recherche sont entrés en compétition pour être les premiers à la déchiffrer. La détermination de la structure de l’ADN a en effet éclairé sa fonction. Bien qu’elle n’ait que quatre nucléotides, la structure de l’ADN a révélé la façon dont elle pouvait facilement se répliquer et transmettre de l’information : l’ADN n’est pas seulement un long polymère, c’est aussi un polymère qui peut spécifier sa propre réplication à travers des interactions entre ses nucléotides. Peut-être qu’une image rendrait l’explication plus claire. Imaginez que les briques ont maintenant des « partenaires » par lesquels elles sont attirées. Nous représenterons cette attraction, qui est un type de liaison chimique qu’on appelle la liaison hydrogène, avec un point noir. Les macromolécules « A » et « T » sont attirées par deux liaisons d’hydrogène, et les macromolécules « C » et « G » le sont par trois liaisons :
monomers_2
Les paires d’attraction entre les macromolécules sont importantes : elles autorisent un polymère d’ADN à agir comme un modèle pour un second polymère d’ADN complémentaire. Imaginez une séquence d’ADN comme celle qui suit :
monomers_3
Alors que le deuxième polymère d’ADN est fabriqué, des nucléotides sont sélectionnés, une à la fois, pour rejoindre son « partenaire » du premier polymère :
monomers_4
Ces deux polymères sont attachés par l’alignement de nombreuses liaisons hydrogène, et vous les connaissez probablement comme les deux brins de la double hélice de l’ADN :
monomers_5
Source: https://en.wikipedia.org/wiki/File:DNA_ ... n_NoBB.png
Si ce modèle plus réaliste de l’ADN montre les détails précis de sa structure moléculaire, les caractéristiques importantes sont résumées par notre simple modèle de Lego. L’ADN est une paire de longs polymères qui peuvent être séparés et utilisés afin de faire de nouvelles copies, fidèles à l’original.
Alors que ces caractéristiques expliquent comment l’ADN est fidèlement copié, rappelez-vous que nous avons aussi besoin d’expliquer la variation. La variation, dans ses termes les plus simples, signifie que le processus de copie est parfois imparfait. Si l’ADN est bien la molécule héréditaire, et si la copie de l’ADN était à 100% exacte, alors la variation ne surviendrait jamais, et tous les petits seraient génétiquement identiques à leurs parents. [p1] La variation peut s’introduire de nombreuses manières pendant le processus de copie de l’ADN, et dans un billet futur, nous examinerons plusieurs d’entre elles. La première manière que nous considérerons ici passe par les « paires inappropriées» de nucléotides faites pendant la réplication. A une certaine fréquence (très basse), des nucléotides inappropriés sont rangées par paire. La flèche dans la figure ci-dessous montre une telle paire inappropriée, là où une macromolécule rouge (G) sur le brin du bas est incorrectement rejointe par une macromolécule jaune (T) quand le brin du haut est fabriqué. Lorsque cette série est répliquée, les brins du haut et du bas sont copiés, mais les partenaires appropriés pour chaque nucléotide sont trouvés cette fois. Il en résulte deux versions : une copie possède la paire originale C :G (sur la gauche), et l’autre possède une nouvelle variante, avec une paire A :T (sur la droite). Ce changement sera fidèlement copié à partir de là, puisque des copies plus récentes ne « savent » pas ce qu’était la séquence originale. Le résultat, c’est une nouvelle variante dans la population.
[p1]La recombinaison n’a pas été décrite. Je n’en parlerais pas ici !
monomers_6
Prises ensemble, les propriétés de l’ADN coïncident avec ce que l’on observe dans la nature : une reproduction fidèle de la forme, mais pas une reproduction parfaite de la forme. La constance et la variation héréditaire des populations biologiques retracent le fonctionnement de l’ADN.
Qu’en est-il des protéines ?
Si les propriétés de l’ADN font d’elle une grande molécule héréditaire (qui autorise pour autant la variation), l’ADN en tant que tel n’est pas capable d’assurer les fonctions quotidiennes dont l’organisme a besoin (fonctions d’enzyme, fonctions structurelles, etc…). Pour ces fonctions, la vaste diversité structurale des protéines est requise. Dans le prochain billet de cette série, nous verrons comment l’information héréditaire de l’ADN est transférée à la structure et fonction de la protéine, et comment la variation dans l’ADN peut causer de la variation à l’échelle de la protéine.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:27http://www.scienceetfoi.com/de-la-varia ... ciation-2/
Rappel
Rappelons quelques points exposés dans le dernier billet :
L’apparition de nouveaux allèles est un événement unique qui a lieu dans un individu, mais il peut devenir commun dans une population par des processus variés, y compris par la dérive génétique et la sélection naturelle.
Si de nouveaux allèles deviennent communs dans une population, ils peuvent changer les caractéristiques moyennes de cette population.
Si l’échange d’allèles entre deux populations de la même espèce est bloqué ou réduit, alors les caractéristiques moyennes des deux populations peuvent diverger.
Si le temps est assez long, ces processus peuvent amener à des différences assez significatives pour établir les deux groupes en deux espèces distinctes.
Ces points rappelés, nous pouvons maintenant considérer plus en détail les différentes manières dont un échange génétique entre des populations peut se réduire ou s’éliminer. Commençons par considérer le cas le plus simple : l’isolement géographique totale.
Les barrières géographiques
La séparation géographique de deux populations de la même espèce est une façon rapide et efficace d’arrêter l’échange d’allèles entre elles. Au moment de la séparation, les deux populations sont évidemment pleinement capables de se reproduire biologiquement, mais elles en sont empêchées par une séparation physique. Un exemple d’isolement géographique qui a amené à une spéciation que nous avons déjà vu, c’est celui des espèces variées de pinsons que Darwin a observées sur les îles Galapagos, au large des côtes de l’Amérique du Sud. La population de pinsons d’origine des Galapagos a été fondée par un groupe d’oiseaux qui est arrivé sur les îles du continent de l’Amérique du Sud, probablement à cause d’une tempête. Ces oiseaux, en tant que population, ont été coupés biologiquement de la population source du continent, puisque les Galapagos sont à des centaines de kilomètres au large. Une fois séparés, les deux groupes n’échangeaient plus d’allèles. Malgré leur appartenance à la même espèce, les deux populations sont désormais génétiquement différenciées, les différences de fréquences d’allèles s’étant accrues. Ce sont ces différences qui ont amené à un changement des caractéristiques moyennes de ce groupe à travers le temps, et finalement à la formation d’une nouvelle espèce.
L’effet fondateur
Dans de nombreux cas, ce processus d’accumulation des différences se déclenche dès le point de la séparation, à cause d’un phénomène que l’on appelle « l’effet fondateur ». Une petite population fondatrice est très souvent un échantillon non représentatif de la diversité génétique de la population source. Par exemple, considérons une population hypothétique composée de 36 individus. Chaque individu porte deux allèles d’un gène donné, et il y a quatre allèles différents de ce gène dans la population (représentés par les quatre couleurs) :
spec2
Remarquez que l’allèle jaune est le plus commun, suivi de l’allèle bleu. Les allèles rouge et violet, par comparaison, ne sont pas communs dans cette population. De fait, leur rareté signifie qu’il serait improbable que cette population ait un individu possédant deux allèles rouges à la génération suivante, par exemple. Afin d’avoir un tel individu, deux parents « porteurs » de l’allèle rouge devraient s’accoupler et transmettre l’allèle rouge à leur descendant. Ce n’est pas impossible, mais dans cette population ce serait improbable.
Supposons maintenant que quelques membres de cette population commencent une nouvelle population dans une île isolée. Seuls six individus commencent la nouvelle population, et les allèles qu’ils portent ne représentent par parfaitement les fréquences des allèles de la population source, plus large (des fréquences approximatives sont montrées pour la population source et la nouvelle population « fondatrice) :
spec22
Nous pouvons voir en ce qui concerne les allèles communs, que la fréquence de l’allèle jaune a augmenté, et que celle de l’allèle bleu a baissé. Malgré ces différences, les allèles communs sont raisonnablement similaires en fréquence à ceux de la population source. Les allèles rares, cependant, ont vu leur fréquence changer plus significativement : l’allèle rouge est beaucoup plus commun dans la nouvelle population, tandis que l’allèle violet a complètement disparu.
Ces changements sont certes subtils, et les changements d’un gène ne seraient probablement pas suffisants pour précipiter un événement de spéciation entre les deux populations. Ces types de changements pourraient, cependant, être significatifs à long terme. Considérez l’allèle rouge dans la nouvelle population. Alors que cette population augmente en nombre, il sera bien plus probable que des individus portant deux allèles rouges apparaissent dans cette population que dans la population source. Si cette combinaison génétique a un avantage sélectif, alors la sélection naturelle pourra agir dans la nouvelle population. Cependant, dans la population source, cette combinaison génétique est bien plus improbable, prévenant ainsi la sélection naturelle d’agir sur cette combinaison d’allèles. A travers le temps, l’allèle rouge pourrait dominer la nouvelle population, mais rester rare dans la population source. De plus, il est probable que l’environnement sera différent d’une certaine manière pour ces deux populations, amenant à la sélection de combinaisons génétiques différentes. Ce qui pourrait être une combinaison avantageuse dans le continent peut ne pas l’être autant dans l’environnement insulaire, et vice versa. Une deuxième chose à prendre en compte, c’est que la nouvelle population, comme toute petite population, est bien plus sujette à la dérive génétique que la population source, plus large. La fréquence de l’allèle rouge peut augmenter dans la nouvelle population simplement par chance, et non par l’action de la sélection naturelle.
Pris ensemble, ces mécanismes peuvent mettre les deux populations sur des trajectoires différentes et à travers le temps, amener à des différences significatives entre elles. Si le temps est assez long, les différences peuvent être suffisamment importantes pour garder les populations séparées, même si elles devaient entrer en contact à nouveau. Dans ce cas, la plupart des biologistes classeraient les deux populations en deux espèces distinctes. Si cela est plus facile à faire pour des espèces qui ont été séparées pendant longtemps et ont accumulé des différences significatives (et qui ne se reproduisent plus entre elles, ou seulement rarement), il est notoirement difficile de le faire pour des populations qui se sont séparées récemment, et qui ne sont pas encore complètement isolées du point de vue de la reproduction. En tant que telle, ce qui constitue une « véritable espèce » plutôt qu’une « sous-espèce » ou « variété » est souvent le sujet d’une discussion ou d’un débat entre scientifiques. Et en effet, Darwin y a consacré beaucoup de temps dans ses travaux. Cette ambiguïté survient du mécanisme lent et graduel de divergence des espèces à partir d’une population ancestrale commune.
