L’enseignement des apôtres
Le discours de Pierre
L’une des journées les plus importantes de la foi chrétienne s’est déroulée à la pentecôte de l’an 33. Ce jour là, 120 disciples vont se réunir et recevoir l’esprit saint.
Ce qui leur arrive correspond à ce que Jésus a vécu le jour de son baptême, Dieu les choisit comme fils et filles et le leur atteste miraculeusement.
Le texte explique ensuite que Pierre, rempli d’esprit saint, va prononcer un discours devant une foule importante qui s’est rassemblée suite au bruit que cet événement a produit.
Ce discours est remarquable à plus d’un titre. Nous assistons à la fondation de la congrégation chrétienne. C’est sans doute le discours le plus important de la vie de Pierre, celui qui a eu le plus de conséquences. Il utilise, ce jour là, la première clef du Royaume que Jésus lui a confiée.
Nous allons nous attacher à examiner la façon dont il va parler de Jésus. Voici son discours:
- Jésus le Nazaréen est un homme que Dieu vous a désigné (...) par des miracles
Cet homme a été (...) supprimé.
Dieu l’a ressuscité.
Dieu ne l’a pas abandonné dans la tombe.
Jésus est fils de David, le descendant promis
Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité
Il a été élevé à la droite de Dieu et a reçu, de Dieu, l’esprit saint promis
Sachez que Dieu l’a fait Seigneur et Christ.
Tels sont les renseignements que Pierre donne sur Jésus. Pierre s’adresse, certes, à des juifs, mais surtout à des juifs venant de toutes les nations (verset 5) qui reçoivent donc, pour beaucoup, par ce discours, les tous premiers vrais enseignements de leur vie relatifs à Jésus. Beaucoup même retourneront chez eux avec la perspective de ne plus avoir de contact avec des chrétiens avant longtemps.
Et qu’apprennent-ils précisément ce jour là ?
- Qu’un homme, un nazaréen, a été désigné par Dieu par des miracles, qu’il a été livré et mis à mort conformément au plan de Dieu par ses ennemis, mais que Dieu l’a ressuscité pour ensuite l’élever en le faisant s’asseoir à sa droite au ciel. Il a fait de lui un Seigneur et un Messie ou Christ.
Se trouve-t-il, clairement exprimé pour être compris par ses auditeurs néophytes, la moindre explication sur l’élément qui devrait-être essentiel à la foi chrétienne, savoir que Jésus serait aussi l’égal du Dieu dont vient de parler Pierre ? Absolument pas.
Et pourtant, quelle est la conséquence de ce discours ?
3000 juifs décident immédiatement de se faire baptiser, grâce à un discours où, à aucun moment, Pierre ne va suggérer que le fils serait l’égal de Dieu, un discours où Pierre ne dit même pas que Jésus est le fils de Dieu ou que Dieu est le Père.
Un discours fait pour les juifs avec citations de prophètes.
On nous objectera le verset 40 où le texte dit qu’il reçurent ensuite un témoignage complet. Mais cela renverrai l’égalité de Jésus avec Dieu au niveau des détails qu’il faut ensuite expliquer.
Trouve-t-on dans le texte, suite aux secondes explications de Pierre, un changement d’attitude de la part de ceux qui avaient auparavant exprimé leur volonté de s’engager ? Nullement.
En effet, absolument aucune objection, aucun changement d’avis, n’est constaté ensuite, ce qui n’aurait pas manqué de se produire, si, après ce texte, Pierre était venu leur dire : “
J’ai oublié un détail : cet homme, c’est Dieu ! “ et donc que le schéma juif s’écroulait.
Qui peut imaginer sérieusement que Pierre, cet homme engagé, fougueux, aurait volontairement omis d’expliquer l’égalité de Jésus avec son Père. Qui peut également imaginer que le même Pierre, porté par l’esprit saint, aurait oublié cet élément qui est décrit par les défenseurs de la trinité comme absolument indispensable pour se déclarer disciple de Jésus. Or, ce jour là, 3000 vont prendre le baptême sans que quelqu’un ne leur ait dit le plus merveilleux ?
Maintenant si Pierre était le seul à procéder de cette façon, certains pourraient avancer l’exception, l'exaltation qui fait perdre le fil d’une explication, qui fait croire que l’on a déjà dit ce que l’on pense un instant avoir oublié, ou qui fait penser qu’une idée est si importante et si évidente qu’elle n’a pas besoin d’être expliquée.
