Bible: Quand la mer Morte fait des vagues...

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Nickie

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Bible: Quand la mer Morte fait des vagues...

Ecrit le 30 mars04, 08:26

Message par Nickie »

Bible: Quand la mer Morte fait des vagues... (La Libre Belgique)
info transmise par Robert


Non, les textes esséniens ne sont pas le «chaînon manquant» entre le judaïsme et le christianisme. Ils sont un chaînon supplémentaire et il n'en manque pas...


S' il faut en juger par la masse des publications qui leur sont consacrées, l'intérêt pour les manuscrits de la mer Morte n'est pas près de faiblir. Les documents bimillénaires retrouvés dans les environs du site de Kirbet Qumrân à partir de 1947, attribués à la communauté juive dissidente des esséniens, se sont, il est vrai, révélés être de véritables mines historiques et théologiques. Mais avec les progrès de la recherche nous parvient aussi régulièrement l'écho de passions et de controverses toujours relancées.

Pour faire le point, nous avons contacté à Jérusalem le professeur Emile Puech, l'un des tout grands spécialistes internationaux en la matière. (Professeur à l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, coéditeur des manuscrits de Qumrân(*)

Comment votre carrière de chercheur s'est-elle orientée vers les sources esséniennes?

Un peu par hasard. J'ai fait une partie de mes études à l'Institut catholique de Paris, où j'ai été notamment un élève de l'abbé Jean Carmignac. Je suis arrivé à Jérusalem comme boursier de l'Académie des inscriptions et belles lettres. J'ai été formé à l'épigraphie sémitique par le professeur Dupont-Sommer. Et finalement, l'abbé Starcky, un des membres de l'équipe constituée dans les années 50, m'a demandé d'aller à sa place à Qum- rân où il ne pouvait plus se rendre.

D'aucuns voient dans les manuscrits de la mer Morte la révélation du «chaînon manquant» entre le judaïsme et le christianisme. C'est aussi votre avis?

Je ne parlerai pas du chaînon manquant parce qu'il n'en manque pas. Il s'agit plutôt d'un chaînon supplémentaire. Le Nouveau Testament est héritier de l'Ancien. Le Christ et les premiers apôtres étaient des Palestiniens, des Galiléens plus précisément, et ils appartenaient bien au même milieu. Les textes qu'on a retrouvés et qui ne se trouvent pas dans la Bible ne constituent pas un «intertestament» : ils sont à côté.

Dans les formules d'exorcisme de Qumrân, par exemple, le nom de Yahvé doit être invoqué. Le Christ aussi a exorcisé mais en disant «Je». Et il a envoyé ses disciples en leur disant: «Faites ceci en mon nom». Dans l'Eglise, on exorcisera «au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit».

Existe-t-il ou pourrait-il exister des indices d'un contact entre une communauté essénienne et le Christ ou les apôtres?

Entre la communauté de la mer Morte et Jésus, je ne pense pas. Qumrân était un milieu très fermé et il fallait faire tout un noviciat pour y entrer. Mais que le Christ ait connu d'autres esséniens, c'est probable. Certains vivaient à Jérusalem et étaient même mariés. Je suis persuadé que le repas d'adieu avec les apôtres a eu lieu dans un quartier essénien. Cela explique la différence entre Jean, qui parle de l'arrivée à Béthanie six jours avant la Pâque, et les synoptiques qui parlent de deux jours. Les esséniens n'avaient pas le même calendrier que les pharisiens. Jésus est entré dans le cadre pascal essénien pour ne pas être reconnu par les grands prêtres et arrêté avant l'heure.

Il y a des passages qui ont particulièrement prêté à discussion dans les textes publiés. L'un parlerait d'un «Serviteur souffrant» et l'autre d'un «Fils de Dieu»...

Un «Serviteur souffrant» ? C'est le résultat d'une mauvaise lecture de Robert Eisenman (professeur à l'Université d'Etat de Californie, ndlr). On a corrigé sa bêtise depuis. Il s'agit d'un texte où est cité un passage d'Isaïe pour qui le Messie ne pouvait pas être crucifié puisqu'il devait être le vainqueur. Par contre, l'expression «Fils de Dieu» est bien présente et je l'ai moi-même publiée. Elle se trouve dans un texte dont on n'a qu'un fragment et elle pourrait être comprise dans un sens négatif. A l'époque, les rois séleucides se faisaient aussi appeler «dieu». Mais la figure est ici probablement positive. Luc, dans son premier chapitre, a fait allusion à ce texte ou à un texte identique. On vérifie ainsi que l'idée messianique avait bien cours un siècle ou un siècle et demi avant le Christ. Les attentes juives rencontrées par Jésus n'ont pas été inventées après coup.

On a aussi retrouvé des textes bibliques à Qumrân. Ont-ils une importance pour la recherche exégétique?

Ils sont très importants parce qu'on ne les connaissait auparavant que par des versions très tardives. Les plus anciennes étaient celles du Codex de Leningrad, qui date des années 1009-1010 de notre ère, et du Codex d'Alep situé cinquante ans plus tard environ. On a retrouvé presque tous les livres canoniques de l'Ancien Testament mais aussi des textes qui n'y avaient pas été retenus et des variantes. C'est Qumrân qui a permis de classer Daniel parmi les prophètes. C'est aussi Qumrân qui a permis de prouver l'existence d'un livre de Jérémie plus long et d'un livre plus court, tous deux canoniques à l'époque. Comme Jérémie était plus court en grec qu'en hébreu, on disait jadis que c'était parce que le traducteur n'avait pas tout compris. Il n'en est rien: les deux versions sont valables. On a aussi trouvé des passages du livre de Josué inconnus de la Bible hébraïque et on a pu montrer comment Ben Sirac présente les caractères d'un livre encore en devenir.