Pas seulement des différences
Etant donnée ce que nous venons de voir, vous pourriez avoir l’impression que la différence entre les espèces consiste le problème principal. Certainement, les différences sont vitales, puisque finalement ce sera l’accumulation de différences qui amènera à la formation de nouvelles espèces. Il est important de se rappeler, cependant, que pour des espèces proches, ces différences seront petites en nombre par comparaison avec les caractéristiques qui demeurent identiques dans les deux groupes. Au niveau génétique, nous pouvons l’illustrer en considérant un gène pour lequel il n’y a qu’un allèle dans la population source ; peut-être un allèle qui est passé par la sélection naturelle et qui a remplacé les’autres allèles. La nouvelle population n’héritera que de cet allèle, malgré la petite taille de l’échantillon que constitue le groupe, puisqu’il n’y a pas d’autres variantes dans la population. Le résultat est que la population insulaire sera identique à celle du continent dans ce trait, jusqu’à ce qu’un événement mutationnel (dans l’une ou l’autre population) autorise la possibilité d’un changement. Pour la plupart des traits, les mutations ne surviendront pas, puisque le mécanisme de copie de l’ADN est très précis. C’est ce qui gardera la plupart des traits communs aux deux populations. Le schéma attendu pour des espèces qui ont divergé récemment est donc des caractéristiques majoritairement identiques, avec quelques différences. Rappelons que c’est exactement ce schéma dans son contexte biogéographique qui a conduit Darwin à réfléchir à la possibilité de l’instabilité des espèces :
« Le fait le plus étonnant et le plus important pour nous en ce qui concerne les habitants de l’île, c’est leur affinité avec ceux du continent le plus proche, alors qu’ils ne sont pas de la même espèce. De nombreux exemples pourraient être donnés de ce fait. Je n’en donnerai qu’un, celui de l’archipel des Galapagos, situé sous l’Equateur, entre 800 et 1000km des côtes de l’Amérique du Sud. Ici, presque chaque produit de la terre et de l’eau porte l’empreinte évidente du continent américain. Il y a vingt-six espèces d’oiseaux terrestres, et parmi elles vingt-cinq sont recensées par M. Gould comme des espèces distinctes, dont on suppose qu’elles ont été créées ici. Pourtant l’affinité proche de la plupart de ces oiseaux aux espèces américaines dans tous leurs caractères, dans leurs habitudes, leurs comportement, les tons de leur voix, était manifeste. »
Notez que c’est le schéma composé d’ « affinités » évidentes (des caractères distinctifs communs) et de différences subtiles mais significatives que Darwin a observé. Les oiseaux en question étaient des espèces distinctes, mais ils conservaient « l’empreinte évidente » de leur héritage. Ce sont ces observations qui ont conduit Darwin à formuler l’hypothèse selon laquelle ces espèces de pinsons étaient le produit d’un événement de spéciation suite à l’isolement géographique.
Si l’isolement géographique est une situation directe qui peut amener à des barrières génétiques et à la formation de nouvelles espèces, la spéciation peut aussi arriver sans une séparation complète. Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons un cas de spéciation qui n’a qu’une barrière géographique (et génétique) partielle ; un cas qui démontrera aussi le caractère flou de ce qui constitue exactement une espèce.
Rappel
Rappelons quelques points exposés dans le dernier billet :
L’apparition de nouveaux allèles est un événement unique qui a lieu dans un individu, mais il peut devenir commun dans une population par des processus variés, y compris par la dérive génétique et la sélection naturelle.
Si de nouveaux allèles deviennent communs dans une population, ils peuvent changer les caractéristiques moyennes de cette population.
Si l’échange d’allèles entre deux populations de la même espèce est bloqué ou réduit, alors les caractéristiques moyennes des deux populations peuvent diverger.
Si le temps est assez long, ces processus peuvent amener à des différences assez significatives pour établir les deux groupes en deux espèces distinctes.
Ces points rappelés, nous pouvons maintenant considérer plus en détail les différentes manières dont un échange génétique entre des populations peut se réduire ou s’éliminer. Commençons par considérer le cas le plus simple : l’isolement géographique totale.
Les barrières géographiques
La séparation géographique de deux populations de la même espèce est une façon rapide et efficace d’arrêter l’échange d’allèles entre elles. Au moment de la séparation, les deux populations sont évidemment pleinement capables de se reproduire biologiquement, mais elles en sont empêchées par une séparation physique. Un exemple d’isolement géographique qui a amené à une spéciation que nous avons déjà vu, c’est celui des espèces variées de pinsons que Darwin a observées sur les îles Galapagos, au large des côtes de l’Amérique du Sud. La population de pinsons d’origine des Galapagos a été fondée par un groupe d’oiseaux qui est arrivé sur les îles du continent de l’Amérique du Sud, probablement à cause d’une tempête. Ces oiseaux, en tant que population, ont été coupés biologiquement de la population source du continent, puisque les Galapagos sont à des centaines de kilomètres au large. Une fois séparés, les deux groupes n’échangeaient plus d’allèles. Malgré leur appartenance à la même espèce, les deux populations sont désormais génétiquement différenciées, les différences de fréquences d’allèles s’étant accrues. Ce sont ces différences qui ont amené à un changement des caractéristiques moyennes de ce groupe à travers le temps, et finalement à la formation d’une nouvelle espèce.
L’effet fondateur
Dans de nombreux cas, ce processus d’accumulation des différences se déclenche dès le point de la séparation, à cause d’un phénomène que l’on appelle « l’effet fondateur ». Une petite population fondatrice est très souvent un échantillon non représentatif de la diversité génétique de la population source. Par exemple, considérons une population hypothétique composée de 36 individus. Chaque individu porte deux allèles d’un gène donné, et il y a quatre allèles différents de ce gène dans la population (représentés par les quatre couleurs) :
spec2
Remarquez que l’allèle jaune est le plus commun, suivi de l’allèle bleu. Les allèles rouge et violet, par comparaison, ne sont pas communs dans cette population. De fait, leur rareté signifie qu’il serait improbable que cette population ait un individu possédant deux allèles rouges à la génération suivante, par exemple. Afin d’avoir un tel individu, deux parents « porteurs » de l’allèle rouge devraient s’accoupler et transmettre l’allèle rouge à leur descendant. Ce n’est pas impossible, mais dans cette population ce serait improbable.
Supposons maintenant que quelques membres de cette population commencent une nouvelle population dans une île isolée. Seuls six individus commencent la nouvelle population, et les allèles qu’ils portent ne représentent par parfaitement les fréquences des allèles de la population source, plus large (des fréquences approximatives sont montrées pour la population source et la nouvelle population « fondatrice) :
spec22
Nous pouvons voir en ce qui concerne les allèles communs, que la fréquence de l’allèle jaune a augmenté, et que celle de l’allèle bleu a baissé. Malgré ces différences, les allèles communs sont raisonnablement similaires en fréquence à ceux de la population source. Les allèles rares, cependant, ont vu leur fréquence changer plus significativement : l’allèle rouge est beaucoup plus commun dans la nouvelle population, tandis que l’allèle violet a complètement disparu.
Ces changements sont certes subtils, et les changements d’un gène ne seraient probablement pas suffisants pour précipiter un événement de spéciation entre les deux populations. Ces types de changements pourraient, cependant, être significatifs à long terme. Considérez l’allèle rouge dans la nouvelle population. Alors que cette population augmente en nombre, il sera bien plus probable que des individus portant deux allèles rouges apparaissent dans cette population que dans la population source. Si cette combinaison génétique a un avantage sélectif, alors la sélection naturelle pourra agir dans la nouvelle population. Cependant, dans la population source, cette combinaison génétique est bien plus improbable, prévenant ainsi la sélection naturelle d’agir sur cette combinaison d’allèles. A travers le temps, l’allèle rouge pourrait dominer la nouvelle population, mais rester rare dans la population source. De plus, il est probable que l’environnement sera différent d’une certaine manière pour ces deux populations, amenant à la sélection de combinaisons génétiques différentes. Ce qui pourrait être une combinaison avantageuse dans le continent peut ne pas l’être autant dans l’environnement insulaire, et vice versa. Une deuxième chose à prendre en compte, c’est que la nouvelle population, comme toute petite population, est bien plus sujette à la dérive génétique que la population source, plus large. La fréquence de l’allèle rouge peut augmenter dans la nouvelle population simplement par chance, et non par l’action de la sélection naturelle.
Pris ensemble, ces mécanismes peuvent mettre les deux populations sur des trajectoires différentes et à travers le temps, amener à des différences significatives entre elles. Si le temps est assez long, les différences peuvent être suffisamment importantes pour garder les populations séparées, même si elles devaient entrer en contact à nouveau. Dans ce cas, la plupart des biologistes classeraient les deux populations en deux espèces distinctes. Si cela est plus facile à faire pour des espèces qui ont été séparées pendant longtemps et ont accumulé des différences significatives (et qui ne se reproduisent plus entre elles, ou seulement rarement), il est notoirement difficile de le faire pour des populations qui se sont séparées récemment, et qui ne sont pas encore complètement isolées du point de vue de la reproduction. En tant que telle, ce qui constitue une « véritable espèce » plutôt qu’une « sous-espèce » ou « variété » est souvent le sujet d’une discussion ou d’un débat entre scientifiques. Et en effet, Darwin y a consacré beaucoup de temps dans ses travaux. Cette ambiguïté survient du mécanisme lent et graduel de divergence des espèces à partir d’une population ancestrale commune.
Pas seulement des différences
Etant donnée ce que nous venons de voir, vous pourriez avoir l’impression que la différence entre les espèces consiste le problème principal. Certainement, les différences sont vitales, puisque finalement ce sera l’accumulation de différences qui amènera à la formation de nouvelles espèces. Il est important de se rappeler, cependant, que pour des espèces proches, ces différences seront petites en nombre par comparaison avec les caractéristiques qui demeurent identiques dans les deux groupes. Au niveau génétique, nous pouvons l’illustrer en considérant un gène pour lequel il n’y a qu’un allèle dans la population source ; peut-être un allèle qui est passé par la sélection naturelle et qui a remplacé les’autres allèles. La nouvelle population n’héritera que de cet allèle, malgré la petite taille de l’échantillon que constitue le groupe, puisqu’il n’y a pas d’autres variantes dans la population. Le résultat est que la population insulaire sera identique à celle du continent dans ce trait, jusqu’à ce qu’un événement mutationnel (dans l’une ou l’autre population) autorise la possibilité d’un changement. Pour la plupart des traits, les mutations ne surviendront pas, puisque le mécanisme de copie de l’ADN est très précis. C’est ce qui gardera la plupart des traits communs aux deux populations. Le schéma attendu pour des espèces qui ont divergé récemment est donc des caractéristiques majoritairement identiques, avec quelques différences. Rappelons que c’est exactement ce schéma dans son contexte biogéographique qui a conduit Darwin à réfléchir à la possibilité de l’instabilité des espèces :
« Le fait le plus étonnant et le plus important pour nous en ce qui concerne les habitants de l’île, c’est leur affinité avec ceux du continent le plus proche, alors qu’ils ne sont pas de la même espèce. De nombreux exemples pourraient être donnés de ce fait. Je n’en donnerai qu’un, celui de l’archipel des Galapagos, situé sous l’Equateur, entre 800 et 1000km des côtes de l’Amérique du Sud. Ici, presque chaque produit de la terre et de l’eau porte l’empreinte évidente du continent américain. Il y a vingt-six espèces d’oiseaux terrestres, et parmi elles vingt-cinq sont recensées par M. Gould comme des espèces distinctes, dont on suppose qu’elles ont été créées ici. Pourtant l’affinité proche de la plupart de ces oiseaux aux espèces américaines dans tous leurs caractères, dans leurs habitudes, leurs comportement, les tons de leur voix, était manifeste. »
Notez que c’est le schéma composé d’ « affinités » évidentes (des caractères distinctifs communs) et de différences subtiles mais significatives que Darwin a observé. Les oiseaux en question étaient des espèces distinctes, mais ils conservaient « l’empreinte évidente » de leur héritage. Ce sont ces observations qui ont conduit Darwin à formuler l’hypothèse selon laquelle ces espèces de pinsons étaient le produit d’un événement de spéciation suite à l’isolement géographique.
Si l’isolement géographique est une situation directe qui peut amener à des barrières génétiques et à la formation de nouvelles espèces, la spéciation peut aussi arriver sans une séparation complète. Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons un cas de spéciation qui n’a qu’une barrière géographique (et génétique) partielle ; un cas qui démontrera aussi le caractère flou de ce qui constitue exactement une espèce.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:27http://www.scienceetfoi.com/de-la-varia ... ciation-1/
Dans cette nouvelle série de billets, Dennis Venema explique les mécanismes qui sont en jeu dans la formation d’une nouvelle espèce, ce que l’on appelle la spéciation. On est ici au cœur de la théorie de l’évolution biologique, l’origine des espèces pour faire écho au le livre de Charles Darwin. Et comme nous le verrons tout se joue au niveau des populations. Bonne lecture !
