Posté : 25 juin07, 23:56
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3) Nous nous en sommes arrêtés au falsificationnisme de Popper. Sa théorie de la science a été amendée et perfectionnée par Imre Lakatos, qui propose un falsificationnisme sophistiqué. Ce sera ma troisième et dernière partie.
Pour Lakatos, la vision Popperienne de la science et de son progrès est globalement juste. Sauf sur quelques points qu'il faut corriger :
- Aucune théorie n'est véritablement falsifiable. Quand l'expérience s'oppose à elle, il est toujours possible de rajouter une clause pour la sauver. Ex : j'affirme qu'il existe une planète de plus dans le système solaire entre Mercure et le Soleil. Les téléscopes ne la voient pas. J'ajoute alors qu'un nuage de poussière cosmique m'empêche de le voir. On envoie alors une sonde qui revient avec un résultat négatif. Je peux alors rajouter qu'il existe en fait une anomalie magnétique dans le secteur qui fausse les instruments de la sonde, etc. etc.
- Si l'on regarde l'histoire des sciences, aucune hypothèse n'a été abandonnée dès que l'une de ses conséquences a été falsifiée. Si ça avait été le cas, aucun progrès n'aurait été réalisé. Par exemple : la première mouture de la théorie de Newton (pilier de la science moderne) donnait de fausses prédictions pour le mouvement de la lune. Elle a été corrigée par la suite. Pire encore : le problème de la périhélie de Mercure, que la théorie de Newton ne peut expliquer et que seul Einstein a pu expliquer, a été révélé assez tôt. Mais la théorie de Newton n'a pas été abandonné pour autant, et n'a pas été remise en cause avant la fin du XIXe siècle. Pourquoi ?
A partir de l'étude de cas semblables à travers l'histoire des sciences, Lakatos a pu expliquer ces phénomène et voir ce qui distingue les théories qui finissent par s'imposer comme vraies des autres. Cette explication consiste à distinguer :
- les programmes de recherche progressifs : qui, bien qu'ils rencontrent certaines difficultés, permettent d'expliquer de plus en plus de phénomènes, engendrent sans arrêt de nouvelles hypothèses et de nouvelles directions de recherche, prévoient de nouveaux phénomènes
- les programmes de recherche dégénératifs : qui, rencontrant aussi des problèmes, ne proposent aucune nouvelle hypothèse mais adoptent de plus en plus une attitude défensive, ne propose plus de nouveaux programmes de recherche mais se concentrent uniquement à détruire ceux des hypothèses opposées, ne prévoient pas de nouveaux phénomènes mais perdent énormément de temps à essayer d'adapter leur théorie à ceux que découvrent les programmes progressifs...
Lakatos montre alors que l'histoire des sciences fonctionne selon le principe suivant lequel le programme de recherche dégénératif finit un jour par disparaître tandis que le programme de recherche progressif permet l'établissement d'une science développée aux branches multiples et, même s'il peut être remis partiellement en question, fournit un appui pour de nouvelles sciences et de nouvelles recherches.
Une bonne théorie scientifique est donc une théorie qui offre un programme de recherche progressif et montre son ancrage dans le réel par le fait que c'est principalement avec lui qu'elle se bat (en proposant de nouvelles hypothèses) et non contre les hypothèses adverses (comme le fait tout le temps le programme de recherche dégénératif qui veut uniquement sauver sa peau et non plus comprendre la réalité)
Ce détour était nécessaire parce qu'il me semble qu'AbouAdam a une vision fausse de la science, de son progrès, et du travail du scientifique. En effet, quand il dit que la science c'est surtout unifier l'expérience, ça sonne un peu comme de l'inductivisme primitif, non ? Or : je le répète, donnez-moi UN exemple d'explication scientifique dû à une véritable méthode inductiviste !
Mais on ne peut pas lui en vouloir, cette vision de la science, bien que fausse, est très répandue chez ceux qui n'ont pas étudié l'histoire des sciences.