Seulement, la répétition systématique de cette anomalie finit par en faire une règle.
Quand Paul s’adresse aux juifs dans les synagogues de toutes les villes qu’il visite, il n’en dit pas plus que Pierre.
Quand Etienne, rempli d’esprit saint, s’adresse au Sanhédrin, il n’en dit pas plus que Pierre non plus.
Quand Paul s’adresse aux grecs, à l’aréopage, là aussi, il n’en dit pas plus, bien au contraire, il en dit même moins. Jésus, non cité, est simplement désigné comme “
homme”.
Faut-il trouver pour chacun des nombreux discours ci-dessus rappelés une excuse pour expliquer cet omission ?
Les uns parce qu’ils sont juifs, les autres parce qu’ils sont grecs, d’autres encore parce qu’ils sont romains ?
Où se trouve t’elle, dans la bible, l’occasion idéale où il aurait été possible de poser l’explication du dogme ?
En effet, trouve-t-on, une seule fois, dans le NT, un discours, une démonstration, un argumentaire, un résumé historique, une narration ou un credo qui aille, concernant la position de Jésus, plus loin que ce qu’explique Pierre le jour de la pentecôte : “
que Dieu l’a fait et Seigneur et Christ, ce Jésus“
Que dit d’autre Paul en Philippiens 2:9 :
“ Dieu l’a élevé à un position supérieure et lui a donné volontiers un nom au dessus de tout autre nom “
Que dit d’autre Pierre en 1 Pierre 3:22 : “
Celui-ci est à la droite de Dieu, car il est allé au ciel, et anges et autorités et puissances lui ont été soumis.”
Que dit d’autre Paul en Actes 17:31 : “
parce qu’il a fixé un jour où il va juger la terre habitée avec justice par un homme qu’il a désigné. Et il a fourni à tous les humains une garantie en le ressuscitant d’entre les morts.
Que dit d’autre Pierre en Actes 10:42:
“De plus, il nous a ordonné de prêcher au peuple et d’attester que c’est lui que Dieu a établi comme juge des vivants et des morts “
Que dit donc Paul en Romains 8:34: “
En effet, Christ Jésus, celui qui est mort, oui celui qui a même été ressuscité, est à la droite de Dieu et il intercède en notre faveur.
Que dit Jean en Jean 3:35 “
Le Père aime le Fils et a tout remis entre ses mains”
Que redit Pierre en Actes 5:31 :
Dieu l’a élevé à sa droite comme Agent principal et Sauveur, pour permettre à Israël de se repentir et d’obtenir le pardon de ses péchés
Que dit Jésus en Mat 28:18 : “
Jésus s’approcha d’eux et leur dit : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre.
Lisez bien tous ces textes:
Qui est toujours à la manoeuvre ? Dieu.
Qui reçoit toujours de Dieu et ne donne jamais à Dieu ? Jésus.
Que fait Dieu dans tous ces textes : il établit Jésus “Seigneur”
Et qu’en ont concluent Pierre et les autres ?
1 Pierre 3:15
Mais sanctifiez le Christ comme Seigneur dans vos cœurs.
1 Cor 8:6: “
il y a en réalité pour nous un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et nous existons pour lui ; et il y a un seul Seigneur, Jésus Christ, par l’intermédiaire de qui viennent toutes choses, et nous existons par son intermédiaire.
La profession de foi de Paul
Je reproduis ici le texte de 1 Corinthiens 8:6 :
Il y a en réalité pour nous un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et nous existons pour lui ; et il y a un seul Seigneur, Jésus Christ, par l’intermédiaire de qui viennent toutes choses, et nous existons par son intermédiaire.
Paul exprime ici, en préambule, une idée forte quand il dit : “en réalité”. Le mot grec ἀλλά que l’on peut aussi traduire par “cependant”, par “mais” ou par “sinon” emporte l’idée d’un rétablissement de la vérité suite aux affirmations qui l’ont précédées.
Cela signifie que Paul va nous indiquer ensuite ce qu’il considère comme vrai.
Or, que dit il sur Dieu ? Il y a en réalité pour nous un seul Dieu, le Père.