- Pascal Touzet
De la variation à la spéciation (1)
Dans le dernier billet de cette série, nous avons examiné la façon dont la variation de l’ADN survient par des événements aléatoires, comme lorsque des paires sont inappropriées, ou lors de duplications ou de délétions. Afin de comprendre la façon dont cette variation peut contribuer à un événement de spéciation, nous verrons la manière dont la variation s’étend dans une population. D’abord, nous avons besoin d’un peu de vocabulaire pour faciliter la discussion ; plus spécifiquement, nous avons besoin d’expliquer la distinction entre le gène et l’allèle.
En tant que généticien, il m’arrive de m’arracher les cheveux lorsque je lis dans des journaux grand public des articles à contenu scientifique. L’une des choses qui m’agacent le plus par exemple, c’est l’utilisation du terme « gène » lorsqu’on dit qu’un individu « a le gène » d’un trait spécifique. Nous avons déjà dit que les gènes sont une section de séquence d’ADN sur un chromosome qui contribue à quelque fonction, habituellement en codant pour une protéine. Ce que nous n’avons pas, cependant, ce sont des gènes identiques – il y a des différences qui surviennent dans les erreurs de copie que nous avons déjà exposées. Ces différences sont appelées des allèles. Un allèle est comme une « version » ou une « saveur » d’un gène. Les événements mutationnels ne créent pas habituellement de nouveaux gènes (bien qu’ils le puissent par la duplication). Habituellement, ce sont de nouveaux allèles qui sont créés. Dans un billet précédent, nous avons utilisé les Lego d’enfants pour illustrer la façon dont une nouvelle variante peut survenir quand deux nucléotides forment par erreur une paire lors de la réplication du chromosome :
spec1
Dans cet exemple, nous avons une séquence qui, par une erreur de copie, devient deux différentes versions de ce qui est (presque) la même séquence. Ces différences sont appelées deux allèles distincts, et s’ils affectent la fonction d’un gène, ils peuvent avoir un effet significatif à l’échelle de tout l’organisme. Lorsque les journalistes parlent du « gène » pour tel ou tel trait, ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est l’allèle pour tel ou tel trait, c’est-à-dire la variante spécifique d’un gène responsable d’une condition médicale spécifique, par exemple.
Sélection et dérive
La variation de l’ADN n’est rien d’autre que la production de nouveaux allèles – mais qu’arrive-t-il à ces allèles à travers le temps ? De toute évidence, lorsqu’un nouvel allèle survient, il n’est présent que dans un individu. S’il doit avoir un impact sur la population dans son ensemble, il faut qu’il s’étende à d’autres individus en se transmettant aux descendants. En ce sens, la variation peut entrer dans une population puis devenir plus commune. Il existe beaucoup de facteurs qui peuvent influencer ce processus. Si la taille de la population est petite, alors seule la chance peut augmenter (ou diminuer) la fréquence d’un allèle dans une population ; un effet que l’on nomme la « dérive génétique ». Puisque la dérive peut jouer un rôle majeur dans la façon dont les fréquences d’un allèle changent dans une population, il vaut la peine de prendre le temps de l’examiner en détail.
La dérive est essentiellement un événement d’échantillonnage non représentatif. Considérez une petite population d’organismes qui se reproduisent sexuellement, représentés par les rectangles, chacun contenant deux allèles (les carrés, les différences entre les allèles sont représentées par les couleurs). Chaque « reproduction » a une chance sur deux de transmettre l’un ou l’autre allèle à la prochaine génération. (Note : chaque événement de « transmission » est indépendant ; par exemple, il n’y a pas de mécanisme qui garantit qu’un individu transmette ses deux allèles s’il se reproduit deux fois.) En ce qui concerne la paire de gauche, un parent a deux allèles jaunes et l’autre un allèle bleu et un allèle jaune. Lorsqu’ils se reproduisent, par chance, le parent possédant les deux allèles ne transmet que le jaune aux deux descendants. Pour ce qui est de la paire de droite, le parent possédant les deux allèles transmet aussi l’allèle jaune les deux fois, et son allèle bleu pas du tout. Ces événements aléatoires font dériver significativement la fréquence des deux allèles au d’une génération à l’autre :
spec2
Imaginez maintenant que les descendants se reproduisent aussi et que cette fois encore, nous avons par chance un échantillon légèrement non-représentatif pour former la prochaine génération :
spec3
L’idée est que cette petite population est sujette à de larges fluctuations dans les fréquences des allèles bleus ou jaunes parce qu’elle est petite. Cette petite taille signifie que les événements aléatoires au sein d’une paire se reproduisant ont un large impact sur la population dans son ensemble. Lors de la prochaine génération, par exemple, l’allèle bleu pourrait être complètement perdu ; et une fois qu’il a disparu, il sera absent jusqu’à ce qu’il survienne à nouveau par un nouvel événement mutationnel, ou jusqu’à ce qu’il s’introduise dans la population par un individu immigrant d’une population dans laquelle il est toujours présent.
La situation est assez différente pour des populations plus grandes. Imaginez une population de 1000 individus, avec un total de 500 allèles jaunes et de 500 allèles bleus, distribués au hasard dans les individus. Lorsque cette population se reproduit, le rapport d’une chance sur deux ne variera jamais beaucoup d’une génération à l’autre. Dans cette population nombreuse, les événements aléatoires à l’intérieur d’une paire reproductrice sont une petite proportion de la population dans son ensemble, et en moyenne, la population reflètera la probabilité d’une chance sur deux pour n’importe quel allèle transmis.
Alors comment les fréquences de l’allèle peuvent-elles changer dans des populations de grande taille, alors que la dérve génétique est impuissante ? Nous avons déjà examiné un mécanisme qui peut l’accomplir : la sélection naturelle. La sélection naturelle est simplement l’effet de la reproduction plus fréquente des individus qui possèdent un certain allèle que de ceux qui ne le possèdent pas. Avec le temps, les allèles sélectionnés vont donc augmenter en fréquence dans la population. Par exemple pour les chiens, au début du processus de domestication, la duplication des gènes d’amylase est arrivée par un seul événement mutationnel aléatoire. Les chiens qui portaient l’allèle dupliqué de l’amylase se reproduisaient à une fréquence un peu plus élevée que ceux qui ne le portaient pas, puisque la duplication de l’allèle permettait aux chiens de consommer la nourriture qu’ils recevaient de leur nouvel environnement (c’est-à-dire des humains). Avec le temps, l’allèle dupliqué est devenu si fréquent dans la population canine que l’allèle ancestral et non dupliqué a été perdu. Le nouvel allèle était « fixé » dans la population : il avait une fréquence de 100%.
Pour résumer, dans une petite population, la dérive peut avoir un large impact sur les fréquences des allèles d’une génération à l’autre. Dans des populations plus nombreuses, la sélection naturelle prédomine, et la dérive a peu d’impact. Ces deux mécanismes peuvent contribuer au changement des fréquences d’allèles à travers le temps à l’intérieur d’une population, et en tant que tels, les deux peuvent être des facteurs qui contribuent à des événements de spéciation.
Changer la fréquence des allèles et la spéciation
La spéciation est la production de deux espèces à partir d’une population ancestrale. (Nous avons déjà dit que la définition de « l’espèce » est confuse ; le fait qu’elles surviennent lentement et progressivement les rend difficiles à définir.)
Une façon de comprendre la façon dont la spéciation commence, c’est de considérer deux populations de la même espèce qui pour quelque raison que ce soit, cessent de se reproduire entre elles ; peut-être à cause d’un isolement géographique. Si une « barrière » géographique n’a rien à voir avec les différences génétiques ou la compatibilité reproductive, si une telle barrière est en place, alors les allèles qui surviennent dans une population ne seront pas transférés dans l’autre population. De plus, si deux populations n’échangent pas d’allèles, alors les fréquences d’allèles dans les deux populations ne sont plus attachées l’une à l’autre et n’ont plus la même moyenne. Cela signifie que la dérive et la sélection naturelle agiront indépendamment dans les deux populations. Une fois que les populations sont séparées et isolées, elles peuvent suivre des trajectoires différentes – une population peut être d’abord petite, et être dominée par la dérive jusqu’à ce qu’elle augmente de taille. L’autre population peut rester nombreuse, et être sujette à la sélection naturelle d’une façon différente. Après une longue période, les deux populations peuvent devenir suffisamment différentes génétiquement pour former deux espèces. La clé, bien sûr, c’est la nature de la barrière qui empêche l’échange des allèles entre des populations. Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons comment de telles barrières peuvent se former entre les populations.
Dans cette nouvelle série de billets, Dennis Venema explique les mécanismes qui sont en jeu dans la formation d’une nouvelle espèce, ce que l’on appelle la spéciation. On est ici au cœur de la théorie de l’évolution biologique, l’origine des espèces pour faire écho au le livre de Charles Darwin. Et comme nous le verrons tout se joue au niveau des populations. Bonne lecture !
- Pascal Touzet
De la variation à la spéciation (1)
Dans le dernier billet de cette série, nous avons examiné la façon dont la variation de l’ADN survient par des événements aléatoires, comme lorsque des paires sont inappropriées, ou lors de duplications ou de délétions. Afin de comprendre la façon dont cette variation peut contribuer à un événement de spéciation, nous verrons la manière dont la variation s’étend dans une population. D’abord, nous avons besoin d’un peu de vocabulaire pour faciliter la discussion ; plus spécifiquement, nous avons besoin d’expliquer la distinction entre le gène et l’allèle.
En tant que généticien, il m’arrive de m’arracher les cheveux lorsque je lis dans des journaux grand public des articles à contenu scientifique. L’une des choses qui m’agacent le plus par exemple, c’est l’utilisation du terme « gène » lorsqu’on dit qu’un individu « a le gène » d’un trait spécifique. Nous avons déjà dit que les gènes sont une section de séquence d’ADN sur un chromosome qui contribue à quelque fonction, habituellement en codant pour une protéine. Ce que nous n’avons pas, cependant, ce sont des gènes identiques – il y a des différences qui surviennent dans les erreurs de copie que nous avons déjà exposées. Ces différences sont appelées des allèles. Un allèle est comme une « version » ou une « saveur » d’un gène. Les événements mutationnels ne créent pas habituellement de nouveaux gènes (bien qu’ils le puissent par la duplication). Habituellement, ce sont de nouveaux allèles qui sont créés. Dans un billet précédent, nous avons utilisé les Lego d’enfants pour illustrer la façon dont une nouvelle variante peut survenir quand deux nucléotides forment par erreur une paire lors de la réplication du chromosome :
spec1
Dans cet exemple, nous avons une séquence qui, par une erreur de copie, devient deux différentes versions de ce qui est (presque) la même séquence. Ces différences sont appelées deux allèles distincts, et s’ils affectent la fonction d’un gène, ils peuvent avoir un effet significatif à l’échelle de tout l’organisme. Lorsque les journalistes parlent du « gène » pour tel ou tel trait, ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est l’allèle pour tel ou tel trait, c’est-à-dire la variante spécifique d’un gène responsable d’une condition médicale spécifique, par exemple.
Sélection et dérive
La variation de l’ADN n’est rien d’autre que la production de nouveaux allèles – mais qu’arrive-t-il à ces allèles à travers le temps ? De toute évidence, lorsqu’un nouvel allèle survient, il n’est présent que dans un individu. S’il doit avoir un impact sur la population dans son ensemble, il faut qu’il s’étende à d’autres individus en se transmettant aux descendants. En ce sens, la variation peut entrer dans une population puis devenir plus commune. Il existe beaucoup de facteurs qui peuvent influencer ce processus. Si la taille de la population est petite, alors seule la chance peut augmenter (ou diminuer) la fréquence d’un allèle dans une population ; un effet que l’on nomme la « dérive génétique ». Puisque la dérive peut jouer un rôle majeur dans la façon dont les fréquences d’un allèle changent dans une population, il vaut la peine de prendre le temps de l’examiner en détail.
