Nous avons un historien juif, ayant vécu au premier siècle qui a expliqué ce que les juifs croyaient concernant le livre de Daniel.
C'est Flavius Josephe dans Antiquité judaïques.
Il a écrit ceci :
- Daniel fut pour eux un prophète de bonheur, de sorte que ses prédictions de bon augure lui conquirent la bienveillance de tous et que leur réalisation lui valut la confiance de la foule et la réputation d’un homme de Dieu. Il nous a laissé[207] par écrit la preuve de l’exactitude immuable de sa prophétie. Il raconte, en effet, que, tandis qu’il se trouvait à Suse, capitale de la Perse, comme il sortait dans la plaine avec ses compagnons, un tremblement de terre et une commotion se produisirent soudain[208] ; il fut abandonné de ses amis qui prirent la fuite et tomba sur la bouche après avoir roulé sur les mains ; alors quelqu’un le saisit et en même temps lui commanda de se lever et de considérer ce qui allait advenir à ses concitoyens après beaucoup de générations[209]. Quand il se fut relevé, on lui montra un grand bélier sur lequel avaient poussé nombre de cornes[210], la dernière plus haute que les autres. Ensuite il leva les yeux vers le couchant et vit un bouc s’élançant de là à travers les airs, qui, après s’être heurté avec le bélier et l’avoir frappé deux fois de ses cornes, le renversa à terre et le foula aux pieds. Puis il vit le bouc faire surgir de son front une énorme corne[211], laquelle s’étant brisée, quatre autres repoussèrent, tournées vers chacun des points cardinaux. De celles-ci, écrit-il, une autre, plus petite, s’était élevée, qui, — lui dit Dieu, auteur de ces révélations, — grandirait et devait faire la guerre à son peuple et s’emparer de vive force de la ville, mettre le Temple sens dessus dessous et défendre de célébrer les sacrifices pendant mille deux cent quatre-vingt-seize jours[212]. Voilà ce que Daniel écrivit avoir vu dans la plaine de Suse, et il révéla que Dieu lui avait ainsi expliqué le sens de cette vision. Le bélier, déclarait-il, désignait les empires des Perses et des Mèdes, et les cornes leurs rois à venir ; la dernière corne indiquait le dernier roi, qui, en effet, l’emporterait sur tous en richesse et en gloire. Quant au bouc, il signifiait qu’il y aurait un roi de souche hellénique[213], lequel, ayant livré bataille au Perse, remporterait par deux fois la victoire et hériterait de toute sa puissance. La grande corne sortie du front du bouc indiquait le premier roi ; la poussée des quatre autres, après la chute de la première, et leur orientation respective vers les quatre coins de la terre signifiaient les successeurs du premier roi après sa mort et le partage de son royaume entre eux ; ces rois, qui n’étaient ni ses fils ni ses parents, gouverneraient le monde durant de nombreuses années. Il naîtrait parmi eux un roi qui ferait la guerre au peuple juif et à ses lois, détruirait leur forme de gouvernement, pillerait le Temple[214] et interromprait les sacrifices pendant trois ans. Et c’est, en effet, ce que notre nation eut à subir de la part d’Antiochus Épiphane, comme Daniel l’avait prévu et en avait, bien des années auparavant, décrit l’accomplissement.
Vous avez remarqué le nombre 214 qui renvoie à une note, la voici :
- [214] Résumé des derniers chapitres de Daniel (XI-XII). Le nombre des jours indiqués donne trois ans et demi et non trois ans.
Qu'apprenons nous ? Que les juifs de cette époque, avaient bien intégré le fait que Daniel était
un vrai prophète et que certaines de ses prophéties, au chapitre 11 et 12, celles concernant les rois du Sud et du Nord, avait trouvé une réalisation, à leur avis, en
Antiochus Épiphane ou Antiochus IV.
Ainsi Josephe ne pense pas du tout que Daniel a transformé l'histoire en prophétie, mais plutôt que Daniel a écrit de vraies prophéties dont l'une, et une seule, semblait concerner Antiochus IV.
De plus, si vous lisez ce document et ses notes, vous remarquerez que Flavius ne commente jamais pour l'appliquer le chapitre IX qui comportait la prophétie de 70 semaines, laquelle donnait, à l'année près, un renseignement capital sur Jésus.
Par contre, voici le commentaire de Josephe, juste après le texte cité plus haut.
- De la même façon, Daniel a écrit aussi au sujet de la suprématie des Romains et comment ils s’empareraient de Jérusalem et feraient du Temple un désert. Tout cela Daniel, sur les indications de Dieu, l’a laissé consigné par écrit
Or, seul Daniel 9:26 annonce une telle destruction de Jérusalem et de son temple, une destruction totale qui a contraint les juifs de l'époque des Maccabées à ne pas appliquer à leur époque ce chapitre IX de Daniel car ni Jérusalem, ni son temple n'ont subit de telles destructions totale à l'époque d'
Antiochus IV.
Voila qui indique que pour cet historien, juif de surcroit, et même pharisien, et donc doublement concerné, la prophétie de Daniel 9 était encore en attente de réalisation quand Jésus est apparu au 1er siècle.
