Grande-Bretagne: Londres encore! Des menaces du 21e siècle et des lois du 19e siècle
(Wall Street Journal/ CPDH)
Éditorial du Wall Street Journal via Opinion Journal du 22 juillet 2005.
Traduit par Albert Soued, écrivain,
www.chez.com/soued
Résultat d'un mélange de bonne chance et d'incompétence de l'autre côté, Londres a cette fois-ci été épargnée, ayant eu peu de pertes dans les récents attentats ratés. Mais on ne doit pas se rassurer, car en fait le terrorisme est en train de s'"israélianiser" ici, et bientôt en Europe et aux Etast-Unis. L'expression que nous utilisons fait référence aux explosions incessantes dans les bus, les cafés, les supermarchés, les centres commerciaux et dans les rues israéliennes auxquelles la population a été soumise pendant 5 ans. Contrastant avec les événements du 11/9 à New York ou du 11/4 à Madrid, aucun des attentats de Londres n'a été "spectaculaire", dans le sens où ils n'a pas fallu des mois pour les préparer et le nombre des victimes ne s'est pas chiffré par milliers.
Les conséquences des actes du type "israélien" sont pourtant plus dévastatrices. Car aucun endroit n'est à l'abri, la vie quotidienne devient plus difficile et le coût de la sécurité est énorme aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les entreprises. Et puis il faut compter les victimes jour après jour; dans un pays aussi petit qu'Israël, chacun est lié personnellement à l'une des 1200 victimes assassinées lors de ces attaques terroristes.
Mais l'"israélianisation" de la terreur signifie aussi les méthodes que les Israéliens ont mis au point tout au long de ces 5 années pour contenir la menace. Tout au long de cette guerre terroriste, on a beaucoup critiqué ces méthodes comme contraires à la loi internationale ou aux lois civiles. Mais comme l'a observé le premier ministre australien John Howard lors d'une conférence de presse à Londres hier, avec son homologue britannique Tony Blair, de nombreuses lois actuelles sont des "réponses légales du 19ème siècle pour des menaces du 21ème siècle!"
La principale innovation israélienne, adoptée depuis lors par l'administration Bush, a été de traiter le terrorisme différemment de toute conduite criminelle et de lui faire face avec autre chose que l'application simple de la loi. Évidemment dans certains cas, les "défenseurs des droits de l'homme" ne pouvaient pas être contents, notamment lors de l'arrestation massive et de l'emprisonnement de centaines de Palestiniens jugés dangereux, mais ces méthodes ont considérablement réduit les risques, près de 90%.
Mais il n'est pas nécessaire d'approuver de telles tactiques pour s'apercevoir que l'approche actuelle en Europe ou en Grande Bretagne a fait faillite. Au début de cette semaine, la Cour Constitutionnelle d'Allemagne a libéré un homme suspecté d'être le principal financier de Ben Laden, Mamoun Darkanzali, sous prétexte qu'une demande d'extradition venant d'Espagne n'était pas légale. De même le mois dernier, on a libéré Mounir al Motassadeq, un complice des attaques du 11/9, pourtant jugé coupable par une cour de justice à Hambourg. Sa libération est due ici aussi à des subtilités légales, pour lesquelles les membres d'al Qaeda sont devenus experts.
Mais on trouve la même chose en Grande Bretagne. L'an dernier, la Cour des Lords a jugé inconstitutionnelle une loi antiterroriste de 2001 qui permettait au gouvernement de garder indéfiniment des suspects non britanniques liés au terrorisme, quand on ne pouvait pas les renvoyer dans leur pays d'origine où ils risquaient d'être torturés. Le raisonnement de la Cour des Lords était peut-être logique mais il soulève la question suivante "quoi faire d'autre que libérer des suspects étrangers vivant au sein de la population et dédiés au Jihad ?" Comme nous l'avons appris ces derniers jours, c'est justement cette attitude, qui s'ajoute au "laissez-faire" vis à vis de toute forme de discours politique, y compris les incitations à la violence et à la sédition, qui a transformé Londres en paradis de prédilection pour les Musulmans radicaux. Le gouvernement de Mr Bair est en train d'élaborer des textes qui interdiraient toute déclaration soutenant même indirectement la terreur et la violence, advienne que pourra.
Tout cela a des incidences aux Etats-Unis. Pendant que l'Europe bricole de nouveaux moyens pour faire face à la terreur, certains critiques de l'administration Bush cherchent à plonger le pays là où se trouve l'Europe actuellement. Exemples: les assauts répétés sur la légalité de Guantanamo, sur la révision du "Patriot Act" et sur le traitement des citoyens américains, comme John Padilla, qui sont emprisonnés comme combattants ennemis.
Mais quelle soit l'opinion sur la meilleure façon de traiter les menaces terroristes, les attentats de Londres ont clairement montré que les vieux outils légaux ne marchent plus. Et si on apprend à "israélianiser" notre approche de la terreur, aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe, on aura plus de chances de ne pas "israélianiser" notre vie de tous les jours à notre tour, et le plus tôt sera le mieux.
(Wall Street Journal/