La dérive est essentiellement un événement d’échantillonnage non représentatif. Considérez une petite population d’organismes qui se reproduisent sexuellement, représentés par les rectangles, chacun contenant deux allèles (les carrés, les différences entre les allèles sont représentées par les couleurs). Chaque « reproduction » a une chance sur deux de transmettre l’un ou l’autre allèle à la prochaine génération. (Note : chaque événement de « transmission » est indépendant ; par exemple, il n’y a pas de mécanisme qui garantit qu’un individu transmette ses deux allèles s’il se reproduit deux fois.) En ce qui concerne la paire de gauche, un parent a deux allèles jaunes et l’autre un allèle bleu et un allèle jaune. Lorsqu’ils se reproduisent, par chance, le parent possédant les deux allèles ne transmet que le jaune aux deux descendants. Pour ce qui est de la paire de droite, le parent possédant les deux allèles transmet aussi l’allèle jaune les deux fois, et son allèle bleu pas du tout. Ces événements aléatoires font dériver significativement la fréquence des deux allèles au d’une génération à l’autre :
spec2
Imaginez maintenant que les descendants se reproduisent aussi et que cette fois encore, nous avons par chance un échantillon légèrement non-représentatif pour former la prochaine génération :
spec3
L’idée est que cette petite population est sujette à de larges fluctuations dans les fréquences des allèles bleus ou jaunes parce qu’elle est petite. Cette petite taille signifie que les événements aléatoires au sein d’une paire se reproduisant ont un large impact sur la population dans son ensemble. Lors de la prochaine génération, par exemple, l’allèle bleu pourrait être complètement perdu ; et une fois qu’il a disparu, il sera absent jusqu’à ce qu’il survienne à nouveau par un nouvel événement mutationnel, ou jusqu’à ce qu’il s’introduise dans la population par un individu immigrant d’une population dans laquelle il est toujours présent.
La situation est assez différente pour des populations plus grandes. Imaginez une population de 1000 individus, avec un total de 500 allèles jaunes et de 500 allèles bleus, distribués au hasard dans les individus. Lorsque cette population se reproduit, le rapport d’une chance sur deux ne variera jamais beaucoup d’une génération à l’autre. Dans cette population nombreuse, les événements aléatoires à l’intérieur d’une paire reproductrice sont une petite proportion de la population dans son ensemble, et en moyenne, la population reflètera la probabilité d’une chance sur deux pour n’importe quel allèle transmis.
Alors comment les fréquences de l’allèle peuvent-elles changer dans des populations de grande taille, alors que la dérve génétique est impuissante ? Nous avons déjà examiné un mécanisme qui peut l’accomplir : la sélection naturelle. La sélection naturelle est simplement l’effet de la reproduction plus fréquente des individus qui possèdent un certain allèle que de ceux qui ne le possèdent pas. Avec le temps, les allèles sélectionnés vont donc augmenter en fréquence dans la population. Par exemple pour les chiens, au début du processus de domestication, la duplication des gènes d’amylase est arrivée par un seul événement mutationnel aléatoire. Les chiens qui portaient l’allèle dupliqué de l’amylase se reproduisaient à une fréquence un peu plus élevée que ceux qui ne le portaient pas, puisque la duplication de l’allèle permettait aux chiens de consommer la nourriture qu’ils recevaient de leur nouvel environnement (c’est-à-dire des humains). Avec le temps, l’allèle dupliqué est devenu si fréquent dans la population canine que l’allèle ancestral et non dupliqué a été perdu. Le nouvel allèle était « fixé » dans la population : il avait une fréquence de 100%.
Pour résumer, dans une petite population, la dérive peut avoir un large impact sur les fréquences des allèles d’une génération à l’autre. Dans des populations plus nombreuses, la sélection naturelle prédomine, et la dérive a peu d’impact. Ces deux mécanismes peuvent contribuer au changement des fréquences d’allèles à travers le temps à l’intérieur d’une population, et en tant que tels, les deux peuvent être des facteurs qui contribuent à des événements de spéciation.
Changer la fréquence des allèles et la spéciation
La spéciation est la production de deux espèces à partir d’une population ancestrale. (Nous avons déjà dit que la définition de « l’espèce » est confuse ; le fait qu’elles surviennent lentement et progressivement les rend difficiles à définir.)
Une façon de comprendre la façon dont la spéciation commence, c’est de considérer deux populations de la même espèce qui pour quelque raison que ce soit, cessent de se reproduire entre elles ; peut-être à cause d’un isolement géographique. Si une « barrière » géographique n’a rien à voir avec les différences génétiques ou la compatibilité reproductive, si une telle barrière est en place, alors les allèles qui surviennent dans une population ne seront pas transférés dans l’autre population. De plus, si deux populations n’échangent pas d’allèles, alors les fréquences d’allèles dans les deux populations ne sont plus attachées l’une à l’autre et n’ont plus la même moyenne. Cela signifie que la dérive et la sélection naturelle agiront indépendamment dans les deux populations. Une fois que les populations sont séparées et isolées, elles peuvent suivre des trajectoires différentes – une population peut être d’abord petite, et être dominée par la dérive jusqu’à ce qu’elle augmente de taille. L’autre population peut rester nombreuse, et être sujette à la sélection naturelle d’une façon différente. Après une longue période, les deux populations peuvent devenir suffisamment différentes génétiquement pour former deux espèces. La clé, bien sûr, c’est la nature de la barrière qui empêche l’échange des allèles entre des populations. Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons comment de telles barrières peuvent se former entre les populations.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:27http://www.scienceetfoi.com/de-la-varia ... ciation-3/
Dans le dernier billet de cette série, nous avons examiné le cas relativement simple de la séparation géographique des populations (par exemple lorsqu’une population est fondée sur une île). La séparation géographique est une barrière effective à ce que les biologistes appellent « le flux des gènes » entre les populations ; un effet qu’on pourrait décrire de manière plus adéquate par l’expression « flux d’allèles ». Alors que de nouveaux allèles surviennent dans des populations séparées, l’absence de reproduction entre les populations a pour conséquence de garder chaque allèle dans la population à l’intérieur de laquelle il est survenu. Ces nouveaux allèles peuvent contribuer à la spéciation à travers le temps, s’ils affectent les caractéristiques de l’organisme. Si, à l’autre extrême, de nouveaux allèles peuvent passer librement entre les deux populations, alors ils ne contribueront pas à un événement de spéciation, puisqu’ils ne rendront pas les populations différentes dans le temps.
D’une espèce à l’autre
Si ces deux extrêmes (les populations géographiquement séparées et les populations continues) sont aisées à comprendre, il est possible de trouver des situations intermédiaires. Par exemple, considérons deux populations (que nous appellerons A et B) qui sont membres de la même espèce. Elles peuvent échanger des allèles, mais à un rythme réduit par comparaison au partage qui se fait à l’intérieur d’une population. Cet effet peut survenir à cause de la forme géographique de leur habitat : s’il est long et étroit, alors les deux populations peuvent n’être contiguës que sur une petite partie de leur étendue. Cela signifie qu’en moyenne, un individu de la population A trouvera plus probablement un partenaire dans la population A que dans la population B, dans la petite région qu’ils partagent. Nous pouvons représenter ceci par des boîtes qui représentent les deux populations, contiguës l’une à l’autre par un seul côté, étroit :
spc 3 1
Cet arrangement restreint ainsi, sans l’abolir complètement, le flux d’allèles entre les deux populations. Il constitue une barrière partielle au flux d’allèles. Les populations A et B sont les membres d’une même espèce mais les deux populations ne sont pas génétiquement identiques. Alors que de nouveaux allèles surviennent dans la population A, ils ne sont pas partagés avec la population B aussi souvent qu’à l’intérieur de la population A, et vice versa. Il est aussi possible que les deux populations expérimentent des différences dans la sélection naturelle (puisque leurs environnements ne sont pas identiques), et/ou des différences dans la dérive génétique, en fonction de la taille de la population. Le résultat net est un équilibre des forces qui agissent sur les deux populations ; certaines favorisant les différences (la sélection et/ou la dérive) et une autre favorisant les similitudes (un flux limité d’allèles par la reproduction entre les populations).
Dans la nature, cet effet peut s’étendre à des populations multiples sur un « fil » qui s’étend sur une suite d’habitats adaptés. Ajoutons trois populations (C, D et E) à l’exemple précédent pour l’illustrer :
spec 3 2
Une fois que les populations s’étendent sur une large région géographique, les différences entre les populations aux extrémités (les populations A et E dans notre diagramme) peuvent devenir significatives. Dans certains cas, et c’est intéressant, les populations des extrémités peuvent être assez différentes de sorte qu’elles ne se reconnaissent plus comme membres de la même espèce, malgré leur connexion génétique par une série de populations intermédiaires. Dans certains cas, les scientifiques ont besoin de rassembler des membres des populations aux extrémités pour voir s’ils peuvent se reproduire entre eux (c’est-à-dire en employant le concept biologique d’espèce). Dans d’autres cas, la topographie de l’habitat les rassemble dans la nature, ce qui permet aux populations aux extrémités du fil de se rencontrer en formant un anneau, mais avec une barrière naturelle au milieu (comme une montagne ou une vallée dont l’habitat est inadapté). Le résultat est ce que l’on appelle la « variation clinale » (ring species = espèce en anneau) :
spec 3 2
On voit la difficulté inhérente à la définition des espèces séparées (s’il y en a). Il y a un flux d’allèles entre toutes ces populations, mais seulement en anneau. Les deux populations des extrémités (qui se recouvrent), malgré leur rencontre dans le même habitat, sont assez différentes pour ne pas se reproduire entre elles. Définir ces populations comme des espèces différentes (ou pas), c’est vainement essayer de dessiner une frontière de démarcation dans un dégradé de couleurs. Pour ceux qui sont intéressés par un exemple réel d’une variation clinale, les sous-espèces de la salamandre Ensatina eschscholtzii sur la côte ouest de l’Amérique du nord en sont des cas classiques et demeurent encore actuellement un sujet de recherche.
Si nous rencontrions les populations des extrémités sans les intermédiaires, nous n’hésiterions pas à les classifier comme des espèces distinctes. Il est également aisé de voir ce qui suivrait si n’importe quelle population intermédiaire était perdue, ou si des changements dans l’habitat empêchaient la connexion entre n’importe quelles populations ; le résultat serait une interruption dans la chaîne de flux d’allèles, coupant les populations terminales les unes des autres. Ce que la variation clinale illustre, c’est que bien que la spéciation soit un lent processus d’accumulation de différences entre les populations, elle est possible même sans une barrière totale au flux des allèles.
La spéciation sans la séparation géographique
Si la variation clinale illustre la façon dont les espèces peuvent se former sur une large région géographique, des barrières au flux d’allèles peuvent aussi survenir à l’intérieur d’une population dans une localité plus compacte. Il suffit d’avoir un biais qui promeut l’échange des allèles à l’intérieur d’un sous-groupe de la population, au prix d’un moindre échange dans la population plus large ; et comme nous l’avons vu avec la variation clinale, cette barrière ne doit pas être absolue pour autoriser deux sous-populations à accumuler des différences entre elles, pour diverger ensuite à travers le temps. Par exemple, une sous-population peut commencer à exploiter différemment des ressources à l’intérieur d’une même aire géographique ; un effet que l’on appelle la partition ou la différenciation de niches. Alors que des sous-populations commencent à se spécialiser dans des « façons de vivre » à peine différentes, selon l’expression de Darwin, il devient plus probable qu’elles se reproduisent à l’intérieur de la sous-population plutôt que dans la population entière. Puisque la reproduction préférentielle est une barrière (partielle) au flux d’allèles, cela peut placer les sous-populations sur une trajectoire génétique qui renforce leurs différences et les amène à un événement de spéciation.
