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OPA sur les juifs de france

Posté : 26 mai06, 03:31
par palestinien errant
Début 2004, l'agence juive est réactivée. En France, elle planifie et organise le départ de 30.000 Juifs, dont ceux de Sarcelles, une communauté traditionnellement proche d'Israël et exposée au feu antisémite. L'opération 'Sarcelles d'abord' , avec les délégués israéliens venus faire du porte-à-porte, est un demi-échec. Mais l'idée du départ se répand. De hauts responsables communautaires vont prêcher la 'montée en Israël'. Des intellectuels juifs venus de l'extrême gauche feront cause commune avec de nouvelles recrues de l'extrême droite pour fustiger la France 'antisémite et pro-arabe'. Certains agitent même le spectre d'une 'islamisation de la France'. De leur côté, les dirigeants de l'Agence juive livrent une bataille décisive : Israël a besoin d'immigrants pour rester un Etat démocratique à majorité juive. Pour attirer les Juifs français, les délégués de l'Agence lancent une deuxième offensive en 2005. La rencontre entre le sionisme et les techniques modernes de marketing est déconcertante : les candidats au départ sont désormais des 'clients' qu'il faut cibler et séduire...

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http://www.loiclemeur.com/france/2006/0 ... s_jui.html



Cette belle enquête, menée tambour battant, est en même temps la radiographie d'un judaïsme français divisé entre sa fidélité à Israël et son souhait de continuer à vivre en France, pays où il connaît un confort linguistique, intellectuel, professionnel et matériel appréciable. Et cela malgré l'hostilité en provenance de certains milieux arabo-musulmans ou noirs, hostilité à laquelle il est confronté avec les répercussions du conflit israélo-palestinien sur la scène européenne. Cette ambiance délétère a ravivé les blessures de la Seconde Guerre mondiale et sa cohorte de souvenirs, tout en plongeant la majorité des juifs dans la peur.

N'oublions pas que la France, avec ses quelque 530 000 juifs, est un véritable réservoir d'émigration vers Israël et que la conjoncture rendait cette émigration probable, si l'Agence juive et ses relais sur place se donnaient les moyens de la réaliser. Ce livre relate avec un vrai souci de précision le déroulement de cette campagne dont la première cible fut Sarcelles, agglomération de banlieue où longtemps juifs originaires d'Afrique du Nord venus avec la décolonisation et populations non juives immigrées ont cohabité jusqu'à ce que la seconde intifada provoque la méfiance et l'enfermement des premiers subissant régulièrement les incivilités des secondes qui leur reprochent d'avoir mieux réussi. De ce point de vue, l'identification des juifs aux Israéliens et des autres aux Palestiniens qui combattent pour leur indépendance et qui, quelque part, sauvent indirectement l'honneur des discriminés du quotidien, ont joué leur rôle pour sceller la séparation. Ce plan pour lancer l'émigration échoue, malgré les méthodes de marketing utilisées et l'argent dépensé, sans compter la complicité de rabbins, d'intellectuels, d'instances et de médias communautaires qui rejoignent l'entreprise en surfant sur la dénonciation d'une insupportable critique d'Israël et de l'antisémitisme. Vincent Vilmain, dans un travail universitaire soutenu à l'université de Lille-III, rapporte des éléments recueillis auprès de l'Agence juive qui recoupent ceux présentés par les auteurs de l'ouvrage. Donc rien d'exceptionnel dans leur démarche, ni qui soit susceptible de justifier le chahut qu'elle a suscité à l'intérieur du noyau dur de la communauté juive.

La conclusion du livre est claire. Le nombre annuel d'émigrants ne dépassera pas les 3 000. Les partants, généralement de condition modeste, sans qualification professionnelle, ne réussissent pas à s'insérer dans un pays en crise économique. Entre 30 et 40% d'entre eux reviennent dans les cinq années suivant leur départ. Et s'il y a eu échec à l'émigration, il y a eu en même temps déstabilisation du groupe juif, lequel risque à la longue de devenir étranger à son pays, la France, à force d'avoir le regard tourné ailleurs. Mais cet échec pourrait aussi inciter les juifs à construire un judaïsme dynamique en diaspora, qui se suffise à lui-même, tout en intégrant cet attachement indéfectible à Israël. Et surtout à ne pas répondre aux sirènes du confinement dans l'entre-soi, fort préjudiciable pour l'avenir.

* Directrice d'études à l'École pratique des hautes études.

OPA sur les Juifs de France.

Enquête sur un exode programmé, 2000-2005, Cécilia Gabizon (1)

et Johan Weisz, Grasset, 2006, 265 pages, 17,50 €.

(1)Journaliste au service société du Figaro.



http://www.lefigaro.fr/debats/20060524. ... rael_.html