L’information est directe, sans précaution oratoire, et destinée à être comprise pour ce qu’elle dit. Si on inverse l’idée en négatif, nous lisons :
En dehors du Père, nous n’avons pas d’autre Dieu.
Paul ajoute ensuite l’élément qui justifie sa position et qui caractérise Dieu: de qui viennent toutes choses.
C’est le mot grec
ἐξ (ex) qui introduit ce texte.
Son sens induit l’idée que toutes choses viennent du Père avec la notion d’une origine et d’un cheminement
“ de l’intérieur vers l’extérieur ”.
C’est donc de Dieu, du Père, que toute chose trouve son origine, et cela constitue pour Paul la spécificité de Dieu.
Jésus, lui, n’est pas défini ainsi, Paul explique :
et il y a un seul Seigneur, Jésus Christ, par l’intermédiaire de qui viennent toutes choses, et nous existons par son intermédiaire.
On remarque au début de ce texte la conjonction “
et” qui se retrouve dans le texte grec. Cela confirme que Paul entame ici l’explication d’un autre personnage, bien distinct, dans le texte, du seul Dieu, le Père.
Ainsi Jésus reçoit ici le titre de Seigneur. Quelle belle occasion manquée si pour Paul Jésus était aussi Dieu à égalité avec le Père.
Un Seigneur, dans le vocabulaire biblique est un mot qui ne peut pas rivaliser avec le mot Dieu. Si Seigneur est honorifique, il est à 100 lieues de la gloire que le titre Dieu reconnaît à celui qui le porte.
Tout comme Paul a défini le rapport de Dieu à la création, il explique aussi celui de Jésus dans le même cadre.
Toutes choses ne viennent pas de Jésus, mais “
par” (grec dia) Jésus.
Le sens du mot grec “dia” est le suivant :
à travers, par l'instrumentation de, (b) acc: à travers, à cause de..
Matthieu 8:17 nous aide à mieux comprendre le sens du mot :
la prophétie a été prononcée par (dia) Jérémie .
Ainsi, dans l’explication de Paul, la chose créée ne vient pas de Jésus, mais par son intermédiaire. La notion d’instrument ou d’intermédiaire suffit donc à Paul pour indiquer que le seul Dieu qu’il reconnaisse est le Père pour la raison précise que la création trouve son origine,
“sa base”, en lui. Jésus étant celui que Dieu va utiliser, comme instrument, pour créer.
Si Paul les distingue sur ce point de façon définitive, puisqu’il affirme que cela constitue ce qu’il croit, c’est que pour lui Jésus ne peut pas créer comme le Père a créé. Voilà qui induit de facto un différence de nature.
Si pour Paul, Jésus pouvait créer de la même façon que Dieu, mais que les circonstances faisaient que seul Dieu, le Père, avait eu l'opportunité de le faire, il reconnaîtrait cette capacité à Jésus et n’établirait pas cette différence qui exclut Jésus du champ des Dieux possibles.
C’est donc bien la conception de Paul sur l’identité et la nature de Dieu qui lui fait dire que pour “nous”, dit Paul, incluant les autres chrétiens, un seul est Dieu, le Père.
Paul ré-exprimera ce même crédo en 1 Timothée 2:5 :
Car il y a un seul Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, un homme, Christ Jésus,
Précédemment à ce texte Paul avait expliqué qu’il s’agissait de la connaissance exacte de Dieu.
Pour revenir au texte de Galates cités en préambule de cette longue explication, nous avons ici la bonne nouvelle ou évangile que reconnaissait Paul. Un seul Dieu, ajoutant pour éteindre toute interprétation possible, le Père, ce qui exclut de facto Jésus et l’esprit saint.
Ainsi, pour quelle raison un chrétien pourrait-il affirmer, s’il veut rester fidèle à ce témoignage, que Paul avait deux autres Dieux égaux au Père?
Le témoignage de Jean
A se focaliser uniquement sur Jean 1:1, on en oublie de s’intéresser à l’oeuvre majeure de l’apôtre, l’Apocalypse .
Au chapitre 4, l’apôtre déclare accéder aux cieux par une porte et pouvoir y observer l’environnement immédiat d’un personnage qu’il va appeler, tout au long de ce livre, “
Celui qui est assis sur le trône”. Il s’agit bien évidemment de Dieu, le Père.
C’était l’occasion unique de valider une doctrine qui faisait de Dieu un personnage composé de trois personnes égales.