La partition de niches est le mécanisme probable conduisant à des événements de spéciation rapides et multiples qui arrivent lorsqu’une population fondatrice atteint un nouvel habitat, dans lequel les prédateurs sont largement absents. La colonisation d’îles volcaniques, un sujet que nous avons déjà discuté, peut amener à une radiation adaptative. Un exemple est celui des nombreuses espèces de pinsons dans les îles Galapagos qui viennent d’une seule espèce de pinsons, celle qui a colonisé l’archipel à l’origine. Par la suite elle s’est diversifiée en de nombreuses espèces qui se sont spécialisées dans des ressources alimentaires différentes. En l’absence d’autres oiseaux sur l’île, de nombreuses « façons de vivre » (que l’on appelle aujourd’hui des niches) étaient disponibles pour différentes sous-populations d’oiseaux.
En résumé : la spéciation commence par des barrières au flux d’allèles
La séparation géographique complète, la séparation géographique partielle vue avec la variation clinale, et le partage des ressources de sous-populations sont toutes des barrières au flux d’allèles entre les membres d’une même population (du moins au départ). Ceci permet à de nouveaux allèles de survenir, sans être partagés par les deux populations, et disjoint ainsi les caractéristiques moyennes des deux groupes. Dans le prochain billet, nous examinerons certains traits auxquels ces allèles contribuent ; des traits qui améliorent les barrières au flux d’allèles et permettent ainsi les événements de spéciation.
Dans le dernier billet de cette série, nous avons examiné le cas relativement simple de la séparation géographique des populations (par exemple lorsqu’une population est fondée sur une île). La séparation géographique est une barrière effective à ce que les biologistes appellent « le flux des gènes » entre les populations ; un effet qu’on pourrait décrire de manière plus adéquate par l’expression « flux d’allèles ». Alors que de nouveaux allèles surviennent dans des populations séparées, l’absence de reproduction entre les populations a pour conséquence de garder chaque allèle dans la population à l’intérieur de laquelle il est survenu. Ces nouveaux allèles peuvent contribuer à la spéciation à travers le temps, s’ils affectent les caractéristiques de l’organisme. Si, à l’autre extrême, de nouveaux allèles peuvent passer librement entre les deux populations, alors ils ne contribueront pas à un événement de spéciation, puisqu’ils ne rendront pas les populations différentes dans le temps.
D’une espèce à l’autre
Si ces deux extrêmes (les populations géographiquement séparées et les populations continues) sont aisées à comprendre, il est possible de trouver des situations intermédiaires. Par exemple, considérons deux populations (que nous appellerons A et B) qui sont membres de la même espèce. Elles peuvent échanger des allèles, mais à un rythme réduit par comparaison au partage qui se fait à l’intérieur d’une population. Cet effet peut survenir à cause de la forme géographique de leur habitat : s’il est long et étroit, alors les deux populations peuvent n’être contiguës que sur une petite partie de leur étendue. Cela signifie qu’en moyenne, un individu de la population A trouvera plus probablement un partenaire dans la population A que dans la population B, dans la petite région qu’ils partagent. Nous pouvons représenter ceci par des boîtes qui représentent les deux populations, contiguës l’une à l’autre par un seul côté, étroit :
spc 3 1
Cet arrangement restreint ainsi, sans l’abolir complètement, le flux d’allèles entre les deux populations. Il constitue une barrière partielle au flux d’allèles. Les populations A et B sont les membres d’une même espèce mais les deux populations ne sont pas génétiquement identiques. Alors que de nouveaux allèles surviennent dans la population A, ils ne sont pas partagés avec la population B aussi souvent qu’à l’intérieur de la population A, et vice versa. Il est aussi possible que les deux populations expérimentent des différences dans la sélection naturelle (puisque leurs environnements ne sont pas identiques), et/ou des différences dans la dérive génétique, en fonction de la taille de la population. Le résultat net est un équilibre des forces qui agissent sur les deux populations ; certaines favorisant les différences (la sélection et/ou la dérive) et une autre favorisant les similitudes (un flux limité d’allèles par la reproduction entre les populations).
Dans la nature, cet effet peut s’étendre à des populations multiples sur un « fil » qui s’étend sur une suite d’habitats adaptés. Ajoutons trois populations (C, D et E) à l’exemple précédent pour l’illustrer :
spec 3 2
Une fois que les populations s’étendent sur une large région géographique, les différences entre les populations aux extrémités (les populations A et E dans notre diagramme) peuvent devenir significatives. Dans certains cas, et c’est intéressant, les populations des extrémités peuvent être assez différentes de sorte qu’elles ne se reconnaissent plus comme membres de la même espèce, malgré leur connexion génétique par une série de populations intermédiaires. Dans certains cas, les scientifiques ont besoin de rassembler des membres des populations aux extrémités pour voir s’ils peuvent se reproduire entre eux (c’est-à-dire en employant le concept biologique d’espèce). Dans d’autres cas, la topographie de l’habitat les rassemble dans la nature, ce qui permet aux populations aux extrémités du fil de se rencontrer en formant un anneau, mais avec une barrière naturelle au milieu (comme une montagne ou une vallée dont l’habitat est inadapté). Le résultat est ce que l’on appelle la « variation clinale » (ring species = espèce en anneau) :
spec 3 2
On voit la difficulté inhérente à la définition des espèces séparées (s’il y en a). Il y a un flux d’allèles entre toutes ces populations, mais seulement en anneau. Les deux populations des extrémités (qui se recouvrent), malgré leur rencontre dans le même habitat, sont assez différentes pour ne pas se reproduire entre elles. Définir ces populations comme des espèces différentes (ou pas), c’est vainement essayer de dessiner une frontière de démarcation dans un dégradé de couleurs. Pour ceux qui sont intéressés par un exemple réel d’une variation clinale, les sous-espèces de la salamandre Ensatina eschscholtzii sur la côte ouest de l’Amérique du nord en sont des cas classiques et demeurent encore actuellement un sujet de recherche.
Si nous rencontrions les populations des extrémités sans les intermédiaires, nous n’hésiterions pas à les classifier comme des espèces distinctes. Il est également aisé de voir ce qui suivrait si n’importe quelle population intermédiaire était perdue, ou si des changements dans l’habitat empêchaient la connexion entre n’importe quelles populations ; le résultat serait une interruption dans la chaîne de flux d’allèles, coupant les populations terminales les unes des autres. Ce que la variation clinale illustre, c’est que bien que la spéciation soit un lent processus d’accumulation de différences entre les populations, elle est possible même sans une barrière totale au flux des allèles.
La spéciation sans la séparation géographique
Si la variation clinale illustre la façon dont les espèces peuvent se former sur une large région géographique, des barrières au flux d’allèles peuvent aussi survenir à l’intérieur d’une population dans une localité plus compacte. Il suffit d’avoir un biais qui promeut l’échange des allèles à l’intérieur d’un sous-groupe de la population, au prix d’un moindre échange dans la population plus large ; et comme nous l’avons vu avec la variation clinale, cette barrière ne doit pas être absolue pour autoriser deux sous-populations à accumuler des différences entre elles, pour diverger ensuite à travers le temps. Par exemple, une sous-population peut commencer à exploiter différemment des ressources à l’intérieur d’une même aire géographique ; un effet que l’on appelle la partition ou la différenciation de niches. Alors que des sous-populations commencent à se spécialiser dans des « façons de vivre » à peine différentes, selon l’expression de Darwin, il devient plus probable qu’elles se reproduisent à l’intérieur de la sous-population plutôt que dans la population entière. Puisque la reproduction préférentielle est une barrière (partielle) au flux d’allèles, cela peut placer les sous-populations sur une trajectoire génétique qui renforce leurs différences et les amène à un événement de spéciation.
La partition de niches est le mécanisme probable conduisant à des événements de spéciation rapides et multiples qui arrivent lorsqu’une population fondatrice atteint un nouvel habitat, dans lequel les prédateurs sont largement absents. La colonisation d’îles volcaniques, un sujet que nous avons déjà discuté, peut amener à une radiation adaptative. Un exemple est celui des nombreuses espèces de pinsons dans les îles Galapagos qui viennent d’une seule espèce de pinsons, celle qui a colonisé l’archipel à l’origine. Par la suite elle s’est diversifiée en de nombreuses espèces qui se sont spécialisées dans des ressources alimentaires différentes. En l’absence d’autres oiseaux sur l’île, de nombreuses « façons de vivre » (que l’on appelle aujourd’hui des niches) étaient disponibles pour différentes sous-populations d’oiseaux.
En résumé : la spéciation commence par des barrières au flux d’allèles
La séparation géographique complète, la séparation géographique partielle vue avec la variation clinale, et le partage des ressources de sous-populations sont toutes des barrières au flux d’allèles entre les membres d’une même population (du moins au départ). Ceci permet à de nouveaux allèles de survenir, sans être partagés par les deux populations, et disjoint ainsi les caractéristiques moyennes des deux groupes. Dans le prochain billet, nous examinerons certains traits auxquels ces allèles contribuent ; des traits qui améliorent les barrières au flux d’allèles et permettent ainsi les événements de spéciation.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
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- Ptitech
- [Religion] agnostique
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:28http://www.scienceetfoi.com/de-la-varia ... ciation-4/
Dans le billet précédent, nous avons introduit l’idée que les espèces peuvent se former dans le même lieu géographique par le partage des ressources – lorsque les populations exploitent avec le temps différentes niches,. Dans ce billet, nous explorerons ce phénomène en détail, en utilisant l’exemple d’une espèce émergente qui s’est formée dans un passé très récent, et sous l’observation de l’homme : la diversification des mouches de la pomme, Rhagoletis pomonella. Ces mouches sont attirées par les fruits de l’aubépine quand ils ne sont pas encore mûrs, parent sauvage des pommiers domestiques. Le fruit de l’aubépine est aussi le lieu où les mouches de la pomme trouvent leur partenaire et pondent leurs œufs, afin de permettre aux larves de se nourrir du fruit (ce qui le gâte et le fait tomber plus tôt, en emportant la larve). Les mouches de la pomme ne produisent qu’une génération par an, et survivent à l’hiver sous forme de chrysalides. De plus, elles ont une durée de vie d’adulte courte, ce qui ne leur donne qu’une petite période pour trouver un partenaire, se reproduire, et pour pondre les œufs en ce qui concerne les femelles. Cette période cruciale correspond bien sûr au cycle de vie de l’aubépine – lorsque ses fruits peuvent être une source alimentaire et un lieu de rencontre. En tant que telle, la sélection naturelle (exercée par le cycle de vie de l’aubépine) agit sur la variation génétique qui contrôle le temps d’éclosion chez les populations de mouches de la pomme. Le moment de l’éclosion est sous contrôle héréditaire et les mouches qui éclosent alors que la saison des fruits de l’aubépine touche à sa fin (ou pire, quand elle est finie et qu’il n’y a plus du tout de fruits) ne se reproduisent pas avec autant de succès que les mouches qui éclosent lorsqu’il y a abondance de fruits. Sans surprise, nous observons des populations de mouches de la pomme bien synchronisées avec les plantes qui les accueillent : la plupart des membres de n’importe quelle population de mouches éclot de concert avec la quantité de fruits disponibles :
spec4 1
Le temps d’éclosion est un exemple de caractère continu, par opposition au caractère discret. Le caractère discret possède des catégories distinctes : les yeux bleus et les yeux noirs, ou les fleurs rouges et les fleurs blanches, etc. Nombre de ces caractères ne peuvent pas entrer dans de telles catégories et sont plutôt distribués dans les populations. La taille et le poids sont des exemples de caractères continus, ainsi que le temps d’éclosion des mouches de la pomme. L’effet que l’arbre d’aubépine a sur la mouche de pomme est un exemple de la sélection stabilisante – les mouches qui éclosent en début ou en fin de saison, alors qu’il n’y a pas encore beaucoup de fruits, ne sont pas sélectionnées. Cette sélection a pour effet global de synchroniser l’éclosion des mouches avec la disponibilité du fruit, génération après génération.