3) Nous nous en sommes arrêtés au falsificationnisme de Popper. Sa théorie de la science a été amendée et perfectionnée par Imre Lakatos, qui propose un falsificationnisme sophistiqué. Ce sera ma troisième et dernière partie.
Pour Lakatos, la vision Popperienne de la science et de son progrès est globalement juste. Sauf sur quelques points qu'il faut corriger :
- Aucune théorie n'est véritablement falsifiable. Quand l'expérience s'oppose à elle, il est toujours possible de rajouter une clause pour la sauver. Ex : j'affirme qu'il existe une planète de plus dans le système solaire entre Mercure et le Soleil. Les téléscopes ne la voient pas. J'ajoute alors qu'un nuage de poussière cosmique m'empêche de le voir. On envoie alors une sonde qui revient avec un résultat négatif. Je peux alors rajouter qu'il existe en fait une anomalie magnétique dans le secteur qui fausse les instruments de la sonde, etc. etc.
- Si l'on regarde l'histoire des sciences, aucune hypothèse n'a été abandonnée dès que l'une de ses conséquences a été falsifiée. Si ça avait été le cas, aucun progrès n'aurait été réalisé. Par exemple : la première mouture de la théorie de Newton (pilier de la science moderne) donnait de fausses prédictions pour le mouvement de la lune. Elle a été corrigée par la suite. Pire encore : le problème de la périhélie de Mercure, que la théorie de Newton ne peut expliquer et que seul Einstein a pu expliquer, a été révélé assez tôt. Mais la théorie de Newton n'a pas été abandonné pour autant, et n'a pas été remise en cause avant la fin du XIXe siècle. Pourquoi ?
A partir de l'étude de cas semblables à travers l'histoire des sciences, Lakatos a pu expliquer ces phénomène et voir ce qui distingue les théories qui finissent par s'imposer comme vraies des autres. Cette explication consiste à distinguer :
- les programmes de recherche progressifs : qui, bien qu'ils rencontrent certaines difficultés, permettent d'expliquer de plus en plus de phénomènes, engendrent sans arrêt de nouvelles hypothèses et de nouvelles directions de recherche, prévoient de nouveaux phénomènes
- les programmes de recherche dégénératifs : qui, rencontrant aussi des problèmes, ne proposent aucune nouvelle hypothèse mais adoptent de plus en plus une attitude défensive, ne propose plus de nouveaux programmes de recherche mais se concentrent uniquement à détruire ceux des hypothèses opposées, ne prévoient pas de nouveaux phénomènes mais perdent énormément de temps à essayer d'adapter leur théorie à ceux que découvrent les programmes progressifs...
Lakatos montre alors que l'histoire des sciences fonctionne selon le principe suivant lequel le programme de recherche dégénératif finit un jour par disparaître tandis que le programme de recherche progressif permet l'établissement d'une science développée aux branches multiples et, même s'il peut être remis partiellement en question, fournit un appui pour de nouvelles sciences et de nouvelles recherches.
Une bonne théorie scientifique est donc une théorie qui offre un programme de recherche progressif et montre son ancrage dans le réel par le fait que c'est principalement avec lui qu'elle se bat (en proposant de nouvelles hypothèses) et non contre les hypothèses adverses (comme le fait tout le temps le programme de recherche dégénératif qui veut uniquement sauver sa peau et non plus comprendre la réalité)
Ce détour était nécessaire parce qu'il me semble qu'AbouAdam a une vision fausse de la science, de son progrès, et du travail du scientifique. En effet, quand il dit que la science c'est surtout unifier l'expérience, ça sonne un peu comme de l'inductivisme primitif, non ? Or : je le répète, donnez-moi UN exemple d'explication scientifique dû à une véritable méthode inductiviste !
Mais on ne peut pas lui en vouloir, cette vision de la science, bien que fausse, est très répandue chez ceux qui n'ont pas étudié l'histoire des sciences.