Rhône-Alpes : l’archevêque de Lyon déplore « de très nombreuses victimes » d’abus sexuels commis par un prêtre
Les diocèses de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble ont annoncé avoir recensé une série d’agressions sexuelles sur mineurs commises dans les années 1970-1980 par un prêtre mort en 1994. « Il est difficile de donner un chiffre précis », selon Mgr Olivier de Germay.
Le Monde avec AFP
Publié le 19 janvier 2022 à 21h03, mis à jour à 09h34
L’archevêque de Lyon, monseigneur Olivier de Germay, à Lyon, le 5 mars 2021.
L’archevêque de Lyon, monseigneur Olivier de Germay, à Lyon, le 5 mars 2021. JEFF PACHOUD / AFP
L’Eglise est secouée par un nouveau scandale d’abus sexuels. Les diocèses de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble ont annoncé jeudi 13 janvier avoir recensé une série d’agressions sexuelles sur mineurs commises dans les années 1970-1980 par un prêtre mort il y a vingt-huit ans, connu pour ses fresques dans des églises de la région. « Plusieurs personnes se sont adressées au diocèse de Lyon, au diocèse de Grenoble-Vienne ainsi qu’au diocèse de Saint-Etienne pour révéler qu’elles ou leurs proches avaient été agressés sexuellement par le père Louis Ribes, décédé en 1994 », disait un communiqué commun daté du 13 janvier et publié sur leurs portails Internet.
« Nous avons acquis la certitude, en octobre dernier, de la véracité des faits. Les responsables des diocèses expriment aux personnes victimes du père Ribes leur profonde compassion, leur honte qu’un prêtre ait pu commettre de tels actes. »
« Le nombre de victimes se chiffre en dizaines »
L’archevêque de Lyon a affirmé mercredi 19 janvier que les victimes du père Ribes seraient « très nombreuses ». Le travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) et l’appel à témoins lancé par les diocèses, qui a commencé « à porter ses fruits », « nous laissent penser que les victimes sont, malheureusement, certainement très nombreuses », a déclaré devant la presse Mgr Olivier de Germay. « Il est difficile de donner un chiffre précis », a-t-il cependant indiqué, car « les chiffres évoluent de jour en jour ».
Les faits, aujourd’hui prescrits, ont pu être confirmés grâce au concours des enquêteurs de la Ciase, ajoute le diocèse lyonnais, déjà affecté ces dernières années par les retentissantes affaires Preynat et Barbarin, ancien archevêque de Lyon qui a démissionné.
Le 18 octobre 2021, près de deux semaines après la publication du rapport de la Ciase, le magazine Marianne publiait un premier témoignage, celui de Luc G., accusant le père Ribes de l’avoir violé quand il était âgé de 8 à 14 ans.
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Lors d’une réunion publique mardi soir à Grammond, dans la Loire, d’où le prêtre était originaire et où il revenait souvent, « une douzaine de personnes se sont » depuis « déclarées victimes », parmi lesquelles « un monsieur [qui] a témoigné, pour la première fois » de ses souffrances. « Le nombre total de victimes se chiffre sans doute en dizaines », a indiqué de son côté Hervé Hostein, directeur de la communication du diocèse de Saint-Etienne.
L’évêque de Saint-Etienne, Mgr Sylvain Bataille, a participé à cette rencontre qui a réuni une soixantaine de personnes, et au cours de laquelle il aurait pris conscience de l’ampleur des faits, selon son entourage. « Je suis personnellement atterré par la perversité de ce prêtre qui a abusé de l’innocence de tant d’enfants et profondément bouleversé par la souffrance de ces victimes », a assuré Mgr de Germay, tout en soulignant qu’au « cœur de ce drame (…) le positif est que de plus en plus de personnes arrivent à parler ».
« Aussi bien dans l’Eglise (…), les villages et la famille, certaines personnes n’avaient absolument rien vu, et d’autres avaient senti (…) qu’il y avait des choses pas très claires », a-t-il encore remarqué. « Ces espèces de rumeurs existaient, mais, c’était la culture de l’époque », celle du « silence, du déni » et « ça n’est pas remonté au niveau de la hiérarchie ». Un signalement avait cependant été effectué par la fille d’une victime au diocèse de Grenoble « en 2016 ». Celui-ci nous avait « contactés », mais « nous n’avions rien dans son dossier ». Les faits ont toutefois pu être confirmés grâce au concours des enquêteurs de la Ciase. « On manque un peu de coordination entre diocèses », a reconnu Mgr de Germay.
L’Eglise a décidé de faire retirer les œuvres du père Ribes
Le père Ribes était connu pour ses fresques et vitraux dans les églises de la région. L’exposition de ces œuvres au style coloré et proche du cubisme, dont certaines sont protégées au titre des monuments historiques, étant « insupportable » pour les victimes, l’Eglise a décidé de les faire retirer, ce qui a commencé mardi, d’autant que « certaines ont été inspirées par les enfants qu’il faisait poser nus ». Environ soixante-dix œuvres ont été recensés, dont dix-huit appartiennent aux diocèses. Pour les vitraux dans les églises appartenant aux communes, c’est aux maires que « revient la décision », mais l’archevêché en souhaite le retrait, a ajouté l’archevêque de Lyon.
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