Tentée par une pomme
Quelque chose est arrivé et a perturbé cette interaction stable et équilibrée : l’introduction de du pommier domestique en Amérique du Nord par les colons européens. Comme nous l’avons noté ci-dessus, l’aubépine et le pommier appartiennent à la même famille de végétaux, et leurs fruits sont similaires. Mais le moment auquel le fruit se développe est différent : les pommiers domestiques produisent des fruits quelques semaines plus tôt que les aubépines. L’introduction de pommiers dans l’habitat des mouches de pomme a ainsi donné une source alimentaire potentielle aux mouches qui éclosent trop tôt :
spec 4 2
Le résultat pour ces mouches “précoces”, attirées par ce fruit nouveau dans leur environnement, mais similaire à celui qu’elles connaissent, revêt deux aspects : (a) il permet d’avoir accès à une source alimentaire avec une moindre compétition de la part des membres de leur propre espèce et (b) il s’agit de trouver un partenaire aux tendances similaires, c’est-à-dire attiré par la pomme. Ce qui était au départ une combinaison génétique « perdante » (éclosion trop précoce, sans suffisamment de nourriture ou de perspective de trouver un partenaire) devient une combinaison « gagnante ». Il en résulte que la variante « précoce » peut désormais se reproduire plus effectivement qu’auparavant, et ainsi augmenter en nombre à travers les générations successives :
spec 4 3
Autrement dit, une fois que les pommes sont présentes, l’environnement ne sélectionne plus les populations de mouches de façon stabilisante, mais fait plutôt d’une variation deux sous-populations. La sélection devient diversifiante. Ce qu’il est important de noter, c’est que ces deux sous-populations ne se diversifient pas seulement par rapport au moment d’éclosion et à la préférence du fruit, mais aussi (étant donnée la nature de leur biologie) par rapport à leur préférence en matière de partenaire. Alors que les variantes « pommes » augmentent en nombre, les mouches se reproduisent naturellement plus fréquemment avec d’autres variantes « pommes », puisqu’elles rencontrent leur partenaire sur des pommiers. Il en résulte une barrière partielle au flux d’allèles qui renforce les différences émergentes entre les deux groupes à travers le temps.
Si les espèces de Rhagoletis pomonella de l’aubépine et de la pomme ont intéressé les hommes depuis des siècles (surtout à cause de l’impact économique de la mouche de la pomme en tant que parasite), les généticiens commencent juste à comprendre les différents allèle qui ont été les cibles de la sélection lors du processus de séparation. Des gènes que l’on connaissait par des recherches antécédentes comme affectant le temps d’éclosion s’avèrent avoir des allèles différents dans les deux groupes. D’autres gènes candidats incluent le récepteur de protéines que les mouches utilisent pour détecter les odeurs de leur cible, les fruits – certains allèles sont plus ajustés aux odeurs de la pomme, d’autres aux odeurs de l’aubépine. Ce qui a commencé comme étant une variation à l’intérieur d’une population est désormais partagé par la sélection en combinaisons d’allèle adaptées à des niches distinctes – et étant donné la rapidité avec laquelle s’est faite le changement pour la pomme, il est probable que de nouvelles mutations n’aient pas joué de rôle. La recombinaison et la ségrégation d’allèles existant déjà sur de nombreux gènes ont été suffisantes pour donner des différences génétiques qui correspondaient à certains membres de la population d’origine et qui permettaient d’exploiter une nouvelle opportunité. Il en a résulté le changement de certains caractères continus (le temps d’éclosion, la préférence pour une odeur de fruit) correspondant à une nouvelle niche environnementale et ériger une barrière au flux d’allèles.
Une fois examinés les gènes (et leurs allèles) sélectionnés pendant cet événement de spéciation, il y a plusieurs choses à noter. Le nombre de gènes sous sélection (et ainsi possédant différents allèles dans les deux nouvelles espèces) est relativement faible. Seuls les allèles qui affectent les caractères pertinents à l’adaptation à la nouvelle niche sont sélectionnés. La plupart des gènes demeurent identiques entre les deux populations, puisqu’elles ne sont pas passées par une sélection diversifiante mais par une sélection stabilisante pour leurs rôles (identiques) dans les deux espèces. Par exemple, considérons les gènes requis pour la conversion de l’énergie, ou pour le développement d’une aile, processus dont les deux espèces ont toujours besoin de la même façon. Ces gènes ont les mêmes allèles (ou peut-être un seul allèle) dans les deux populations, puisque la fonction de ces gènes n’était pas pertinente pour l’adaptation à la nouvelle niche. En quelques mots, le schéma général que produit la spéciation consiste en un petit nombre de différences d’allèles pour les gènes sous sélection (ou les gènes qui ont expérimenté la dérive pas hasard) avec la grande majorité de gènes identiques qui n’ont pas été soumis à la sélection ou à la dérive).
En effet, l’une des raisons pour lesquelles nous pouvons croire que les “spécialistes” des pommes et des aubépines de Rhagoletis pomonella sont en fait les produits d’un événement de spéciation récent (mis à part le fait que des fermiers ont observé l’émergence des deux espèces), c’est la ressemblance qui existe entre leur génome – ils n’ont que de petites différences dans un petit nombre de gènes. Biologiquement, savoir si elles sont en fait deux espèces séparées demeure une question ouverte, puisqu’elles continuent à échanger des allèles, bien qu’à un taux beaucoup plus faible qu’à l’intérieur de leurs populations respectives. Comme nous l’avons vu dans le cas des espèces en anneau, cet exemple nous montre qu’il est possible d’observer aujourd’hui encore les caractéristiques que nous pourrions prédire dans le cas d’un événement de spéciation en cours. De plus, il montre qu’un petit nombre de différences, dérivées de variations qui existaient déjà dans la population, peut mettre deux sous-populations sur une trajectoire qui augmente progressivement la barrière de flux d’allèles entre elles. Avec le temps, ces effets peuvent amener à la formation d’espèces proches.
A long terme
La production d’espèces proches à partir d’une population ancestrale commune est un sujet peu controversée chez les chrétiens évangéliques, bien que les mécanismes sous-tendant de tels événements ne sont souvent pas appréciés. Ce qui est plus controversé pour beaucoup, cependant, est la suggestion que ces mécanismes produisent aussi des espèces largement divergentes dans un temps long. Dans le prochain billet, nous examinerons certains arguments qui soutiennent l’hypothèse selon laquelle des espèces modernes très diverses sont effectivement dérivées d’une population ancestrale, dans un passé très lointain.
Pour en savoir plus
Schwarz, D. et al., (2009). Sympatric ecological speciation meets pyrosequencing: sampling the transcriptome of the apple maggot Rhagoletis pomonella. BMC Genomics 10; 633. (http://www.biomedcentral.com/1471-2164/10/633)
Dans le billet précédent, nous avons introduit l’idée que les espèces peuvent se former dans le même lieu géographique par le partage des ressources – lorsque les populations exploitent avec le temps différentes niches,. Dans ce billet, nous explorerons ce phénomène en détail, en utilisant l’exemple d’une espèce émergente qui s’est formée dans un passé très récent, et sous l’observation de l’homme : la diversification des mouches de la pomme, Rhagoletis pomonella. Ces mouches sont attirées par les fruits de l’aubépine quand ils ne sont pas encore mûrs, parent sauvage des pommiers domestiques. Le fruit de l’aubépine est aussi le lieu où les mouches de la pomme trouvent leur partenaire et pondent leurs œufs, afin de permettre aux larves de se nourrir du fruit (ce qui le gâte et le fait tomber plus tôt, en emportant la larve). Les mouches de la pomme ne produisent qu’une génération par an, et survivent à l’hiver sous forme de chrysalides. De plus, elles ont une durée de vie d’adulte courte, ce qui ne leur donne qu’une petite période pour trouver un partenaire, se reproduire, et pour pondre les œufs en ce qui concerne les femelles. Cette période cruciale correspond bien sûr au cycle de vie de l’aubépine – lorsque ses fruits peuvent être une source alimentaire et un lieu de rencontre. En tant que telle, la sélection naturelle (exercée par le cycle de vie de l’aubépine) agit sur la variation génétique qui contrôle le temps d’éclosion chez les populations de mouches de la pomme. Le moment de l’éclosion est sous contrôle héréditaire et les mouches qui éclosent alors que la saison des fruits de l’aubépine touche à sa fin (ou pire, quand elle est finie et qu’il n’y a plus du tout de fruits) ne se reproduisent pas avec autant de succès que les mouches qui éclosent lorsqu’il y a abondance de fruits. Sans surprise, nous observons des populations de mouches de la pomme bien synchronisées avec les plantes qui les accueillent : la plupart des membres de n’importe quelle population de mouches éclot de concert avec la quantité de fruits disponibles :
spec4 1
Le temps d’éclosion est un exemple de caractère continu, par opposition au caractère discret. Le caractère discret possède des catégories distinctes : les yeux bleus et les yeux noirs, ou les fleurs rouges et les fleurs blanches, etc. Nombre de ces caractères ne peuvent pas entrer dans de telles catégories et sont plutôt distribués dans les populations. La taille et le poids sont des exemples de caractères continus, ainsi que le temps d’éclosion des mouches de la pomme. L’effet que l’arbre d’aubépine a sur la mouche de pomme est un exemple de la sélection stabilisante – les mouches qui éclosent en début ou en fin de saison, alors qu’il n’y a pas encore beaucoup de fruits, ne sont pas sélectionnées. Cette sélection a pour effet global de synchroniser l’éclosion des mouches avec la disponibilité du fruit, génération après génération.
Tentée par une pomme
Quelque chose est arrivé et a perturbé cette interaction stable et équilibrée : l’introduction de du pommier domestique en Amérique du Nord par les colons européens. Comme nous l’avons noté ci-dessus, l’aubépine et le pommier appartiennent à la même famille de végétaux, et leurs fruits sont similaires. Mais le moment auquel le fruit se développe est différent : les pommiers domestiques produisent des fruits quelques semaines plus tôt que les aubépines. L’introduction de pommiers dans l’habitat des mouches de pomme a ainsi donné une source alimentaire potentielle aux mouches qui éclosent trop tôt :
spec 4 2
Le résultat pour ces mouches “précoces”, attirées par ce fruit nouveau dans leur environnement, mais similaire à celui qu’elles connaissent, revêt deux aspects : (a) il permet d’avoir accès à une source alimentaire avec une moindre compétition de la part des membres de leur propre espèce et (b) il s’agit de trouver un partenaire aux tendances similaires, c’est-à-dire attiré par la pomme. Ce qui était au départ une combinaison génétique « perdante » (éclosion trop précoce, sans suffisamment de nourriture ou de perspective de trouver un partenaire) devient une combinaison « gagnante ». Il en résulte que la variante « précoce » peut désormais se reproduire plus effectivement qu’auparavant, et ainsi augmenter en nombre à travers les générations successives :
spec 4 3
Autrement dit, une fois que les pommes sont présentes, l’environnement ne sélectionne plus les populations de mouches de façon stabilisante, mais fait plutôt d’une variation deux sous-populations. La sélection devient diversifiante. Ce qu’il est important de noter, c’est que ces deux sous-populations ne se diversifient pas seulement par rapport au moment d’éclosion et à la préférence du fruit, mais aussi (étant donnée la nature de leur biologie) par rapport à leur préférence en matière de partenaire. Alors que les variantes « pommes » augmentent en nombre, les mouches se reproduisent naturellement plus fréquemment avec d’autres variantes « pommes », puisqu’elles rencontrent leur partenaire sur des pommiers. Il en résulte une barrière partielle au flux d’allèles qui renforce les différences émergentes entre les deux groupes à travers le temps.