Par exemple, il aurait été déterminant de voir 3 trônes au lieu d’un seul et d’observer le Père, le Fils et le Saint Esprit dans leur égalité.
Ce n’est pas le cas.
Il aurait été également logique d’observer le 3ème Dieu un peu oublié de la Trinité, l’Esprit Saint, qui par nature serait chez lui dans ces visions, et qui, curieusement, brille par son absence.
Il faut aussi remarquer que Jean respecte le sens des mots “
Dieu” et “
Père” tels qu’ils ont été utilisé par tous les écrivains du NT. En effet, si l’agneau est clairement Jésus, le mot “Père” désigne le seul qui soit appelé Dieu dans ce livre : son Père.
En effet une recherche sur le mot Dieu nous apprend que Jésus n’y est jamais appelé ainsi, et qu’il y désigne 6 fois son Père en l’appelant “mon Dieu” sur les 97 fois où ce mot apparaît exclusivement pour désigner son Père.
Ceux qui pensaient que Jean 1:1 avait libéré Jean sur l’usage du mot “Dieu” à destination de Jésus seront déçus.
Jean, contrairement aux apologistes et autres Pères de l’Eglise, ne va pas abuser du mot “
logos” (ou Verbe) non plus pour identifier Jésus. Il ne le fait qu’en Apocalypse 19:13 .
A noter, ce qui est loin d’être anecdotique, que Jésus n’est appelé “la Parole” ou “Logos” que 5 fois dans la bible. Curieux si la doctrine faisant de la “Parole” un Dieu égal au Père était clairement comprise et acceptée au premier siècle.
Cependant, Jean préfère le mot “
Agneau” pour identifier Jésus dans ses visions de l’Apocalypse, sans doute parce que c’est ainsi que la vision le dépeint.
Nous viendrait-il à l’esprit que Jésus soit vraiment un agneau? On comprend sans trop de difficultés que c’est le rôle préfiguré par l’agneau pascal qui a joué pour qu’il soit ainsi appelé.
C’est donc la fonction qui a fait le nom “agneau” et non pas la nature ou l’origine de Jésus.
Avec la même logique, si Jésus avait été envoyé pour porter la parole de son Père aux humains, s’il avait simplement été son porte parole, comme un envoyé, ne l'appellerions nous pas aussi la “Parole”.
Evidemment oui ! Tout comme on appelle “messager” ou “ange” un esprit choisi par Dieu pour transmettre un message, ou apôtre un envoyé par Dieu.
La fonction crée donc le nom.
Le chapitre 5 est intéressant puisqu’il décrit l’agneau non pas assis, mais debout au milieu du trône. Cela devrait donc bousculer un peu notre représentation mentale puisqu’il serait curieux, de voir un agneau debout sur Celui qui est assis sur le trône.
Si telle avait été la vision de Jean, il n’aurait pas manqué de s’en étonner.
C’est donc le trône qui n’est pas comme nous le pensons habituellement d’autant que Rev 4:6 vient ajouter qu’au milieu du trône se trouvent aussi 4 créatures vivantes.
Le trône doit donc être bien plus qu’un siège. Ce doit être une surface dédiée sur laquelle peuvent se trouver un siège unique réservé à Dieu et un espace où un agneau et 4 autres créatures peuvent se placer debout.
Ce qui est intéressant dans cette description, c’est que tout au long de l’Apocalypse, Jésus ne sera jamais décrit assis sur le seul trône observé par Jean.
La meilleure preuve se trouve dans la phrase qui identifie le Père.
On l’appelle “
celui qui est assis sur le trône” ce qui ne peut être cohérent que s’il n’y a qu’un seul personnage à correspondre à cette description.
Que se dégage t’il donc de ce livre de l’Apocalypse ?
Que Jésus, l’agneau, reste, même au cieux, bien différencié de Dieu, qui est le seul à être assis sur un trône et que tous les personnages célestes appellent “notre Dieu”. Apo 4:11 / 5:10 / 7:3 / 12:10 / 14:10,12 / 19:1,5,6.
Cette formule n’est jamais employée pour désigner Jésus.
Pourtant, si Jean l’avait considéré comme l’égal de “
Celui qui est assis sur le trône”, à un moment donné, au moins une fois, cela aurait dû apparaître.