Quand à l'application par les juifs sur
Antiochus IV, elle se trompait car la prophétie zappe ce roi là. La raison est assez simple, depuis la mort d'Antiochus III, qui a été vaincu par Rome aux Thermopyles, et renvoyé chez lui humilié, le roi du Nord a changé, ce n'est plus la Dynastie des Séleucides, c'est maintenant Rome.
Je vous détaillerais toute cette prophétie, rois après rois, batailles après batailles, jusque Anthiocus III.
Autre texte sur Daniel dans les mêmes écrits de Josephe.
- Comme tu t’inquiétais de savoir qui gouvernerait après toi le monde entier, Dieu, pendant que tu dormais, voulut te révéler tous les rois futurs en t’envoyant le songe suivant : tu crus voir une grande statue, debout, dont la tète était d’or, les épaules et les bras d’argent, le ventre et les hanches d’airain, les jambes et les pieds de fer[170]. Ensuite tu vis une pierre tomber de la montagne et s’abattre sur ta statue qu’elle renversa et brisa sans en laisser une seule partie intacte ; tu vis l’or, l’argent, le fer et l’airain réduits en poussière plus ténue que de la farine ; ces débris, enlevés par la force d’un vent violent, se dispersèrent, mais la pierre grandit au point que la terre entière en paraissait couverte. Tel est le songe que tu as vu. En voici l’interprétation : la tète d’or te désignait, toi-même et tous les rois babyloniens qui t’ont précédé ; les deux mains et les épaules signifient que votre puissance sera brisée par deux rois[171]. L’empire de ces derniers, un autre le détruira, venu de l’occident, vêtu d’airain, et cette puissance même, une autre, semblable au fer, y mettra fin et triomphera pour toujours[172], à cause de la nature du fer, qui est plus résistante que celle de l’or, de l’argent et de l’airain. » Daniel s’expliqua aussi envers le roi au sujet de la pierre. Mais je n’ai pas cru devoir le rapporter, car mon objet est de raconter les événements passés et accomplis et non ceux à venir.
Nous avons ici un commentaire de Josephe sur Daniel 2 et la prophétie de la statue.
Voici le commentaire 172:
- [172] Josèphe dit du fer ce que la Bible dit du cinquième royaume correspondant à la pierre : il entend donc sans doute par le fer l’empire romain. De là peut être la réticence, dans le texte qui suit, où il se défend de donner l’explication de la pierre symbolique, ne voulant pas, par prudence, traduire une prédiction annonçant la ruine de la puissance romaine par le Messie.
Une nouvelle fois Josephe traduit la pensée juive de l'époque qui voulait que les prophéties de Daniel traitent d'époques futures et non pas de seuls évènements ayant eu lieu dans le siècle ayant précédé le premier.
Conclusion.
Josephe était un historien, pas le meilleur historien, mais un historien quand même. C'était également un juif, pas le meilleur juif qui soit, mais un juif à la fois historien et pharisien.
Quand Josephe s'exprime sur Daniel et sa prophétie, il le fait comme juif instruit et avec la rigueur d'un historien.
Cela signifie que son témoignage a du poids pour une raison toute simple: il n'y avait aucune raison historique, politique ou religieuse pour que cet historien mente sur Daniel.
Josephe nous donne donc la pensée juive de l'époque. Mais attention, la pensée juive peut se tromper.
Nous observons que Josephe attribue à tort au règne d'Antiochus IV une partie de la prophétie de Daniel, mais seulement une partie puisque, comme Jésus, comme Matthieu et comme Marc, Josephe est conscient que la prophétie de Daniel allait plus loin qu'Antiochus IV.
Ainsi, comme vous l'avez remarqué, ce sont bien les romains qui sont concernés par la réalisation de la prophétie de Daniel 9 sur les 70 semaines, et ce sont également les romains et non plus le grec Antiochus, qui sont concerné par le fer qui constitue le dernier élément, avant l'argile, de la fameuse statue vue par Nébucadnedzar.
La leçon de tout cela: Antiochus IV n'était rien dans les prophéties de Daniel .
En fait, ce n'est pas Daniel qui a écrit son histoire pour en faire une pseudo prophétie au service de la lutte contre Antiochus IV, c'est le contraire qui s'est passé : les forces militaires et politiques juives ont voulu instrumentaliser la notoriété du prophète Daniel en profitant du fait qu'il était reconnu, même par les Maccabées comme un homme de Dieu au même titre qu'Abraham, que David ou qu'Eli.
Jésus, de son côté, qui n'ignorait rien de la vérité, a rectifié le tir en déclarant que la phrase du verset 31 était encore à venir.
Quand à Josephe, il n'a fait que nous apprendre ce qu'était la pensée juive de l'époque en attribuant à Antiochus IV une place qu'il n'avait pas, et aux romains le très gros morceau que Daniel leur avait réservé.
J'affinerai cette réponse au fur et à mesure de mes recherches , il peut s'y trouver des éléments à modifier.