Si les espèces de Rhagoletis pomonella de l’aubépine et de la pomme ont intéressé les hommes depuis des siècles (surtout à cause de l’impact économique de la mouche de la pomme en tant que parasite), les généticiens commencent juste à comprendre les différents allèle qui ont été les cibles de la sélection lors du processus de séparation. Des gènes que l’on connaissait par des recherches antécédentes comme affectant le temps d’éclosion s’avèrent avoir des allèles différents dans les deux groupes. D’autres gènes candidats incluent le récepteur de protéines que les mouches utilisent pour détecter les odeurs de leur cible, les fruits – certains allèles sont plus ajustés aux odeurs de la pomme, d’autres aux odeurs de l’aubépine. Ce qui a commencé comme étant une variation à l’intérieur d’une population est désormais partagé par la sélection en combinaisons d’allèle adaptées à des niches distinctes – et étant donné la rapidité avec laquelle s’est faite le changement pour la pomme, il est probable que de nouvelles mutations n’aient pas joué de rôle. La recombinaison et la ségrégation d’allèles existant déjà sur de nombreux gènes ont été suffisantes pour donner des différences génétiques qui correspondaient à certains membres de la population d’origine et qui permettaient d’exploiter une nouvelle opportunité. Il en a résulté le changement de certains caractères continus (le temps d’éclosion, la préférence pour une odeur de fruit) correspondant à une nouvelle niche environnementale et ériger une barrière au flux d’allèles.
Une fois examinés les gènes (et leurs allèles) sélectionnés pendant cet événement de spéciation, il y a plusieurs choses à noter. Le nombre de gènes sous sélection (et ainsi possédant différents allèles dans les deux nouvelles espèces) est relativement faible. Seuls les allèles qui affectent les caractères pertinents à l’adaptation à la nouvelle niche sont sélectionnés. La plupart des gènes demeurent identiques entre les deux populations, puisqu’elles ne sont pas passées par une sélection diversifiante mais par une sélection stabilisante pour leurs rôles (identiques) dans les deux espèces. Par exemple, considérons les gènes requis pour la conversion de l’énergie, ou pour le développement d’une aile, processus dont les deux espèces ont toujours besoin de la même façon. Ces gènes ont les mêmes allèles (ou peut-être un seul allèle) dans les deux populations, puisque la fonction de ces gènes n’était pas pertinente pour l’adaptation à la nouvelle niche. En quelques mots, le schéma général que produit la spéciation consiste en un petit nombre de différences d’allèles pour les gènes sous sélection (ou les gènes qui ont expérimenté la dérive pas hasard) avec la grande majorité de gènes identiques qui n’ont pas été soumis à la sélection ou à la dérive).
En effet, l’une des raisons pour lesquelles nous pouvons croire que les “spécialistes” des pommes et des aubépines de Rhagoletis pomonella sont en fait les produits d’un événement de spéciation récent (mis à part le fait que des fermiers ont observé l’émergence des deux espèces), c’est la ressemblance qui existe entre leur génome – ils n’ont que de petites différences dans un petit nombre de gènes. Biologiquement, savoir si elles sont en fait deux espèces séparées demeure une question ouverte, puisqu’elles continuent à échanger des allèles, bien qu’à un taux beaucoup plus faible qu’à l’intérieur de leurs populations respectives. Comme nous l’avons vu dans le cas des espèces en anneau, cet exemple nous montre qu’il est possible d’observer aujourd’hui encore les caractéristiques que nous pourrions prédire dans le cas d’un événement de spéciation en cours. De plus, il montre qu’un petit nombre de différences, dérivées de variations qui existaient déjà dans la population, peut mettre deux sous-populations sur une trajectoire qui augmente progressivement la barrière de flux d’allèles entre elles. Avec le temps, ces effets peuvent amener à la formation d’espèces proches.
A long terme
La production d’espèces proches à partir d’une population ancestrale commune est un sujet peu controversée chez les chrétiens évangéliques, bien que les mécanismes sous-tendant de tels événements ne sont souvent pas appréciés. Ce qui est plus controversé pour beaucoup, cependant, est la suggestion que ces mécanismes produisent aussi des espèces largement divergentes dans un temps long. Dans le prochain billet, nous examinerons certains arguments qui soutiennent l’hypothèse selon laquelle des espèces modernes très diverses sont effectivement dérivées d’une population ancestrale, dans un passé très lointain.
Pour en savoir plus
Schwarz, D. et al., (2009). Sympatric ecological speciation meets pyrosequencing: sampling the transcriptome of the apple maggot Rhagoletis pomonella. BMC Genomics 10; 633. (http://www.biomedcentral.com/1471-2164/10/633)
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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- Ptitech
- [Religion] agnostique
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:28http://www.scienceetfoi.com/les-genomes ... anciens-2/
Les génomes comparés aux textes anciens (2)
Dans le dernier billet, nous avons parlé des caractéristiques que l’on attendrait en comparant les génomes d’espèces similaires, si ces espèces descendaient effectivement d’une population ancestrale commune. En utilisant notre analogie du « livre » pour les génomes, nous avons montré que la première chose que nous chercherions serait une structure commune aux deux génomes que l’on suppose descendre d’un génome ancestral commun : les « chapitres », les « paragraphes », etc…, sont-ils dans le même ordre ? Utilisent-ils les mêmes « phrases » ? etc… En d’autres termes, les génomes des espèces actuelles ressemblent-ils à des copies légèrement modifiées les uns des autres ?
La réponse donnée à cette question par la génomique comparative est positive. Ce que l’on voit quand on compare les génomes des espèces dont nous soupçonnons la parenté c’est qu’ils ressemblent effectivement à des copies. Dans certains cas, les correspondances entre les deux génomes excèdent les 95% au niveau de l’ADN pour l’ensemble des deux génomes. Ils n’ont pas seulement les mêmes gènes, mais ils sont dans le même ordre sur les chromosomes, chaque chromosome correspondant à un autre chromosome dans l’autre espèce. Imaginez que vous trouvez un livre identique à 95% à un autre manuscrit, contenant des chapitres, des paragraphes et des phrases dans le même ordre, avec seulement quelques différences entre eux – c’est ce type d’impression que l’on a lorsqu’on compare des génomes de certaines espèces.
Les mouches à fruits (qu’on appelle drosophiles) sont des espèces qui ont été analysées en détail. Les scientifiques ont aujourd’hui déterminé les séquences d’ADN complètes de douze espèces de drosophiles et les ont comparées. Certaines espèces ont des génomes quasiment identiques, exactement comme on l’aurait prédit si elles avaient formé auparavant une seule espèce avec un génome commun. S’il n’est pas possible de montrer une longue séquence d’ADN ici, nous pouvons examiner un petit fragment d’une « phrase » (c’est-à-dire d’un gène) de trois espèces de mouches à fruits (Drosophila yakuba, Drosophila simulans, et Drosophila sechellia) – toutes connues pour être des espèces distinctes de mouches :
textes 2 1
La première impression que l’on a lorsqu’on regarde les séquences c’est qu’elles sont presque identiques. Ce n’est pas inhabituel pour ces trois espèces – en effet, ce patron s’applique à chaque gène qu’elles ont (et elles ont toutes les mêmes gènes). La deuxième chose que l’on remarque, cependant, c’est qu’il y a de rares différences – dans ce tout petit extrait, deux espèces (D. simulans et D. sechellia) ont un « a » en quatrième position de ce gène, alors que D. yakuba a un « t ».
Rappelez-vous l’analogie que nous avons utilisée la dernière fois, celle des éditions d’un livre et les fautes de frappe qu’elles partagent. Les séquences de ces trois espèces sont comme les éditions hypothétiques que nous avons utilisées dans notre analogie, et nous pouvons expliquer le patron que nous observons à peu près de la même façon :
textes 2 2
[p1]
(Des lecteurs consciencieux noteront aussi que l’autre possibilité est que le “a” en quatrième position soit le texte d’origine, que le “t” soit une faute de frappe, et que la mutation (t à a) soit arrivée une fois dans le lignage qui a conduit à D. yakuba. Si vous réfléchissez à cette option, bien joué. Ce qui permet de décider quel est le texte d’origine, c’est de regarder autant de copies que possibles – et dans ce cas, lorsque nous regardons un grand nombre d’autres espèces drosophiles, nous voyons un « t » en quatrième position dans la plupart des espèces, et un « a » seulement chez D. simulans et D. sechellia. Cela signifie que le choix le plus économique est que le « t » est l’original, et que le « a » est une mutation.)
Ce n’est qu’un petit exemple, mais il illustre ce que les scientifiques observent quand ils comparent les génomes d’espèces dont ils soupçonnent la parenté en se basant sur d’autres critères (comme la morphologie). Ce qu’ils voient correspond précisément à ce à quoi l’on s’attendrait si des événements de spéciation avaient effectivement eu lieu pour produire les espèces en question : des génomes quasiment identiques, avec de petits changements partagés entre certaines espèces.
Une identité plus forte au niveau de l’ADN que nécessaire pour conserver la fonction du gène.
Une autre observation qui soutient l’hypothèse que ces séquences sont les copies d’une séquence ancestrale est que le niveau d’identité (de séquence correspondante) entre elles est plus haut que ce qui est requis, même lorsque la fonction du gène est considérée. Retournons au fragment de gène que nous examinions. Cette séquence, en tant que point de départ d’un gène, code une protéine qui a la même fonction dans les trois espèces. (Si vous avez besoin de vous rafraîchir la mémoire sur la façon dont les gènes sont fabriqués en monomères d’ADN qui sont ensuite traduits en une séquence d’acides aminés, vous pouvez vous référer à ces deux billets précédents.) Dans ces espèces, la séquence de cette protéine pour les huit premiers acides aminés est la suivante:
textes 2 3
Comme vous pouvez le voir, le second acide aminé est différent dans les deux séquences, mais les autres sont identiques. Ce qu’il est important de comprendre c’est qu’il y a de nombreuses façons d’écrire cette « phrase » et d’arriver à la même signification (séquence d’acides aminés). Cela est possible parce que pour la plupart des acides aminés, il existe plusieurs combinaisons de trois nucléotides (qu’on appelle des codons) qui produisent le même acide aminé quand il est traduit. Par exemple, la séquence de D. yakuba pourrait aussi être écrite comme suit (c’est une option parmi beaucoup d’autres) :
textes 2 5
Cette séquence est assez différente de ce que nous voyons dans les deux autres espèces :
textes 2 5
Dans ce cas, seuls 14 des 27 nucléotides correspondent – une identité d’environ 52% seulement. Ce que nous observons cependant, c’est que 26 des 27 nucléotides correspondent (plus de 96% d’identité). En d’autres termes, il serait possible pour ces deux gènes d’être plus ou moins identiques à l’échelle de l’ADN et d’avoir quand même les mêmes séquences d’acides aminés que nous observons dans les deux espèces. Pourtant, ce que nous voyons lorsque nous comparons les deux gènes, c’est qu’au niveau de l’ADN, ils correspondent bien plus que ce qui est nécessaire pour avoir les mêmes séquences d’acides aminés. Une explication simple est que les deux séquences correspondent parce qu’elles sont des copies de la même séquence d’origine.
L’identité dépasse ce qui est nécessaire pour la fonction à l’échelle des acides aminés.