Y a-t-il encore des chantiers à ouvrir?

Oui, et ils sont énormes. La publication, d'abord, n'est pas terminée, contrairement à ce qu'on dit partout. Il reste encore trois ou quatre volumes à achever. Et une fois que les documents sont publiés, le travail ne fait que commencer. Il faut aussi poursuivre les recherches historiques sur la vie de cette communauté juive. Cela va durer des siècles!

Propos recueillis par Paul Vaute

*Signalons qu'Emile Puech est notamment l'auteur, avec Farah Mébarki et différents collaborateurs, d'un ouvrage de vulgarisation, «Les manuscrits de la mer Morte», paru en 2002 (éd. du Rouergue). Une édition en livre de poche (Hachette) est attendue pour le printemps prochain.


De la grotte aux feux de la rampe


Tout commence au printemps 1947. Sur le rivage nord-ouest de la mer Morte, à douze kilomètres de Jéricho, non loin des ruines antiques de Qumrân, un jeune berger bédouin, poursuivant des chèvres égarées, découvre deux orifices sur le flanc d'une falaise. Intrigué, il y jette une pierre et entend le bruit d'une poterie qui se brise.

Dans la grotte se trouvent des jarres contenant des rouleaux de manuscrits que les chercheurs attribueront à la «secte» juive des esséniens (de l'hébreu hassidim, pieux), connue jusqu'alors par les écrits de Philon d'Alexandrie, Flavius Josèphe et Pline l'Ancien. Fin 1951, les fouilles scientifiques commencent. Onze grottes vont livrer une douzaine de rouleaux à peu près complets et les fragments d'un millier d'autres, composés pour la plupart entre environ 150 av. J.-C. et 68 ap. J.-C. Le terminus ad quem correspond à la prise de contrôle des lieux par les Romains.

Le demi-siècle qui suit, jusqu'à nos jours, voit les travaux se poursuivre dans un climat parfois tendu, marqué par de vifs débats. Ceux-ci portent notamment sur l'exploitation commerciale des documents, la lenteur de leur publication, les différentes interprétations auxquelles ils donnent lieu. En 1991, deux universitaires américains, Robert Eisenman et Michael Wise, font scandale en publiant une version «pirate» des photographies des textes. Ils parlent - et le «New York Times» leur emboîte le pas en page une - d'une «omerta» qui aurait réservé la transcription et la traduction de certains écrits à «un club extrêmement fermé». On trouvera leurs propres traductions et commentaires dans «Les manuscrits de la mer Morte révélés» (Eisenman & Wisse, Fayard 1995, rééd. 2003) et «Les manuscrits de la mer Morte» (Wise & coll., Perrin, 2003). L'affaire inspire à Jacques Neirynck «Le manuscrit du Saint-Sépulcre», où le romancier imagine un texte ancien, trouvé lors de fouilles archéologiques, faisant l'effet d'une bombe en semblant remettre en question les fondements de la foi chrétienne.

Mais en quoi consistent réellement ces manuscrits? Rédigés en hébreu ou en araméen, ils comprennent la plupart des livres canoniques de l'Ancien Testament, des commentaires de la Bible, des textes considérés comme apocryphes par les juifs orthodoxes ainsi que des sources témoignant des croyances et de la vie des esséniens. Les fouilles menées localement ont également permis de cerner cette communauté extrêmement ascétique, fondée au IIè siècle av. J-C par un prêtre sadducéen de Jérusalem souvent appelé le «Maître de justice».

A mesure que les connaissances progressaient, nombre d'auteurs ont été frappés par l'existence de certains points communs entre l'essénisme et le christianisme naissant: ainsi pour le thème de la «Nouvelle Alliance», l'opposition des «Fils de Lumière» aux «Fils des Ténèbres», les béatitudes, la méthode à suivre pour «reprendre» son frère... Mais la comparaison atteint très vite ses limites. Relevons, entre autres différences, que:- les esséniens ne cherchent pas à annoncer une «bonne nouvelle» : ils vivent repliés;- l'essénisme se caractérise par une observance rigoriste de la Loi, «une surenchère du pharisaïsme», écrira Daniel-Rops, incompatible avec la manière dont le Christ relativise l'observance du sabbat ou les règles de pureté légale;- le genre littéraire des Evangiles, des Epîtres et des Actes des apôtres est foncièrement différent de celui des écrits esséniens;- au début de notre ère, observe Joseph Thadée Milik (chargé de recherche au CNRS) dans l'«Encyclopaedia Universalis», le mouvement essénien reçoit «une empreinte zélote» (nationaliste juive), en réaction à l'occupation romaine, alors que le Christ ne craint pas de décevoir ceux qui attendent de lui qu'il prenne la tête de la résistance: son Royaume «n'est pas de ce monde»...

La bibliographie qumrânienne est immense. A côté des travaux d'Emile Puech, on pourra se référer notamment à Hershel Shanks, dir., «L'aventure des manuscrits de la mer Morte» (Seuil, coll. «Points Essais»), Ernest-Marie Laperrousaz, dir., «Qumrân et les manuscrits de la mer Morte. Un cinquantenaire» (Le Cerf, 1997) ou André Paul, «Les manuscrits de la mer Morte» (Bayard-Centurion, 1997).

(La Libre Belgique) ajouté le 2004-01-28

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