Une seconde observation qui soutient l’hypothèse selon laquelle les séquences de gène de D. yakuba, de D. simulans et de D. sechellia sont en fait des copies vient de l’examen d’autres espèces de mouches qui sont moins proches de ces trois espèces. Toutes les espèces de drosophiles examinées jusqu’à aujourd’hui ont ce gène, mais dans des parents plus éloignés cette séquence peut être quelque peu différente. Par exemple, ce gène de D. mojavensis a la séquence ADN suivante :
textes 2 6
Une fois encore, une partie de la séquence demeure identique dans les quatre espèces (ce qui soutient l’hypothèse que cette séquence est aussi une copie, mais avec plus de changements), mais nous voyons maintenant de plus grandes différences. Malgré ces différences, la version du gène de D. mojavensis est parfaitement fonctionnelle et accomplit exactement le même travail que le gène des trois autres espèces plus proches.
Ces observations indiquent qu’il n’y a aucun besoin biologique pour que des gènes soient presque identiques au niveau des acides aminés, ou même au niveau de l’ADN chez ces différentes espèces. De nombreuses séquences d’acides aminés, et même de nombreuses séquences d’ADN sont également capables d’accomplir la même fonction. Pourtant ce que nous voyons de manière récurrente (sur les génomes tout entiers !) sont des gènes presque identiques, avec quelques différences (souvent partagées) – exactement ce que l’on attendrait d’événements de spéciation.
Qu’en est-il du “dessein commun” ?
Lorsque je présente ces données, on me demande souvent si le « dessein commun » ne pourrait pas être une autre explication possible. En d’autres termes, ces types de patrons pourraient-ils être expliqués en maintenant qu’ils sont des espèces créées séparément, sans ancêtre commun, mais qu’elles ont été créées pour avoir des gènes identiques ou similaires parce que ces gènes ont besoin de fonctions identiques ou similaires ?
Nous avons déjà vu les problèmes que pose cette ligne d’argumentation – les gènes (et le génome tout entier) d’espèces similaires correspondent bien plus qu’il n’est nécessaire – et que les différences que nous voyons dans des espèces à parenté proche sont arrangées sur le patron que l’on prédirait si des événements de spéciation les avaient produits.
Rien que des mouches
Bien sûr, la possibilité que de nombreuses espèces de mouches à fruits se soient déployées au cours du temps par de multiples événements de spéciation n’empêche pas la plupart des chrétiens de dormir. Comme nous l’avons déjà mentionné, même la plupart des créationnistes de la jeune terre acceptent de tels événements de spéciation. Ce qui est plus contentieux, bien entendu, c’est la question de savoir si le patron de l’ancêtre commun s’étend à notre propre espèce. Dans le prochain billet de notre série, nous examinerons cette question en comparant le génome humain aux génomes de ceux qui pourraient être nos parents vivants les plus proches – les grands singes.
Les génomes comparés aux textes anciens (2)
Dans le dernier billet, nous avons parlé des caractéristiques que l’on attendrait en comparant les génomes d’espèces similaires, si ces espèces descendaient effectivement d’une population ancestrale commune. En utilisant notre analogie du « livre » pour les génomes, nous avons montré que la première chose que nous chercherions serait une structure commune aux deux génomes que l’on suppose descendre d’un génome ancestral commun : les « chapitres », les « paragraphes », etc…, sont-ils dans le même ordre ? Utilisent-ils les mêmes « phrases » ? etc… En d’autres termes, les génomes des espèces actuelles ressemblent-ils à des copies légèrement modifiées les uns des autres ?
La réponse donnée à cette question par la génomique comparative est positive. Ce que l’on voit quand on compare les génomes des espèces dont nous soupçonnons la parenté c’est qu’ils ressemblent effectivement à des copies. Dans certains cas, les correspondances entre les deux génomes excèdent les 95% au niveau de l’ADN pour l’ensemble des deux génomes. Ils n’ont pas seulement les mêmes gènes, mais ils sont dans le même ordre sur les chromosomes, chaque chromosome correspondant à un autre chromosome dans l’autre espèce. Imaginez que vous trouvez un livre identique à 95% à un autre manuscrit, contenant des chapitres, des paragraphes et des phrases dans le même ordre, avec seulement quelques différences entre eux – c’est ce type d’impression que l’on a lorsqu’on compare des génomes de certaines espèces.
Les mouches à fruits (qu’on appelle drosophiles) sont des espèces qui ont été analysées en détail. Les scientifiques ont aujourd’hui déterminé les séquences d’ADN complètes de douze espèces de drosophiles et les ont comparées. Certaines espèces ont des génomes quasiment identiques, exactement comme on l’aurait prédit si elles avaient formé auparavant une seule espèce avec un génome commun. S’il n’est pas possible de montrer une longue séquence d’ADN ici, nous pouvons examiner un petit fragment d’une « phrase » (c’est-à-dire d’un gène) de trois espèces de mouches à fruits (Drosophila yakuba, Drosophila simulans, et Drosophila sechellia) – toutes connues pour être des espèces distinctes de mouches :
textes 2 1
La première impression que l’on a lorsqu’on regarde les séquences c’est qu’elles sont presque identiques. Ce n’est pas inhabituel pour ces trois espèces – en effet, ce patron s’applique à chaque gène qu’elles ont (et elles ont toutes les mêmes gènes). La deuxième chose que l’on remarque, cependant, c’est qu’il y a de rares différences – dans ce tout petit extrait, deux espèces (D. simulans et D. sechellia) ont un « a » en quatrième position de ce gène, alors que D. yakuba a un « t ».
Rappelez-vous l’analogie que nous avons utilisée la dernière fois, celle des éditions d’un livre et les fautes de frappe qu’elles partagent. Les séquences de ces trois espèces sont comme les éditions hypothétiques que nous avons utilisées dans notre analogie, et nous pouvons expliquer le patron que nous observons à peu près de la même façon :
textes 2 2
[p1]
(Des lecteurs consciencieux noteront aussi que l’autre possibilité est que le “a” en quatrième position soit le texte d’origine, que le “t” soit une faute de frappe, et que la mutation (t à a) soit arrivée une fois dans le lignage qui a conduit à D. yakuba. Si vous réfléchissez à cette option, bien joué. Ce qui permet de décider quel est le texte d’origine, c’est de regarder autant de copies que possibles – et dans ce cas, lorsque nous regardons un grand nombre d’autres espèces drosophiles, nous voyons un « t » en quatrième position dans la plupart des espèces, et un « a » seulement chez D. simulans et D. sechellia. Cela signifie que le choix le plus économique est que le « t » est l’original, et que le « a » est une mutation.)
Ce n’est qu’un petit exemple, mais il illustre ce que les scientifiques observent quand ils comparent les génomes d’espèces dont ils soupçonnent la parenté en se basant sur d’autres critères (comme la morphologie). Ce qu’ils voient correspond précisément à ce à quoi l’on s’attendrait si des événements de spéciation avaient effectivement eu lieu pour produire les espèces en question : des génomes quasiment identiques, avec de petits changements partagés entre certaines espèces.
Une identité plus forte au niveau de l’ADN que nécessaire pour conserver la fonction du gène.
Une autre observation qui soutient l’hypothèse que ces séquences sont les copies d’une séquence ancestrale est que le niveau d’identité (de séquence correspondante) entre elles est plus haut que ce qui est requis, même lorsque la fonction du gène est considérée. Retournons au fragment de gène que nous examinions. Cette séquence, en tant que point de départ d’un gène, code une protéine qui a la même fonction dans les trois espèces. (Si vous avez besoin de vous rafraîchir la mémoire sur la façon dont les gènes sont fabriqués en monomères d’ADN qui sont ensuite traduits en une séquence d’acides aminés, vous pouvez vous référer à ces deux billets précédents.) Dans ces espèces, la séquence de cette protéine pour les huit premiers acides aminés est la suivante:
textes 2 3
Comme vous pouvez le voir, le second acide aminé est différent dans les deux séquences, mais les autres sont identiques. Ce qu’il est important de comprendre c’est qu’il y a de nombreuses façons d’écrire cette « phrase » et d’arriver à la même signification (séquence d’acides aminés). Cela est possible parce que pour la plupart des acides aminés, il existe plusieurs combinaisons de trois nucléotides (qu’on appelle des codons) qui produisent le même acide aminé quand il est traduit. Par exemple, la séquence de D. yakuba pourrait aussi être écrite comme suit (c’est une option parmi beaucoup d’autres) :
textes 2 5
Cette séquence est assez différente de ce que nous voyons dans les deux autres espèces :
textes 2 5
Dans ce cas, seuls 14 des 27 nucléotides correspondent – une identité d’environ 52% seulement. Ce que nous observons cependant, c’est que 26 des 27 nucléotides correspondent (plus de 96% d’identité). En d’autres termes, il serait possible pour ces deux gènes d’être plus ou moins identiques à l’échelle de l’ADN et d’avoir quand même les mêmes séquences d’acides aminés que nous observons dans les deux espèces. Pourtant, ce que nous voyons lorsque nous comparons les deux gènes, c’est qu’au niveau de l’ADN, ils correspondent bien plus que ce qui est nécessaire pour avoir les mêmes séquences d’acides aminés. Une explication simple est que les deux séquences correspondent parce qu’elles sont des copies de la même séquence d’origine.
L’identité dépasse ce qui est nécessaire pour la fonction à l’échelle des acides aminés.
Une seconde observation qui soutient l’hypothèse selon laquelle les séquences de gène de D. yakuba, de D. simulans et de D. sechellia sont en fait des copies vient de l’examen d’autres espèces de mouches qui sont moins proches de ces trois espèces. Toutes les espèces de drosophiles examinées jusqu’à aujourd’hui ont ce gène, mais dans des parents plus éloignés cette séquence peut être quelque peu différente. Par exemple, ce gène de D. mojavensis a la séquence ADN suivante :
textes 2 6
Une fois encore, une partie de la séquence demeure identique dans les quatre espèces (ce qui soutient l’hypothèse que cette séquence est aussi une copie, mais avec plus de changements), mais nous voyons maintenant de plus grandes différences. Malgré ces différences, la version du gène de D. mojavensis est parfaitement fonctionnelle et accomplit exactement le même travail que le gène des trois autres espèces plus proches.
Ces observations indiquent qu’il n’y a aucun besoin biologique pour que des gènes soient presque identiques au niveau des acides aminés, ou même au niveau de l’ADN chez ces différentes espèces. De nombreuses séquences d’acides aminés, et même de nombreuses séquences d’ADN sont également capables d’accomplir la même fonction. Pourtant ce que nous voyons de manière récurrente (sur les génomes tout entiers !) sont des gènes presque identiques, avec quelques différences (souvent partagées) – exactement ce que l’on attendrait d’événements de spéciation.
Qu’en est-il du “dessein commun” ?
Lorsque je présente ces données, on me demande souvent si le « dessein commun » ne pourrait pas être une autre explication possible. En d’autres termes, ces types de patrons pourraient-ils être expliqués en maintenant qu’ils sont des espèces créées séparément, sans ancêtre commun, mais qu’elles ont été créées pour avoir des gènes identiques ou similaires parce que ces gènes ont besoin de fonctions identiques ou similaires ?
Nous avons déjà vu les problèmes que pose cette ligne d’argumentation – les gènes (et le génome tout entier) d’espèces similaires correspondent bien plus qu’il n’est nécessaire – et que les différences que nous voyons dans des espèces à parenté proche sont arrangées sur le patron que l’on prédirait si des événements de spéciation les avaient produits.
Rien que des mouches
Bien sûr, la possibilité que de nombreuses espèces de mouches à fruits se soient déployées au cours du temps par de multiples événements de spéciation n’empêche pas la plupart des chrétiens de dormir. Comme nous l’avons déjà mentionné, même la plupart des créationnistes de la jeune terre acceptent de tels événements de spéciation. Ce qui est plus contentieux, bien entendu, c’est la question de savoir si le patron de l’ancêtre commun s’étend à notre propre espèce. Dans le prochain billet de notre série, nous examinerons cette question en comparant le génome humain aux génomes de ceux qui pourraient être nos parents vivants les plus proches – les grands singes.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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